Le Baiser (Jean Polonius)

Poésies (p. 15-17).
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Le Baiser




 
J’ai senti nos lèvres s’unir,
De tes bras j’ai senti l’étreinte,
Et tu m’abordes sans rougir !
Et tu me parles sans contrainte !
Hélas ! au calme de tes traits,
À l’innocence de ton aine,
Je le vois trop : tu l’ignorais,
Le prix de ce baiser de flamme.


Tu l’as donné sans y songer,
Comme un jeu que permet le monde,
Comme en riant l’enfant léger
Jette une fleur au sein de l’onde.
La fleur tombe, et sans reposer
L’onde l’emporte dans sa fuite :
Plût à Dieu que de ton baiser
La mémoire eût passé si vite !

Il a marqué d’un sceau brûlant
La place ou s’imprima ta bouche ;
Il erre, il court dans tout mon sang ;
Il me consume sur ma couche.
En songe, il jette dans mon cœur
Mille espérances vagabondes ;
D’amour, d’extase, de bonheur,
Lui seul m’a révélé des mondes.

Espoir divin, bonheur trop cher,
Dont l’impuissance me dévore,

Ne serez-vous qu’un pâle éclair,
Qui naît, qui brille, et s’évapore ?
Ah ! reprends ton baiser cruel,
Ou couvre-le d’autres sans nombre !
Ne m’as-tu fait rêver le ciel
Que pour me replonger dans l’ombre ?