Ladvocat - Dictionnaire historique/2e éd., 1821/PRÉFACE


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PRÉFACE


De l’Abbé LADVOCAT, à la tête de la première édition

de son Dictionnaire Historique.

LE Dictionnaire Historique que nous donnons au Public, est comme la suite du Dictionnaire Géographique Portatif, auquel on a fait un accueil si favorable, qu'il y en a eu en peu de temps un grand nombre d'Editions, et qu'il n'a pas été moins bien reçu en Hollande, en Italie, et en Espagne, qu'en France. Nous espérons que celui-ci aura le même succès. En effet, ces deux petits Dictionnaires sont faits l'un pour l'autre, et doivent aller ensemble. M. l'Abbé Vosgien, Auteur du premier, n'a fait qu'indiquer les grands Hommes de chaque Ville, pour ne point trop s'écarter de son objet, qui est la Géographie ; de même nous n'avons fait que nommer dans celui-ci, les Lieux et les Pays, pour ne point nous trop éloigner de notre sujet, qui est l'Histoire et la Chronologie. On trouve, dans le Dictionnaire Géographique de M. Vosgien, un détail circonstancié des Lieux des Villes, des Provinces et . des Royaumes, que nous ne faisons qu'indiquer ; de même dans le Dictionnaire Historique que nous publions, on trouvera un détail circonstancié de la vie, des actions, et de la mort des personnes illustres ou fameuses, que M. Vosgien ne fait que nommer. Il est donc nécessaire de joindre ensemble, ces deux petits Dictionnaires ; puisque, du consentement de tout le monde, la Géographie, qui est l'objet du premier, doit toujours accompagner l'Histoire et la Chronologie, qui font l'objet de celui-ci.

C'est aussi pour cette raison que le plan de ces deux Dictionnaires ayant été fait de concert et en même-temps, nous avons cru qu'ils devoient être tous les deux à peu-près de la même étendue ; et comme M. l'Abbé Vosgien a renfermé toute la géographie en un volume, de même nous avons renfermé l'histoire, et la chronologie, tant ancienne que moderne en deux volumes, de la même forme et du même caractère que celui de M. Vosgien, et nous en ayons chargé le même Libraire, pour donner au public la facilité de les acheter en même temps.

Tous les Dictionnaires Historiques, qui ont paru en François jusqu'ici, ne regardant qu'une petite partíe de l'Histoire ou sont si étendus et en si grand nombre de gros Volumes, qu'il n'y en a pas un seul qui viij PRÉFACE.

puisse être d'un usage commode et ordinaire. Celui-ci évite tous ces inconvéniens. Il est universel ; et il pourra servir à ceux qui n'ont pas le moyen d'acheter les grands dictionnaires, ou qui n'ont pas le temps de les lire ; 2° à ceux qui veulent porter avec eux un dictionnaire historique à la campagne, ou à la promenade ; 3° aux personnes qui sont bien aise d'avoir sous la main un livre commode et d'un usage facile, qui leur rappelle sur le champ les principaux faits et les dates de ces faits : 4° aux personnes du sexe et aux jeunes gens, lesquels trouveront dans ce petit dictionnaire une Esquisse de l'histoire universelle, avec les vies et les caractères des hommes qui se sont le plus distingués dans tous les siècles : 5° enfin, à ceux qui enseignent l'histoire à la jeunesse ; lesquels pourront facilement, à l'aide de ce livre, inculquer à leurs Disciples les faits les plus remarquables, et qu'il est plus important de bien retenir.

Il serait inutile de nous objecter que l'histoire universelle, dont l'étendue est immense, ne peut être renfermée dans les bornes étroites de deux volumes in-8o, car un tableau en miniature ne peut-il pas conserver la ressemblance de son objet, et en représenter en petit aussi exactement tous les traits, que le tableau de la plus grande étendue. Il en est de même d'un abrégé Historique. Les principaux traits, les caractères distinctifs, qui sont propres à chaque Personne illustre ou fameuse, y peuvent être peints, et décrits aussi exactement, quoiqu'en raccourci, qu'ils le font en grand dans les plus volumineux historiens. Ce sont ces traits, ces caractères distinctifs, qui sont comme la substance de l'histoire, et ils ne doivent jamais être omis, même dans les abrégés les plus concis. Mais il y a des particularités moins essentielles que l'on peut et que l'on doit même omettre entièrement dans les abrégés, et quoique la vie et les actions des grands hommes y soient décrites en peu de mots, ils peuvent y être aussi bien peints qu'ils le sont dans les petits tableaux, pourvu que le peintre y ait bien observé les proportions du corps humain et les autres régles de son art.

Pour revenir à notre dictionnaire, et pour en donner une idée plus juste et plus détaillée, c'est une espèce d'abrégé d'histoire universelle, dans lequel on trouve, par ordre alphabétique, tout ce qu'il y a de plus important, et ce que l'on voudroit avoir principalement retenu. C'est un recueil des vies de plusieurs mille personnes illustres ou fameuses, de tout pays, de tout sexe, de toute condition, depuis le commencement du monde jusqu'à cette année, dans lequel on rapporte, autant que le sujet le peut permettre, et qu'on l'a jugé convenable et nécessaire, 1° le nom et le surnom de la personne illustre, fameuse ou distinguée dont on parle : 2° sa qualité, avec quelqu'épithète qui marque cette qualité : 3° le jour, l'année, et le lieu de sa naissance : 4° son père ou sa famille : 5° ses principales actions ou ses emplois : 6° le jour, l'année et le lieu de sa mort ; 7° ce qui le caractérise davantage, c'est-à-dire, par exemple, si c'est un roi, un empereur, un pape, les principaux événemens de son Règne, ou de son pontificat, avec son prédécesseur et son successeur ; si c'est un

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grand capitaine, ses principales, batailles gagnées ou perdues ; si c'est un peintre, un sculpteur, un graveur, un architecte, ses meilleurs tableaux, statues, estampes, bâtimens ; si c'est un inventeur, ses découvertes ; si c'est un écrivain, ses principaux ouvrages avec les meilleures éditions, et le jugement des savans sur ces ouvrages : si c'est un philosophe, ses principales maximes ; si c'est un hérétique, un schismatique, ou l'auteur de quelque secte, les hérésies ou les opinions de cette secte, &c. Enfin, nous n'avons rien oublié pour rendre ce petit ouvrage utile et intéressant. Le nombre des personnes illustres ou fameuses dont nous parlons est très-considérable, et nous croyons n'en avoir omisque très-peu de quelqu'importance, et qui puissent par quelqu'endroit mériter place dans un ouvrage tel que celui-ci. On ne doit pas s'attendre néanmoins d'y trouver généralement tous les hommes dont il est quelquefois fait mention dans l'histoire, ni ceux qui n'ont eu d'autre mérite que leur naissance, ou qui n'ont été distingués que par les places qu'ils ont occupées ; ce serait un travail immense et de peu d'utilité. Ces sortes de personnes doivent être regardées dans l'histoire comme le sont dans la géographie ces lieux obscurs, ces villages et ces vieux châteaux ruinés, qui ne méritent plus aucune attention. Nous avons cru aussi devoir omettre les généalogies, et passer sous silence les personnes encore vivantes. Pour peu qu'on y réfléchisse, on s'appercevra aisément que nous avons eu de bonnes raisons d'en agir ainsi. Nonobstant ces omissions, si l'on examine bien ce petit dictionnaire, on y trouvera plus de personnes qu'on ne s'imaginerait pouvoir être contenues en deux volumes in-8o ; il y en a même plusieurs que l'on a oubliées dans les plus grands dictionnaires, sans en excepter celui de Moreri et l'on ose assurer qu'il y a peu de Livres qui contiennent tant de choses en si peu de paroles, ni qui puisse fournir une matière plus abondante et plus variée aux entretiens familiers et à la conversation.

Quant à la chronologie et à la manière de marquer les dates et les époques, nous avons suivi celle qui nous a paru la plus claire et la plus propre à fixer la mémoire ; c'est pourquoi nous n'avons parlé ni de période julienne, ni d'olympiades, ni de fondation de Rome, ni d'Hégire, etc. toutes ces manières de compter les années jettent de l'obscurité dans l'esprit de la plupart des lecteurs ; mais il n'y a personne qui ne sache dans quelle année il vit de l'ère vulgaire, c'est-à-dire, que nous comptons, par exemple, cette année, mil sept cent soixante ans depuis la naissance de Jésus-Christ. C'est à ce point fixe que nous avons réduit toutes les différentes manières de compter : nous marquons toujours exactement en quel temps la personne dont nous parlons a vécu, soît avant, soit après la naissance de Jesus-Christ. Par exemple, si quelqu'un veut savoir combien il y a que l'Empereur Constantin vainquit Maxence, et se déclara en faveur du christianisme, il trouvera dans notre dictionnaire que ce fut l'an 312 ; ainsi en ôtant 312 de 1760, que nous comptons cette année, il trouvera qu'il y a 1448 ans que Constantin vainquit Maxence, et qu'il fit cesser la persécution contre les chrétiens. Si, au contraire, quelqu'un veut savoir combien il y a que Tarquin le Superbe monta sur le trône, il trouvera dans notre dictionnaire que ce fut 533 ans avant Jésus-Christ, et comme nous comptons cette x PRÉFACE.

année, 1760 ans depuis Jesus-Christ, en ajoutant 533 à 1760, on trouvera qu'il y a 2293 ans que Tarquin-le-Superbe commença à régner. Il en est de même des autres époques. Nous les avons toutes réduites aux années avant ou après Jésus-Christ, ce qui laisse toujours dans l'esprit une idée claire et distincte du temps dont on parle, et ce que ne fait point la période julienne, ni aucune autre manière de compter les époques.

Il est bon d'observer aussi, que nous nous sommes servis, pour la composition de cet ouvrage, non-seulement du grand dictionnaire de Moreri et de ses supplémens ; mais aussi des livres anciens et modernes qui ont eu jusqu'ici l'approbation des personnes de goût et de jugement. C'est pourquoi, lorsque le lecteur verra que les articles de notre Dictionnaire sont différens de ceux du dictionnaire du Moreri, ce qui arrive très-souvent, nous le prions instamment, avant que de donner la préférence au auteurs du Moreri, d'examiner avec soin lesquels d'eux ou de nous ont raison ; car dans tous les articles où nous leur sommes contraires, ce qui (comme nous venons de le dire) est très-fréquent, nous avons puisé dans de meilleures sources, et nous sommes en état de justifier les corrections et les changemens sans nombre, que nous avons faits en une infinité d'endroits, par des raisons et des autorités qui nous paroissent sans réplique. A l'égard des dictionnaires et des auteurs dont nous avons fait usage, nous y avons pris, changé ou retranché ce qui nous a paru de plus convenable à notre dessein, et lorsque leurs expressions nous ont semblé bonnes, nous n'avons fait aucune difficulté de les transcrire : nous avons cru que ce seroit une vanité ridicule et une peine inutile, lorsque les choses sont bien dites, de vouloir les dire mieux et en d'autres termes. D'ailleurs, comme nous n'avons fait cet ouvrage que dans nos temps d'amusemens et dans les courts intervalles que nous laissent des études sérieuses et des occupations plus importantes, s'il avait fallu ne rien dire que de nous-mêmes, cela nous aurait demandé un temps assez considérable que nous sommes obligés d'employer à des matières plus graves et conformes à notre état. Persuadés que c'est une folle gloire et une vanité blâmable de s'appliquer à des choses frivoles et inutiles, et que la vue du bien publie et de l'avantage du prochain ne doit jamais être séparée de notre propre instruction et de notre utilité particulière dans nos études, dans nos actions et dans nos occupations ; notre dessein, dans cet ouvrage, comme dans tout ce que nous faisons, a été d'être utile au public et aux jeunes gens, même dans nos temps de récréation. C'est ce qui a donné lieu au dictionnaire géographique de M. Vosgien et à celui-ci ; car ayant été obligé d'aller passer quelques mois à la campagne pour rétablir ma santé, je priai M. Vosgien, mon parent, d'y venir avec moi pour m'y tenir compagnie ; comme nous ne pouvions alors nous occuper d'études sérieuses et suivies, je lui conseillai de composer sous mes yeux le petit Dictionnaire Géographique Portatif, ce qu'il fit avec succès. Pour donner aux jeunes gens qui me consultent souvent dans leurs études, une idée juste de l'histoire et de la kittérature, j'entrepris en même PRÉFACE. xj

temps le petit Dictionnaire Historique, que je publie aujourd'hui. J'espère que la modération que j'y ai gardée, et que je recommande toujours à la jeunesse, ne déplaira pas aux honnêtes gens ni aux personnes vraiment chrétiennes et vertueuses. J'ai eu soin d'y inculquer partout les motifs qui nous doivent retenir inviolablement attachés d'esprit et de cœur à notre sainte religion et à la doctrine de l'église catholique, apostolique et romaine ; et j'ai suffisamment caractérisé les personnes, les ouvrages et les erreurs qui y sont contraires ; mais en même temps j'ai évité avec soin toutes ces déclamations, ces emportemens et ces injures qui marquent plutôt un esprit passionné et une fureur de parti, qu'un zèle vraiment chrétien et catholique, et qui sont indignes non-seulement des personnes doctes et vertueuses, mais même de tout homme de probité, et de toute personne bien élevée.

Pour rendre notre ouvrage portatif, nous nous sommes servis de quelques abréviations faciles à deviner, dont on trouvera la table à la tête du dictionnaire. Sans ces abréviations, il nous aurait fallu près de trois volumes ; ce qui n'aurait pas répondu à notre intention. Tandis que nous travaillions à cet Ouvrage, il nous tomba entre les mains un petit dictionnaire anglais, en deux volumes, imprimé à Londres en 1743 ; nous crûmes d'abord qu'il était composé, selon le plan que nous nous étions proposé, et qu'il nous suffirait de le traduire, avec quelques corrections et augmentations ; mais en le traduisant, nous le trouvâmes si défectueux, qu'il nous aurait fallu plus de temps pour le corriger et y suppléer, que pour achever celui que nous avions commencé ; c'est ce qui nous obligea de l'abandonner entièrement, et de reprendre notre premier plan. Nous l'avons seulement suivi presqu'en tout dans la partie littéraire qui concerne l'Angleterre, persuadés que, l'auteur étant anglais, il aura mieux examiné la littérature de son Pays.

Enfín, nous croyons devoir avertir, (et c'est une chose que l'on ne peut trop répéter aujourd'hui, puisque nous voyons depuis quelque-temps le frivole en tout genre et le superficiel s'emparer de la plupart des esprits) nous croyons devoir avertir qu'il ne faut pas s'imaginer pouvoir devenir habile par la seule lecture des dictionnaires, des journaux et des brochures de toute espèce dont le public est inondé. Ces sortes d'ouvrages, et en particulier celui-ci, sont utiles et quelquefois même nécessaires. Ils mettent sur la voie, et ils donnent les titres et une légère idée des bons livres et des choses les plus importantes à savoir ; mais ils ne suffisent pas, et l'on ne deviendra jamais véritablement instruit et savant, si l'on ne fait d'abord une étude réglée des belles-lettres grecques, latines et françaises et si l'on ne s'applique ensuite entièrement à un genre particulier de quelque Science. Notre Dictionnaire, comme nous l'avons dit plus haut, renferme en abrégé l'Histoire Universelle, et il indique ses meilleurs Auteurs et les plus exçellens Livres en tout genre ; il met sur la voie, et il présente au Lecteur, surtout à la Jeunesse, une ample matière d'instrucxij PRÉFACE

tion et d'études. C'est en cela seul que nous avons prétendu faire consister son mérite.

Monsieur l'Abbé Ladvocat, ayoit fait suivre la Préface que l'on vient de lire, de la critique d'un dictionnaire historique, qui avait paru en 1758, en 4 ou 6 vol. in-8o ; mais ce livre est tellement oublié aujourd'hui, que la critique nous en paraît inutile ; nous la remplacerons par le compte que nous allons rendre des corrections et augmentations de cette nouvelle édition.