Lausanne à travers les âges/Vie à Lausanne/01

Collectif
Librairie Rouge (p. 187-192).


I

Paroisses nationales, libre, allemandes, anglaises, catholique, etc.

LA vie à Lausanne est animée, si on la compare à celle d’autres villes de même grandeur : cela provient de ce que, de cité épiscopale, elle est devenue la capitale d’un petit État autonome de 300 000 habitants, de ce qu’elle possède une Université et enfin du fait que, placée au centre de l’Europe, sur l’intersection de deux grandes voies de communication, elle est en contacts fréquents avec la France, l’Allemagne et l’Italie. Les étrangers y arrivent facilement ; ils y sont retenus par sa belle situation et par la douceur des mœurs ; de là des échanges d’idées, qui maintiennent un certain mouvement dans les esprits. Le Lausannois est du reste cultivé ; il est friand de conférences littéraires, scientifiques ou artistiques ; chaque hiver de nombreux professeurs, critiques ou savants, se font entendre ; mais malheur à l’étranger mal informé qui vient raconter à notre public des choses qu’il sait déjà ; s’il tente de réchauffer des bons mots connus, il aura beau noyer ses saillies dans des flots de rhétorique et de compliments flatteurs, il ne fera pas ses frais.

Le Lausannois est en général tolérant et conciliant ; il n’est pas sujet à ces emballements ou à ces accès de prosélytisme, qui, ailleurs, provoquent des discussions irritantes. Cette tolérance est surtout manifeste dans le domaine religieux. La piété réelle y est entourée de considération. Les gens même qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les cultes, se plaisent généralement à reconnaître que les efforts du clergé officiel ou indépendant n’ont pas été vains, et qu’ils ont pour résultat évident d’élever le niveau de la moralité publique et privée. Il y a à Lausanne de nombreux cultes correspondant à des conceptions religieuses différentes ; leurs adhérents vivent en bonne harmonie.

Les personnes qui envisagent la religion sous son côté social et qui sont désireuses de la voir atteindre les masses préfèrent l’Église nationale, « l’Église de nos pères, » comme l’on entend dire parfois, qui est issue de la Réforme et qui a été longtemps, pour les Vaudois, un centre de ralliement. Le territoire de la commune de Lausanne fait partie de cinq paroisses différentes à savoir : 1o La paroisse de Lausanne proprement dite, avec quatre temples (la Cathédrale, qui appartient à l’État ; Saint-François, Saint-Laurent et Ouchy) ; elle est divisée en sept sections, ayant chacune à sa tête un pasteur[1], 2o celle de Chailly, 3o celle des Croisettes, 4o celle de Morrens, à laquelle se rattache le hameau de Montherond, 5o celle de Cheseaux, dont font partie les Vernands. Les temples de Chailly, des Croisettes et de Montherond, comme ceux de la ville, sont propriétés communales. Les membres de l’Église nationale s’intéressent, financièrement, dans une large mesure, à l’œuvre de la Société des Missions de Bâle.

Les pasteurs les plus en vue de l’Église de Lausanne ont été, au seizième siècle : Pierre Viret, Jacques Valier, Jacques Langlois, Jean Bœuf, Pierre Boquin, Nicolas Séguier, Guillaume Dubuc ; au dix-septième siècle : Marc de Saussure, Charles Deschamps, Pierre Collinet, Jacques Combe, Élie Molart ; au dix-huitième siècle : Gabriel Bergier, Louis-César de Saussure (qui assista Davel à ses derniers moments et fut déposé pour avoir tenu, en cette circonstance, un langage trop indépendant), Benjamin Rosset de Rochefort, Antoine-Noé de Polier, J.-Pierre Leresche, Daniel Pavillard, chez qui le jeune Gibbon fut mis en pension par son père, Samuel Secretan, Jean-Frédéric Bugnion, J.-Frédéric Pichard ; au dix-neuvième siècle : Louis Curtat, Philippe-Louis Bridel, Louis Manuel, Charles Scholl, Louis Fabre, Guillaume Monod, Félix Chavannes, N. Poulain, F. Girard, Saison Vuilleumier, Alfred Porret, Alexis de Loës[2].

Les personnes qui envisagent la religion au point de vue individuel se rattacheront de préférence à l’Église libre, qui s’est constituée en 1847, à la suite de la démission que donnèrent collectivement plus de 150 pasteurs de l’Église nationale (novembre 1845). Cette démission eut pour cause déterminante le fait que le gouvernement avait enjoint aux pasteurs de lire en chaire une proclamation exhortant le peuple à adopter la nouvelle constitution, mission qu’ils estimaient ne pas rentrer dans leurs attributions. Une partie du clergé vaudois avait été préparé à l’idée de l’indépendance de l’Église par les écrits de Vinet. L’Église libre de Lausanne a quatre lieux de culte (chapelles des Terreaux, de Martheray, de la Pontaise et de Villard) ; elle a quatre pasteurs en titre et un pasteur auxiliaire ; elle fait partie de l’Église libre vaudoise. Son influence s’étend au dehors par l’envoi de missionnaires au sud de l’Afrique ; elle s’est unie dans ce but aux Églises libres de Genève et de Neuchâtel pour fonder la Mission romande.

Église catholique (1835).

L’Église libre de Lausanne a eu, entre autres, à sa tête pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle les pasteurs Ph.-L. Bridel, Paul Monneron, Charles Scholl, Frédéric Espérandieu, Louis Bridel, Louis Germond, Alexis Reymond, Auguste Bonnard, Rodolphe Dupraz, Paul Chatelanat, Philippe Bridel et Alfred Schrœder.

Il existe à Lausanne des Écoles du dimanche, dont les unes se rattachent à l’Église nationale ou à l’Église libre, et dont d’autres n’ont pas de caractère ecclésiastique ; elles sont suivies par 5400 enfants.

Les Suisses allemands et les Allemands, assez nombreux à Lausanne, ont trois Eglises se rattachant à la confession réformée. Celle de la Mercerie[3] dont l’origine remonte à l’année 1614 et dont le pasteur émarge au budget de l’État, celle de l’avenue de Villamont, dont les adhérents se sont séparés de l’établissement officiel pour des motifs de doctrine, en 1885 ; enfin l’Eglise méthodiste allemande, fondée en 1856, dont les cultes ont lieu à la chapelle du Valentin.

Il y a également deux services religieux de langue anglaise, dont l’un dépend de l’Église anglicane et se célèbre à l’église du Christ, inaugurée en 1878 avenue d’Ouchy[4], et l’autre se rattache à l’Église libre d’Écosse et se célèbre dans la chapelle de l’avenue de Rumine.

Sous le régime bernois, il n’y avait pas de paroisse catholique ; vers la fin du dix-huitième siècle, cependant, une communauté catholique comptant environ 200 membres s’était formée ; les cultes avaient lieu au domicile privé de la baronne d’Olcah, puis dans une maison de la rue Madeleine ; l’abbé Vivian en était le chapelain. Tolérée seulement par le bailli bernois, la paroisse catholique romaine s’affirma sous le régime helvétique, qui proclama l’égalité des cultes.

Église anglaise (1878).

Sous l’Acte de Médiation, le gouvernement promit de faciliter l’exercice du culte en lui fournissant un local approprié à cet usage. En 1814, l’église Saint-Étienne (aujourd’hui temple de la Mercerie), fut concédée aux catholiques ; ils partageaient cette chapelle avec la congrégation allemande et avec la congrégation anglaise, ce qui fut une source de difficultés. En 1829, la paroisse catholique voulut avoir une église en propre ; la construction en fut commencée au Chemin-Neuf, mais il se produisit un glissement de terrain, et l’édifice qui n’était pas encore achevé dut être abandonné. Une nouvelle église fut construite, par l’architecte Perregaux, à la rue qui depuis a reçu le nom de Valentin ; elle fut consacrée à Notre-Dame de l’Assomption en 1835 en présence du Conseiller d’État Druey.

Le culte romain n’émarge pas au budget de l’État ; le seul subside qu’il reçoive est une indemnité de quelques centaines de francs, qui est remise à M. le Curé de Lausanne en sa qualité de chapelain des prisons et de l’hôpital ; par ce motif sa nomination est soumise à l’approbation du Conseil d’Etat. Le Curé de Lausanne a généralement deux vicaires ; leur traitement est supporté par les fidèles.

Monseigneur Deruaz, actuellement évêque du diocèse de Lausanne-Genève, avec résidence à Fribourg, a été longtemps Curé de Lausanne, il a eu pour successeur l’abbé Métrai, et pour prédécesseurs les abbés Balbès, Aeby, Zbinden, Monney, Dey, Reidhaar et Favre.

La population catholique de notre ville est approximativement de 10 000 âmes, dont 4000 Suisses. Une chapelle a été construite, en 1879, à la Croix d’Ouchy, par Mme la princesse Sayn-Wittgenstein-Sayn ; elle est dédiée au Sacré-Cœur et à Saint-Louis de Gonzague ; son recteur se rattache au clergé romain de Lausanne.

Il y a encore à Lausanne un culte protestant en langue italienne dans la chapelle du Valentin, une chapelle irvingienne sur la route de la Solitude, enfin une Synagogue, installée dans une aile de l’immeuble Mercier à la rue du Grand-Chêne. Pour être complet, il faudrait mentionner les darbystes, les adventistes, les salutistes, etc.

Une action morale s’exerce aussi sur notre peuple par les sociétés de tempérance et par la Mission intérieure, œuvre relevant d’un comité mixte (Eglise nationale et Eglise libre), dont les principaux cultes ont lieu à la Salle Centrale, place du Pont.

Église écossaise (1877)

Les sociétés de tempérance sont au nombre de cinq, à savoir :

1° La Croix bleue, fondée en 1878, qui a pour but de travailler, avec le secours de la religion, au relèvement des victimes de l’intempérance. Cette association comptait au Ier septembre dernier 835 membres à Lausanne (dans l’ensemble du canton 4262) ; elle exige de ses adhérents l’abstinence complète de toute boisson fermentée ; les engagements sont pris pour une durée de temps déterminée. Elle n’a aucun caractère politique ou ecclésiastique.

L’Avenir poursuit le même but que la Croix Bleue et emploie les mêmes moyens, mais se rattache à l’Église nationale vaudoise.

Bons Templiers. — Les membres de l’Ordre des Bons Templiers, fondé en 1896, s’engagent pour toute leur vie à ne prendre aucune boisson alcoolique, à ne pas en fabriquer, ni en vendre. Ils sont à Lausanne au nombre de 70 plus 40 enfants.

Ces trois sociétés ont pour but le relèvement des buveurs.

L’Espoir s’adresse à la jeunesse. Cette association reçoit des engagements à terme ; elle est placée sous une direction religieuse ; elle [compte 102 sections et 1915 adhérents dans le canton, dont 350 adhérents à Lausanne. Sa devise est : « Prévenir vaut mieux que guérir. »

La Ligue antialcoolique, fondée en 1895, reçoit des engagements illimités mais toujours révocables. Elle se place en dehors de toute conception religieuse.

Ces deux dernières sociétés ont un but préventif et ne s’occupent pas de relèvement.

  1. La section d’Ouchy est divisée en deux subdivisions ; la deuxième a à sa tête un suffragant.
  2. La loi ecclésiastique de 1839 a mis tous les pasteurs de Lausanne sur le même rang. Autrefois il y avait « un premier grand ministre » qui avait la paroisse de Bourg ; un « second premier ministre », qui avait la paroisse de la Cité ; un archidiacre, qui avait celle de Saint-Laurent, et un diacre pour celle du Pont et de la Palud. Il y avait aussi des ministres forains qui desservaient les annexes de Prilly, Renens, Le Mont, Romanel et les Croisettes. Ces trois annexes furent transformées en paroisses en 1811.
  3. Le culte allemand avait lieu autrefois dans l’ancienne chapelle de saint Maurice et des martyrs de la légion thébaine à l’entrée de la cathédrale, ainsi que dans l’ancienne salle de la bibliothèque cantonale
  4. Le culte anglais se célébrait précédemment dans le temple d’Ouchy et plus anciennement dans celui de la Mercerie.