Anonyme
s. n. (p. 16).


No. 10. LE PETIT COLIN-MAILLARD.



La coloſſale Ducheſſe de Confourneau, après avoir eſſayé de tous les genres de plaiſirs et de caprices, s’eſt enfin fixée à faire des éducations. Son plaiſir eſt d’inſtruire les débutans de l’un et l’autre ſexe. Le jeune Prince étranger qu’on voit perché ſur une chaiſe et regardant par deſſus le paravent, eſt un éleve de cette femme déhontée ; c’eſt elle auſſi qui a enſeigné toutes les pratiques de la tribaderie à la jeune perſonne qu’on voit nue, et qui eſt Demoiſelle de compagnie de jour et de nuit. La Ducheſſe avoit arrangé pour ce jour-là une ſéance où le Prince devoit eſſayer ſous les yeux de l’inſtitutrice différens enlacemens, et c’étoit pour commencer la leçon qu’elle avoit fait déshabiller d’avance Mlle de Montbijou ; mais le Prince s’eſt trouvé retardé. Craignant de manquer l’heure, il a eu l’attention d’envoyer ſes excuſes par un joli Jocquey, encore enfant, qu’il a pris le jour même à ſon ſervice. Le morveux ayant eu la fortune de piquer la curioſité de la Ducheſſe, celle-ci ſe decide ſur le champ à faire l’eſſai de ce qu’il peut avoir déjà de moyens ; mais elle ne veut pas ſe compromettre. Sous pretexte que le Prince ordonne qu’on charge l’enfant d’un écrit qu’il doit aller remettre quelque part avec le plus grand ſecret, on lui bande les yeux, on le jette dans un caroſſe : après lui avoir fait parcourir quelques rues, on le ramène à l’hôtel ducal. On voit la conſommation du caprice de la Dame, et combien cette paſſade étonne, en même tems qu’elle ſtimule Mlle de Monbijou. Au fort de la fête, le Prince eſt ſurvenu : de petits mots qu’il a pu entendre en mettant le pied dans la chambre, l’ont mis au fait. Pour ne pas troubler le myſtère, il s’eſt juché : la Belle Dame, qui l’a vu d’abord, ne s’eſt nullement déconcertée, et, ſans perdre un seul tems de ſa cadence avec le petit bon-homme, elle ſourit cyniquement au ſpectateur.