Le Bassin d’Arcachon - L’Ostréiculture, la Pêche, les Dunes

LE
BASSIN D’ARCACHON

L’OSTRÉICULTURE, LA PÊCHE, LES DUNES.

Qui donc a prétendu que les plus charmans voyages, après ceux que l’on avait l’intention de faire, étaient ceux que l’on avait déjà faits ? Il en est peut-être ainsi de ces grands voyages par-delà les mers, à travers les déserts, les glaces des pôles ou sous les rayons du soleil des tropiques. Ces voyages sont pour les jeunes dont le corps, dans la plénitude de sa force, jette un défi à la mauvaise fortune, et qui, avec la suprême audace, la suprême confiance de la vigueur et de la santé, ne redoutent aucune épreuve. Sans même en avoir conscience, ils sont persuadés que la maladie, — l’odieuse maladie, — à la vue de leur visage souriant, les saluera de loin, qu’elle s’en ira s’adresser à quelque autre, plus riche d’années, plus pauvre d’ardeur, et lui rappellera, par les horribles tenaillemens des rhumatismes ou les affaissemens douloureux de la fièvre, que l’âge des audaces est passé et que le corps est une chère guenille qui exige des ménagemens. S’il est doux de faire de tels voyages, il y a plus de douceur encore à en évoquer le souvenir aux heures où, les pieds sur les chenets, devant un feu qui s’éteint, on suit de l’œil les étincelles qui courent sur les tisons et disparaissent avec des craquemens ; quand, par une soirée d’hiver, on écoute siffler la bise, et l’on songe qu’autrefois, il y a vingt ou trente ans, elle mugissait bien davantage pendant cette fameuse nuit, alors que, blotti sous la mince toile d’une tente, couvert par la voûte sombre du feuillage de la forêt vierge, à travers les paupières closes par le lourd sommeil de la fatigue et surtout par une sorte d’invincible terreur, on était aveuglé par l’éblouissante clarté des éclairs. Les oreilles étaient assourdies au bruit des roulemens continus du tonnerre et au fracas des arbres frappés de la foudre, s’abattant en brisant sous leur masse le monde touffu des arbres plus petits et des buissons serrés à leur pied. Il est cependant d’autres voyages à la portée de tous les corps, de toutes les santés et de toutes les bourses, particulièrement à notre époque où l’on a, paraît-il, découvert l’art, jadis inconnu, de ne jamais manquer d’argent pour les choses superflues et qu’il est aussi agréable de faire que d’avoir faits. Celui que je vais raconter n’a eu lieu ni en Sibérie, ni dans l’Himalaya, ni au centre de l’Afrique, contrées qui, pour le moment, se partagent les sympathies des touristes, mais en France. C’est une excursion et non une exploration. Pour l’avoir accompli, je n’ai mérité aucun des lauriers dus aux explorateurs ; je me suis simplement diverti et intéressé, et, maintenant qu’il est terminé, j’y pense avec tant de plaisir que je suis heureux de trouver, en le racontant, l’occasion d’y penser encore. Le théâtre de ces modestes exploits est la ville d’Arcachon, le bassin qui la baigne et les dunes qui en avoisinent l’entrée.


Lorsque de Bordeaux on se dirige en chemin de fer vers Arcachon et que, la tête à la portière, on se livre à cette aimable occupation qui consiste à regarder le paysage ; que, paisiblement assis, on croit voir l’inconnu accourir au-devant de soi, tandis que tout ce qui est connu, champs, prairies, villes et villages, comme de crainte de vous lasser, s’enfuit au loin par derrière, on comprend aussitôt qu’on pénètre dans un pays nouveau. Les vignes deviennent plus rares, les maisons de campagne s’espacent, les pins se rassemblent, se serrent les uns contre les autres. On les avait d’abord aperçus isolés, dominant les toits de quelques villas de leur feuillage où chante le vent, maintenant ils se groupent en bouquets de trois ou quatre arbres ensemble, ils se réunissent en petits bois, puis en forêt et, sinon administrativement, car on est encore dans le département de la Gironde, du moins naturellement, géographiquement, on entre dans la région des Landes. Le passage est rapide sans être trop brusque. La brusquerie et sa sœur aînée la brutalité sont de laides choses, et l’homme de goût préfère aux surprises les transitions délicates, un peu estompées sur leurs bords, qui réveillent agréablement l’imagination. L’on n’est plus en France et pas encore en Espagne. Les costumes ont cessé d’être ceux du centre et du nord ; les paysans, vêtus d’une courte blouse bleue, souvent chaussés d’espadrilles, sont coiffés du béret. Leur type se transforme ; ils prennent un visage osseux, aux saillies accusées, des pommettes saillantes, des mâchoires fortement accentuées, avec une bouche fine, un menton rond soigneusement rasé ; le teint devient bistré, les yeux vits, la démarche nette et saccadée.

En moins d’une heure de route, on aperçoit la mer. On franchit d’anciens marais salans, on distingue à droite une longue bande bleue, bordée par une ligne sombre marquée de tâches grisâtres qui sont des villages perdus dans la brume de l’horizon, le train ralentit sa marche, il s’arrête, on est à Arcachon.

En allant droit du côté de la ville d’hiver, on passe devant le casino, on tourne à gauche, on tourne à droite, on enfile une ruelle encaissée entre les haies des jardins environnans, on escalade un escalier de gros galets disposés en gradins, on traverse un pont suspendu au-dessus d’une route, on arrive à l’observatoire, on donne trois sous au gardien, on gravit le susdit observatoire, mât d’une trentaine de mètres de hauteur qu’entoure un escalier suspendu en colimaçon, on dépasse la première plate-forme, on parvient à la seconde et, du sommet de cette espèce de cage aérienne qui ressemble à la hune d’un ancien vaisseau et qu’on sent osciller, on regarde. On a devant les yeux, réduit en véritable carte de géographie, carte bien vivante, le pays qu’on n’aura pas trop de temps pour étudier en deux bons mois, Arcachon, ses forêts et son bassin.

Le panorama est immense et splendide. On est quelque peu effrayé d’employer certains mots du genre, par exemple, des adjectifs dont je viens de me servir ; on les a obligés à qualifier tant de choses qui n’étaient rien moins qu’immenses ou splendides. Et pourtant il est impossible de ne point les prendre ici pour caractériser l’immensité et la splendeur. Le regard parcourt l’horizon, en fait le tour entier sans être nulle part arrêté. On se croirait oiseau de proie planant au milieu des airs. Au midi, une nappe de feuillage. Par places, on soupçonne, à un léger assombrissement de la teinte vert sombre des plus que les arbres suivent un faible vallonnement du terrain et descendent une pente douce pour la remonter ensuite. La forêt se continue toujours au-delà, toujours plus loin : on cesse de la distinguer qu’on la devine encore ; on comprend qu’elle existe. De fait, elle va jusqu’à l’Adour en suivant les dunes et atteint les premiers contreforts des Pyrénées. Si l’on regarde vers l’est, immédiatement au dessous de soi, on aperçoit encore des arbres laissant entre eux quelques intervalles vides. De même que, dans une prairie, le tapis d’herbe verte laisse passer les fleurettes blanches dont il est émaillé, à travers les feuilles apparaissent les maisons isolées ou réunies en une sorte d’agglomération, comme à la Teste-de-Buch, située en arrière à droite, ou pour former la double ville d’Arcachon. La ville d’hiver, directement dominée par l’observatoire, est la plus proche ; l’autre, la ville d’été, s’étend en une longue ligne, de la pointe de l’Aiguillon à la pointe du Bernet. Çà et là, se dresse quelque édifice plus remarquable : le clocheton pointu d’une villa, le belvédère du château Deganne, la flèche de l’église Notre-Dame d’Arcachon ou le clocher de Saint-Ferdinand.

Un merveilleux spectacle est celui de la nappe bleue du bassin, à marée haute, étincelant à la lumière d’un beau jour d’été, piquetée de voiles blanches, pointillée de taches noires, les pillasses, au milieu de laquelle se détache, avec la couleur mate des terrains souvent inondés, revêtus de la végétation terne des herbes salées, l’île aux Oiseaux, sans un arbre, où des huttes de pêcheurs sont alignées en file. Au-delà, à l’horizon, du côté du nord, se rapprochant à mesure qu’on se tourne vers la droite ou vers la gauche, la limite du bassin, régulière, jalonnée d’espace en espace par des villages : Arès, Andernos, Audenge, noms de musique grecque et dont les clochers sont baignés dans la brume pâle qui enveloppe les lointains. À l’ouest commencent les dunes plongeant dans les eaux qui en reflètent et en allongent la blancheur, pareilles à ces empâtemens de blanc donnés par les peintres comme au hasard du pinceau pour faire ressortir la finesse de ton des premiers plans et bien accuser la transition aux fonds éloignés. Par derrière est l’océan, l’Atlantique, où un mince trait noir, à l’extrême limite de la mer et du ciel, marque la trace des grands navires qui arrivent du Sénégal ou du Brésil et cherchent à gagner l’entrée de la Gironde pour atteindre Bordeaux. Les dunes se disposent en mamelons, elles s’abaissent presque jusqu’au ras des flots ; le phare du cap Ferret monte droit et isolé ; et, un peu plus loin, à l’extrémité du chenal qui met le bassin d’Arcachon en communication avec la mer, large fleuve où, deux fois par jour, le courant change de sens avec la marée, on aperçoit l’entrée des passes, coupées de bancs de sable, la terreur des marins, bordées par les vagues d’une éternelle frange d’écume. Au-dessus de tout cela, des bois, de la verdure, des eaux calmes du bassin, des villages, des dunes et de l’océan, un dôme immense que l’élévation d’où on le contemple rend plus immense encore, le ciel ruisselant de soleil, versant la lumière à torrens, couvrant les flots de paillettes, faisant crier la blancheur des sables et vibrer les toits rouges des villas d’où l’air échauffé s’élance en colonne frémissante. Le tableau est cependant rempli d’une telle uniformité de richesse, éclairé avec tant d’intensité jusque dans ses détails les plus infimes que tout demeure en un unisson de splendeur sans que rien soit sacrifié. La justesse des proportions réduit ce que tel détail pourrait avoir d’excessif, et il devient possible à l’homme d’admirer, sans en être écrasé, la radieuse harmonie de ce qui lui paraît vaste comme un univers.

Voilà le spectacle qui se développe sous les yeux de quiconque consent à faire l’ascension de l’observatoire ; et les quinze centimes d’entrée dus au gardien, sans compter le prix du voyage, ne le paient véritablement pas trop cher. Nous allons maintenant descendre et, comme nous connaissons l’ensemble du pays, nous en examinerons à loisir et en détail les diverses parties : la ville d’hiver, la ville d’été, la plage, le bassin et les dunes.

La ville d’hiver est un labyrinthe, le triomphe de la ligne courbe, et, pour ma part, après bien des tentatives, j’ai décidément renoncé à reconnaître mon chemin dans ce dédale d’avenues où l’on entre comme l’on veut et d’où l’on sort comme on le peut. Je n’ai jamais essayé de la traverser sans m’y perdre. Pendant le temps que l’on consacre à errer à la recherche d’une issue, que souvent on ne trouve qu’à l’endroit même par où l’on est entré, le mieux, pour prendre patience, consiste à philosopher. On se rappelle certaines époques de l’existence où l’on forme de bonnes résolutions ; on décide fermement de diriger sa conduite d’après des règles fixes et mûrement réfléchies, de marcher, indifférent à tout, saut à ses déterminations, jusqu’à un idéal rêvé dont notre fermeté nous garantit la possession future. Hélas ! on a beau s’appliquer, les chemins de la vie sont courbes, eux aussi ; les bons et les mauvais se ressemblent à s’y méprendre ; on s’y égare, et les résolutions, que l’on a pourtant maintenues avec courage, ramènent directement au point de départ. On a peiné, lutté, et l’on n’est pas plus avancé qu’auparavant.

Chaque avenue est bordée de clôtures en barreaux de bois ou par des grilles de fer, derrière lesquelles sont des haies vives entourant des villas, qui se succèdent abritées sous les plus et toutes différentes d’architecture, ce qui finit par empêcher de les distinguer les unes des autres. Villas en pierres, en briques, en bois, villas à balcons, villas à toits en pignons, en auvens, rayant les façades d’une grosse bande d’ombre, villas à tourelles, villas à perron, villas à jardins ratisses, peignés, soignés, à gazons toujours arrosés, toujours frais tondus, à massifs de fleurs près desquels le passant aperçoit trop souvent quelques personnes assises autour d’un grand fauteuil où, entre des oreillers, repose une tête amaigrie, au visage alangui ; villas de malades riches qui viennent demander aux effluves chauds et balsamiques des pins un renouveau de force et de vie ; palais rustiques de la ville d’hiver devant lesquels on est ému parce que le luxe ne réussit pas à cacher les angoisses qui y règnent et les larmes qui doivent y couler. En les fuyant, on se sent heureux de respirer librement, de marcher rapidement et gaîment, sans craindre la brise fraîche de cette mer qui réserve tant de joies et d’admirations à ceux qui peuvent en supporter les rudes caresses.

La ville d’été suit la plage. Elle est un peu plus ramassée au centre, vers la place fermée par une balustrade livrant passage à deux escaliers dont l’eau baigne le pied, à marée haute, et où se trouvent réunis les cafés et les magasins. Elle se prolonge en une interminable rue d’environ 5 kilomètres. L’extrémité ouest est le quartier aristocratique ; l’extrémité est, du côté d’Eyrac et du faubourg Saint-Ferdinand jusqu’à la pointe de l’Aiguillon, est habitée par beaucoup d’artisans et de pêcheurs, et le pittoresque n’y perd rien. On est frappé de l’uniformité des habitations en bois, sans étage, ou surmontées d’un seul étage entouré d’un balcon, couvertes d’un toit plat, cachées sous la verdure. Arcachon a pris pour devise sa propre histoire ; autrefois solitude, hier village et aujourd’hui ville. On raconte qu’il y a une cinquantaine d’années, Tune des premières maisons de cette solitude fut bâtie par un marin qui avait longtemps voyagé dans l’Inde. Il voulut être logé comme on l’était là-bas et retrouver pendant ses jours de repos le souvenir matériel du pays qu’il avait jadis connu : son habitation fut un véritable bungalow, et les constructeurs qui sont venus ensuite ont eu le rare bon esprit d’imiter l’exemple donné. Il y a auprès des bains d’Eyrac, et avant d’arriver à l’église Saint-Ferdinand, quelques curieuses maisons de pêcheurs et d’artisans. L’une d’elles s’élève sur la plage même, un peu en contre-bas de la route. En réalité, elles sont trois ou quatre, appuyées les unes contre les autres, confondues en une seule formant un groupe bien isolé. Du milieu des tuiles rouges sortent de grosses cheminées, trapues, larges, faites pour les feux clairs et pétillans des sarmens de vignes, des branches de plus et des fagots de genêts et d’arbousiers. On y pénètre par une porte quelque peu déjetée ; sur les murs s’ouvre de temps en temps une fenêtre, quelquefois grande, quelquefois petite, quelquefois haute, quelquefois basse, et tout autour, une vigne folle, aux branches grimpantes, courant sur le toit, consentant parfois à s’appuyer sur les étais qu’on leur a offerts, tantôt les dédaignant, descendant, montant, aidant mutuellement leur indépendance. Puis, à côté, un arbre énorme qui contraste avec la petitesse de la maison. Comme accessoires, étendus sur des poteaux, des filets qui sèchent, des pinasses échouées, des coquilles d’huîtres, un ruisseau qui se perd dans le sable et que, par bonheur, la marée nettoie, avec une nuée d’enfans, grouillant, jouant, les cheveux embroussaillés, drôlement malpropres, se disputant dans cette langue gasconne qui roule les r et saute sur le commencement des mots afin d’arriver plus vite à la syllabe finale, la musicale qui tinte un son de cloche. Masures d’artistes, de vrais artistes inconsciens d’eux-mêmes et qui font de l’art à la façon des oiseaux qui chantent parce que le bon Dieu et le beau ciel l’ont voulu ainsi. Il en sort des parfums d’huile parce que le Midi aime la friture à l’adoration et le soir, quand le père est revenu de la pêche et qu’on soupe en plein air, à la lueur d’une bougie qui vacille au vent en envoyant des ombres gigantesques, il se consomme d’incroyables quantités de tomates. On en a la preuve aux monceaux d’épluchures mêlées d’arêtes et de têtes de poissons entassées sur le devant des portes.

À l’autre bout de la plage, on est plus distingué et moins amusant. Là se promènent les gens de Bordeaux, pour la plupart gros négocians que n’effraie pas la cherté de la vie à Arcachon. Le samedi, au sortir de leurs bureaux, ils courent à la gare, montent en wagon, arrivent avant même d’avoir achevé la lecture du journal acheté au départ, se rendent à leur villa et jouissent de leur liberté jusqu’au lundi matin. Le dimanche, la plage présente une animation extraordinaire, surtout lorsqu’il y a régates, ce qui a lieu en été plusieurs lois par mois. Elle fourmille de spectateurs. Les hommes, que leurs occupations habituelles rendent connaisseurs des choses de la mer, sont empressés, animés. Ils remuent et gesticulent, discutent les chances de tel ou tel bateau, détaillent ses qualités et ses défauts, énumèrent ses victoires et ses défaites. Les femmes, en toilettes claires, rient, babillent, mangent les gâteaux que des garçons pâtissiers, circulant dans la foule, portent sur leur tête dans des récipiens en zinc, avec l’intention de les tenir frais, c’est-à-dire chauds, car, au soleil, ces mannes doivent assez bien rappeler aux gâteaux le four dont ils sont sortis le matin. Certains d’entre eux sont affublés du nom de casse-museaux. Les étrangers sont nombreux. S’ils admirent de confiance l’habileté des manœuvres, ils jouissent sincèrement de la vue de ces yachts élégans, haut-gréés, chargés de toile, que la brise couche sur les vagues. Réunis d’abord, ils s’envolent semblables à une nuée de grands oiseaux, s’espacent sur la mer, fendent l’eau de leur étrave, contournent le but et reviennent rallier le stationnaire qui Salue par la détonation d’un pétard le passage du vainqueur.

Le bassin d’Arcachon est un vaste réservoir en communication avec la mer par un canal de profondeur variable, long d’une dizaine de kilomètres, large de 3 kilomètres environ et ayant une direction générale du nord au sud. Il est si peu profond qu’à marée basse, surtout aux époques des fortes marées, les neuf dixièmes au moins de sa surface sont occupés par des nappes grisâtres ou brunâtres, de consistance molle, faites de vases déposées ou d’argile, couvertes d’une mousse, le moussillon, à laquelle l’eau salée communique la patine verdâtre des bronzes antiques. Des bandes de canards sauvages s’y abattent en hiver, dévorent avec avidité cette végétation jusqu’à la racine et laissent ainsi de grandes places nues sur ces prairies marines. On les nomme des crassats. Ils sont coupés par des chenaux sinueux qu’on comparerait à des fossés s’ils étaient moins considérables. Ceux-ci serpentent au milieu des bancs de vase et conservent toujours de l’eau courante, quoique leur profondeur soit assez faible, puisque la cote minima est située dans la rade d’Eyrac, par 20 mètres au-dessus des plus basses eaux, à la rencontre des chenaux de Gousse, du Teichan et de Gujan. Sur l’île aux Oiseaux et dans son voisinage, les chenaux plus petits sont des esteys. Sauf la dimension, il n’existe aucune différence essentielle entre les chenaux et les esteys ; les uns et les autres jouent le rôle de canaux d’écoulement.

Il résulte de cette disposition topographique que le bassin est un vaste, récipient dont le volume varie très irrégulièrement aux divers niveaux. Vers le fond, sa capacité est faible ; elle augmente ensuite lentement, puis tout d’un coup, aussitôt que le niveau moyen des chenaux est atteint, elle augmente brusquement. Si, par un effort d’imagination, on le supposait complètement asséché et s’il s’agissait de le remplir, on constaterait que, pour fournir une tranche d’eau épaisse de 1 mètre entre 20 mètres et 19 mètres, il suffirait de peu de liquide et de même pour chaque mètre, jusqu’à la cote zéro, niveau des plus basses marées. Mais entre ce zéro et 1 mètre, à cause de l’énorme superficie à recouvrir, il en faudrait au contraire une quantité considérable, et davantage encore entre 1 mètre et 2 mètres, altitude maxima de l’île aux Oiseaux. Celle-ci ne couvre que dans les circonstances exceptionnelles, fort heureusement, à cause des huttes de pêcheurs qui y sont construites. Les habitans gardent un douloureux souvenir des désastres occasionnés par certaines tempêtes de vent d’ouest coïncidant avec de fortes marées d’équinoxe. L’île fut submergée presque entièrement, il y a quelques années, les cabanes furent détruites, tous les lapins qui y pullulaient, et dont la chasse était un divertissement très apprécié, furent noyés, et, ce qui est plus grave, plusieurs personnes perdirent aussi la vie.

Cette configuration spéciale explique les phénomènes de courans et d’érosion qui ont lieu sur les bords du bassin.

Examinons ce qui se passe au moment du flux. La mer monte dans l’Océan, et comme son volume est infini, le niveau s’élève régulièrement et continue son mouvement d’ascension pendant six heures. Au début, le bassin est vide ou à peu près ; l’eau du dehors s’engouffre donc à travers les passes, remonte, arrive devant le banc de Matoc, entre la dune de la Grave et le cap Ferret et se déverse dans le bassin. Elle doit évidemment commencer par remplir les chenaux et les esteys ; il suffit pour cela d’une quantité de liquide relativement faible, et, en effet, le courant mesuré devant Arcachon, par exemple, est d’abord assez lent. Bientôt, cependant, comme d’une part, la mer monte dans l’Océan d’une manière continue, tandis que, dans le bassin, une légère différence de hauteur correspond à une énorme différence de volume, la quantité d’eau franchissant les passes pour remplir le bassin s’accroît considérablement et le courant augmente de vitesse dans une incroyable proportion, pour s’abaisser non moins rapidement dès que, la haute mer étant étale au dehors, la différence de niveau s’atténue entre le bassin presque rempli et l’Océan. Au moment de l’étale dans le bassin, le courant devient nul, il augmente ensuite de vitesse en jusant, atteint un maximum, décroît jusqu’à zéro à peu près à l’instant de l’étale de basse mer, et recommence à éprouver les mêmes alternatives à la marée suivante. Les variations de volume du bassin à ses divers niveaux sont, par conséquent, fidèlement enregistrées par les variations de vitesse du courant.

Si l’on a bien suivi cette description des phénomènes, on voit que le canal, mettant en communication le bassin avec l’Océan, est le lit d’un immense fleuve qui change quatre fois par jour le sens de son courant. Il coule dans des directions diamétralement opposées, tantôt de l’Océan vers le bassin et immédiatement après, en jusant, du bassin vers l’Océan. Chaque fois que, dans le sens de son courant, le fleuve rencontre une partie concave, sa vitesse s’accroît et il érode sa rive faite de sable meuble qu’il enlève et va déposer dans les portions convexes. Il se produit de terribles érosions dans les parties une fois concaves, à l’aller ou au retour, comme à Arcachon même, du côté du débarcadère et plus loin vers l’Ouest, où la plage est heurtée presque perpendiculairement par l’eau débouchant, en jusant, du chenal de Cousse, et de plus terribles encore à la grande dune du Pilat ou de la Grave, qui se trouve en concavité aussi bien en flot qu’en jusant et qui s’effondre avec une prodigieuse rapidité. Sur ce point, l’effet est double. En revanche, les sables emportés des parties concaves s’amassent dans les parties convexes, telles que la pointe du cap Ferret et les bancs de Bernet entre Moulleau et la ville d’Arcachon. Si le bassin avait un volume régulier, le va-et-vient des eaux aurait un rythme toujours égal, les concavités et les convexités s’atténueraient, finiraient par s’effacer, et le chenal prendrait un profil uniforme. Son irrégularité change le mode d’afflux de l’eau et son passage à l’entrée et à la sortie ; elle est la cause première des déplacemens si capricieux du canal aboutissant à la mer.

Le bassin éprouve aussi un abaissement. Sur toute la rive comprise entre Moulleau et le sémaphore, la côte est jonchée de blocs de lignite, débris d’une couche continue, qui n’émergent guère qu’à marée basse et où l’eau recueille des débris végétaux parfaitement conservés et reconnaissables. On y trouve en particulier des feuilles de typha la massette ou roseau de la passion et des écorces de bouleaux, plantes qui ne croissent qu’au bord des eaux douces et abondantes encore actuellement à quelques kilomètres de distance, à l’étang de Cazaux. Ces plantes datent de l’époque où le bassin d’Arcachon était isolé de la mer, rempli d’eau douce et dans un état identique à celui dans lequel est aujourd’hui Cazaux. Or à ce moment, le niveau du bassin était probablement plus élevé ; il n’était sûrement pas en contre bas de celui de l’Océan. S’il est maintenant dans ces conditions, puisque le lignite correspond aux marées basses, on doit admettre que sur une étendue plus ou moins vaste, le sol s’est enfoncé. D’autre part, le bassin se remplit des vases apportées par les eaux de tous les fossés de drainage des Landes qui se déversent sur la côte orientale du bassin, depuis Arès jusqu’au Teich. Lorsque des particules solides sout en suspension dans l’eau douce, il suffit en effet d’une quantité très faible de sel en dissolution pour que ces particules fixent à leur surface, par attraction moléculaire, une portion du sel, modifient leur densité et se précipitent. La loi est générale ; elle explique un grand nombre de phénomènes naturels, le filtrage et l’épuration des liquides à travers le sol, les barres et les deltas qui se forment à l’embouchure des fleuves, et, dans le cas présent, le colmatage du bassin d’Arcachon destiné à être comblé dans un délai rapproché, que quelques expériences de filtration permettraient de déterminer d’une manière approximative. En résumé, la ligne moyenne de séparation de la terre et de l’eau, dans la région du bassin, est la résultante actuelle, la somme algébrique de ces deux phénomènes inverses l’un de l’autre : l’affaissement qui tend à l’abaisser et le comblement qui tend à la relever.

La réputation des huîtres des côtes sud-ouest de la France date de l’époque gallo-romaine. La race gauloise naissant à la civilisation, recevant de Rome déjà vieille le raffinement des mœurs, l’affinant encore, l’exagérant jusqu’à l’extrême avec l’enthousiasme d’élèves toujours prêts à forcer l’enseignement de leurs maîtres, était faite pour apprécier cette nourriture exquise, toute de délicatesse, quelque peu analogue parmi les choses de la gueule, comme aurait dit Rabelais, aux vers recherchés et précieux d’Ausone ou de Fortunat parmi les choses de l’esprit, au goût relevé cependant par une saveur fraîche et salée qui permet d’en prolonger la jouissance sans danger d’en être affadi ni crainte des labeurs d’une digestion plus facile pour les huîtres que pour les poésies. Arcachon possède aujourd’hui la même réputation et la posséderait davantage, au meilleur profit de ses habitans, si l’étude des procédés d’ostréiculture était pratiquée plus rationnellement et d’une manière régulière. Il n’est guère, en effet, d’endroit au monde que la nature ait mieux préparé pour cette industrie. Ces vastes étendues, à l’abri des tempêtes, recouvertes d’une faible quantité d’eau se renouvelant à chaque marée et légèrement adoucie par les apports d’eau douce, sont éminemment favorables à la culture de l’huître. C’est pourquoi Arcachon n’a que deux sortes d’habitans : les étrangers venus pour y soigner leur santé, se reposer ou se distraire, et la population de pêcheurs et d’ostréiculteurs qui vit de la mer.

Le proverbe ou dicton qui prétend que les habitans d’une province de France et, soit dit en passant, l’une des plus pittoresques, celle des vieux Arvernes, les compagnons de Vercingétorix, les sobres et courageux travailleurs du Cantal et du Puy-de-Dôme, ne sont ni hommes ni femmes, aurait une contre-partie s’appliquant aux gens d’Arcachon. Les ouvriers cultivateurs d’huîtres, les parqueurs, ainsi qu’on les nomme, sont tous hommes, du moins à distance, car tous portent la culotte. L’effet est bizarre et ne laisse pas d’étonner quand on n’y est point habitué. Le nouveau-venu dans le pays, apercevant une troupe de parqueurs marchant dans le même sens que lui, ne voit que des culottes en gros molleton rouge et, par conséquent, rien que des hommes. Mais parmi eux, il y a presque toujours deux catégories, celle des hommes à béret qui sont de vrais hommes et celle des hommes à capeline qui ne sont pas de vrais hommes. Si en effet, la troupe fait volte-face, ces derniers se transforment aussitôt en femmes, grâce à l’apparition d’un tablier qui joue alors la jupe. En résumé, les parqueuses en tenue de travail sont femmes quand on les voit de face, hommes par derrière, et ce qu’on voudra de profil. Ce costume est original. On peut y ajouter, pour l’un et l’autre sexe, des bottes, en certaines occasions, ou des chaussures consistant en une planchette munie d’un rebord et d’une bride pour maintenir le pied. Elles permettent, par leur surface considérable, de marcher sans y enfoncer sur les vases molles que la mer couvre encore ou vient à peine de quitter.

Pour donner une idée de l’industrie ostréicole, il est nécessaire de fournir quelques détails relatifs à l’huître, à sa nature et à ses habitudes. Le succulent animal est un mollusque. S’il ne donne, il est vrai, que peu de preuves d’un esprit ou d’un caractère primesautiers, ce qui lui a mérité de symboliser précisément l’inverse de ces précieuses qualités, s’il paraît tranquille, paisible, casanier, vivant chez lui et ne changeant ni de logis ni de quartier, il a eu, lui aussi, une jeunesse ; il a erré, il a eu des aventures, il a éprouvé des vicissitudes. Peut-être cette époque lointaine est-elle l’objet de ses méditations, peut-être rêve-t-il solitairement à « ces temps heureux de joie et de misère » pendant cette période de calme où, placé dans les plus confortables conditions d’existence, protégé contre le chaud et contre le froid par l’intérêt même de son propriétaire, il ne saurait mieux s’occuper qu’à engraisser et à songer, doux repos qui ne se termine pour lui qu’au moment où il meurt par le citron comme jadis Socrate par la ciguë.

Pendant les mois d’été, à partir du mois de mai, l’huître jette son frai sous forme de petites larves munies d’une couronne de cils vibratiles, qui sont emportées par les eaux, flottent, montent et descendent avec elles jusqu’au moment où chacune rencontre un corps solide, un caillou, une chaîne d’ancre ou des tuiles que l’on dépose à profusion autour des huîtres mères, à l’effet de les recueillir. La larve ou naissain s’y fixe, devient immobile, sécrète une coquille et commence la vie sérieuse.

On la laisse grandir ainsi. Après quelque temps, trois mois environ, comme un nombre considérable de larves s’est attaché sur la même tuile, leur taille grossissant, elles ne manqueraient pas de se gêner mutuellement, leurs coquilles se recouvriraient et se déformeraient, ce qui les rendrait beaucoup moins marchandes. Il convient donc de les isoler les unes des autres afin de leur permettre d’acquérir toute leur croissance et leur maximum de régularité. C’est alors que l’on procède au détroquage.

L’opération consiste à prendre les tuiles chargées de jeunes huîtres et à détacher celles-ci une à une. Le travail s’est longtemps exécuté simplement au moyen d’une lame de couteau. On a reconnu que la méthode présentait de réels inconvéniens : on casse beaucoup de tuiles qui, par conséquent, deviennent inutilisables à nouveau et on blesse beaucoup d’huîtres qui ne survivent pas au détroquage. Afin d’y obvier, on a imaginé d’enduire les tuiles, avant de les immerger et, par conséquent, avant que les larves ne s’y fixent, d’une couche de mortier fait de sable et de chaux grasse, assez résistant pour offrir un appui solide au naissain et assez fragile pour que, au détroquage, elle se détache aisément à l’aide d’une raclette. À l’époque où s’exécute le travail, la plage est couverte de parqueurs, hommes et femmes, debout devant un établi, grattant les tuiles, détachant les huîtres qu’on dépose dans des paniers, tandis qu’on met en tas les tuiles bien nettoyées et prêtes à être employées pour la prochaine campagne.

L’huître n’a plus besoin maintenant que de soins assidus. On la place dans des ambulances, caisses en bois plates dont le fond est fermé par une toile métallique ; on la transporte dans des claires, parcs installés sur les crassats, couverts seulement d’une couche d’eau peu épaisse, à marée basse, ce qui permet aux parqueurs, chaussés s’il y a lieu de leurs planchettes, de les soigner. Les claires sont entourées d’un rebord en argile permettant de retenir l’eau au cas où la marée descendrait trop bas et risquerait de laisser le mollusque à sec. L’animal ne souffre pas trop de cette émersion momentanée : il ferme sa coquille et prend patience, mais pendant ce temps il ne mange pas et par suite n’engraisse pas. Les murettes sont garnies de brandes, fagots de branches de bruyères qui empêchent le passage des crabes et par des rameaux de pins, plantés verticalement qui arrêtent les poissons. La pauvre huître, comme tout ce qui est honnête et bon, a de nombreux ennemis ; des poissons, des squales, la vieille, le rousseau, les tères, raies de couleur grise, chauves-souris de la mer, la broient entre leurs puissantes mâchoires ; des coquillages, un bigorneau ou Murex, le courmaillot ou Nassa, percent sa coquille de leur langue armée de dentelures comme une lime, introduisent leur trompe par le trou et se nourrissent de sa chair. Quand l’huître blessée n’a plus la force de maintenir ses valves fermées et s’entr’ouvre, l’étoile de mer qui en est friande arrive, le crabe accourt, et ils ont bientôt fini de la dévorer. Avant même d’atteindre l’état adulte, le naissain a dû échapper à mille chances de destruction, à l’ensevelissement dans la vase, au transport en haute mer. Par bonheur, l’animal est fécond, chacun d’eux donne naissance à un ou deux millions de larves et si l’homme ne commet pas trop de fautes, volontaires ou involontaires, par avidité, paresse ou ignorance, la race n’est pas près de finir.

La défense de l’huître contre ses ennemis, le nettoyage des parcs, leur entretien, le désherbage des zostères, les diverses manipulations de l’élevage, constituent la besogne des parqueurs qu’on voit, un peu avant l’heure de la marée basse, partir en flottille et, sur leur pinasse, à l’aviron ou à la voile si le vent est favorable, se diriger vers les claires. La pinasse ou tiliole, embarcation spéciale au pays, est entièrement en bois, sans un seul clou ; son fond est plat, ce qui lui permet de naviguer sur une couche d’eau très peu épaisse, et elle possède un mât disposé d’une façon très ingénieuse, pouvant se dresser ou s’abattre en un instant et portant une voile presque triangulaire. Par certaines allures, la pinasse file rapidement, quoique non sans causer quelque inquiétude à ceux qui ne sont point familiarisés avec ce mode de navigation, car elle donne une forte bande, et souvent son fond est en partie hors de l’eau. L’embarcation a le grand mérite d’être d’un prix modique, et, bien que peu élégante, nulle n’est mieux appropriée aux services qu’on en attend.

Après trois ans, l’huître est marchande. Néanmoins, il ne faut pas se le dissimuler, si l’on mange à Arcachon des huîtres exquises, la grande majorité est médiocre. La qualité dépend du fond. Délicieuses quand elles proviennent d’un fond de sable, leur goût est notablement inférieur lorsqu’elles ont été élevées sur la vase. Or le bassin, sauf du côté de l’entrée, est vaseux et le devient chaque jour davantage par l’apport des eaux de drainage des Landes. Aussi envoie-t-on, par cargaisons entières, sur des bateaux à vapeur, les gravettes d’Arcachon parfaire leur éducation en des localités d’eaux plus pures, à Marennes, à la Tremblade et quelquefois jusqu’en Bretagne. L’industrie ostréicole arcachonnaise pourrait certainement obvier à cet état de choses, livrer directement des huîtres fines et profiter de la plus-value.

L’huître gravette est une ostræa, la portugaise est une gryphée. Autant la chair de la première est délicate, autant celle de la seconde est lourde, coriace et nauséabonde. En revanche, la portugaise est beaucoup plus rustique ; elle ne redoute ni le typhus, ni l’hépatite de la gravette ; elle se gorge d’une nourriture vaseuse que l’autre serait incapable de supporter. Quand les deux espèces vivent ensemble, la portugaise est tellement vorace qu’elle dépouille immédiatement l’eau des particules nutritives en suspension, de sorte que sa voisine souffre de la faim et dépérit ; sa coquille épaisse, irrégulière, brave les attaques du courmaillot et la dent des tères ; son unique avantage est que, n’exigeant aucun soin, elle peut se vendre à bon marché. Elle a, du reste, été amenée presque involontairement dans la région. Un navire qui en avait apporté du Portugal un chargement arriva en rade de Bordeaux ; par suite d’avaries, de retards dans la traversée, les huîtres étaient corrompues et le capitaine reçut l’ordre d’aller les jeter en pleine mer ; il trouva plus commode de s’en débarrasser en Gironde. Quelques mollusques encore vivans suffirent à en empoisonner le fleuve où malheureusement ils prospérèrent, car leur présence au milieu des parcs à gravettes est une calamité dont il importe de se délivrer à tout prix. Un moment, on avait craint que la présence simultanée de la gravette et de la portugaise ne donnât lieu à une hybridation funeste. Il n’en est rien. Il a été reconnu que la gravette est hermaphrodite tandis que, pour la portugaise, les sexes sont séparés. Il en résulte que les œufs de la première espèce sont fécondes dans l’intérieur même du manteau du père mère, mais que la fécondation de ceux de la seconde s’accomplit dans les flots. La fécondation mutuelle des deux espèces est donc impossible.

Les vases étant nuisibles à l’huître gravette, sous peine de voir très rapidement diminuer la valeur des produits arcachonnais, il serait indispensable de lutter contre leur envahissement par des dragages qui auraient le triple avantage d’améliorer la qualité de l’huître, de régulariser la concavité du bassin et enfin de régulariser les courans et le régime des passes. Une telle mesure serait éminemment favorable à la navigation et atténuerait dans une proportion notable, si même elle ne finissait pas par les supprimer, les érosions de la côte. Les vases mélangées aux plantes marines ou zostères qui, si recherchées en Bretagne, sont rejetées par la mer sur la plage d’Arcachon et la salissent, fourniraient un excellent amendement au sol de pur sable qui environne le bassin. L’état arriéré de la culture est une des causes principales de l’excessive et regrettable cherté de la vie dans le pays. Autrefois, du reste, on recueillait, pour amender les terres, les boues de glaise et de crassats sur les prés salés abondans sur la côte méridionale du bassin. Ces engrais étaient de deux sortes : l’un, le coup particulièrement favorable à la culture de la vigne, était composé de terre argileuse et d’herbes, tandis que la boue de crassats contenait en outre des débris de coquilles. S’il ne fallait que du carbonate de chaux pour rendre le sable meilleur pour la culture, rien n’empêcherait de recueillir, au moment du détroquage, les plâtras détaches des tuiles. On en retrouve les grains en proportion notable, mélangés au sable de la plage, et ils sont tôt ou tard dissous ou emportés par la mer sans profit pour personne. Le dragage et l’emploi des vases étaient de nouveau conseillés par le baron de Mortemart de Boisse en 1840, plus tard par M. L’ingénieur Caspari qui s’est occupé de l’hydrographie du bassin. Actuellement, je fais exécuter à Nancy une série d’analyses et d’essais de culture qui renseigneront exactement sur la valeur agricole des vases. Tout le monde gagnerait à ces dragages, ce qui n’est pas une raison pour qu’ils soient exécutés. Les intérêts des ostréiculteurs et des cultivateurs ne sont pas seuls en jeu ; on doit tenir compte de ceux des pêcheurs, car la pêche est une industrie importante d’Arcachon.

Une société locale, la Société scientifique d’Arcachon, montrant une initiative dont on ne saurait trop faire l’éloge, a fondé, le 3 février 1867, une station zoologique et océanographique qui a rendu de grands services. Elle se compose d’un bâtiment construit sur le bord du bassin, contenant six vastes laboratoires avec gaz, eau douce et eau salée sous pression, plusieurs viviers et un aquarium de vingt-deux bacs dont chacun est de la contenance d’un à deux mètres cubes, d’une bibliothèque et d’un musée réunissant les types zoologiques locaux. Un laboratoire annexe fonctionne à Guethary, dans les Basses-Pyrénées. L’institution, qui est la plus ancienne de France, puisqu’elle a fêté en 1892 le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation, possède une autonomie absolue. Tout travailleur y reçoit une hospitalité aussi bienveillante que désintéressée ; on met à sa disposition des instrumens, des réactifs et jusqu’à un logis, car deux chambres et trois lits sont réservés aux hôtes de passage. Deux embarcations et deux marins assurent le service d’approvisionnement en animaux marins. Paul Bert, le docteur Jolyet et le docteur H. Viallanes[1], directeur de la station, pour ne citer que quelques noms, y ont exécuté de nombreux travaux. C’est là que M. Viallanes a fait ses belles expériences relatives à la propriété que possèdent divers mollusques de filtrer l’eau de mer à travers leurs branchies. Les particules nutritives en suspension sont avalées et assimilées, mais les particules minérales agglomérées par un mucus sont rejetées, s’entassent autour de l’animal et y subissent en présence de l’eau salée, grâce à la matière organique qui les imprègne, une série de réactions complexes. Elles se concrètent et forment des couches rocheuses solides du genre de celles aujourd’hui émergées et qui se déposaient jadis au fond des océans pendant les époques géologiques. Ces observations ont une importance capitale au point de vue de la géologie synthétique et expérimentale qui a enfin, et non sans peine, détrôné l’ancienne géologie purement descriptive. Au point de vue des intérêts industriels immédiats, M. Viallanes a démontré dans ses expériences que, pendant un même temps, une huître portugaise filtrait un volume d’eau près de six fois et une moule de taille moyenne, un volume trois fois aussi considérable que celui filtré et épuisé par une gravette. Dans la lutte pour l’existence, la portugaise et la moule, l’une et l’autre sans valeur commerciale, ont donc une activité et une puissance très supérieures à celles de la gravette véritablement précieuse. Celle-ci est donc obligée de succomber, et il devient, comme nous le disions, absolument indispensable de la débarrasser de ses concurrentes. On admire cette science simple, ingénieuse et d’une si grande portée théorique et pratique ; elle seule peut indiquer d’une façon sûre les améliorations à introduire dans l’exploitation industrielle de la mer.

La pêche se fait, à Arcachon, par des pêcheurs dans des embarcations qui leur appartiennent ; beaucoup sont déjà concessionnaires d’un parc et utilisent ainsi les loisirs que leur laisse l’ostréiculture. C’est la petite pêche. La grande pêche a lieu dans les bassins à poissons ; au large avec le chalut et sur des bateaux à vapeur.

Les bassins ou viviers permettent de recueillir le poisson, de le conserver en captivité en lui offrant une abondante nourriture de manière à pouvoir le récolter à volonté dans les momens où sa vente est d’un prix particulièrement avantageux. Le système était en usage du temps des Romains. Au bord du bassin, on a transformé en viviers les anciens marais salans dont les revenus étaient rendus irréguliers par suite des variations du climat. Ils consistent en bassins peu profonds tapissés d’une zostère, la ruppelle, séparés par une digue de la mer avec laquelle ils communiquent au moyen d’un chenal fermé par une double vanne. En marée haute, vers les mois d’avril et de septembre, on laisse pénétrer l’eau et le menu fretin destiné à grandir. Pendant la majeure partie de l’année, on change l’eau à intervalles réguliers en laissant écouler l’ancienne et rentrer de la nouvelle eau chargée de matière nutritive pour l’alimentation des prisonniers ; elle amène encore dans les réservoirs des quantités considérables de petits poissons. On parvient à ces résultats par la manœuvre de vannes et en tenant compte de cette particularité que le poisson remonte toujours le courant. Les réservoirs ont conservé pour la plupart l’aspect des marais salans qu’ils ont remplacés, en bassins juxtaposés, entourés de digues basses et en communication les uns avec les autres par d’étroites ouvertures. Ils se trouvent principalement du côté de Lanton, d’Audenge, à l’embouchure de la Leyre, non loin de la Teste, et il en existe aussi sur la rive opposée, entre la Villa algérienne et le phare.

La pêche au large donne lieu à une industrie très active sous l’habile direction de M. Johnston. Elle se fait au chalut et occupe cinq bateaux à vapeur. Le service est remarquablement organisé et se continue avec l’unique interruption de la journée du dimanche que toute la flottille passe à Arcachon. Le mode de roulement est le suivant. Un navire rentre à Arcachon, il débarque le poisson apporté aussitôt à terre dans des pinasses, chargé sur des wagonnets et amené à la halle au poisson d’où il est expédié par chemin de fer dans tout le sud-ouest de la France, car il est évident que la consommation locale serait insuffisante à entretenir cette industrie. Le vapeur se rend auprès d’un vieux bâtiment mouillé en rade et servant de dépôt de charbon et, pendant qu’il remplit de combustible ses soutes, le bateau citerne accoste de l’autre bord et, par ses pompes, envoie la provision d’eau douce. Les diverses opérations, s’exécutant ensemble, sont vite terminées. Le vapeur ravitaillé repart immédiatement. Il s’éloigne, franchit les passes et jette son chalut dès qu’il est arrivé sur les lieux de pêche. Le lendemain, la flottille rallie au large ; le poisson péché par tous les bateaux est transbordé sur celui qui doit revenir au port, puis chacun se disperse pour continuer la pêche sans que le service soit jamais interrompu. Chaque bateau demeure quatre jours en mer et cependant le poisson est toujours frais, car il est rapporté chaque jour à terre.

Cette pêche n’est pas exempte de périls. La passe d’Arcachon est extrêmement dangereuse : en 1892, un des vapeurs de la société, l’Albatros, s’y est perdu corps et biens. Il faut encore prendre en considération ce qu’on nomme les hasards, en oubliant que ce mot n’est trop souvent que l’expression de l’ignorance humaine. Citons un exemple : à de certaines époques, dans des circonstances inconnues, le fond de la mer est rempli de méduses, la marmouille des pêcheurs. Le chalut, alourdi par l’énorme masse gélatineuse, devient si pesant que la fune servant à le traîner casse ou que le filet lui-même se déchire. Il en résulte une perte s’élevant, dit-on, à plusieurs milliers de francs par an. Or, à la surface de l’eau, rien ne signale la présence des méduses dans les profondeurs. On envoie le chalut, on essaie de le remonter, il se brise, on interrompt la pêche, on fait une nouvelle tentative le lendemain avec chance d’un nouvel accident, ou bien l’on attend la fin du phénomène signalé par l’apparition des méduses à la surface. Il est fort probable qu’une étude attentive permettrait de savoir pourquoi il s’est produit. Peut-être est-il dû à la distribution de la température au sein des eaux ou plutôt à ce que la densité est plus grande à la surface que dans les profondeurs, celle-ci étant précisément égale à celle des méduses. Tous ces chiffres sont aisés à connaître. Quelle que soit la cause, il est certain que le phénomène biologique, la présence des animaux au fond, correspond à un ou plusieurs phénomènes physiques rapidement mesurables à l’aide d’instrumens, thermomètres, aréomètres ou autres. La connaissance de cette relation permettrait de prévoir les chances d’accidens, d’éviter ces derniers et par conséquent de réaliser des économies, c’est-à-dire des bénéfices. Quand donc comprendrons-nous que ces études ne sont point uniquement théoriques et qu’elles se traduisent immédiatement par de l’argent, parce qu’elles sont pratiques ? Voilà pourquoi toutes les nations, sauf la France, font de l’océanographie ; elles sont bien plus guidées par des motifs d’économie politique et sociale que par l’amour pour la science pure, qui pourtant y trouve son profit par surcroît. En Angleterre, des océanographes sont attachés au service des bureaux de pêche, les navires télégraphistes chargés d’étudier le tracé des lignes sous-marines en ont à leur bord. C’est ainsi que M. Buchanan, à bord du Buccaneer a fait ses intéressantes recherches océanographiques dans le golfe de Guinée et le commandant Thomson, du Silvertown, ses observations de densités des eaux profondes au voisinage de la côte du Brésil. Ni l’administration française des télégraphes, ni la commission des pêches ne soupçonnent, je ne dirai pas l’utilité, mais s’il est permis de se servir de ce mot, l’indispensabilité de ces travaux. À Arcachon, le grand centre de l’ostréiculture française, on ne possède aucune notion sur la salure de l’eau en flux et en jusant dans les diverses saisons ; on ignore la distribution de la température, la quantité variable des matières en suspension, c’est-à-dire le taux d’envasement du bassin, sans compter une foule d’autres données. On ne saurait exprimer trop énergiquement le souhait de voir cesser un état de choses si préjudiciable et qui nous met en retard sur toutes les autres nations. Les esprits sérieux y voient un grave danger national à notre époque où la lutte pour la vie est aussi ardente entre les peuples qu’entre les individus et où les batailles sanglantes des armées de soldats vont de plus en plus être remplacées par des luttes commerciales et industrielles, plus terribles et plus impitoyables. Il n’est, hélas ! que trop certain que nous sommes dans une ignorance à peu près complète de ce qui concerne la culture méthodique, scientifique, et par conséquent rémunératrice de la mer.

Autour du bassin, tout le monde vit donc de la mer. Ceux qui vivent de la terre ou plutôt de la forêt, les résiniers, sont un peu plus loin. Ils ont pour domaine la surface entière des dunes et des landes boisées de pins. Pauvres gens aux mœurs pittoresques qui continuent aujourd’hui encore, au même endroit, le métier de leurs pères, au temps des Gaulois, débris d’un passé reculé auxquels le présent est devenu si dur que, pour eux, l’avenir est mort et qu’il faut se hâter de les regarder parce qu’ils sont condamnés à bientôt disparaître.

Le chef-lieu de l’inscription maritime est à la Teste-de Buch, l’ancienne Testa Boïorum, la capitale des captaux de Buch dont le plus célèbre est ce Jean de Grailly, si dévoué aux Anglais, qui fut pris, en 1366, à Cocherel par Duguesclin et mourut dans sa prison, refusant obstinément la liberté qu’on lui offrait au prix du serment de ne plus combattre contre la France. La ville, la toute petite ville, est jolie. On s’y rend à pied d’Arcachon par une route qui longe le rivage, c’est à-dire les crassats dès le commencement du jusant, car l’anse de l’Aiguillon est presque entièrement comblée par les vases. Les larges rues droites sont bordées de maisons blanches, pour la plupart sans étages, avec des portes et des volets peints en vert, en bleu, ou en marron, séparées de la rue par un jardinet clos d’une barrière en lattes. Les habitans n’ont peur ni de voir ni d’être vus. Les boutiques sont rares. Les marchands de tabac se reconnaissent à une grosse pipe rouge ou deux pipes croisées comme des sabres dans une panoplie ou le signe dont on marque le théâtre d’une bataille sur les cartes de géographie ; le pharmacien est, selon l’usage, flanqué de ses deux majestueux bocaux, l’un rouge et l’autre vert ; le boulanger de chez lequel sort une bonne odeur de pain chaud, la gendarmerie ornée de son drapeau de fer-blanc, l’inscription maritime avec une grande hampe veuve de son pavillon, excepté aux jours de fête. Sur la place, la fontaine est entourée de platanes poussiéreux. Tout est enveloppé d’une lumière crue, rendue aveuglante par sa réflexion sur les murs blancs et qui plaque çà et là de gros paquets d’ombre. Par cette matinée de septembre, la chaleur est étouffante et tout semble altéré jusqu’aux raisins qui se hâtent de mûrir sur leurs treilles. Les enseignes elles-mêmes portent des noms sonores aux yeux comme des airs de trompette aux oreilles, terminés en ac, en ilhes, en erre, en ès, et pour accompagnement à cette symphonie de lumière et de chaleur qui remplit la nature, un grand silence que ne troublent ni le bruit cadencé des grelots d’un cheval de charrette qui passe lentement, ni le marteau du maréchal-ferrant qui résonne au fond d’une impasse encombrée de roues de voitures, d’avirons, de gouvernails de pinasses aux ferrures brisées, ni la conversation de quelques moineaux qui, perchés sur une gouttière, écrasés de lassitude, hérissent leurs plumes pour avoir moins chaud, ni le cri strident d’une cigale qui, à la cime d’un platane, chante enivrée, éperdue, au sein de l’atmosphère ardente. Les passans sont rares : des enfans flânent pieds nus, des chiens vaguent mélancolique, ou sommeillent la tête allongée entre leurs pattes. Les gens valides sont partis sur les parcs ; il ne reste que quelques femmes très jeunes ou très vieilles. D’ailleurs, dans le Midi, il n’existe pas plus de femmes d’âge moyen que de saison moyenne : ou des torrens de pluie ou des torrens de soleil. Brusquement, au milieu de cette torpeur, retentit un tapage de voix. Trois commères sortent d’une maison, parlant, criant, gesticulant, se menaçant toutes à la fois. Il s’agit d’une vétille, mais comme elles ont sans doute réalisé des économies de paroles pendant la nuit, elles s’efforcent de les dépenser d’un seul coup. Et quand, arrivé devant l’église, on pousse la porte entre-bâillée d’où s’envole en bourdonnant un essaim de mouches posées sur le loquet brûlant, l’on entre dans une mystérieuse obscurité pleine de fraîcheur et de repos.

Une foule de localités des environs du bassin portent des noms grecs, Andernos, Biscarrosse, Arès, Blagon, Arcachon, Lanton, Ferret, Audenge, Balanos, Biganos, Pissos, Mios, Bilos, Gandos, la Leyre, le Teich, Gujan et d’autres encore. Une telle accumulation de mots étrangers est digne d’attention. Des archéologues ont cherché à en expliquer la cause et l’ont trouvée dans l’histoire légendaire[2]. Cette légende est peut-être vraie ; peut-être est-elle fausse ; elle est à coup sûr poétique et gracieuse. En la racontant, je me garde de me porter garant de son authenticité, la vérité est belle, mais la poésie possède, elle aussi, son mérite et, d’ailleurs, elle n’est point obligée de n’être pas la vérité.

Entre l’an 1200 et l’an 550 avant Jésus-Christ, les Pélasges doriens eurent sur toute l’Asie-Mineure, les îles de l’archipel, l’Italie, la Gaule, l’Espagne, un énorme mouvement d’expansion symbolisé dans la Méditerranée par les voyages d’Hercule. Après avoir franchi les Colonnes auxquelles le héros a laissé son nom, ces hardis navigateurs entrèrent dans l’Océan, remontèrent vers le nord en suivant les côtes où ils trouvaient un refuge en cas de danger et dont il leur était interdit, d’ailleurs, de s’éloigner, sous peine de s’égarer sur les flots, ignorans qu’ils étaient des sciences de la navigation. Quand la terre leur manqua, ils tournèrent à l’est, comme elle, et longèrent le rivage septentrional de l’Espagne. Ils pénétrèrent jusqu’au fond du golfe et, poussés par cette soif de l’inconnu, ce besoin d’aventures si caractéristiques de leur race, ils s’avancèrent encore vers le nord. Les navires de faible tonnage, incapables de supporter les gros temps, voyageaient de conserve afin de se porter mutuellement secours, et ces flottilles, montées par des hommes de même sang, venant de la même patrie, emportant avec eux les mêmes dieux, les mêmes traditions, souvent victimes d’une même infortune, un exil mérité ou subi en commun, étaient dans les conditions les meilleures pour fonder un établissement permanent aux lieux déserts où ils s’arrêtaient.

Ce fut le sort d’une colonie de Doriens Crétois. Eux aussi, à la suite des Phéniciens, franchirent les colonnes d’Hercule et, quittant les contrées du Midi, ils ne craignirent pas d’affronter les horizons brumeux de l’Océan gaulois. Longtemps ils avaient navigué sans trouver nulle part un point à leur convenance quand une terrible tempête vint les assaillir. Leurs navires, devenus le jouet des vents et des vagues courtes, hachées, furieuses, du vaste golfe au fond duquel ils étaient parvenus, étaient près de sombrer et les exilés allaient succomber comme tant d’autres avaient péri avant eux, comme tant d’autres devaient périr après eux sur les plages droites, inhospitalières de l’Aquitaine. Tout à coup, à travers le voile de nuées qui traîne sur la mer, ils aperçoivent une langue de sable basse derrière laquelle un bassin spacieux étale la nappe de ses eaux tranquilles. Une frange d’écume indique la passe qui sert d’entrée au chenal conduisant à cet abri. L’espoir ranime leurs forces, ils font un dernier effort de courage et d’énergie, les rameurs ruisselans d’eau se courbent sur leurs avirons, les pilotes saisissent le gouvernail d’une main ferme ; ils tournent les proues vers la barre d’écume qui est tout à la fois le signe du danger et celui du salut, s’encouragent par leurs cris, doublent les uns après les autres le cap Ferret (courage), remontent le chenal, poussés par la mer jusqu’à une épaisse forêt de plus dont les derniers arbres trempent presque leurs racines dans les eaux. Épuisés de fatigue, ils laissent tomber au fond les pierres qui leur servent d’ancres et se reposent devant Arcachon (secours). Cependant, l’abri est précaire, le vent et les vagues viennent encore battre les navires désemparés qui se heurtent mutuellement et risquent d’achever de se briser. Il faut trouver un refuge plus sûr. Ils se rembarquent et se dirigent alors vers le point le plus reculé du bassin. Là, ils mouillent leurs navires trop fatigués par la tempête pour les porter désormais vers d’autres rivages ; ils les quittent pour toujours, descendent à terre, et aussitôt hommes, femmes, enfans, vieillards, sur un grossier autel élevé à la hâte, ils offrent un sacrifice d’actions de grâces au dieu Ares, à Mars dont le bras puissant les a protégés et qui, par son intervention, semble leur montrer sur la grève solitaire, à l’embouchure d’une petite rivière, le lieu où ils doivent s’établir.

Quand les huttes sont construites, les femmes reprennent les occupations qui leur étaient habituelles sur les côtes de l’île de Crète. Montées sur des pinasses, embarcations faites, comme l’indique leur nom dorien, de planches assemblées par de simples chevilles de bois, derniers débris, peut-être, des vaisseaux qui les ont portées, elles vont chercher la nourriture de la famille et pocher sur les crassats (femmes de Crète), auxquels elles devaient aussi laisser leur nom. Pendant ce temps, les guerriers explorent les environs de leur nouvelle patrie ; ils repoussent les attaques des sauvages habitans du pays, visitent successivement Andernos (viril) qui fut probablement le théâtre d’une lutte, Lanton, Audenge, parviennent à l’embouchure de la Leyre, la maigre rivière, y fondent la ville du Teich (mur), l’entourent de fortifications et, remontant son cours, ils s’arrêtent en diverses localités qu’ils nomment Lauros, Babulon, Tagon, Biganos, Balanos, le pays des chênes et des glands, Candos, Udos, le pays de l’eau, les champs de Gujan, Biscarrosse où les plus fournissent d’abondantes provisions de poix et de cire. Ils finissent par installer leur capitale sur la Leyre même, à Salles, du mot Salos, lieu de mouillage.

Les générations se succèdent et les fils, poussés par ce même naturel errant et batailleur, entreprennent sur terre des voyages aussi lointains que ceux qu’avaient accomplis les pères sur les flots. Les uns descendent vers le sud jusqu’aux Pyrénées et se mêlent aux Ibères. D’autres, les Boïens, vont, sous la conduite de Bellovèse et de Sigovèse, conquérir l’Italie et épouvanter les Romains dans le Capitole. Vaincus à Préneste par le dictateur Sulpicius, chassés d’Italie, ils se répandent sur le Danube, aux confins de la Pannonie et de l’Illyrie, y font alliance avec les Taurisci et les Scordisci, et luttent ensemble contre les peuples de la Noriscie. Taillés en pièces par les Gètes, on les suit en Bohême d’où ils sont chassés par les Marcomans. Ils se divisent encore : une partie se réunit aux Helvètes, le reste se confond avec divers peuples et s’établit en Bavière César trouva en Gaule les membres sédentaires de cette famille formant les deux tribus des Boii, Boiôtoi ou les bouviers, et les Sotiates, les hommes du pays de Sôs, la ville qui existe encore, par allusion à des luttes victorieusement soutenues. Les descendans des Boïens s’appellent maintenant en Gascogne des Bouyès, tandis que les autres habitans des Landes, d’une race différente, sont les Cousiots ou Lanusquets, et parmi la population d’Arcachon, les Lalesque, les Lesca (éloquent, beau parleur), portent des noms grecs de qualités grecques.

L’influence du grec sur notre langue est plus considérable qu’on ne serait tenté de le croire. Quel que soit le degré de véracité qu’on veuille attribuer à la légende, l’éolien pélasgique et le dorien marseillais forment la couche profonde du français. Ainsi que l’a fait remarquer l’abbé J. Espagnolle, dans un ouvrage de haute érudition[3], il n’est pas possible que les cinq ou six millions de Gaulois qui vivaient dans le pays au moment de la conquête de César aient tellement perdu leur idiome qu’il n’en reste aucune trace. L’aristocratie seule fut prompte à adopter les mœurs et la langue du vainqueur, qui sut merveilleusement d’ailleurs provoquer cette assimilation. Le reste, la population des campagnes, conserva son idiome dérivé du grec. Les deux tiers au moins du français se refuseraient, d’après le savant auteur, à descendre du latin, et les mots grecs, ainsi que l’avaient remarqué Henri Estienne dès le XVIe siècle et Ampère en 1839, y sont d’autant plus nombreux que le français littéraire est plus ancien. C’est principalement dans les patois qu’on les retrouve. Les quatre premières lettres de l’alphabet, à elles seules, donnent à l’abbé Espagnolle trois mille mots d’origine grecque, et dans le français du XIIe siècle ; on compte plus de deux mille mots de source dorienne.

Les environs du bassin d’Arcachon sont la localité classique d’un phénomène géologique fort intéressant. Nulle part ailleurs les dunes maritimes ne l’emportent en beauté et en perfection, du moins en Europe, car les plus élevées se trouvent sur la côte atlantique du Sahara. L’endroit est éloigné, malsain à une foule de points de vue ; les voyages géologiques ou autres y sont difficiles, il y a, par conséquent, avantage à étudier les dunes près d’Arcachon.

Pour s’y rendre, on traverse la ville d’hiver, on entre en forêt et une excellente route, qui passe devant le sanatorium où des enfans scrofuleux viennent demander la santé aux effluves balsamiques des pins, conduit au village de Moulleau, composé de chalets dispersés le long de la plage ou cachés dans la verdure. Le village ne présente aucune particularité saillante ; c’est un petit Arcachon.

On suit alors la plage. La marche dans le sable sec est fatigante, mais lorsque la marée est basse, on profite de l’estran affermi par l’eau qui l’imbibe encore. La promenade est délicieuse. On ne rencontre personne, premier charme, et rien ne risque de troubler les pensées auxquelles on est en droit de se livrer. Le bruit monotone de la mer, dont les ondulations viennent mourir sur la grève, berce l’esprit et l’on n’est guère rappelé à soi que lorsqu’une vaguelette un peu plus forte, capricieuse comme la mer qui l’a produite, dépasse les autres, court jusqu’à vos pieds et recule épuisée de son effort, en laissant sur le sable, qui l’absorbe rapidement, une bordure de bulles diaprées des nuances de l’arc-en-ciel qui persistent un instant, mais que bientôt le vent fait éclater et enlève toutes frissonnantes. Les hirondelles de rivage s’envolent en avant, se posent, repartent et dans le calme répandu sur la terre, sur la mer et dans l’air, sous le soleil flamboyant, on se sent imprégné d’un peu de la vie intense que dégage la nature dans son éternel et silencieux travail.

À gauche, immédiatement contre la plage, à trente ou quarante mètres de distance, le plan uni du sable se redresse brusquement en un talus, au sommet duquel croissent les pins. C’est la dune. Celle-ci augmente de hauteur à mesure qu’on s’avance du côté de l’intérieur. On est devant la place où se trouvait jadis la batterie du Pilat, et à quelques centaines de mètres au-delà, la dune, entaillée à pic, atteint sa plus grande élévation, à mi-chemin entre Moulleau et le sémaphore, faisant face au phare du cap Ferret, de chaque côté des passes. On est à la dune de la Grave, la Grande Dune, ainsi qu’on la nomme d’ordinaire.

L’endroit où l’on peut le mieux se rendre compte de la genèse des dunes, à son début, est la plage de l’Océan. On s’embarque à Arcachon, au débarcadère situé devant la station zoologique et océanographique, sur l’un des deux bateaux à vapeur qui, toutes les heures, se rendent soit au cap Ferret, soit au phare. Une demi-heure après, on est arrivé. On monte dans un tramway, lequel, en un quart d’heure, à travers la forêt clairsemée, sur un sol de sable, tiré par un brave cheval qui ne paie pas de mine, mais gagne courageusement sa provende, car la besogne est rude, vous emporte cahin caha, sur des rails mal soutenus par des traverses ensablées, jusqu’à la plage de l’Océan.

Le véritable promeneur possède le dilettantisme des impressions qu’il ressent ; il comprend les infinies délicatesses du spectacle changeant que la marche amène devant ses yeux et que connaissait si bien J.-J. Rousseau, le promeneur solitaire. À mon avis, on doit choisir une journée de beau soleil pour aller à pied, fût-ce au prix d’un peu de fatigue, à la dune de la Grave. Il est préférable, au contraire, de se rendre à l’Océan par un temps gris, alors que de lourdes nuées couvrent le sol sans cependant le toucher, de sorte que la vue s’étend au loin dans le sens horizontal et que les profondeurs s’exagèrent de tout ce qui manque aux hauteurs. À la Grave, la nature chante en majeur ; à l’Océan, la grande symphonie des choses se fait en mineur. Le tramway s’arrête, on gravit la colline de sable élevée à peine d’une dizaine de mètres, on parvient sur la crête et l’on regarde.

Sous les pieds, du sable semé de touffes de gourbet, de jonc marin, herbe dure, en longues tiges rondes qui s’agitent, échevelées, au souffle du vent ; puis après un léger ressaut, la plage unie, se continuant à droite et à gauche, toujours pareille jusqu’aux deux bouts de l’horizon ; en avant, l’Océan apportant ses grosses vagues, ses vraies vagues qui arrivent d’Amérique, courant, se suivant pendant des nuits et pendant des jours au-dessus des abîmes. Arrêtées dans leur course par le fond qui s’exhausse, haletantes, quoique non lassées, elles roulent leurs volutes glauques et font retentir le tonnerre lointain de leurs sourds et éternels grondemens qui ressemblent à de grands soupirs. Le spectacle est tellement grandiose qu’il n’émeut pas immédiatement. Il se voit, et très lentement, lorsque la première sensation est passée, il pénètre, se grave dans l’esprit et l’on saisit alors sa majesté. On a l’infini devant soi et rien ne vous y a amené. Tout s’y trouve dans une complète proportion, car tout est immense. Quelques détails se distinguent sur la blancheur de la plage, une embarcation brisée, quelques herbes marines, des débris de filets, épaves de la dernière tempête ; mais il faut les chercher avant de les apercevoir et leur découverte augmente encore la grandeur du tableau. J’ai éprouvé la même sensation de profonde mélancolie, de l’effrayante annihilation de l’homme devant la nature, en me promenant sur l’isthme sablonneux qui relie l’Ile de Langlade à Miquelon, près de Terre-Neuve, où, là aussi, je marchais au milieu des carcasses des navires naufragés. Au cap Ferret, dès que le vent souffle, il s’empare du sable desséché, le masse, le redresse comme un panache, l’emporte du bord de la mer vers la terre et, subitement, le tourbillon s’évanouit, le sable retombe, la dune est en train de se former.

L’Océan apporte sans cesse du sable à la terre ; les roches, les minéraux amenés à la mer, s’y triturent, s’y usent, y sont attaqués mécaniquement par leur frottement mutuel, physiquement par l’eau qui les dissout, chimiquement par le sel et l’eau qui en transforment les composans. Finalement ils sont réduits en argile fine entraînée dans les profondeurs du centre du bassin océanique et en grains à peu près uniquement quartzeux, le sable. Une partie de celui-ci s’entasse sous les eaux et devient l’élément constituant des grès de l’avenir ; une autre partie est poussée sur la plage lorsque les conditions ambiantes sont favorables comme le long des côtes basses qui s’étendent de l’embouchure de la Gironde à l’embouchure de l’Adour, région balayée par des vents assez réguliers et, en conséquence, par de violens courans. Le flot l’apporte au moment de la marée montante et l’abandonne à la marée basse. Le sable mouillé conserve sa cohésion ; le vent le dessèche, le rend meuble, l’emporte en tourbillons, le laisse retomber au-delà de la plage, vers la terre, et il se dispose en dune.

La dune offre l’aspect d’une colline à pente douce du côté d’où souffle le vent, c’est-à-dire du côté de la mer. Le sable la remonte jusqu’à ce que, arrivé au sommet, il s’éboule sur la pente opposée, beaucoup plus abrupte que la première, parce qu’elle est une pente d’éboulis. Le grain de sable se trouve alors à l’abri du vent et demeure immobile. Cependant, comme après lui d’autres grains parviennent incessamment sur la crête et s’éboulent à leur tour, il est bientôt recouvert par leur masse. En revanche, ce mouvement incessant finit par dégager le pied du talus extérieur où l’épaisseur est faible, et le résultat final est que la colline semble s’être reportée d’une seule pièce, en avant. Une dune est une vague lente qui approche, passe et s’éloigne sur la nappe des sables comme une vague liquide approche, passe et s’éloigne, quoique beaucoup plus rapidement, sur la nappe des eaux. On observe une fois encore combien la nature est simple dans ses manifestations, demeure fidèle aux lois qui la régissent, et les répète. Le glacier est un fleuve lent, la dune est une vague lente, l’air forme des vagues plus rapides que celles de la mer, et à mesure que la rapidité de ces vagues augmente, elles s’appellent son, chaleur, lumière, rayons actiniques. Les êtres les perçoivent ; ils les entendent, les voient, les sentent, en éprouvent le choc, de quelque façon qu’on nomme la sensation éprouvée ou que celle-ci se traduise, car elle est ressentie d’une manière très variée chez le même être et encore plus variée chez des êtres différens. Elles lui sont joies, voluptés, douleurs, et l’esprit reste confondu à la pensée des vagues courant dans l’univers, sur les mers et les terres, dans l’atmosphère, à travers l’infini, se heurtant, interférant, se combinant au milieu des planètes, des étoiles, des mondes, notes distinctes dont l’ensemble constitue l’immense concert de la nature, au sein duquel tout vit et tout meurt, depuis l’insecte jusqu’aux soleils radieux.

La dune qui vient d’être décrite est la dune typique. Un peu plus loin du bord, sa forme se complique ; elle cesse d’être vague pour devenir clapotis, de quatre-vingts mètres de hauteur à pic, il est vrai, comme à la Grande dune coupée par l’érosion qui sape sa base. Quand, de la plage, on se décide à en faire l’ascension assez pénible d’ailleurs, parce que le pied enfonce dans le sable qui s’éboule, on trouve d’abord immédiatement contre le talus une rangée d’arbres tombés, de racines enchevêtrées, fouillis auquel la mer qui le baigne pendant le flot, surtout lorsque le vent d’ouest contribue à élever le niveau des eaux, ajoute des épaves, planches brisées, paniers emportés par un coup de mer du pont de quelque navire et qui, après avoir longtemps flotté, sont venus s’échouer et s’émiettent sous les intempéries. De distance en distance, une petite flaque où croissent les iris rassemble les eaux qui suintent de la dune. On continue à monter, et à des hauteurs inégales, on rencontre des couches minces d’un terreau noirâtre, feutrage de brindilles végétales où sont encore fixées des racines d’arbres. On trouve cinq de ces couches superposées, ce qui, en comptant les blocs de lignite remplis d’empreintes qui forment sur la plage un niveau visible seulement au plus bas de la marée, constitue six niveaux successifs, sols de forêts disparues, crêtes de vagues que le vent n’a pas eu le temps d’aplanir et qui ont été recouvertes par d’autres vagues, atteintes et recouvertes à leur tour, à six reprises différentes et ensuite mises à nu sur leur tranche par l’éboulement de la dune. Ces niveaux sont évidemment d’autant plus récens qu’ils sont plus élevés.

La couche inférieure correspond sans doute à la végétation vigoureuse reposant directement sur le sous-sol d’argile qui affleure en divers points et formait le plancher du bassin alors qu’il était lac d’eau douce et antérieurement aux envasemens. Elle est à l’état de blocs de lignite bourrés d’empreintes de plantes (typha et bouleaux) croissant au bord des eaux douces. La couche suivante est simplement un sable mélangé de terreau avec débris végétaux, la troisième et la quatrième sont un peu plus épaisses. Enfin, la cinquième, toute récente, supporte des troncs de plus desséchés, demeurés debout et dont beaucoup portent encore, maintenus par des clous, leurs pots à recueillir la résine, à demi remplis et d’un ancien modèle. La vague, qui est la crête de la dune actuelle, a passé sur eux, les a engloutis, et maintenant ils reparaissent, cadavres d’arbres qui, lorsque le sable s’éboule au-dessous d’eux, s’inclinent, tombent, roulent jusqu’au bas de la pente et vont grossir la barricade qui borde le rivage.

À son sommet, la dune change d’aspect. Le vent a chassé le sable tantôt d’un côté et tantôt de l’autre ; sur ce plateau se sont créés des vallonnemens, des creux, où, à l’ombre des plus à demi ensablés et pourtant encore couverts de leurs feuilles, on s’étend avec délices pour prendre un repos bien mérité par le rude exercice auquel on s’est livré. À la surface du sable brûlant, de petits coléoptères noirs courent alertes : ils grimpent les pentes, sont entraînés, roulent, disparaissent ensevelis, reparaissent, remontent, retombent et, Sisyphes en miniature, recommencent, sans se lasser, leur ascension infructueuse. De quoi peuvent se nourrir ces animaux, quel rôle jouent-ils dans la nature ? Et pourtant, connu ou inconnu, leur rôle existe, ils accomplissent une tâche. Après tout, dans leur entonnoir de sable profond de quelques centimètres, ils ne sont pas plus petits qu’un homme au milieu d’une ville. Si, après quelques semaines, on veut retourner en un de ces coins ombreux où l’on s’est reposé, le sable est tellement mobile que souvent on ne reconnaît plus la place. Les arbres ont été engloutis, leur cime dépasse à peine le sol. Des poteaux télégraphiques ont été ainsi enterrés sur les deux tiers de leur longueur en moins d’une année. Sur l’extrême limite du plateau, là où commence la pente, au-dessus du vent, des arbres desséchés, sortis de leur tombeau de sable, sont polis d’un côté ; le bois a été dépouillé de son écorce, lissé par le choc des grains emportés par le vent et qui le frappent sans relâche.

La dune se déverse sur la forêt qu’elle abrite. La pente est très inclinée. En hiver, le sable humide se maintient ; l’été, lorsqu’il est bien sec, on le voit couler en une nappe mince comme dans un sablier, et même, quand tout est silencieux, que le vent est calme, on entend son bruissement continu. En dessous, à une très faible profondeur, l’intérieur de la dune est imbibé d’eau. La couche humide, mise à découvert par la chute rapide du sable sec subjacent, apparaît non pas uniforme, mais en barricades, en falaises minuscules de quelques centimètres de hauteur, toutes dentelées, en colonnettes vermiculées, architecture bizarre qui, dans l’air sec, se conserve encore pendant un certain temps, peut-être à cause des traces de sel apporté par les embruns de la mer et qui donne de la cohérence aux grains. Le sable ainsi agglutiné est dans un équilibre si instable que le passage d’un insecte, une mouche qui s’y pose, y détermine un écroulement subit qui se propage sur une certaine longueur.

La forêt continue à perte de vue, touffue, embroussaillée, composée de pins, d’arbousiers et de buissons. Doucement, grain de sable à grain de sable, la dune s’avance. Elle ne renverse pas les obstacles, elle les absorbe. Le sable se répand en couche mince sur la mousse et les brins d’herbe, la couche augmente, fait disparaître la teinte verte du sol, elle s’élève, monte le long des troncs d’arbres, les engloutit, et les branches seules émergent, elle monte encore, tout est enseveli, tout demeure caché pendant quelques années. La vague passe. Lorsque la déclivité diminue l’épaisseur du sable, la forêt réapparaît d’abord par les plus hautes branches affleurant le sol ; plus loin, on revoit les troncs qui restent droits, puisque rien ne les a ébranlés, jusqu’au moment où, privés d’appui, ils s’inclinent et tombent sur la pente extérieure.

Telle est la dune ; telles sont les phases suivant lesquelles s’accomplit le phénomène naturel qui, il y a juste un siècle, était un véritable fléau parce que le sable, continuellement apporté par les courans marins, s’avançait vers l’intérieur des terres et menaçait d’envahir le pays entier. La végétation seule peut arrêter ou plutôt prévenir son mouvement. Les feuilles et les tiges recouvrant sa surface la protègent contre le contact direct du vent, les racines qui pénètrent dans son intérieur le maintiennent, et les débris végétaux le transforment en un humus spongieux qui conserve l’humidité, l’empêche de se dessécher et par conséquent l’affermit. Pendant l’antiquité, alors que les forêts arrivaient, épaisses et touffues, jusqu’au rivage, les dunes avaient peu de profondeur ; à la fin du siècle dernier, elles avaient tellement augmenté qu’on pouvait calculer en années l’époque à laquelle Bordeaux serait couvert par le sable.

La méthode de défense consiste à opposer à la dune en mouvement un premier obstacle au voisinage de la mer, en élevant, parallèle au rivage, une palissade en planches contre laquelle le sable s’amoncelle et qui l’empêche de continuer sa marche vers l’intérieur. Quand le talus a atteint le sommet de la palissade, on remonte celle-ci, ce qui exhausse d’autant la crête de la dune artificielle. La petite colline ainsi formée protège contre le vent le sable qui s’étend au-delà de la palissade. On l’ensemence alors de jonc marin ou gourbet (Calamagrostis arenaria) dont les racines le consolident par leur feutrage résistant. Sur cette seconde plage, on provoque la création d’une seconde colline par une rangée de clayonnages, et l’on peut maintenant, sous la protection de ces deux crêtes successives, faire un semis serré de graines de pin et de gourbet que l’on empêche d’être enlevées par le vent en recouvrant le sol de branchages uniformément distribués. Lorsque les arbres, et la végétation ont pris une force suffisante, la dune est fixée.

On attribue généralement à Brémontier la découverte de cette méthode ; il en a été glorifié de toutes les façons. On a dressé en son honneur en 1818, près de la Teste, une pyramide et, en 1878, un monument sur une place de la ville d’hiver d’Arcachon ; depuis près d’un siècle, la voix publique chante ses louanges. Or rien n’est plus injuste : le public s’est laissé tromper encore une fois et sa voix a chanté à faux. La portion de gloire qui appartient à Brémontier se réduit étrangement lorsqu’on en examine de près les titres ; celle dont il jouit est un véritable déni de justice. Brémontier s’est montré beaucoup plus habile à profiter des travaux et des découvertes d’autrui qu’à arrêter la marche envahissante des dunes, et il apporte à l’histoire un exemple de l’antique sic vos non vobis, qui n’est point le premier et ne sera pas, hélas ! le dernier. Mais c’est un cas de conscience pour la postérité mieux informée que de rendre aux auteurs de la découverte qui ont été des bienfaiteurs de l’humanité la part de renommée qui leur revient et qui leur a été dérobée.

L’origine de la forêt d’Arcachon et de celles qui recouvraient toute la côte de Gascogne se perd dans la nuit des temps. Le saltus Vasconiœ est mentionné par Strabon, Pline, Varron et d’autres encore. Les habitans qui la conservaient agissaient-ils sous l’empire d’une sorte d’instinct leur interdisant de détruire ce rempart contre les vents, le flots et le sable ? Les besoins de l’industrie étaient alors peu exigeans, et l’exploitation si ancienne de la résine et de ses dérivés, loin de demander l’abatage des pins, conseillait au contraire de les garder longtemps vivans et même d’en augmenter le nombre. Il est possible aussi que les courans marins n’eussent point autrefois la même direction, de sorte que l’apport de leurs sables était nul ou beaucoup moindre qu’aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, la forêt s’étendait jusqu’au bord même de l’Océan et la dune n’existait pas.

On pense que l’apparition de celle-ci date du VIe siècle et est attribuable aux dévastations, aux incendies de forêts accomplis par les Alains, les Suèves et les Vandales, ou à la cause physique d’un changement de direction des courans marins et aériens. À partir de cette époque, le fléau s’exerce sans interruption et en augmentant toujours d’intensité. Le sable envahit les terres et engloutit les forêts, les champs et les habitations.

En 1727, un sieur Baleste-Marichon, maître chirurgien royal à la Teste, eut l’idée d’ensemencer les lettes, vallées comprises dans l’intervalle de deux dunes. L’opération réussit. Néanmoins, il faut reconnaître que le sable, moins mobile dans les creux protégés contre le vent, était dans des conditions particulièrement favorables et l’on ne se trouvait point aux prises avec les grandes difficultés du problème.

Le danger devenait pressant. En 1769, une commission fut nommée à l’effet d’y porter remède. Au nombre de ses membres était l’abbé Louis Desbiey, qui, avec son frère, habitait depuis longtemps le pays, y possédait des forêts et avait tenté d’arrêter la marche des dunes. L’examen auquel il se livra, son expérience passée, lui permirent de rédiger un mémoire intitulé Recherches sur l’origine des sables de nos côtes, sur leurs funestes incursions vers l’intérieur des terres et sur les moyens de les fixer ou du moins d’en arrêter les progrès. Le travail fut présenté le 25 août 1774 à l’académie de Bordeaux et récompensé par un prix en 1776.

À cette époque, la publicité scientifique était bien moindre que de nos jours où elle est dispensée avec tant de libéralité. Le mémoire couronné ne fut pas imprimé. Son manuscrit, déposé aux archives de l’académie, fut prêté par l’archiviste à un M. de Montausier qui le perdit. Un peu plus tard, Dupré de Saint-Maur, intendant à Bordeaux, pria avec instances Desbiey de vouloir bien lui confier la copie qui était restée entre ses mains, afin, comme le disaient les termes mêmes de la lettre de demande, « de la communiquer au sous-ingénieur des ponts et chaussées, M. Brémontier.» L’abbé remit la copie, Brémontier en prit possession et ne la rendit jamais.

Il n’est donc pas possible de savoir exactement quels étaient les procédés préconisés par Desbiey et dont la commission de 1769 avait constaté les bons effets, puisqu’elle avait chargé l’abbé de rédiger son rapport. On est porté à croire, d’après divers indices ou d’après des allusions trouvées dans les travaux et rapports faits dans la suite, qu’ils consistaient à élever sur la dune même des rangées de barricades parallèlement à la mer et à planter entre elles des pieds de vigne qui, provignés tous les deux ans, fixaient le sable et le protégeaient contre le vent. La méthode était d’ailleurs employée depuis trois siècles en plusieurs localités avoisinantes, au Capbreton, à Messanges et à Saint-Julien. Brémontier, par la lecture du mémoire de Desbiey, fut informé de tout ce qui avait été tenté le long de la côte et dont l’expérience avait démontré le degré d’efficacité.

En 1778, le roi Louis XVI, dans le dessein d’améliorer le bassin d’Arcachon et d’en faire, ainsi que l’avait conseillé Vauban, un refuge pour les vaisseaux de guerre, envoya le baron Charlevoix de Villers, ingénieur de la marine, visiter les lieux. De Villers ne pouvait manquer de prendre en sérieuse considération la fixation des dunes et il proposa dans ce dessein l’emploi de clayonnages et de serais de graines de pin. Trois ans après, il fut remplacé par le sous-inspecteur des ponts et chaussées Nicolas Théodore Brémontier, qui, sans rien changer aux procédés de son prédécesseur, obtint du roi, en 1787, un crédit de 25,000 livres pour exécuter des essais.

Pendant les séjours que ses fonctions l’avaient obligé à faire dans la région, Brémontier était entré en relations avec Pierre Peychan de la Teste, propriétaire de forêts, qui avait étudié la question et lui communiqua les résultats satisfaisans de ses propres expériences. L’ingénieur n’eut pas de peine à comprendre le parti à tirer d’un collaborateur aussi précieux et lui proposa de l’aider. Peychan accepta. On commença les travaux, d’abord à la dune du Pilat, en 1787, puis dans la plaine de Moulleau, en 1788. Mais contre les avis formels de Peychan, qui conseillait de recouvrir les semis de rameaux disposés régulièrement sur le sol, afin de les protéger jusqu’au moment de la germination, Brémontier se borna à semer des graines de pin et de genêt, qui furent immédiatement balayées par le vent. L’insuccès fut complet et le travail arrêté.

Il fut repris en 1791 par Peychan, autorisé par le directoire du département de ta Gironde, sur l’emplacement aujourd’hui occupé par la ville d’hiver d’Arcachon. Cette fois, on n’eut garde de manquer de recouvrir les semis. Le succès montra combien la précaution était indispensable, et, dix ans après, l’administrateur Partarrieu et Brémontier lui-même constataient officiellement les bons résultats obtenus.

Avec la puissance d’action qu’il tenait de ses fonctions, l’ingénieur, désormais instruit des véritables procédés à employer, les appliqua résolument. En 1801 et 1802, sept ateliers furent ouverts entre Bayonne et le Verdon. Non-seulement on arrêtait les dunes, mais, comme l’avait indiqué Baleste-Marichon, on ensemençait les lettes pour se procurer plus rapidement les branchages destinés aux couvertures. Dès ce moment Brémontier, avec une grande habileté, commençait à s’attribuer la gloire d’une invention qu’après s’y être opposé, il n’avait fait que mettre tardivement à exécution. Des réclamations s’élevèrent. M. Tassin, secrétaire-général des Landes, délégué par le préfet, M. Méchin, rappela en vain dans un rapport les insuccès de 1787 et 1788, ainsi que la part qui revenait aux divers inventeurs, l’ingénieur eut le talent de tout réduire au silence. Pour plus de sûreté, il rédigea de sa main un certificat rempli d’éloges sur sa propre personne, niant que « qui que ce soit avant le citoyen Brémontier ait fait travailler efficacement à la fixation et à la fertilisation des dunes. » Il le fit signer par des membres du conseil municipal de la Teste et, une fois en possession de ce document, le 5 pluviôse an XI, il écrivit, de la même plume, une lettre pour remercier les signataires de leur déclaration spontanée. La comparaison des deux autographes reproduits dans une brochure du docteur A. Lalesque[4], publiée en 1884, établit le fait d’une manière indiscutable.

En résumé, Brémontier était ingénieur en chef des ponts et chaussées, alors que, d’après les méthodes combinées de Baleste-Marichon, Desbiey, Charlevoix de Villers et Pierre Peychan, les dunes du golfe de Gascogne furent arrêtées et fertilisées.

Peychan eut le tort de ne point soutenir ses droits ; inspecteur des travaux des dunes, pour les départemens de la Gironde et des Landes, il fut sans doute effrayé d’entrer en lutte avec un homme aussi haut placé que l’était Brémontier et qui, de plus, était son supérieur hiérarchique. Il se contenta de rassembler et de conserver les lettres et documens qui, dans la suite, devaient servir à établir la vérité. Il mourut presque inconnu en 1804. Et aujourd’hui, du haut du monument de la ville d’hiver d’Arcachon, le buste en bronze de Brémontier sourit avec bienveillance aux hommages des étrangers contemplant les traits de celui qui « fixa le premier les dunes et les couvrit de forêts. »

La dune de la Grave n’est pas arrêtée et elle avance sur la forêt ; mais, en cet endroit, les circonstances sont exceptionnelles. La dune, en pente abrupte, n’a grandi que par l’incurie avec laquelle on l’a laissée s’augmenter, sans mettre obstacle à la superposition des cinq ou six vagues de sable qui lui ont donné son élévation actuelle. Cependant, les courans marins du golfe de Gascogne et la fréquence des vents de nord-ouest ont eu pour effet d’accroître vers le sud la longueur de la langue de sable du cap Ferret ; le côté opposé de l’entrée est forcé de reculer en sens inverse, de sorte que l’entrée même du bassin se porte de plus en plus au sud en produisant l’allongement et en exagérant la courbure du chenal. La Grande dune s’érode avec une rapidité considérable, son épaisseur actuelle ne dépasse pas quelques centaines de mètres, et la vitesse avec laquelle elle s’avance du côté de la terre est inférieure à sa destruction du côté de la mer. Elle est donc condamnée à disparaître à bref délai. Le sable qui la compose, transporté sur l’autre rive du chenal, comblera celui-ci en partie et tendra à modérer le passage de l’eau de mer. Comme le bassin se colmate, ainsi que nous l’avons vu, la quantité d’eau de mer nécessaire pour le remplir à chaque marée deviendra moins considérable, les courans qui l’apportent diminueront d’intensité, auront moins de force pour débarrasser le chenal des sables qui tendent à l’obstruer, les passes se fermeront, et au bout d’un certain temps, la communication du bassin d’Arcachon avec la mer sera supprimée ou deviendra insignifiante. Le phénomène s’est accompli à Cazaux.

Du reste, il en est ainsi sur toute la côte des Landes, entre la pointe de Grave, à l’embouchure de la Gironde et l’embouchure de l’Adour. La suite d’étangs qui occupe cette longue ligne en est une preuve. On trouve successivement les étangs de Hourtin ou de Carcans, de Lacanan suivi de six petits étangs, le bassin d’Arcachon, les étangs de Cazaux, de Biscarrosse, d’Aureilhan, de Saint-Julien et de Lit, de Léon, de Soustous et plusieurs autres plus petits jusque près du Boucan. Les uns communiquent avec la mer comme ceux d’Arcachon, d’Aureilhan et de Soustous ; les autres sont fermés, comme Cazaux, qui rejoignait l’océan par un chenal se dirigeant vers le sud-ouest par rapport au centre de la masse d’eau et dont on croit reconnaître la trace de l’embouchure au lieu dit le Gurc de Maubruc, vers le poste de douane de Sanguinet. Lacanan communiquait encore avec la mer, au XIVe siècle, par un canal nommé chenal d’Anchise.

Il serait bien à désirer que l’étude détaillée de chacun de ces étangs fût abordée. Le travail serait considérable ; il devrait être méthodique, précis et surtout exempt de ces compendieuses inutilités qui, trop généralement, encombrent ces sortes de monographies. La monographie d’un lac, quelque part qu’il soit situé, est assez peu intéressante en elle-même, si elle ne sert à établir la connaissance d’une loi naturelle. Dans le cas présent, il s’agirait de découvrir les lois d’une formation maritime dont on retrouve les analogues en diverses régions du globe. Il faudrait commencer par dresser un plan précis de chacun des lacs et du terrain environnant par courbes d’égal niveau au-dessus et au-dessous de l’eau. On ferait ensuite des analyses d’eaux à diverses profondeurs et, en eau salée, des mesures de densité poursuivies sans interruption pendant toute l’année et en des points différens du bassin. On mesurerait la vitesse des courans, on doserait les matières en suspension, on dresserait des courbes de marées dignes de foi, portant les corrections indispensables de salure et de température. Une comparaison des valeurs trouvées dans ces divers lacs apprendrait leur genèse, peut-être attribuable à des affleuremens d’argile situés un peu en arrière du cordon littoral des dunes ; on saurait leur mode de remplissage par les eaux de pluie, faisant lentement disparaître les eaux salées à l’aide d’une filtration s’accomplissant sous une pression mesurée par la différence de niveau entre la surface de la mer et celle du lac, ainsi que par la propriété des grains de sable de fixer par attraction moléculaire les sels en dissolution. On serait renseigné sur les phases successives de leur existence. Toutes les hypothèses énoncées jusqu’à présent et qui ne reposent, pour la plupart, que sur des opinions personnelles, seraient confirmées ou détruites d’une façon définitive. Ces documens seraient précieux pour la science ; mais dans le cas des étangs salés, ils auraient une utilité pratique immédiate. Sans eux, on demeure dans l’empirisme. Or, notre époque possède cet avantage d’obliger les esprits à se livrer méthodiquement au travail. Espérons que ce point de vue utilitaire, cette transformation de données scientifiques en argent comptant finira par être comprise. Personne ne s’en plaindra, ni les savans, bien certainement, ni cette forte et honnête population de pêcheurs, qui peine presque sans profit, et auxquels on a le devoir de faire gagner leur pain au prix de labeurs un peu moins rudes, ni la France, à laquelle il serait bon, de temps en temps, de penser sincèrement, paradions plus encore que par paroles.


J. THOULET.

  1. M. Viallanes vient d’être enlevé, par une mort prématurée, à la science et à ses nombreux amis et admirateurs.
  2. Voyez à ce sujet, une Colonie grecque dans les landes de Gascogne entre l’an 1200 et l’an 550 av. J.-C., par H. Ribadieu. Paris, 1864 ; Dentu. — Voyage dans les landes de Gascogne et Rapport à la société royale et centrale d’agriculture sur la colonie d’Arcachon, par M. le baron de Mortemart de Boisse. Paris, 1840.
  3. L’Origine du français, par l’abbé J. Espagaolle, 2 vol. Paris et Leipzig ; Ch. Delagrave, 1886-1888.
  4. Coup d’œil rétrospectif sur les dunes mobiles du golfe de Gascogne et sur leur immobilisation dans les temps anciens et modernes, par le docteur A. Lalesque aîné, ancien conseiller-général de la Gironde. Bordeaux, 1884 ; G. Gounouilhou.