Le Bouddhisme au Tibet/Chapitre 14

Traduction par Léon de Milloué.
Texte établi par Musée Guimet, Impr. Pitrat Ainé (p. 157-174).

CHAPITRE XIV


représentations de divinités bouddhiques

Divinités représentées. — Méthodes pour exécuter les objets sacrés. — Dessins et peintures. Statues et bas-reliefs. — Types caractéristiques. — Attitude générale du corps et position des doigts. — Bouddhas. — Bôdhisattvas. — Prêtres anciens et modernes. — Dragsheds. — Indications tirées des mesures

Nous savons par les anciennes légendes que, déjà dans les premiers temps du bouddhisme, les reliques et les images du Bouddha étaient très respectées ; les livres religieux commandent de les adorer ainsi que les monuments dans lesquels les reliques sont déposées ; nous voyons aussi que les images envoyées à des personnages royaux, sur leur demande, étaient d’abord ornées de l’inscription du dogme sacré « Ye Dharma » etc. et autres formules du même genre, afin de faire connaître à ces souverains les doctrines du bouddhisme[1]. Tels étaient les premiers objets du culte ; la manière de les honorer était aussi très simple ; on se prosternait devant les images du Bouddha, on leur offrait des fleurs et des parfums, on récitait des prières et des hymnes pour leur glorification. La même simplicité de rite domina jusqu’au septième siècle de notre ère, ainsi que l’indique Hiouen-Thsang, bien que le nombre des objets de culte et d’adoration eût augmenté ; car il rapporte que les principaux disciples de Sâkyamouni étaient alors adorés, ainsi que les Bôdhisattvas qui avaient excellé dans la vertu et les sciences, comme Mandjousri. Les écoles Mahâyâna, dit-il, ont même adoré tous les Bôdhisattvas sans autre distinction[2].

À présent, outre les choses et les personnages que nous venons de citer, les Bouddhas mythologiques, prédécesseurs de Sâkyamouni, et ceux qui le suivront, leurs Dhyanis Bouddhas et Dhyanis Bôdhisattvas, sont également adorés, et une foule de dieux, d’esprits et de prêtres déifiés jouissent d’une réputation locale de sainteté. Nous donnerons une idée de leur nombre en disant que la collection tibétaine d’images bouddhiques, connue sous le nom de « Galerie de Portraits », renferme les dessins de plus de trois cents Bouddhas, saints, etc. ayant chacun son nom inscrit au bas de son image[3].

Le bouddhisme moderne, pour faciliter le culte de ses nombreuses divinités, en a fait des représentations en quantité prodigieuse. Ces exemplaires se voient partout, il n’est pas de temple qui n’en contienne des lots ; elles sont installées dans les maisons particulières et en plein air ; les pages titres des livres imprimés ou même le commencement de chaque chapitre sont illustrés d’une figure en noir ou en couleur. Cet emploi si étonnamment fréquent des représentations divines, vient probablement de la croyance que l’image consacrée devient par là même « animée » (en mongol Amilakho), c’est-à-dire douée du pouvoir du dieu qu’elle représente ; c’est pourquoi on peut adresser les prières non seulement au dieu lui-même, mais encore à son image[4].

Les images sont fabriquées exclusivement par les lamas, qui excellent comme leurs maîtres les Chinois (qui les premiers ont introduit les images du Bouddha au Tibet), de qui ils ont appris à vaincre beaucoup de difficultés techniques inhérentes à la fabrication[5]. Le monopole exercé maintenant par les lamas tient surtout à la croyance que les prières adressées aux représentations des dieux ne sont efficaces que si ces images ont été exécutées dans les formes et avec les cérémonies prescrites que le clergé seul sait observer. Les cérémonies voulues sont nombreuses et variées ; certains jours sont propices pour commencer la peinture ; pendant d’autres on ne doit peindre que les yeux qui sont regardés comme la partie la plus importante de toute l’image. En outre, de nouvelles cérémonies sont nécessaires pendant les divers états de progrès de chaque peinture. Ainsi des cérémonies de bénédictions doivent se faire dès que l’image est entièrement terminée, de crainte que, à ce même instant, quelque méchant esprit (ces êtres sont toujours en éveil pour nuire à l’homme) ne vienne à en prendre possession, ce qui rendrait les prières absolument sans valeur[6].

Les objets plastiques tels que statues ou bas-reliefs sont aussi nombreux que les dessins et les peintures.

Les modèles de dessins sont appelés Sagpar et se font en décrivant les lignes extérieures d’un dessin original par de nombreuses piqûres d’épingle ; on frotte ensuite ces trous avec du charbon en poudre et les lignes se reproduisent sur un papier ou une toile préparée avec de la chaux et de la farine ; quand l’enduit est sec et dur, on le polit soigneusement avec une pierre avant d’employer la toile[7]. On trace alors les lignes à l’encre de Chine, et on couvre les différentes parties de la peinture de couleurs d’une teinte uniforme ; quelques ornements seulement sont ombrés. Quand la peinture est achevée, on la borde de plusieurs bandes de soie, ordinairement trois, bleu, jaune, et rouge, appelées Thonka ; quelquefois aussi des morceaux irréguliers d’autres couleurs sont cousus sur les bords. Comme les lamas n’ont pas de verre, ils emploient pour protéger les images contre la poussière des enveloppes de soie en façon de voiles. Le cadre de nos tableaux est remplacé par deux bâtons de bois ronds, dont l’un traverse le bord supérieur et l’autre l’inférieur ; ils facilitent la suspension du tableau et en même temps le tiennent étendu. Le bâton inférieur sert aussi à rouler le tableau quand on doit l’expédier.

STATUES ET BAS-RELIEFS

Pour faire ces objets on emploie des moules, que l’on remplit, de diverses matières plastiques, telles que l’argile et une sorte de papier mâché ou de pâte de pain ; les épreuves positives sont ordinairement séchées au soleil. On emploie rarement le métal pour ces statues. Ces images sont souvent colorées ou légèrement dorées. Chose singulière, le beurre même est employé pour ces reproductions ; on le colore de diverses couleurs végétales avant de le mettre dans le moule ; la tête, les mains et les pieds sont faits de beurre jaune, les vêtements avec du rouge et ainsi de suite. Ces images restent exposées devant les idoles sacrées jusqu’à ce que le beurre, en se décomposant, devienne intolérable ; alors on les détruit[8]. La finesse d’exécution des statuettes et médaillons, même les plus petits, est tout à fait surprenante.

Les figures plastiques les plus estimées sont celles qui renferment des reliques (cendres, ossements, cheveux, lambeaux de vêtements de saints), ou des grains préalablement consacrés aux Bouddhas dans le service divin. Les grains, avant d’être mis dans les figures, sont consacrés une seconde fois par une cérémonie particulière applée Rabne zhougpa. Les reliques ou les grains sont mêlés à la matière dont la figure est composée, ou bien enchâssés dans un petit creux au fond ou derrière la statue ; ce trou s’appelle Zoungzhoug, « place de Dharani », à cause des des zoungs ou des dharanis que l’on lit pendant les cérémonies de consécration. Le trou est refermé par un cachet, pour que les objets enfermés ne puissent tomber ou être enlevés sans qu’on s’en aperçoive, ce qui ferait perdre à la figure toute son influence bienfaisante. On appelle Satsas ou Tsatsas les figures qui renferment ces objets sacrés ; nom qui se donne aussi aux cônes en forme de chortens faits en argile par les voyageurs[9].

On trouve dans les dessins et les sculptures divers signes symboliques. Hodgson, dans plusieurs de ses ouvrages, a appelé l’attention sur ces signes

comme un moyen de déterminer si les ruines qui les présentent sont certainement des momunents bouddhiques ; il a récemment publié une collection de cent dix symboles tirés d’images, de livres et de sculptures sur pierre d’origine bouddhique népalaise, collection précieuse pour déterminer l’extension du bouddhisme dans les époques primitives. Dans ces ouvrages Hodgson établit dans plusieurs cas l’identité des symboles bouddhiques et des images des divinités sivaïtiques ; mais en étudiant de près leur sens, il arrive à cette conclusion que les objets figurés sont toujours plus ou moins et en général radicalement différents ; cette opinion est appuyée par Hoffmann qui a fait des recherches analogues sur les écritures et les images japonaises[10].

TYPES CARACTÉRISTIQUES

La comparaison des images de divers personnages sacrés révèle de suite une différence profondément marquée dans les attitudes, les traits, les vêtements et les emblèmes des différents groupes, surtout entre les Bouddhas, les Bōdhisattvas, les prêtres (anciens et modernes) et les Dragsheds.

Attitude générale du corps et position des doigts. — Il n’est pas permis à l’artiste qui fait l’image d’un dieu, de suivre son inspiration ou d’altérer en quoi que ce soit le dessin original. Pourtant plusieurs des dieux peuvent être représentés en diverses attitudes rappelant certains moments glorieux et importants de leur vie. Ainsi Sâkyamouni, avec une main levée, révèle son caractère de maître ; assis, une main tenant la coupe à aumônes, l’autre reposant sur le genou, est l’attitude choisie pour le représenter plongé dans la méditation ; la position de repos indique qu’il a quitté le monde pour toujours. Les onze faces, les mille mains et pieds de Padmapani se rapportent à la légende de la rupture de sa tête. Médha, le dieu du feu, quand il chasse les démons est monté sur un bélier rouge et a la plus horrible expression ; tandis que dans les représentations qui n’ont pas pour but de montrer sa fureur, il a l’attitude et le type d’un Bouddha.

La position des doigts (en tibétain Chakdja, littéralement un emblème, un sceau, en sanscrit Moudra) a aussi un sens allégorique. Ainsi la main droite posée sur les genoux, la paume de la main en dehors, symbolise la charité et on l’appelle Chagyo chin, « la bonne main de charité. »

L’attitude Rangi nying gar thalmo charva, c’est-à-dire, « unir les paumes des mains sur son cœur », est celle-ci : Les deux mains sont élevées, un doigt de la main droite touche un ou deux doigts de la main gauche, comme le fait une personne habituée à employer ses doigts à expliquer son intention. Cette attitude figure « l’unité de la sagesse avec la matière », en tibétain, Thabshes ou Thabdang shosrab, ou la prise de formes matérielles par les Bouddhas et Bōdhisattvas dans le but de répandre la droite intelligence parmi les êtres animés. Ce n’est certainement pas par hasard qu’aucun des gestes des bouddhistes ne ressemble à ceux des brahmes, quand ils accomplissent les cérémonies de leur culte[11].

Les Bouddhas sont des hommes, mais des hommes de forme très parfaite ; ils sont doués de trente-deux beautés supérieures et de quatre-vingts ou quatre-vingt-quatre secondaires[12]. C’est en conformité stricte avec ces qualités caractéristiques qu’ils sont représentés avec des traits doux et souriants ; on donne aussi la même expression à Maitreya, le Bouddha futur, qui dans tous ses autres attributs est l’égal des Bouddhas passés. Ceux-ci, les Manouschi Bouddhas, ont le teint doré ou jaune ; ces deux couleurs sont identiques, la dernière n’est qu’une substitution moins chère que l’or. Les oreilles sont grandes, les bouts reposent sur les épaules ; les bras sont longs ; ils n’ont qu’un seul cheveu sur le front, en sanscrit Ournâ ; sur le sommet de la tête est une élévation cylindrique, en sanscrit Ousnisha, en tibétain Tsougtor, et de celle-ci s’élève un ornement conique appelé en tibétain Progzhou ou Chodpan, « ornement de tête, couronne, diadème », qui est presque toujours doré. Les bouddhistes considèrent l’Ousnisha comme une excroissance du crâne, interprétation que n’appuie pas l’étymologie du mot, qui borne son sens à « un turban » ou « parure de cheveux ». Je crois que cette curieuse protubérance résulte de la façon dont les Brahmes arrangent leurs cheveux, mode très ancienne et que nous retrouvons dans les plus anciennes figures que nous connaissons. Les Brahmes rasent leurs cheveux, à l’exception d’un espace circulaire sur le sommet de la tête qu’ils tordent en nœud. Il est très probable que les bouddhistes ont donné à leurs sublimes maîtres cette prérogative de la plus haute caste indienne[13].

Les Dhyanis Bouddhas et les Bouddhas mythologiques ont le teint blanc, rouge, vert ou bleu. Les Dhyanis Bouddhas se distinguent en outre par un troisième œil sur le front, l’œil de sagesse, en tibétain Shesrab chan ; dans les images où Padmapani est représenté avec beaucoup de mains, cet œil est dessiné dans la paume de ses mains.

Tous les Bouddhas portent le châle religieux, le Lagoï, qui est ordinairement roulé autour du corps et sur l’épaule gauche avec un bout venant aussi sur la droite[14]. Leurs têtes sont encerclées d’une gloire, qui figure une feuille du figuier sacré (ficus religiosa) sous l’ombre duquel Sâkyamouni reçut le don de l’intelligence suprême ; dans les figures anciennes cette gloire est quelquefois pointue ou ovale comme une feuille, mais dans les représentations modernes elle a toujours la forme circulaire[15].

On représente toujours les Bouddhas la main droite vide, tandis que souvent de la gauche ils tiennent la coupe à aumône, en tibétain Lhoungzed, en sanscrit Patra. Leur posture la plus fréquente est la position assise, les jambes croisées et la plante des pieds en dehors ; elle est désignée sous le nom de Dordje kyilkroung. C’était, dit-on, la posture de Sâkyamouni dans le sein de sa mère. On voit rarement des images ayant un pied pendant devant le trône ; la mode de s’asseoir à l’européenne doit s’appliquer à Maitreya, car on l’appelle Chamzhoug, « qui s’asseoit comme Champa (Maitreya) » ; mais dans les images que nous possédons il est représenté les jambes croisées comme les autres Bouddhas.

Les Bouddhas, toutes les fois qu’ils occupent le centre d’un tableau[16], sont assis sur le trône des lions, en sanscrit Timhasana en tibétain Sengti ou Senge-chad-ti, « le siége de huit lions ». Ce trône est ainsi nommé des huit lions qui le soutiennent ; dans les dessins cependant on ne voit que deux lions en avant. Sur le trône est étendu un tapis appelé « la couverture de dessus », tibétain Tenkab ; un de ses bouts pend par terre et a pour ornements des symboles ou la figure d’un dieu. Des deux côtés de cette Tenkab on voit souvent deux têtes d’animaux qu’Hodgson appelle « les soutiens »[17]. Comme chaque Bouddha et Bōddhisattva a son animal particulier, cela peut aider matériellement à trouver le sujet des tableaux. Dans les images de Sākyamouni deux paons sont souvent dessinés aux deux côtés de la Tenkab, la forme de leurs longs cous rappelle le gazon Kousa dont le Bouddha fit le coussin sur lequel il s’assit sous l’arbre Bōdhi pour obtenir la sagesse suprême. Le trône est entouré d’un cadre richement ornementé, composé d’animaux fantastiques ; ceux d’en bas sont représentés couchés, les autres sont debout sur la tête des premiers et lèvent leurs pieds de devant. En haut du cadre figure ordinairement l’oiseau mythologique Garouda[18]. L’intérieur du cadre porte le nom de Jabyol, « le rideau de derrière » ; il est habituellement de couleur foncée. Le siége du trône est une fleur de lotus.

Les Bōdhisattvas, les Dhyanis Bōdhisattvas comme ceux d’origine humaine, sont représentés, comme les Bouddhas, avec un air souriant et une gloire ; leurs cheveux sont ordinairement rejetés en arrière du front et arrangés en un cône qui se dresse sur la tête, et quelquefois montre la frisure des cheveux ; il est orné de plusieurs galons d’or. Ils sont assis sur des fleurs de lotus, mais il ne leur est pas accordé de tronc ; dans les images où les figures sont représentées droites, le pédicule du lotus sort de l’eau. Plusieurs segments de cercle commençant aux pieds et se joignant à la gloire, servent de cadres à ces peintures. Les Bōdhisattvas ne sont jamais représentés avec le grand châle sacré, Lagoï ; leur vêtement est une sorte de jupe attachée autour des jambes à la manière des Hindous modernes. Une large pièce d’étoffe est roulée autour de la taille, un des bouts est passé sous la jambe, relevé et attaché à la ceinture. Cette manière de couvrir les parties secrètes est très ancienne, car nous la trouvons dans beaucoup de figures antiques[19] ; il est à remarquer aussi quelles insignifiantes modifications ont subi en Asie le vêtement et les costumes, tandis que dans un espace de dix siècles l’Europe a fait l’expérience de tant de changements. Un grand châle, les coins flottants, tombe des épaules. Le cou, les oreilles et les pieds sont ornés de colliers, d’anneaux et de bracelets.

Les Bōdhisattvas tiennent dans leurs mains des objets rappelant leurs fonctions si fréquemment décrites dans les légendes. Ainsi Mandjousri, le dieu de la sagesse, tient un livre et un glaive, symboles de son pouvoir de dissiper les ténèbres de l’esprit. La fleur de Lotus (Padma) que tient Padmapani rappelle qu’il est né de cette fleur. On voit souvent dans leurs mains un objet singulier, un lacet, en tibétain Zhagpa, avec lequel, dans un sens figuré, ils attrapent les hommes pour leur distribuer la divine sagesse. Une intéressante explication de ce symbole se trouve dans le Nippon Pantheon[20], à propos d’une image de Padmapani :

« Il répand sur l’Océan de naissances et de déclin la fleur de Lotus de l’excellente loi, comme un appât ; avec le filet de la dévotion, qu’il ne jette jamais en vain, il saisit les hommes comme des poissons et les porte de l’autre côté de la rivière où est la véritable intelligence. »

PRÊTRES ANCIENS ET MODERNES

Les disciples de Sākyamouni et les prêtres indiens défunts sont toujours représentés tête nue et les cheveux coupés courts ; l’attribut caractéristique

des premiers est le bâton d’alarme Kharsil, en sanscrit Hikilo, avec lequel les mendiants bouddhistes de l’Inde font du bruit quand ils quêtent ; en l’agitant ils font sonner les anneaux de métal passés autour du bâton et retenus par une masse de fils métalliques imitant la forme d’une feuille[21]. Les figures de lamas tibétains se reconnaissent à leur bonnet pointu.

Les Dragsheds ou dieux qui protégent l’homme contre les mauvais esprits, sont toujours représentés avec une expression formidable et un teint brun, souvent tout à fait noir[22] ; le troisième œil, l’œil de sagesse, sur le front, a son axe le plus long dans le sens vertical. Lha Doldjang[23], l’épouse déifiée de Srongtsan Gampo, a cet œil dessiné dans la paume de ses mains et sous la plante de ses pieds ; ces marques ont même une ressemblance accidentelle surprenante avec les marques de clous de notre Sauveur. Quelques-uns de ces dieux sont représentés sous la figure d’êtres fantastiques avec la tête ou la queue d’un animal. La gloire est remplacée par des flammes qui symbolisent la destruction[24]. Ils sont presque nus ; la peau de tigre, les pattes attachées autour du cou, pond derrière les épaules, et son extrémité forme la couverture de leur siége ; ils portent aussi un collier de crânes humains et des anneaux aux bras et aux pieds.

Les Dragsheds représentés debout ont les jambes écartées, souvent les pieds appuyés sur des hommes ; quelques-uns sont assis sur des animaux, ordinairement des chevaux ou des Lions ; on voit aussi des chameaux, des yaks, des daims, et même des crocodiles, mais jamais d’éléphants. La couleur de ces animaux s’écarte souvent de la nature, car on trouve des chevaux verts ou jaunes, ainsi que des lions à crinière verte et des crocodiles bleus.

Les instruments que l’on voit dans les mains des Dragsheds sont pour la plupart des symboles de leur pouvoir sur les démons. Ce sont :

1. Le Dordje, en sanscrit Vadjra. On ne peut mieux le comparer qu’à quatre ou huit cerceaux métalliques réunis de façon à former deux ballons ; leur axe central est un bâton cylindrique dont les pointes dépassent les anneaux. Dans les dessins on ne voit que deux cerceaux, les deux autres, par défaut de perspective, se confondent absolument avec l’axe. On voit aussi dans les dessins des Dordjes à un seul ballon, que, pour les distinguer, j’appellerai, quand nous les rencontrerons, demi-Dordjes.

2. Le Phourbou, « le clou » ; ils sont ordinairement trois réunis en un triangle, et attachés à un manche qui se termine par un demi-Dordje.

3. Le Bechon, « la massue ou bâton pesant » ; bâton à peu près de la hauteur d’un homme, avec le trident, Tsesoum, en sanscrit Trisoula, à un bout et un demi-Dordje à l’autre.

4. Zhagpa, « le piége, » pour prendre les démons.

5. Le vase à boire, Kapāla, crâne humain rempli de sang, dans lequel Lhamo a bu le sang de son fils. Ces crânes servent aussi de vases à offrandes dans certaines cérémonies religieuses.

INDICATIONS TIRÉES DES MESURES

À propos de l’énumération des beautés des Bouddhas, nous sommes naturellement conduits à penser aux formes plastiques données à leurs images et à celles des personnages sacrés d’un ordre inférieur. Au Tibet ces considérations sont d’autant plus dignes de notre attention que le pays est habité par une race totalement différente des races indiennes.

Mes frères se sont particulièrement attachés, dans leurs recherches ethnologiques, à prendre des empreintes faciales[25], moulées sur le vif par un procédé mécanique, et à définir, par des mesures minutieuses des différentes parties du corps, le caractère physique général de chaque tribu ; il leur a été permis de prendre aussi des mesures des statues de Bouddhas et autres sculptures représentant les divinités, etc., qui se trouvaient dans les temples. Ces mesures ont été pour moi une heureuse mine de matériaux qui, joints à l’analyse des images et à l’étude des spéculations des bouddhistes sur l’apparence extérieure de leur royal fondateur, me permirent d’approfondir l’étude des caractères ethnologiques des différentes classes de divinités représentées[26].

Nous avons trouvé, dans toutes les nations, que les représentations artistiques, sous forme humaine, de divinités et de figures de héros, sont des reproductions du type particulier du peuple[27], à moins que l’histoire n’ait quelque peu modifié ce penchant naturel. Les exemples de ce dernier cas sont pourtant beaucoup plus rares qu’on pourrait le croire. Voici, à mon avis, les principales causes qui expliquent le peu d’influence de l’histoire sur l’adoption et l’emploi de types étrangers : premièrement, l’emploi d’images d’un type étranger n’est que temporaire, les proportions corporelles particulières à un peuple étant toujours sous les yeux de l’artiste, elles sont bientôt reprises pour modèles ; secondement, les proportions corporelles montrent très peu de variations pendant des périodes d’une durée incroyable. Si le type d’une nation ne demeurait pas invariable pendant une longue suite de temps, il serait impossible de juger si des éléments étrangers se sont introduits dans l’art. Je citerai comme exemple frappant de la persistance du type national, les résultats d’une étude comparée des œuvres de la sculpture égyptienne[28] ; elles présentent, quoiqu’un peu déguisés sous la forme monumentale, les traits des habitants actuels de ces pays, ainsi que ceux des diverses nations voisines avec lesquelles leurs ancêtres ont été en contact.

La tendance de l’artiste à adopter dans les images religieuses le type particulier de sa nation s’observe partout où des images étrangères ont été introduites avec un culte étranger ; les images présentent les traits caractéristiques de la nation qui les a produites, les proportions du corps et les traits peuvent être quelque peu idéalisés[29] mais les vêtements, les ornements, les armes, etc., restent reconnaissables comme d’origine étrangère.

Une particularité des représentations religieuses du bouddhisme tibétain, c’est qu’elles présentent deux types coexistants bien arrêtés ; l’un offrant les traits tibétains, l’antre conservant les traces de son origine indienne. Les origines géographiques respectives des deux prototypes se présentent assez distinctement à l’œil exercé à l’examen des moindres traits ethnographiques, et même les naturels intelligents apprennent bientôt à distinguer les types quand leur attention a été portée sur les caractères indicateurs. Néanmoins il faut être très circonspect quand on touche à des considérations si délicates. Les questions de modifications idéales doivent être discutées et réglées, ici comme dans presque toute analyse d’œuvres artistiques, avant de se lancer dans une comparaison de dates positives ; et tel a été probablement l’obstacle à l’explication de formes qui paraissent, à première vue, extraordinaires et arbitraires[30].

La race bhot, qui appartient à la famille touranienne, a été si souvent décrite, que je me bornerai dans mes remarques sur ce peuple, à ce qui sera absolument indispensable. Les Bhots sont caractérisés par de larges traits, des os maxillaires forts et les paupières obliques, sans toutefois que l’orbite et la prunelle en soient affectés ; j’ajouterai comme autres traits, moins frappant peut-être, mais non moins typiques, que dans la race bhot, l’oreille est relativement longue, la bouche grande, la mâchoire inférieure et le menton mince. Dans toutes les représentations de Bouddhas et de Bōdhisattvas nous rencontrons, au contraire, des traits qui rappellent le type des races indiennes d’origine aryenne, le front haut et découvert, le menton large, symétrique et proéminent. Les remarques analytiques tirées des mesures nous montreront aussi que le corps même des Bouddhas présente beaucoup d’analogies, qui ne sauraient être accidentelles, avec les proportions corporelles de la famille aryenne. Les Dragsheds, les Génies et les Lamas offrent le caractère tibétain.

Avant d’entrer dans les détails, je dois dire quelques mots sur la forme dans laquelle se présente le matériel numérique. Afin de faciliter la comparaison immédiate, les valeurs données ici sont des valeurs proportionnelles ; les dimensions absolues se rapportent, par la division par la hauteur totale, à cette hauteur prise pour unité ; on peut les obtenir de nouveau en multipliant le nombre respectif par la hauteur totale qui a d’abord servi de diviseur. Sa valeur moyenne pour les Brahmes est de 5 pieds anglais et 6 pouces ; pour les Bhots, 5 pieds 4 pouces. Pour les statues, les valeurs absolues sont bien moins importantes ; il est particulièrement nécessaire de ne pas perdre de vue que les objets de fabrication grossière et de très petites dimensions ont été écartés parce qu’ils ne pouvaient pas offrir une bonne proportion. Comme valeur moyenne approximative de hauteur absolue je prendrai 3 à 4 pieds pour le groupe G et 2 à 3 pieds pour le groupe D. Le groupe G comprend en outre deux statues de Berma, qui dépassent 10 pieds[31] ; elles ont été données à Hermann par le docteur Mouatt, qui se les était procurées quand il accompagnait l’armée dans l’expédition contre Rangoun. On a tenu compte des mesures de ces deux statues seulement, parce qu’une comparaison soigneuse avec des figures de Bouddhas, mesurées au Tibet, a montré qu’elles offraient des proportions presque identiques et avaient en outre l’avantage de fournir, grâce à leur taille, des valeurs bien définies.

La première et la seconde colonne de la table qui suit contiennent les moyennes des diverses mesures du corps humain. Les dimensions des Brahmes sont basées sur cinq individus de haute caste et de race parfaitement pure ; celles des Bhots sur trente-sept hommes, tous de pur type tibétain, bien qu’ils comprennent des naturels de toute l’étendue de pays qui s’étend de l’Himalaya oriental au Tibet. La troisième colonne des tables présente les mesures moyennes de représentations plastiques et aussi de peintures ; ces dernières représentent des Bouddhas et des Bôdhisattvas. La quatrième colonne donne celles des Dragsheds, Génies et Lamas.

Les parties du corps mesurées sur les individus vivants ont été limitées à celles qui, par une étude variée et approfondie, ont paru caractéristiques[32]. En outre, on a encore exclu, dans la comparaison avec les statues, les parties du corps dont les limites ne peuvent pas être bien définies dans des sculptures vêtues ou drapées.

Quelques mots suffiront à expliquer les termes employés dans les dimensions du corps.

Par vertex il faut entendre la jonction des principaux os du crâne, coïncidant avec la naissance des cheveux.

Le diamètre antéro-postérieur est la ligne qui joint le centre du front à la jonction de la tête et du cou.

Les distances du sommet de la tête au trochanter et du trochanter au sol, donnent la hauteur totale de l’homme. Le trochanter est la partie extérieure proéminente de l’os de la cuisse près de son extrémité supérieure.

Le span total est la distance du bout d’un doigt du milieu au bout de l’autre, les bras étant étendus horizontalement dans toute leur longueur Dans ces statues on obtient le span total en ajoutant la longueur des mains et des bras à la largeur du torse aux épaules.

L’oulna (cubitus) est l’os du coude ; ses extrémités sont marquées par le coude et la protubérance du poignet du côté du petit doigt.

Il est évident que dans la comparaison des valeurs relatives, la somme de différence n’a pas la même importance pour toutes les parties mesurées ; car si un même objet est déjà petit en lui-même, une petite différence a dans ce cas la même valeur qu’une autre beaucoup plus grande dans d’autres cas.

1. DIMENSIONS DE LA TÊTE
Hauteur totale du corps = 1
PARTIES MESURÉES A

brahmes
B

bhots
C
bouddhas
bodhi-
sattvas
D
dragsheds
génies
lamas
Périphérie autour du front 
0.322 0.345 0.350 0.420
Du vertex au bord de l’orbite 
0.103 0.111 0.110 0.131
Du vertex à la base du nez 
0.123 0.131 0.140 0.150
Du vertex à la bouche 
0.133 0.140 0.150 0.152
Du vertex au menton 
0.145 0.149 0.166 0.160
Diamètre aux tempes 
0.078 0.081 0.088 0.100
Diamètre antéro-postérieur 
0.105 0.114 0.114 0.130
Yeux. — Distance extérieure 
0.035 0.065 0.071 0.087
intérieure 
0.021 0.022 0.023 0.030
longueur de l’œil 
0.017 0.022 0.024 0.029
Os maxillaires ; largeur 
0.064 0.078 0.081 0.090
Nez longueur 
0.022 0.023 0.025 0.029
Bouche, longueur 
0.029 0.033 0.035 0.033
Oreille  
0.070 0.040 0.110 0.035

Les chiffres de la table montrent que toutes les dimensions de la tête sont plus grandes dans les deux groupes des figures que dans ceux des hommes ; les figures ont en général la tête beaucoup trop grosse pour leur taille, mais les irrégularités ne sont pas les mêmes dans chaque groupe. La forme la plus arbitraire est celle de l’oreille ; ainsi le bout de l’oreille, perforé pour recevoir des ornements, peut prendre une longueur inusitée et tombe quelquefois jusqu’aux épaules. Les yeux sont extrêmement grands, et ont dans les deux groupes le type bhoutan fortement, quoique inégalement marqué ; ils ont les angles extérieurs relevés, l’arc horizontal incliné et sont d’une grande longueur ; l’effet de ces dimensions devient encore plus frappant par ce fait que très souvent les yeux ne sont qu’à demi ouverts. La périphérie autour du front, le diamètre aux tempes, et surtout le diamètre antéro-postérieur, sont beaucoup moins exagérés dans les figures de Bouddhas, groupe C, que dans celles des Dragsheds et des Lamas, groupe D. Les parties qui diffèrent le moins dans les divers groupes sont la bouche, les os maxillaires et la largeur du nez à sa base comme entre les yeux ; dans le groupe D cependant, ces parties sont un peu plus grandes.

Quand on définit le caractère général de la tête dans les groupes respectifs, on trouve dans le groupe G une longueur verticale relativement plus considérable et la tête plus ovale. Dans le groupe D la tête est élongée horizontalement, ce qui est aussi le type caractéristique de la race bhot, groupe B ; dans tous les deux le front est bas et la mâchoire étroite. La distance du vertex au bord de l’orbite et à la base du nez est plus grande dans le groupe D que dans le groupe G ; la distance du vertex au menton, par contre, est considérablement moindre dans le groupe D ; dans le groupe G elle excède la distance à la bouche de 0.016 et seulement de 0.008 dans le groupe D. Le type brahme pur A donne pour différence respective 0,012.

PARTIES MESURÉES A

brahmes
B

bhots
C
bouddhas
bodhi-
sattvas
D
dragsheds
génies
lamas
Hauteur totale 
1.000 1.000 1.000 1.000
Sommet de la tête au trochanter 
0.446 0.449 0.430 0.410
Du trochanter au sol 
0.554 0.551 0.570 0.590
Span total 
1.025 1.069 1.080 1.117
Longueur du bras 
0.433 0.451 0.449 0.439
du cubitus 
0.165 0.164 0.149 0.155
de la main 
0.107 0.116 0.110 0.111
Longueur du pied 
0.144 0.145 0.140 0.144
Largeur  
0.057 0.058 0.050 0.051

D’après les dimensions du corps nous voyons, comme particularité des figures, que la partie supérieure est trop courte : j’ai observé ce fait plus fréquemment dans les petites figures que dans les grandes. Le span total est trop grand ; ceci tient moins à la dimension disproportionnée des bras, qui dans le groupe G ont une tendance à rester au-dessous de la proportion, qu’à la largeur quelque peu exagérée des épaules. Le cubitus est absolument trop court ; la main, quand elle est bien rendue, ne varie que très peu, mais dans les figures mal exécutées elle est quelquefois trop longue. Le pied est assez bien proportionné en longueur et en largeur, bien que dans les petites figures ses dimensions dépassent souvent la moyenne, surtout en longueur ; mais ceci peut être considéré comme arbitraire, car dans les grandes figures ces dimensions restent, presque aussi fréquemment, au-dessous de la moyenne.

  1. Burnouf, Introduction, pp. 347-351. Schmidt, Grundlchren, Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. I, p. 333. Voyez, planche I, les textes sanscrits et tibétains.
  2. Barthélemy Saint-Hilaire, le Bouddha et sa religion, pp. 288-297.
  3. Cette galerie de portraits ressemble à la collection japonaise de figures de Bouddhas nommée Bouddhas Pantheon of Nippon, qui fut composée en 1690 et se compose de six cent trente et un dessins. Le professeur J. Hoffmann, de Leyde, l’a publiée et expliquée par ses annotations, dans les Nippon Archiv zur Beschreibung von Japon, de Siebold, vol. V.
  4. Voyez Schmidt, Ssanang Ssetsen, p. 330. Je renvoie le lecteur aux légendes sur l’influence des peintures apportées au Tibet par les épouses de Srongtsan Gampo sur la propagation du bouddhisme et la prospérité des Tibétains. Ibid., p. 345.
  5. Au sujet de l’art chinois, voyez Nott et Gliddon, Indigenous races, p. 302.
  6. Un ouvrage incorporé dans la division Gyout du Kandjour traite aussi des cérémonies à célébrer dans ces occasions. Voy. Csoma, Analysis, As. Res., vol. XX, p. 503. Annales du Musée Guimet, t. II.
  7. Les Kalmouks et les Mongols impriment les lignes extérieures du dessin avec des bois gravés. Pallas, Mongol. Völker, vol. II, p. 105.
  8. Voyez aussi Huc, Souvenirs, vol. II, p. 95. À Ceylan on fait des statuettes de riz. Hardy, Eastern Monachism, p. 202.
  9. Voyez page 124.
  10. Hodgson, Illustrations, p. 209. Journ. R. As. Soc., vol. XVIII, p. 393 ; nous avons supprimé, par raison d’économie, trente-trois symboles tirés des monnaies ; voyez pour les remplacer les séries de cent soixante-huit symboles rassemblés par Wilson, planche XXII, dans son Ariana antiqua. Hoffmann, Nippon Pantheon, remarques sur les fig. 163, 432.
  11. Cette remarque est tirée de l’ouvrage in-folio de M. S. C. Belno, The Sunday or dayly prayers of the Brahmans, Londres, 1851. Pour les gestes bouddhiques, voyez les planches d’Hoffmann, Buddha Pantheon.
  12. Voyez Burnouf, le Lotus, appendice viii. Hardy, Manual, p. 367.
  13. Burnouf, le Lotus, p. 558, croit que cette coiffure a été adoptée comme protection contre l’action dangereuse du soleil. On retrouve une trace de son sens original dans le mot tibétain Tsougtar pour Ousnisha, qui est traduit dans les dictionnaires « une touffe de cheveux » et « une sorte d’excroissance au sommet de la tête ». Un prêtre bouddhiste népalais, parlant de l’image de Vadjrasattva à Bouddha-Gayah, dit aussi : « La boucle sur le sommet de la tête est tordue en turban ». Hodgson, Illustrations, p. 206.
  14. Voyez page 110, la description du Lagoï.
  15. Voyez Ritter, Die Stupas, pp. 232, 267. Au sujet de l’origine du culte du figuier, voyez Hardy, East. Monachism, p. 212. Chaque Bouddha a son arbre particulier, ibid., p. 215, et Manual of Buddhism, p. 94.
  16. Les Tibétains aiment à grouper plusieurs dieux dans le même tableau ; les uns sont représentés avec des attitudes formidables et les autres montrent une expression souriante. La figure principale occupe le centre ; les personnages qui l’entourent ont ou n’ont pas de rapport avec elle. La figure centrale est souvent assise sur un trône au milieu d’un paysage représentant l’océan bordé de rivages escarpés ; deux montagnes neigeuses s’élèvent à droite et à gauche ; au-dessus de la figure s’étend un ciel sombre, nuageux, où le soleil et la lune sont figurés par deux cercles brillants. Comparez Pallas, Mongol. Volker, vol. II, p. 105.
  17. Illustrations, p. 43. Les signes mystiques sur la Tenkab sont appelés par cet auteur Connaissances ou Moudras. W. O. Humboldt, Kawi Sprache, vol. I, p. 137, les compare à un cimier héraldique avec ses supports.
  18. On les rencontre déjà dans les anciennes statues ; voyez Crawford, Lit. Soc. of Bombay, vol. II, p. 154, réimprimé dans son Archipelago. Des piliers avec sculptures d’animaux mythologiques sont un ornement fréquent dans l’architecture hindoue ; par exemple le principal temple de Tandjor.
  19. Voyez Cunningham, The Bhilsa Topes, planche XII.
  20. Nippon Pantheon, fig. 6.
  21. Voyez Schiefner, Tib. Lebenbeschreibung, Mém. des Sav. Étr., vol. VI, p. 323, et Foe koue ki, p. 92-355, pour la description du bâton de Sākyamouni. Dans le Kandjour, division Do, vol. XXVI, nous trouvons un traité qui explique l’usage de ce bâton. Csoma, As. Res., vol. XX, p. 479. Les Kharsils gravés sur les sceaux officiels des Lamas chefs de monastères se terminent par un trident au lieu d’une feuille de métal.
  22. Comparez p. 70, et Pallas, Mongol. Völker, vol. II, p. 105.
  23. Voyez page 42.
  24. Ainsi dans le curieux manuscrit sur la mythologie de Berma, offert par le docteur G. von Liebig à la bibliothèque de Munich (Cim. 102), on rencontre à plusieurs reprises cet ornement de flammes employé en guise de couronne ou de bracelets, et même les parties du vêtement qui flottent au vent, se terminent par des flammes.
  25. La série entière comprend deux cent soixante-quinze empreintes faciales, publiées en gravures sur métal par J.-A. Barth, de Leipsig. On remarque dans cette reproduction quatre teintes de couleurs différentes, correspondant aux principales variations de teint.
  26. Les matériaux ethnographiques réunis par mes frères pendant leurs voyages feront le sujet du vol. III des Results of scientific Mission to India and High-Asia. Nous avons déjà calculé les valeurs numériques dont nous avions besoin pour la comparaison de la mesure des sculptures avec les proportions moyennes chez les Brahmes (la caste la plus pure de l’Inde) et les individus de race tibétaine.
  27. Les facultés mentales et artistiques d’une nation subissent des modifications dans le cours des temps et agissent dans le même sens sur ses productions, qui soit des perfectionnements des anciens modèles ou qui montrent la décadence dans l’exécution de ces œuvres.
  28. Parmi les principaux ouvrages qui traitent de ces questions intéressantes et délicates, je citerai Types of mankind et Indigenous races, par Nott et Gliddon. On peut citer, comme un phénomène qui corrobore l’invariabilité du type original, les colonies juives de l’Inde, qui ont gardé le type et le teint clair de la race sémitique partout ou ils se sont abstenus d’alliances avec les naturels ; mais qui ont pris le type des natifs, quand il y a eu mélange des deux races.
  29. Comme exemple curieux et jusqu’à présent unique d’un écart apparent des proportions naturelles dans la sculpture, je citerai qu’Hermann a observé dans les sculptures de Ninive que le pied est considérablement plus long que l’avant-bras ; tandis qu’en plastique les erreurs arbitraires de ce genre s’exercent ordinairement dans le sens opposé. Je dois ajouter toutefois que jusqu’à présent il est impossible de décider si cette déviation repose sur une particularité anatomique réelle, car aucuns restes humains, aucun portrait de Ninivites par d’autres nations qui pourraient corroborer ce fait, n’existent dans les riches musées orientaux de Londres. Peut-être les recherches persistantes et les découvertes importantes faites dans ces régions par sir Henri Rawlinson, à qui mon frère a communiqué sa remarque, nous aideront-elles bientôt à décider cette question.
  30. Je me borne ici, presque exclusivement, au bouddhisme tibétain. La Chine, le Japon et Ceylan, comme aussi l’archipel indien, ont leurs dieux propres qui montrent, comme ou devait s’y attendre, des types différents de ceux des représentations tibétaines.
  31. Les statues de Bouddhas de dimensions colossales ne sont pas rares à Berma et au Tibet. Un album de quatre-vingt-dix photographies, par le colonel Tripe, dont le gouvernement de Madras a fait faire plusieurs copies pour les distribuer officiellement, contient plusieurs exemples de statues de Bouddhas variant de 20 à 40 pieds du haut : ces figures sont tantôt assises, tantôt debout. Les Bouddhas sont représentés ou en hommes ou en animaux, en souvenir des actes pieux remarquables qu’ils ont, suivant les légendes, accomplis sous cette forme. Au Tibet mes frères ont vu une statue d’une dimension inusitée élevée dans le temple de Leh ; cette statue représente le Bouddha en méditation (assis), elle est un peu plus haute que le temple, une partie de la tête sort en plein air par un trou dans le toit. L’exécution de cette statue est aussi curieuse que ses dimensions ; le corps est un châssis de bois habillé d’étoffes et de papier ; la tête, les bras et les jambes sont les seules parties qui soient moulées en argile. Le Bouddha assis en avant des figures sculptées dans la gravure sur bois, imprimée planche XXXV, est un souvenir d’une figure pareille de taille colossale ; le cône qui dépasse le toit semble être une partie de son ornement de tête.
  32. Voyez aussi pour la définition anatomique des parties mesurées et la description des instruments employés, le mémoire d’Hermann de Schlagintweit dans Bar et Wagner, Bericht über die anthropologiste Versammlung ; Göttingen, 1861.