CHAPITRE XII

PHOSPHORE


Le phosphore est un corps solide, translucide, d’un blanc rosé, qui répand des lueurs dans l’obscurité, d’où son nom de phosphore (porte-lumière).

39. Propriétés du phosphore.

Le phosphore est mou, on peut le couper au couteau. C’est un poison violent.

I. COMBUSTION DU PHOSPHORE DANS L’OXYGÈNE

La principale propriété du phosphore est de se combiner facilement à l’oxygène ; en s’oxydant, il s’altère à l’air ; aussi le conserve-t-on dans des flacons pleins d’eau. Son oxydation lente dégage de la chaleur, il peut arriver facilement à sa température de combustion (60 degrés) et s’enflammer ; il suffit pour cela de la chaleur des mains, du frottement d’un couteau ; on doit toujours le manier et le couper sous l’eau.

Nous avons vu que l’oxydation du phosphore est utilisée pour analyser l’air, pour extraire l’azote de l’air. Il y a formation d’anhydride phosphoreux dans la combustion lente, d’anhydride phosphorique dans la combustion vive. La combustion lente du phosphore produit le phénomène de la phosphorescence.

L’expérience suivante montre la facile inflammabilité du phosphore dans l’air ; on dissout du phosphore dans du sulfure de carbone ; on trempe un papier à filtre dans la dissolution et on expose le papier à l’air. Le liquide s’évapore et le phosphore très divisé prend feu et enflamme le papier.

II. PHOSPHORE ROUGE

Lorsque le phosphore est placé à la lumière, il se transforme à la surface en une variété de phosphore qu’on appelle phosphore rouge, le phosphore ordinaire portant par opposition le nom de phosphore blanc. — Le phosphore blanc se transforme complètement en phosphore rouge quand on le maintient en vase fermé à une haute température. Le phosphore rouge obtenu a des propriétés différentes de celles du phosphore blanc ; il n’est pas soluble dans le sulfure de carbone ; il n’est pas vénéneux ; il ne s’oxyde pas à l’air à la température ordinaire, donc il n’est pas phosphorescent et on peut le manier sans danger d’inflammation. Ses propriétés le font préférer au phosphore blanc dans les applications.

40. Usages du phosphore.

Le phosphore sert à la fabrication des allumettes. Elles sont de deux sortes : 1° celles qui s’enflamment par frottement sur un corps quelconque ; 2° celles qui ne s’enflamment qu’au moyen d’un frottoir spécial. Pour fabriquer les premières, on découpe des baguettes de bois dont on plonge une extrémité dans du soufre fondu. Puis on roule les extrémités soufrées des baguettes dans une pâte composée de phosphore blanc, de sable, de colle et d’une matière colorante. Le frottement qu’on exerce sur l’allumette pour l’allumer enflamme le phosphore ; la chaleur due à la formation de l’anhydride phosphorique est suffisante pour enflammer le soufre, et la chaleur dégagée par la formation du gaz sulfureux enflamme le bois. Le phosphore brûle si vite que le bois ne pourrait brûler sans l’intermédiaire du soufre.

Les autres allumettes diffèrent surtout des premières par l’emploi du phosphore rouge au lieu du phosphore ordinaire. Mais, comme le phosphore rouge s’enflamme difficilement, on facilite sa combustion en lui ajoutant du chlorate de potassium qui fournit de l’oxygène. Le phosphore est appliqué sur le frottoir, le chlorate de potassium sur l’allumette.

41. Extraction du phosphore.

Le phosphore s’extrait des os après qu’on les a calcinés à l’air ; on pulvérise les os calcinés et on obtient une poudre dite cendre d’os, qui est formée de carbonate et de phosphate de calcium. Cette poudre est traitée par l’acide sulfurique ; il se produit deux réactions :

1° Le gaz carbonique du carbonate de calcium se dégage, et du sulfate de calcium insoluble se dépose

CO3Ca + SO4H2 = CO2 + SO4Ca + H2O
Fig. 46. — Extraction du phosphore. — B, cornues contenant le mélange de phosphate de calcium et de charbon ; C, tubes de dégagement du phosphore ; R, récipients refroidis.
Fig. 46. — Extraction du phosphore. — B, cornues contenant le mélange de phosphate de calcium et de charbon ; C, tubes de dégagement du phosphore ; R, récipients refroidis.

2° Les deux tiers du calcium du phosphate forment avec l’acide sulfurique du sulfate insoluble ; il reste en dissolution un corps qui est encore un phosphate de calcium, mais un phosphate contenant pour la même quantité de phosphore et d’oxygène trois fois moins de calcium que le premier. On recueille le liquide limpide, on le fait évaporer jusqu’à ce qu’il ait la consistance d’un sirop. On chauffe avec du charbon ; le phosphate primitif se reforme, réaction qui nécessite seulement un tiers du phosphore et en isole les deux tiers, combinés à de l’oxygène ; le charbon prend cet oxygène pour former de l’oxyde de carbone et le phosphore est libre.

On opère à l’abri de l’air pour éviter l’inflammation du phosphore ; ce corps se dégage en vapeurs qu’on fait arriver dans de l’eau froide (fig. 46). Pour le purifier, on le met dans une peau de chamois, on le fait fondre dans l’eau tiède ; on presse la peau ; le phosphore liquide traverse les pores, et coule dans des moules où il se solidifie.