CHAPITRE X

SOUFRE, S


Le soufre est un corps solide, jaune clair, qu’on trouve dans le commerce soit en bâtons (soufre en canons), soit en poudre (fleur de soufre).

34. Propriétés du soufre.

I. CONDUCTIBILITÉ POUR LA CHALEUR

Le soufre est mauvais conducteur de la chaleur. Quand on en prend un bâton dans la main, on entend des crépitements appelés cris du soufre ; la chaleur, communiquée par la main, reste à la surface ; les molécules extérieures se dilatent, se séparent des molécules internes, et les crépitements sont dus à la rupture ainsi produite. Si on trempe le bâton dans l’eau chaude, le bruit est plus intense, et le morceau de soufre peut se diviser en fragments.

II. FUSION

Chauffons du soufre dans un ballon, il fond ; le liquide obtenu est jaune clair ; mais il prend une couleur rouge brun de plus en plus foncée à mesure qu’on chauffe ; en même temps, il s’épaissit, et devient si pâteux qu’on peut retourner le ballon sans le faire écouler. En continuant à chauffer, il redevient liquide tout en gardant sa couleur rouge ; et, si la température s’élève suffisamment, il se vaporise. Quand on le laisse refroidir, il repasse, en sens inverse, par tous les états qu’il avait pris sous l’action de la chaleur. La fusion du soufre se présente d’une manière toute spéciale. La plupart des corps passent directement de l’état solide à l’état liquide, telle est la glace ; des gouttelettes d’eau apparaissent à la surface de la glace, et le phénomène se continue jusqu’à fusion complète ; les autres corps, comme la cire, passent par un état intermédiaire entre l’état solide et l’état liquide, qu’on appelle étal pâteux. Le soufre devient pâteux après avoir été liquide et redevient liquide ensuite ; il ne rentre donc ni dans la première, ni dans la seconde catégorie.

III. SOUFRE MOU

Quand le soufre est redevenu liquide, si on le fait tomber lentement dans l’eau froide, en déplaçant le ballon pour que tout ne tombe pas à la même place, le soufre se solidifie sous forme de filaments élastiques, constituant le soufre mou. Celui-ci durcit et perd peu à peu son élasticité.

IV. CRISTALLISATION DU SOUFRE

Faisons fondre du soufre dans un creuset, fermé pour empêcher l’accès de l’air ; le soufre, fortement chauffé, brûlerait à l’air, en produisant du gaz sulfureux. Quand le soufre est complètement fondu, laissons refroidir le creuset jusqu’à ce que la surface du liquide soit solidifiée ; perçons de deux trous la croûte formée ; par l’un d’eux, faisons écouler le soufre resté liquide, l’autre donnant accès à l’air extérieur. Si alors nous enlevons la croûte, nous verrons que le soufre s’est solidifié en nombreuses aiguilles dirigées des parois du creuset vers l’intérieur ; ces aiguilles sont du soufre cristallisé.

Il existe une autre forme de cristaux de soufre. Pour les obtenir, versons sur du soufre placé dans une soucoupe, un liquide jaune, d’odeur désagréable, le sulfure de carbone. Nous employons le sulfure de carbone parce que ce corps est le meilleur dissolvant du soufre. Couvrons la soucoupe pendant que s’effectue la dissolution, pour empêcher l’évaporation du liquide qui est très volatil ; puis découvrons, quand le soufre est complètement dissous. Le sulfure de carbone s’évapore et le soufre se dépose en petits cristaux, sur certains desquels on peut nettement distinguer huit faces.

V. COMBUSTION DU SOUFRE DANS L’OXYGÈNE

Le soufre brûle dans l’oxygène ou dans l’air, avec une flamme bleuâtre, en produisant du gaz sulfureux reconnaissable à son odeur.

VI. COMBINAISONS AVEC LES MÉTAUX

Le soufre se combine avec les métaux pour former des sulfures. Beaucoup de sulfures se trouvent dans le sol et servent souvent à l’extraction des métaux qu’ils contiennent.

Combinaison avec le fer. — Chauffons dans une coupelle un mélange de fleur de soufre et de limaille de fer humecté d’eau. (La limaille est du fer en parcelles très petites, obtenues dans le travail du fer à la lime.) La combinaison se fait avec incandescence, et il y a formation de sulfure de fer, corps solide de couleur brune.

Combinaison avec le cuivre. — Tassons dans un petit tube de verre fermé à une extrémité (tube à essai) de la fleur de soufre et des copeaux de cuivre, et chauffons. La combinaison se produit encore avec incandescence, et, si on casse le tube, on voit que les copeaux sont couverts d’une couche noire de sulfure de cuivre.

35. Usages du soufre.

Le soufre sert dans la fabrication des allumettes et de la poudre de guerre. Il permet d’utiliser le caoutchouc ; ce corps, sécrété par certains végétaux, durcit à l’air, et, sous l’influence de la chaleur, il se ramollit ; on évite cet inconvénient en y incorporant du soufre. On emploie le soufre en pommades pour combattre les maladies de peau et en pastilles pour la gorge. On projette de la fleur de soufre sur les vignes attaquées par l’oïdium, champignon microscopique qui détruit les feuilles.

26. Extraction du soufre.

Dans les pays volcaniques, on trouve à la surface du sol du soufre mélangé de matières terreuses, comme aux environs de Naples (soufrières). Le soufre existe aussi en masses compactes dans l’intérieur de la terre, comme en Sicile. Pour extraire le soufre, il suffit de le séparer des matières terreuses. On opère par fusion ou par distillation.

Fig. 42. — Extraction du soufre par fusion.
Fig. 42. — Extraction du soufre par fusion.

1° Par fusion. — On dispose le minerai de soufre sur des surfaces circulaires, inclinées et limitées par des murs en maçonnerie. On entasse les morceaux de façon à former une meule (fig. 42) soutenue par la maçonnerie et dans laquelle on ménage plusieurs cheminées verticales. On recouvre la meule de terre pour empêcher l’accès de l’air, et, par les ouvertures, on jette des branchages allumés. Une partie du soufre s’enflamme, et la chaleur dégagée par la combustion suffit pour fondre le reste ; il s’écoule sur la surface inclinée et tombe dans un réservoir où il se solidifie.

Ce procédé a l’inconvénient de perdre une partie du soufre ; il a l’avantage d’exiger très peu de combustible et de s’exécuter sur place. On l’emploie en Sicile où le minerai est abondant, le combustible rare et les communications difficiles.

2° Par distillation. — Le minerai, placé dans des pots en terre réfractaire, est chauffé dans un four à une température suffisante pour que le soufre passe à l’état de vapeur (fig. 43). La vapeur se dégage par des tubulures latérales, dans des vases semblables, placés hors du four ; elle se condense, puis se solidifie. Cette méthode, employée à Naples, exige du combustible, mais évite la perte d’une partie du soufre ; on l’utilise pour les minerais pauvres.

Fig. 43. — Extraction du soufre par distillation. — V, vases dans lesquels on place le minerai de soufre ; B, vases dans lesquels se condense le soufre ; S, vase dans lequel s’écoule par la tubulure t le soufre fondu.
Fig. 43. — Extraction du soufre par distillation. — V, vases dans lesquels on place le minerai de soufre ; B, vases dans lesquels se condense le soufre ; S, vase dans lequel s’écoule par la tubulure t le soufre fondu.

Le soufre, obtenu par l’un ou l’autre de ces procédés, est impur ; d’autres substances sont entraînées en même temps que le soufre. On le raffine à Marseille.

RAFFINAGE DU SOUFRE

On chauffe le soufre pour qu’il se vaporise, et l’on condense brusquement la vapeur au contact des parois froides d’une grande chambre (fig. 44). C’est la fleur de soufre qui se dépose sur les murs et abandonne la chaleur qu’il avait fallu fournir au soufre pour le faire passer de l’état solide à l’état gazeux. Les parois s’échauffent, la vapeur se condense alors à l’état liquide. Le soufre s’amasse à la partie inférieure de la chambre ; on le coule dans des moules cylindriques où il prend la forme de bâtons (canons). Si on arrête l’opération à temps, on peut recueillir la fleur de soufre ; quand on veut pénétrer dans la chambre, fortement échauffée, et qui contient un peu de gaz sulfureux, on arrête l’arrivée du soufre, et on détermine un courant d’air, en ouvrant la porte et une soupape ménagée en haut de la chambre. Pour chauffer le soufre, on emploie deux chaudières dont l’une est chauffée directement par le foyer. Elle reçoit le soufre liquide provenant de la deuxième chaudière placée plus haut et chauffée seulement par les gaz du foyer qui ont déjà passé autour de la première. Le soufre brut est introduit dans la chaudière supérieure ; on peut ouvrir celle-ci pour y ajouter une nouvelle quantité de soufre, sans crainte d’enflammer ce corps et de le transformer en gaz sulfureux.

Fig. 44. — Raffinage du soufre. — A, chaudière chauffée directement par le foyer ; B, chaudière dans laquelle fond le soufre brut ; T, tuyau de communication des deux chaudières ; C, fleur de soufre ; S, soupape ; M, vis fermant la porte par laquelle le soufre liquide s’écoule dans la chaudière latérale avant d’être versé dans des moules.
Fig. 44. — Raffinage du soufre. — A, chaudière chauffée directement par le foyer ; B, chaudière dans laquelle fond le soufre brut ; T, tuyau de communication des deux chaudières ; C, fleur de soufre ; S, soupape ; M, vis fermant la porte par laquelle le soufre liquide s’écoule dans la chaudière latérale avant d’être versé dans des moules.