Labrador et Anticosti/Chapitre XXIV

C. O. Beauchemin & Fils (p. 467-495).



CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME

Gens et choses du Labrador oriental


Un pays désolé. — L’amour du sol natal. — Résidence d’été, résidence d’hiver. — La terreur qu’inspira une fois la vue d’une vache. — Comment se compose la population de la Côte. — Le paradis des voyageurs. — La difficulté des communications. — Les traders. — Le Capt. N. Blais, et la Stadacona. — Les habitations. — La pêche. — La chasse au loup marin. — Les grands établissements. — Le fléau des trap-nets. — Destruction des oiseaux de mer. — Pourquoi les profits de la chasse diminuent toujours. — Le télégraphe et la poste. — L’instruction publique. — « Venez voir le beau gibier ! » — L’histoire de la création, racontée par un écolier de là-bas. — Les missionnaires. — L’apôtre du Labrador.


Quand on a voyagé sur la Côte Nord, même jusqu’à Natashquan, et que l’on traverse à l’Anticosti, on éprouve l’enthousiasme que j’ai exprimé en son lieu à la vue de la belle végétation de l’extrémité ouest de la grande île : il semble alors que l’on arrive du pays le plus désolé qui soit au monde. Pourtant, si le sol de la Côte Nord est peu propre à l’agriculture, le règne végétal ne laisse pas d’y être assez bien représenté ; la forêt n’y est pas rare, quoique les arbres qui la composent soient peu variés et de médiocre venue. Comment faut-il donc qualifier le pays situé au-dessous de Natashquan ? En effet, dès que l’on descend au delà de ce poste, on ne tarde pas à constater combien l’aspect de la côte devient triste et monotone. La végétation s’y fait de plus en plus rare, finit même par manquer complètement, sauf en quelques endroits, le long des rivières, au fond de quelques baies. Et encore, bien souvent, même à ces endroits privilégiés, elle ne consiste qu’en sapins, épinettes, bouleaux rabougris et de petite taille, n’excédant guère en général une dizaine de pieds de hauteur. Les rochers sont ou bien totalement dénudés, ou bien recouverts de mousses et de lichens.

Le passage suivant de l’abbé Ferland[1] donne une idée très exacte de ce pauvre pays :

« La côte du Labrador, depuis Wapitugan[2] jusqu’à la baie de Brador, c’est-à-dire sur une longueur d’environ soixante lieues, est un lit de granit, dont les aspérités forment des collines et de petites montagnes sur la terre ferme, et des îles fort nombreuses dans la mer. Presque partout ces rochers se montrent nus ; sur quelques points une mousse blanche et épaisse s’étend sur le roc et lui communique une teinte grisâtre. Ailleurs les mousses sont décomposées et en se mêlant avec le détritus des rochers ont formé quelques pouces d’un sol dont les éricacées[3] se sont emparées. Quand on observe de loin la verdure dont elles revêtent la pierre, on croirait voir de magnifiques prairies, ou de beaux champs de blé encore en herbe ; mais de près, l’illusion est bien vite dissipée. En se pourrissant à leur tour, les feuilles et les racines de ces plantes finissent par former, dans les creux des rochers, une couche de terre végétale de dix à douze pouces d’épaisseur. Quelques habitants industrieux ont utilisé le terreau ainsi formé, en le ramassant et le transportant dans un lieu habité : par ce moyen ils ont réussi à créer des jardins et de petits champs, où ils récoltent des patates et des navets. »

On pourrait croire que les habitants de ce triste pays se trouvent bien malheureux de vivre dans une région si désolée. Mais il n’en est rien. La Providence a mis au cœur de l’homme l’amour du sol natal, et chacun préfère son pays à toutes les autres contrées de la terre. Il y a quelque part, au Labrador, un célibataire riche de vingt à vingt-cinq mille piastres, et qui vit seul dans une jolie maison. « Pourquoi, lui dit un jour le missionnaire, pourquoi n’allez-vous pas résider par exemple dans les environs de Québec ? — J’ai déjà passé un hiver à Québec. Jamais de ma vie je n’ai éprouvé tant d’ennui. Il me semblait que je ne verrais jamais arriver enfin l’époque de la navigation, pour m’en revenir au Labrador. Tenez ! mon Père, je suis né et j’ai vécu ici ; j’y suis heureux ! » Si l’on répond à cet exemple qu’il est facile aux gens riches d’être bien partout, je prierai qu’on lise, et on ne le fera pas sans être ému jusqu’aux larmes, le touchant récit qu’a publié M. Gregory[4] d’une visite qu’il fit, en l’automne de 1868, à la famille Jones, résidant à la baie de Brador. La misère de cette famille était extrême, et l’hiver qu’elle allait passer s’annonçait sous les couleurs les plus inquiétantes. Que répond le père Jones à M. Gregory, qui lui offre de le transporter avec sa famille dans un endroit du pays où il se créera facilement une position convenable ? « Je ne puis encore me décider à abandonner ce lieu où je suis né ! »

Il faut sans doute bénir le Créateur de cet attachement qu’il inspire aux hommes pour l’endroit où s’est écoulée la première période de leur existence. S’il en était autrement, nous verrions tout le genre humain s’entasser sur une étroite bande du globe terrestre, où la vie est la plus agréable et la plus facile ; et les conditions économiques qui s’ensuivraient seraient assurément fort curieuses.

* * *

Quand, au Labrador, on a à sa disposition quelque étendue de terre cultivable, on l’engraisse avec du goémon et des déchets de morue, et l’on cultive les pommes de terre, les oignons, les navets, les choux. Mais l’on ne récolte guère de ces légumes que pour l’usage immédiat ; car, on est trop occupé à la pêche pour être en mesure de donner beaucoup de temps à l’horticulture. L’automne, on achète des traders de Québec la quantité de légumes qu’il faut pour toute l’année.

La rareté des bois met la population dans l’originale nécessité d’avoir, comme on l’a déjà lu, une maison d’été sur les îles, à proximité des places de pêche, et une maison d’hiver sur la côte, le plus près que l’on peut des endroits où l’on pourra se procurer le bois de chauffage. La côte est presque partout dénudée ; mais à l’intérieur, le terrain consiste en plaines, marécageuses parfois, parfois assez boisées. La forêt commence à des distances variant de trois à vingt-cinq ou trente milles de la mer. Comme l’on n’a que les chiens pour transporter ces bois, on comprend bien que les gens ont tout intérêt à résider le moins loin possible de la forêt.

L’hiver n’est pourtant pas aussi rigoureux qu’on pourrait le penser d’une région d’environ quatre degrés plus au nord que Québec. Cela est dû certainement au voisinage de la mer, et à l’intérieur des terres le froid doit être beaucoup plus intense. Au rapport d’un missionnaire qui venait d’hiverner dans le bas Labrador, il n’y a guère de différence, durant les mois d’hiver, entre le climat de cette côte et celui du Saguenay, ni pour la rigueur du froid, ni pour la quantité de neige. Par exemple, la saison d’hiver y commence environ trois semaines plus tôt, et dure un mois de plus, et même davantage quand les banquises séjournent longtemps dans le détroit de Belle-Isle. L’été, déjà bien raccourci à ses deux extrémités, est plus frais que dans nos régions, surtout quand il y a des icebergs le long de la côte. Les brumes sont très fréquentes.

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Il n’est pas étonnant que dans un pays de ce genre, on ne voie guère d’autres animaux domestiques que les chiens. Chaque famille possède au moins cinq de ces vaillants coursiers pour les voyages en cométique.

Dans tout le Labrador inférieur, il n’y a pas un cheval, ni un mouton. En certains endroits, on possède des poules, qu’on laisse même courir en liberté, quand les chiens de la maison ont été habitués à les voir dès leur bas âge ; mais si l’endroit est tel qu’il puisse y venir des chiens étrangers, il n’y a pas de compagnie d’assurance qui ferait de la vie de ces paisibles volailles l’objet du moindre contrat.

De Natashquan à Blanc-Sablon, c’est à peine s’il y a sept ou huit vaches. Cela fait que l’industrie laitière n’a pas encore enrichi les gens du Labrador, comme elle a fait pour tant de Canadiens d’autres endroits de la Province. Il y a même des Labradoriens qui n’ont jamais vu une seule de ces lourdes, massives et tranquilles citoyennes de nos prairies. À ce propos, oyez cette histoire, que je tiens d’un missionnaire.

Il n’y a pas longtemps, les gens de certain poste virent un matin, tout près de terre, une goélette arrivée durant la nuit et qui, en route pour un endroit encore plus éloigné, avait jeté l’ancre en face du village. La rumeur ne tarda pas à se répandre qu’il y avait à bord de ce vaisseau un animal extraordinaire, que l’on apercevait sur le pont de la goélette. Cette bête-là était énorme ; de sa tête s’élevait deux cornes très longues, et elle lançait vers le rivage des regards menaçants. L’effroi fut grand, et ne cessa pas même lorsque l’on fut informé que le monstre n’était autre qu’une vache. « Un bon jeune homme, avec qui j’ai travaillé à quelque construction, ajoutait le missionnaire, ne me parle jamais de cette vache sans se montrer vivement impressionné. Il voudrait bien voir Québec ; mais la pensée d’y trouver peut-être des vaches éteint son désir.

« J’aime mieux, disait-il, rencontrer deux cents chiens que de rencontrer une seule vache ! » — Voilà un point, sans parler des autres, sur lequel ce jeune homme différait beaucoup d’Ernest Hello, qui lui n’arriva jamais à dominer la peur qu’il avait des chiens !

De l’épouvante peu justifiable qu’éprouva surtout la population la plus jeune de ce hameau, il ne faut pourtant pas inférer l’indigence intellectuelle du peuple qui habite le Labrador inférieur.

* * *

Quelle est donc la population du bas Labrador ?

Les pêcheurs de cette partie du Labrador sont, pour le plus grand nombre, originaires des comtés de la rive sud du Saint-Laurent, en bas de Québec, surtout des comtés de Montmagny et de l’Islet. Le reste des catholiques se compose d’Irlandais et d’Écossais venus de Terre-Neuve et des provinces maritimes du Canada. La population protestante est presque exclusivement originaire de Terre-Neuve. — Sur toute cette étendue de la côte, on compte plus de 500 catholiques. Le nombre des protestants est plus restreint. De Kégashka à La Tabatière, ce sont les Canadiens-Français qui dominent.

Ces Labradoriens sont, en général, intelligents, d’un commerce facile, très obligeants et d’une politesse qui étonne agréablement l’étranger. Leur qualité la plus distinctive, c’est l’hospitalité, qui est poussée chez eux jusqu’aux dernières limites. Si l’on se rappelle ce qu’on a lu, en un chapitre précédent, du caractère des habitants de la Côte Nord, on conclura que tout ce pays du Labrador est le paradis des voyageurs.

Donc, sur cette côte du golfe, tout voyageur, de quelque race et de quelque religion qu’il soit, peut se présenter à n’importe quel seuil, à toute heure du jour ou de la nuit ; partout il sera accueilli avec la plus grande cordialité. Il aura sa place au foyer durant tout le temps qu’il voudra. Là-bas, passer huit jours dans une famille, ce n’est qu’une visite de cérémonie ! Entre amis, les visites durent deux, trois ou quatre semaines.

Quels que soient à cet égard les usages de son pays d’origine, le missionnaire est tenu d’imiter là-dessus les exemples que lui donnent ses ouailles. Le dimanche surtout, il y a chez lui table ouverte pour les paroissiens qui souvent sont venus de fort loin pour assister aux offices.

Serait-il téméraire d’énoncer le principe que les pays où les communications sont les plus difficiles, sont aussi les pays où l’hospitalité est la plus florissante ? On dirait que l’on s’est habitué à ressentir plus de pitié pour le voyageur, à proportion de ce que les trajets sont plus longs, ou plus coûteux, ou plus pénibles.

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Les communications dans le bas Labrador ! L’on ne s’imagine certes pas qu’il est aussi facile aux Labradoriens qu’aux habitants de l’île de Montréal d’aller se promener un peu loin.

D’abord, il vaut autant dire tout de suite que durant l’hiver on est vraiment prisonnier là-bas. Il n’y a alors d’autre moyen de sortir de ce territoire que de prendre place sur les cométiques de la malle, comme un simple colis postal. Or, de l’automne au printemps, il n’y a que quatre voyages de la malle entre Québec et le Labrador. Supposé même que l’on pût résister aux fatigues d’un pareil trajet de trois cents lieues, le voyage accompli dans ces conditions ne serait pas beaucoup rapide. Ainsi, l’hiver dernier, je n’ai reçu à Chicoutimi, que le 14 février, une lettre que l’on avait « postée » à la Baie-des-Moutons le 26 décembre précédent. On peut donc croire qu’il faudrait des affaires d’une gravité difficile à imaginer pour décider un Labradorien à se mettre en route pour Québec en dehors de la saison de navigation. Car, durant l’été, la situation est un peu meilleure. On peut alors prendre passage à bord des goélettes des « traders », et l’on y voyage d’une façon moins fatigante et plus rapide.

Les traders sont des propriétaires de goélettes qui jouent le rôle de négociants sur la côte. Ils tiennent à bord de leurs vaisseaux des sortes de magasins fournis de marchandises et de provisions de tous genres, qu’ils échangent pour du poisson préparé, de l’huile de foie de morue, de l’huile et des peaux de loup marin ; et même, quand les comptes ne se balancent pas, ils paient volontiers en argent ou en or le surplus qu’ils doivent aux pêcheurs. Comme on l’imagine bien, les marchandises ou les provisions transportées si loin sont d’un prix très élevé. Le sirop de canne, par exemple, s’y vend jusqu’à 50 cents le gallon, — ce qui fait que les gamins qui se livreraient par là au lucratif commerce de la « tire », devraient la vendre plus qu’un sou le « bâton », comme à Québec.

Trois traders d’Halifax et trois traders de Québec exercent le négoce dans le bas Labrador. Les uns et les autres font trois voyages par été. Les goélettes d’Halifax arrêtent à tous les postes depuis Harrington jusqu’à Blanc-Sablon ; celles de Québec commencent à faire escale à Natashquan, pour desservir ensuite les postes situés plus bas.

Eh bien, en outre des services que ce genre de commerce rend à la population du Labrador, ces lignes de goélettes procurent aux gens de la côte des voies de communication assez faciles et peu coûteuses, les passagers n’ayant ordinairement à payer que 40 cents par jour à bord de ces vaisseaux. Le trajet de La Tabatière à Québec se fait généralement en deux ou trois semaines. Une goélette se rendit une fois en huit jours de Blanc-Sablon à Québec ; mais le fait n’a pas dû se renouveler beaucoup. En moyenne, un voyage à Québec dure un mois et demi pour l’aller et le retour.

L’un des traders de Québec mérite ici une mention spéciale. C’est le Capt. Narcisse Blais, de Berthier (Montmagny), dont j’ai promis à deux reprises d’entretenir mon lecteur. Il y a quarante ans que ce marin navigue au Labrador ; ce fut à bord de sa goélette, qui était alors la Marie-Louise, que l’abbé Ferland se rendit dans ce lointain pays en juillet 1858. Mais ce n’est pas surtout la longueur de sa durée qui a rendu si remarquable la carrière de ce navigateur. Quelques extraits d’une lettre d’un ancien missionnaire du Labrador vont suffire pour faire connaître le Capt. Blais. « Qu’on me permette, m’écrivait ce prêtre, un mot d’hommage à cet homme de foi et de cœur, à cet homme de bien dont la marque est si bien faite sur la Côte Nord. Là, sa première conquête fut l’estime universelle ; elle a quarante ans : il en jouit encore et elle lui survivra. C’est l’homme de tous et à tous : on l’appelle avant qu’il arrive, on le regrette quand il est parti. Dieu seul connaît tout le bien que le Capt. Blais a fait aux missions du bas Labrador, et cette pensée paraît suffire au brave homme. Je veux bien respecter ses préférences sur ce point. Mais passer sous silence la bonté, la générosité, les délicates prévenances que le Capt. Blais prodigue aux missionnaires de la Côte Nord
CAPT. NARCISSE BLAIS
depuis tant d’années, c’est un sacrifice que je ne veux pas imposer à ma reconnaissance C’est le vrai type du marin, que ce beau et robuste vieillard aux grands cheveux si blancs, au caractère jovial, franc et généreux. Livre tout grand ouvert, le Capt. Blais est vite connu, aussitôt et toujours estimé… Bien de plus intéressant que de le voir à l’œuvre sur son bâtiment par les temps orageux. Alors on suit avec un intérêt palpitant l’action de la bravoure unie à la prudence et à l’habileté d’un vieux loup de mer. Le bas Labrador n’a plus de secrets pour lui : les personnes, les havres, les mouillages, les îles, les récifs submergés qui sont légion dans ces parages, le comportement de tous les vents et courants à chaque endroit, tout lui est familier, il sait tout par cœur[5]. Aussi peut-on voguer sans crainte à bord de la Stadacona : j’en ai fait l’expérience. »

L’ami qui n’a pu se défendre d’un pareil enthousiasme en me parlant du Capt. Blais, je le connais pour être d’un calme parfait, d’un sang-froid remarquable, difficile à émouvoir. Si le sujet l’a emporté à ce point, c’est donc qu’il a bien du mérite, ce Capt. Blais !

Voici, d’autre part, le témoignage d’un autre missionnaire qui a récemment voyagé à bord de la Stadacona, plus connue à Québec sous le nom de La Blanche. « La chambre du capitaine, dit-il, est ornée d’images pieuses. Un crucifix, devant lequel soir et matin le capitaine dit lentement sa prière, occupe la place d’honneur. Près du crucifix se trouve une image de N.-D. de Bon-Secours : c’est une relique d’un des hommes du bord. Jadis, ce vieux loup de mer (un Degagné, de Québec) vit son bateau faire naufrage. Il se précipite dans la cabine malgré l’eau qui lui monte jusqu’aux épaules, il saisit un tableau de N.-D. de Bon-Secours, et, riche de ce seul trésor sauvé, il fait un radeau et arrive à terre avec l’image gardée fidèlement malgré les vagues et la tempête. Cette image ne le quittera jamais ! »

Eh bien, voilà nos marins du Saint-Laurent ! De la vigueur au travail, du courage dans le danger, mais avant tout de la foi et de la piété !

Pour revenir au Capt. Blais, il est âgé de 64 ans. L’an dernier, il a remis le commandement de sa goélette et la direction de son commerce à son fils Joseph, qui continuera dignement les traditions paternelles. Cela n’empêche pas que le vieux navigateur descend encore au Labrador presque à chaque voyage de la Stadacona. Pourtant, depuis plusieurs années, il prend la ferme résolution, chaque automne, de ne plus retourner au golfe ; mais, le printemps venu, le bon vieux ne peut résister au désir de reprendre la mer. Qu’elle est donc puissante, cette fascination qu’exerce la mer sur tous ceux qui l’ont vue de près, qui en ont vécu, qu’elle a bercés sur ses flots mouvants, même qu’elle a ballottés sur ses vagues en furie !

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J’ai parlé plus haut de l’hospitalité qui distingue les pêcheurs du Labrador inférieur, comme du reste tous les habitants de la Côte Nord. Il ne faudrait pas s’imaginer, par exemple, que ces gens reçoivent le voyageur dans des huttes misérables. Ils habitent, au contraire, de bonnes maisons, peintes à l’intérieur, bien éclairées et généralement bien tenues.

L’ameublement, sans être luxueux, est convenable. C’est qu’il y a là-bas toute une industrie domestique qui permet de se pourvoir à peu de frais de beaucoup d’articles qu’il serait bien dispendieux de faire venir de Québec ou d’Halifax. Par exemple, ces beaux « prélarts » que vous voyez sur les planchers, qui soupçonnerait qu’on les a faits avec de la toile à voiles, que l’on a peinte en carreaux ? Je pourrais citer certaine femme métisse qui exerce à ses heures le métier d’ébéniste. Elle arrive à faire des chaises « berceuses » vraiment confortables avec… des barils qu’elle découpe de façon à laisser les bras et le dossier qu’il faut. Les gens se sont emparés de cette invention, et, avec des barils de différentes capacités, ils font des « berceuses » appropriées aux différents âges. Et pendant que les grandes personnes se prélassent dans leurs vieux barils à patates, les enfants se bercent dans… des tinettes !

Pour ce qui est de l’alimentation, les conditions sont à peu près les mêmes que celles dont j’ai déjà parlé, dans un chapitre précédent, au sujet du Labrador supérieur. L’automne, on s’approvisionne à bord des goélettes des traders, où l’on obtient, en échange des produits de sa pêche, ce qu’il faut de farine, de légumes, de lard et de bœuf salé. La chasse fournit de la viande fraîche, surtout l’hiver et le printemps.

Il paraît que, en somme, une famille de ce pays vit largement avec $300 par année.

Car il y a toujours bien une importante partie de la nourriture qui ne coûte rien : c’est le poisson.

* * *

C’est le moment de dire quelques mots de la pêche qui se pratique sur cette côte du Labrador oriental, renommée pour la richesse de ses eaux.

Le saumon n’est pas abondant dans ces parages. On le prend avec des rets dans la mer et dans les rivières. Celles-ci ne sont pas louées à des particuliers, comme cela se fait sur la partie ouest de la côte. La pêche n’est cependant pas libre, et il faut avoir des licences du gouvernement pour pouvoir s’y livrer.

Le hareng se prend partout en quantité, le printemps et l’automne. Quelques pêcheurs tendent des rets pour en faire la capture ; mais généralement on le prend à la seine.

Autrefois, il y avait beaucoup de maquereau. Aujourd’hui, il se tient sur la côte de Terre-Neuve. Pourquoi ce changement de domicile ? Ce poisson ferait-il de la politique ? Faudrait-il le compter, lui aussi, au nombre des adversaires du lien fédératif de nos provinces canadiennes ? Alors, qu’on se hâte de faire entrer Terre-Neuve dans la Confédération, pour enlever au maquereau tout prétexte de fuir les filets de nos pêcheurs.

Dans l’entrée des rivières, on tend des rets pour prendre la truite de mer.

Cette partie du golfe, c’est le bon endroit pour la chasse aux loups marins, dont j’ai déjà parlé avec assez de détails. À partir de Bonne-Espérance et jusqu’au détroit, on fait cette chasse le printemps. Au commencement de l’hiver, depuis le Petit-Mécatina jusqu’à Bonne-Espérance, on prend le loup marin près de terre, au filet.

Avec le phoque, c’est la morue qui est la ressource principale des pêcheurs de ce pays.

La pêche à la morue, dans le voisinage de la côte, commence ordinairement à la fin de juin pour se terminer avec le mois de juillet. Après cette époque, la morue s’éloigne du rivage et gagne les bancs du large jusqu’à quinze, vingt et vingt-cinq milles de terre. C’est là que les pêcheurs vont la prendre à l’hameçon en août et septembre, à une profondeur de quarante brasses parfois. Ce dernier détail indique assez combien la pêche est pénible en ces endroits. Mais aussi le poisson qu’elle donne est de grande taille et de qualité supérieure. C’est le capelan que l’on emploie sur cette côte comme bouette pour la pêche à la morue ; l’automne, on le remplace par les coques ou clams. Chaque pêcheur prépare lui-même, c’est-à-dire fait sécher la morue qu’il prend, et la vend aux traders, quelquefois aux grands établissements de pêche.

Car il y a, sur cette côte, plusieurs de ces maisons qui exploitent en grand les ressources de la mer. C’est ainsi qu’on trouve les établissements : Job, à l’île Verte et au Blanc-Sablon terre-neuvien ; Penny, sur l’île à Bois (vis-à-vis l’île Verte), et sur une île située dans l’entrée de la baie de Brador ; Whiteley, à la baie du Saumon et à Bonne-Espérance. Tous ces établissements appartiennent à des gens de Terre-Neuve. De plus, entre Lourdes et le Blanc-Sablon, il y a un raing[6] possédé par une maison jersiaise.

Et puis, on le sait déjà, un grand nombre de goélettes terre-neuviennes se rendent sur la côte, chaque été, pour pêcher la morue.

Comme on le voit, les gens du Labrador ne sont pas seuls à profiter des richesses qui sont à leurs portes.


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Depuis quelques années, la pêche à la morue a pris de grands développements, dans le bas Labrador, grâce à l’usage des trap-nets que l’on y a introduits. J’ai déjà décrit cet engin de pêche, qui permet de prendre d’un seul coup des centaines de quintaux de morues. Un trap-net coûte environ $400, y compris les ancres et les bouées nécessaires. Il faut trois ou quatre hommes pour en tirer bon parti. Le propriétaire du filet fournit le sel pour le poisson, et supporte seul les frais de réparation ; mais il prend à lui seul la moitié des profits réalisés. C’est surtout depuis les îles Sainte-Marie jusqu’au Blanc-Sablon, c’est-à-dire dans un parcours de 40 lieues, que l’on emploie les trap-nets. Il paraît que, dans les dernières années, on a vu jusqu’à 300 navires de Terre-Neuviens venir, durant le mois de juillet, tendre des trap-nets près de la côte. — La morue vient ainsi près de terre, à cette époque, parce que le capelan dont elle se nourrit se trouve alors le long du rivage.

On devine aisément que l’usage de ces trap-nets ne fait pas l’affaire de nos pauvres pêcheurs du Labrador. D’abord, ces machines coûtent cher, et il serait bien au-dessus de leurs moyens d’en faire l’acquisition. Quand on pense que, de Natashquan à Blanc-Sablon, il n’y a, parmi les pêcheurs, qu’un seul propriétaire de goélette, habitant de la Romaine ! Ensuite, et surtout, l’usage du trap-net, tel qu’il est pratiqué, fait un tort considérable aux pêcheurs à l’hameçon ; car dans les environs de l’un de ces engins, la morue ne mord pas à la ligne. Or, comme on a bien soin de placer ces sortes de filets dans les endroits les plus fréquentés par le poisson, il en résulte que ces bonnes places de pêche se trouvent enlevées à nos pêcheurs, qui doivent se contenter des postes de deuxième ordre.

Mais ce n’est pas seulement à la petite pêche à la morue, celle qui fait vivre la population du bas Labrador, que l’usage des trap-nets fait le plus grand tort. La prise du saumon devient de plus en plus faible, depuis que l’on a tendu partout ces sortes de filets dont les mailles trop étroites retiennent ce poisson avec la morue. « C’est ainsi, m’écrit un missionnaire, que la rivière Saint-Paul, à l’embouchure de laquelle on s’est servi de trap-nets, n’a donné en 1894 que 30 barils de saumon ; en 1895, 7 barils ; et, en 1896, 9 barils. Autrefois, cette rivière donnait jusqu’à 120 barils. »

Mais le trap-net ne suffit pas aux gens de Terre-Neuve pour ravager nos pêcheries. Ils ont encore un autre engin que l’on appelle, au Labrador, la « trolle »[7]. Cela consiste en un long câble que l’on garnit jusque de mille hameçons pour prendre la morue.

C’est évidemment aux autorités fédérales à prendre les mesures nécessaires pour conserver la valeur de nos pêcheries et sauvegarder les intérêts de la population côtière du Labrador.

Ainsi, pour ce qui est des trolles, qu’il soit interdit de se servir de ces engins à moins que trois milles du rivage. Quant aux trap-nets, qui causent le plus de tort, nos pêcheurs demandent qu’il soit défendu à leurs propriétaires de les tendre où ils veulent et de suivre ainsi la morue ; qu’il y ait des endroits privilégiés, réservés pour la pêche à l’hameçon ; que le nombre des trap-nets soit limité pour un même endroit, surtout à l’embouchure des rivières ; enfin que la distance entre deux trap-nets ne soit pas moindre qu’un mille.

Ces mesures peuvent paraître un peu sévères ; mais elles rendraient les plus grands services à nos gens de là-bas, dont le sort doit fortement intéresser nos gouvernants, lesquels n’ont pas à se gêner avec les pêcheurs de Terre-Neuve ou d’ailleurs qui viennent, sous les yeux de nos pêcheurs, diminuer et même détruire leurs moyens de subsistance.

Il suffirait d’un croiseur du gouvernement qui aurait la surveillance spéciale de la côte du bas Labrador, pour mettre ces étrangers à la raison et obtenir la stricte observation des lois que l’on aurait promulguées pour assurer la conservation de nos pêcheries.

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Non seulement les pêcheurs du bas Labrador voient leur industrie devenir de moins en moins profitable, parce qu’ils sont trop pauvres pour se mettre en mesure de lutter contre la concurrence des pêcheurs étrangers ; mais ils sont aussi les témoins attristés de la diminution rapide d’une autre de leurs ressources les plus précieuses. Je veux parler de la destruction qui se fait des oiseaux de mer et qui est due encore, en bonne partie, au brigandage exercé par les étrangers.

C’est un fait certain que les oiseaux et les œufs, qui autrefois fournissaient à nos pêcheurs la moitié de leur subsistance, disparaissent de plus en plus chaque année.

« Certains planteurs de la côte, disait M. D.-N. Saint-Cyr[8] en 1886, mais surtout des étrangers venus de la Nouvelle-Écosse, de l’État du Maine et de l’île de Terre-Neuve, pillent les œufs des oiseaux de mer, qu’ils vont ensuite vendre dans leur pays. Ces années passées, on a compté jusqu’à une trentaine de goélettes occupées à prendre des chargements d’œufs d’oiseaux sauvages dans les îles du golfe, et, ce qu’il y a de pis, c’est que lorsque ces pillards s’aperçoivent que les œufs sont couvés, ils les cassent et les détruisent, afin que les oiseaux pondent davantage. Alors tous ces œufs frais sont enlevés, et c’est ainsi qu’il s’en détruit des milliers et des milliers tous les ans. » On va même, m’a-t-on dit, jusqu’à tuer les oiseaux à peine éclos, afin de s’emparer de la plume qui tapisse les nids.

Et voici qui va faire juger de l’importance des déprédations que l’on poursuit d’année en année. Il n’y a plus aujourd’hui une seule « mermette » (le guillemot, Uria ringvia, Brunn.) sur des îles où jadis un seul homme pouvait en une journée ramasser jusqu’à dix barriques d’œufs de ces palmipèdes. Les « moniacs » (l’eider ordinaire, Somateria mollissima, Leach.) ont diminué des trois quarts. Autrefois, on pouvait prendre en un jour 300 jeunes « goélands » (du genre Larus) sur des îles où maintenant il faudrait une semaine pour en ramasser le même nombre.

Nos législateurs ne pourraient-ils pas prendre quelques mesures, — et les faire mettre à exécution, — pour empêcher la destruction totale des oiseaux du golfe, et par là même conserver l’une des plus belles ressources de cette intéressante population du bas Labrador ?

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La chasse est encore une source de quelque profit pour les habitants de cette côte. Le renard, la martre, la loutre, le castor, le loup-cervier, le carcajou, le vison, le porc-épic, le rat musqué, le lièvre, sont les animaux qui abondent davantage en cette région. L’ours y est assez rare. La perdrix grise s’y rencontre assez souvent, et, tous les cinq ou six ans, la perdrix blanche. Au-dessous du cap Whittle, on trouve le caribou sur la côte même, tandis que plus à l’ouest il se tient à l’intérieur.

Malheureusement, ici encore, il y a des sujets de plaintes et d’inquiétudes.

Autrefois les sauvages passaient toute la belle saison sur le bord de la mer et s’y nourrissaient du saumon qu’ils prenaient partout ; ils en fumaient aussi pour l’hiver. Mais à présent que les endroits de pêche au saumon sont loués à des compagnies ou à des particuliers, souvent de l’étranger, cette ressource leur est enlevée, et il se voient obligés de passer presque toute l’année dans les bois, où ils vivent de la chasse. Cela n’est pas beaucoup propre, évidemment, à assurer la protection du gibier, qu’ils tuent en toute saison soit pour se nourrir, soit pour tirer parti des fourrures, afin de se procurer la farine et les autres articles dont ils ont besoin.

Les chasseurs blancs, avec bien moins de circonstances atténuantes en leur faveur, nuisent aussi de leur côté à la conservation des animaux à fourrures. En effet, ils commettent l’imprudence de se servir trop souvent de poison au lieu des fusils et des pièges. Ce procédé de chasse, outre qu’il détruit les animaux sans distinction de jeunes ou de vieux, constitue encore un danger pour le gibier, qui est exposé à trouver la mort en se nourrissant de cadavres empoisonnés.

Donc, diminution des ressources tirées de la mer, diminution des profits que donnait la chasse : voilà ce qui frappe l’attention de l’observateur qui étudie la situation présente des gens et des choses du Labrador oriental. Sans compter que, pour ce qui concerne particulièrement la pêche de la morue, si nos pêcheurs labradoriens prennent aujourd’hui beaucoup moins de ce poisson, cela ne signifie pas seulement que la vente qu’ils en feront leur rapportera moins d’argent. Cela veut dire aussi qu’ils bénéficieront moins de la prime[9] que le gouvernement du Canada paie annuellement à tous les pêcheurs du Canada, en proportion de la quantité de morue qu’ils prennent à l’hameçon.

Il importait, me semble-t-il, de renseigner le public sur les sujets de plaintes de cette pauvre population du Labrador, qui n’a pas de journaux à sa disposition pour plaider sa cause. Pourtant, à notre époque, il n’y a guère que la pression de l’opinion publique qui puisse agir efficacement sur les machines gouvernementales et les mettre en mouvement dans le sens qu’il faut.

Que ceux donc qui jouissent de quelque influence sur les pouvoirs publics, veuillent bien travailler un peu dans l’intérêt de nos pêcheurs de là-bas !


* * *

Je ne reviendrai pas ici sur la question du prolongement de la ligne télégraphique du Labrador. J’ai dit assez longuement, en un autre endroit, quelle est l’importance et même l’urgence de cette entreprise. D’ailleurs, je l’ai dit aussi, cette question paraît avoir été résolue, au moins « en principe », dans le sens de l’affirmative par le gouvernement d’Ottawa. On verra sans doute le fil du télégraphe s’allonger, tous les ans, de poste en poste au-dessous de Natashquan jusqu’à ce qu’il atteigne enfin le détroit de Belle-Isle.

En attendant, l’on a recours, au moins une fois par année, à un moyen fort original pour se communiquer des nouvelles. C’est le matin du jour de l’an que l’on emploie ce procédé. Il faut dire que depuis plus d’un mois l’on n’a pas voisiné, soit à cause des rigueurs de la température, soit parce que c’était le temps du passage des loups marins, époque où toute navigation est interdite : car il ne faut pas risquer de mettre l’effroi parmi ces visiteurs dont la venue est fort appréciée sur la côte. Donc, au matin du 1er janvier, on voit s’allumer des feux sur les sommets les plus élevés de la côte. Tout le monde connaît la valeur de ces signaux. Le premier feu que l’on allume signifie que la santé ne laisse rien à désirer. Les autres feux qui lui succèdent donnent des nouvelles de la pêche au loup marin, puisque c’est la grande affaire de cette époque de l’année ; chacun de ces brasiers a la valeur d’un cent ; un petit feu auprès d’un grand, cela indique la demi-centaine. C’est ainsi que l’on annonce à ses amis le nombre de loups marins que l’on a capturés jusqu’alors.

Cet ingénieux moyen de se parler ne doit pas être une raison pour que l’on retarde d’amener au plus tôt le fil télégraphique jusqu’au bout de ce territoire. Car, à part les nouvelles de la pêche aux phoques, il y a dans la vie bien d’autres choses à se dire. D’ailleurs les intérêts de la grande navigation, comme ceux de la pêche de toute l’année, réclament également l’installation de la ligne télégraphique tout le long du Labrador.

Si, encore, on avait là-bas un service postal de quelque valeur ! Mais l’on n’y reçoit que huit courriers par année : quatre par cométique pendant l’hiver, quatre pendant la durée de la navigation par une barge qui part de Natashquan. L’hiver, il n’est pas rare que le cométique postal retarde de deux ou trois semaines, et cela n’est pas étonnant dans un tel pays et après un pareil trajet. Mais ce que l’on ne saurait imaginer au dehors, c’est la joie que l’on éprouve dans ce pays à l’arrivée de la poste ! D’abord, il y a les impatiences et les déceptions. Ainsi, à la date du 8 février, je lis ce qui suit dans un journal tenu par une Québecquoise qui résidait au Blanc-Sablon il y a quelques années : « Le directeur de la poste m’a dit qu’on attend le courrier, cette année, avant le 16. Que de fois j’ai examiné l’horizon ! Que de fois mes regards se sont portés sur la Baie par où le courrier doit venir ! Enfin, j’ai vu quelque chose dans le lointain, et j’ai entendu que l’on criait : « Il y a un cométique sur la Baie ! » Alors mon cœur s’est mis à battre comme pour sauter hors de ma poitrine. » Mais ce n’était pas le cométique de la poste ! — Le 10 février, on lit dans le même journal : « Enfin ! Le courrier est arrivé. Mais il me faut encore attendre cinq heures avant que l’on m’envoie mes lettres du bureau de poste… C’est moi qui la première ai distingué le cométique sur la Baie, et à cette vue, mon cœur a battu plus violemment que jamais !… Je brûle d’impatience !… »

Voilà ce que c’est que de ne recevoir la poste que toutes les six ou sept semaines ! Et l’on peut croire que les nouvelles que l’on reçoit si rarement sont déjà d’un bel âge quand elles arrivent.

Le ministère des Postes du Canada ne pourrait-il pas, sans prêter le flanc à la critique, accorder à ces braves gens au moins un courrier par mois ? Assurément, ce n’est pas une telle mesure qui ferait perdre à un parti politique l’honneur enviable de siéger à la droite du président de la Chambre !

* * *

Les professions libérales ne souffrent pas, dans le bas Labrador, de l’encombrement dont on se plaint qu’elles sont atteintes en d’autres régions. Il n’y a pas un seul médecin dans tout le pays situé entre la Pointe-aux-Esquimaux et le Blanc-Sablon ; aussi, l’on y vit comme on peut, et l’on meurt de même, en dehors de toute intervention de la Faculté. Il n’y a pas davantage d’avocat, ni de notaire. Tout cela rappelle vraiment l’époque des patriarches.

Pas un hameau de cette région ne jouit de l’organisation municipale même la plus élémentaire. Et, ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’il n’y a pas même de juges de paix sur cette côte.

Le seul officier de justice, dans tout ce pays du Labrador, c’est le magistrat de district nommé pour le comté de Saguenay. Mais, il ne fait que passer sur la côte une fois par année. C’est tant pis pour les gens qui commettent quelque délit après sa visite ; ils auront à attendre longtemps pour se faire juger ! Quand il survient quelque difficulté ou conflit dans les questions de pêche, le commandant du croiseur La Canadienne a l’autorité nécessaire pour en connaître.

Seuls, deux garde-pêche, qui résident l’un à Bonne-Espérance, et l’autre à Coacoacho, représentent de façon permanente la majesté des lois en ce pays reculé.

* * *

En ce temps, où l’on est à peine digne de vivre, si l’on ne sait lire et écrire, si l’on ne connaît l’histoire, la géographie, la tenue des livres, et la géométrie, et le calcul mental, et encore bien d’autres choses, il faut décrire un peu l’état de l’instruction publique dans le Labrador oriental.

Un missionnaire me racontait que dernièrement, dans un village de là-bas, dont la population catholique se compose presque entièrement de bons Irlandais venus de Terre-Neuve, les enfants à qui il venait de faire faire leur première communion le supplièrent de leur envoyer un instituteur catholique. « Vous aurez un maître d’école, leur répondit-il. Car si je n’en peux trouver, je viendrai moi-même vous faire la classe !

Thousand thanks, Father ! »

La grande difficulté, chez les catholiques, c’est de trouver des personnes pourvues des qualités nécessaires et qui consentent à s’exiler dans ce pays lointain pour tenir des écoles.

La situation est beaucoup plus avantageuse chez les protestants. En effet, les anglicans ont des écoles régulières à Saint-Paul, à La Tabatière, à la Baie-des-Moutons et à Harrington ; en outre, des « students » se transportent d’un endroit à l’autre, et passent dans les principaux villages tout le temps qu’il faut pour donner aux enfants les rudiments de l’instruction primaire et de la science religieuse. C’est que les protestants reçoivent des sociétés bibliques d’abondants secours pour cette œuvre de l’instruction populaire.

Au contraire, les missionnaires catholiques ne peuvent compter, pour l’organisation de l’enseignement chez leurs ouailles, que sur les subventions reçues du gouvernement provincial ; et ces subventions sont bien loin de suffire à ce qu’il faudrait.

Ce qui rend l’état des choses encore plus difficile à améliorer, c’est que les familles catholiques sont rarement groupées ensemble, mais qu’elles sont plutôt échelonnées tout le long de la côte. Il n’est pourtant pas possible de créer une école pour chaque famille ! Et puis, que faire lorsque tout le monde est dispersé sur les îles, durant la saison de la pêche, c’est-à-dire durant la moitié de l’année ?

Enfin, comment recruter des instituteurs et des institutrices qui, pour un salaire fort médiocre, s’en iront volontiers habiter un pays dont s’accommodent ceux qui y sont nés, mais qui paraît bien ingrat aux gens du dehors ? Le recrutement du corps enseignant est déjà, on l’a vu, bien difficile sur la côte du Labrador de l’ouest. Que doit-il donc en être du bas Labrador ?

Il y a parmi nous des gens qui, surtout depuis quelques années, font étalage d’un zèle dévorant pour la belle cause de l’instruction publique. Eh bien, voilà un coin de la Province qui s’offre de lui-même comme un digne théâtre de leur dévouement. Puissions-nous les voir s’efforcer à diriger vers ce territoire des instituteurs et des institutrices, provoquer de généreuses aumônes pour une œuvre si nécessaire, et surtout engager le gouvernement provincial à pourvoir largement aux dépenses qu’il faudrait faire : car, si les ressources pécuniaires étaient fournies en abondance, il serait possible d’organiser assez bien l’enseignement sur cette côte du Labrador.

Par exemple, il faudra toujours compter beaucoup sur le dévouement, qui ne s’achète pas à prix d’argent. Si la carrière de l’enseignement, est partout pénible, elle le devient doublement dans ce pays, où l’éducation de famille prépare si peu les enfants à recevoir la formation scolaire. En effet, ces pauvres enfants qui n’ont jamais vu que les rochers couverts de mousses où ils vivent, qui ne connaissent rien en dehors des choses de la pêche, ont bien de la peine à saisir les explications qu’on leur donne. Presque chaque mot, dans le livre de lecture, les arrête et les déconcerte. Leur parler de forêts, de champs, d’arbres, de jardins, de roses, de pommes, etc., c’est leur tenir un langage qu’ils n’entendent pas. À part les chiens et les animaux sauvages, tout le règne animal leur est à peu près inconnu. Tous les oiseaux, indistinctement, sont pour eux des « gibiers ». On raconte à ce propos qu’une institutrice ayant un jour donné à un petit Labradorien une image représentant le Saint-Esprit sous la forme traditionnelle d’une gracieuse colombe, l’enfant appela aussitôt ses camarades : « Oh ! venez voir, vous ôtes (autres), le beau petit « gibier » que mamzelle m’a donné ! »

Après les plus copieuses explications pour faire un peu comprendre à ces pauvres enfants le sens du mot « créer », on demandait à un élève ce que signifie l’expression « Créateur du ciel et de la terre. » — « Cela veut dire, répondit-il, que Jésus-Christ a bâti les anges et les hommes sans quelque chose. »

Mais voici qui fera encore mieux saisir quel est l’état intellectuel de cette jeunesse du bas Labrador. On y verra aussi quelle langue ou parle là-bas.

L’institutrice de certain hameau de l’est avait consacré une heure par jour, pendant quelques mois, à raconter à son petit peuple l’histoire de la Création. Lassée des interminables explications qu’il fallait donner, elle avait fini par dire aux enfants, en réponse à leurs questions, que les fruits du paradis terrestre étaient encore meilleurs que la mélasse, substance qui est pour eux l’idéal de toute saveur exquise. — Peu de jours après, ce fut l’examen, qui se fit en présence du préfet apostolique et du magistrat de district, ce dernier remplissant aussi sur la côte les fonctions d’inspecteur d’écoles. Interrogé à son tour, un bambin de douze ans raconta, de l’extraordinaire façon que voici, le commencement de l’histoire sainte.

« Notre-Seigneur prit de la vase, et il fit Adam. Il le regarda, et dit : « Moi suis ben content, mais moi va faire quelque chose de mieux que ça ! » Et il dit à Adam : « Dors ! » Adam dormit, et Notre-Seigneur lui prit une côte et en fit Yiève (Ève). Alors, il les mit dans un beau jardin, et il leur dit : « Vous pouvez manger de toutes ces bonnes choses, mais il ne faut pas goûter à la pomme. » Mais un gros serpent arrivit, et il dit à Yiève : « Manges-en ! C’est bon, va ! c’est ben ben meilleur que de la mélasse ! » Et Yiève en mangit, et elle trouvit ça bon, et elle dit à Adam : « Si tu savais comme c’est bon ! Prends-en une petite bouchée, yienque (rien que) pour voir comme c’est bon. » Adam en mangit. Et Notre-Seigneur vint, et il dit : « Adam, ous-que-t’es ? » Adam ne réponit point. Et le bon Dieu demanda encore : « Adam, ous-que-t’es ? » Adam ne réponit point. Alors Notre-Seigneur cria : « Cré morue ! Adam ! ous-que-t’es ! » Et Adam il aviont peur, et il réponit : « Seigneur, je n’avions pas mon butin[10] ! »

L’histoire ajoute que l’originalité de ce récit du petit Labradorien compromit fortement, durant tout le reste de la séance d’examen, la majestueuse gravité qui règne d’ordinaire dans ces solennités scolaires.

Il faut ajouter que, malgré les conditions si défavorables où l’on est, au Labrador, relativement à l’instruction publique, le nombre des personnes qui peuvent lire, et même écrire, y est plus grand qu’on pourrait le soupçonner.

* * *

Les intérêts religieux de cette population du Labrador inférieur exigeraient certainement qu’il y eût partout des écoles sur la côte. Car, on ne sera pas surpris de l’apprendre, l’instruction religieuse y est réduite au strict nécessaire. Ces pêcheurs qui n’ont la visite du missionnaire que deux ou trois fois l’année, ne sont pas en mesure d’acquérir une connaissance bien approfondie de la partie dogmatique de la religion. Malgré tout, ils sont généralement de mœurs irréprochables ; l’ivrognerie, le blasphème, le vol ne sont guère connus chez eux. On remarque que ces braves gens ont une dévotion particulière pour la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; on les voit venir de quinze et de vingt lieues pour assister aux offices de la Semaine sainte. On m’a cité deux pêcheurs de l’anse à Diable qui — malgré l’infernale dénomination de leur séjour — faisaient quatre fois par année une marche de trente lieues pour aller se confesser et communier. Il y a en d’autres pays des paroissiens, résidant à quelques milles et même à quelques arpents de leur église, et dont de semblables exemples ne feront pas l’affaire au tribunal du souverain Juge !

Sur la question de la desserte religieuse, comme pour celle des écoles, la condition des protestants est aussi bien plus avantageuse que celle des catholiques. En effet, les missionnaires protestants reçoivent un traitement qui les met en mesure de se procurer des embarcations commodes et sûres, et de s’assurer les services d’un marin expérimenté qui les conduit où ils veulent aller ; on voit même leurs coreligionnaires leur fournir des embarcations à vapeur pour l’exercice de leur ministère. Le missionnaire catholique, lui, est tout à fait dépourvu de ressources suffisantes ; tout son revenu consiste en une capitation généralement mal payée, jointe aux quelques secours que lui donne l’Œuvre de la Propagation de la Foi, dont les moyens sont loin de suffire à ce qu’il faudrait.

Aussi, le pauvre prêtre est-il réduit à mendier souvent ses transports d’un poste à l’autre, à voyager dans de misérables embarcations, exposé à compromettre sérieusement sa santé. Pour la mission d’été, surtout, il lui est encore plus difficile de se faire transporter d’un endroit à l’autre, les hommes étant tous occupés à la pêche.

Pourtant, en dépit de conditions si défavorables, et malgré le travail des protestants, les catholiques conservent au moins leurs positions. Mais il est grand temps, si l’on veut y sauvegarder les intérêts de la vraie religion, il est grand temps que l’on vienne au secours de ces missions[11]. Le grand danger pour l’Église catholique, en ces endroits, c’est l’ignorance absolue où reste la jeunesse, faute d’écoles où elle puisse s’instruire. Le gouvernement provincial, mis au fait de cet état lamentable de l’instruction publique dans un vaste territoire, ne se résoudra-t-il pas à tenter un grand effort pour y porter remède ?

Les autorités ecclésiastiques, qui certes font bien tout leur possible afin de pourvoir au salut des âmes de cette région, ont donné de sérieuses garanties à l’avenir religieux de ce pays en y installant, depuis quelques années, des missionnaires résidants.

Autrefois, les évêques envoyaient chaque été des prêtres séculiers ou réguliers qui parcouraient tous les postes et y distribuaient les secours religieux ; plus tard, les missionnaires de Natashquan furent chargés de la desserte de tout le pays jusqu’au Blanc-Sablon (éloigné d’environ 250 milles de Natashquan).

Voici la liste, aussi exacte que j’ai pu la trouver, des missionnaires qui ont exercé le saint ministère en cette région du bas Labrador, dans l’une ou l’autre des conditions que je viens d’exposer : M. F. Desruisseaux, 1847, 1848.

M. J. Bonenfant, 1849.

M. Bélanger, 1851, 1852, 1853.

R. P. F.-X. Pinet, O.M.I., 1854, 1855, 1856.

R. P. F. Coopman, O.M.I., 1857, 1858.

M. J.-B.-A. Ferland, 1858.

R. P. A.-A. Pallier, O.M.I., 1858.

M. J.-R.-L. Hamelin, 1859.

M. F.-X. Plamondon, 1860.

M. J.-U. Fournier, de 1861 à 1864.

M. Perron, 1865.

M. J.-J. Auger, de 1866 à 1868.

M. L. Arpin, de 1869 à 1871.

M. J. Gagné, de 1872 à 1873.

M. J.-A.-P. Fortier, 1874.

M. U. Saint-Laurent, de 1875 à 1877.

M. J.-A. Chalifour, de 1878 à 1880.

M. A.-B. Côté, de 1881 à 1883.

Il faut sans doute ajouter à cette liste les RR. PP. Arnaud et Babel, qui ont parcouru plusieurs fois tout le Labrador, s’occupant surtout des missions montagnaises, mais donnant aussi les secours de leur ministère aux blancs qu’ils rencontraient.

Enfin, en l’automne de 1883, M. l’abbé Pierre Théberge, tout récemment ordonné prêtre, fut nommé missionnaire résidant de cette desserte du bas Labrador. Il exerça cet apostolat durant onze années, obligé dans les derniers temps d’aller passer l’hiver à Québec dans l’intérêt de sa santé, fortement compromise par les travaux d’un ministère si pénible. Mais, pendant ces hivers, la population labradorienne ne fut pas entièrement privée de secours religieux. En effet, à cette saison, la visite des postes fut faite, en 1890, par M. P. Ouellet ; en 1891 et 1892, par M. A. Vaillancourt ; en 1893, par M. C. Simard.

Les résultats obtenus ne tardèrent pas à montrer la sagesse de la décision que l’on avait prise, de nommer un prêtre résidant dans le bas Labrador. Il faut dire aussi que c’était un véritable apôtre de Jésus-Christ que l’on avait choisi pour cette mission difficile ! Il serait long, et bien édifiant, de raconter en détail tous les travaux que s’imposa M. Théberge pour le salut des âmes qui lui étaient confiées. Je crois qu’il suffira, pour indiquer au moins quels furent le dévouement et le zèle apostoliques de ce missionnaire, de citer le passage suivant d’un document signé par le préfet apostolique du golfe Saint-Laurent :
M. L’ABBÉ P. THÉBERGE, Missionnaire apostolique.
« Pour organiser la mission dont ce prêtre fut chargé, il y dépensa tout son avoir personnel qui était considérable, bâtissant ou réparant des chapelles, les munissant à ses frais de vases sacrés, ornements, lingerie, cloche même. En même temps, il évangélisait cet immense territoire, y convertissait bon nombre de protestants, le tout au prix des courses les plus pénibles et de voyages constants, même de fréquents dangers sur terre et sur eau[12]. » En témoignage de satisfaction pour des travaux si méritoires, N. S.-P. le pape Léon XIII donnait à M. Théberge, le 12 octobre 1890, le titre honorable de missionnaire apostolique.

Après avoir signalé, dans la première partie de cet ouvrage, l’œuvre de l’apôtre des Montagnais, il m’est agréable, à la fin de ce livre, de rendre hommage à l’apôtre du Labrador !

M. D. Tremblay fut, durant l’année 1893-94, chargé de la partie ouest du bas Labrador, ayant sa résidence à La Tabatière.

M. Théberge avait toujours résidé à N.-D. de Lourdes de Blanc-Sablon, d’où il parcourait toute la desserte qui lui était confiée.

En 1894, M. G. Gagnon succéda à M. Théberge, et résida à La Tabatière, ayant pour vicaire M. Edm. Bossé. Ce dernier, l’année suivante, remplaça comme desservant de toute la côte M. Gagnon qui, par défaut de santé, ne put rester qu’une année en ce pays.

Enfin, en 1896, M. A. Delay, prêtre français dont j’ai déjà parlé, fut envoyé sur la côte comme assistant de M. Bossé dans la desserte de cette mission si étendue.

Il est permis d’espérer que la présence, définitivement résolue, de deux prêtres dans cette région du bas Labrador assurera les résultats déjà obtenus, conservera et développera la foi et la piété parmi cette population misérable, qui a besoin d’abondantes joies spirituelles, privée qu’elle est des jouissances matérielles de ce monde. Il faut surtout assurer la vie bienheureuse de l’éternité à ces pauvres gens, dont la vie présente est toute de privations et de fatigues ! Sans compter que le maintien de la foi et des bonnes mœurs dans une population, est le meilleur et même l’unique moyen d’en faire un peuple soumis aux lois civiles, rempli d’amour, de dévouement et, au besoin, d’héroïsme pour la patrie terrestre.




  1. Le Labrador.
  2. Wapitugan ou Wapitagun est situé vis-à-vis le cap Whittle, à près de deux degrés à l’est de Natashquan. (A.)
  3. Famille d’arbrisseaux de différents genres, comme le Petit-thé, la Kalmia et autres plantes de savanes. (A.)
  4. En racontant, pages 15 et suiv.
  5. C’est grâce au Capt. Blais que j’ai pu donner les distances qu’il y a entre les postes du Labrador de l’est. (A.)
  6. Le raing est le nom que l’on donne, sur la Côte, aux établissements de pêche. À quelle langue ou dialecte appartient ce mot singulier ? Je n’ai pu le découvrir.
  7. Ce mot, dont, je ne garantis aucunement l’orthographe, vient soit du verbe anglais troll, qui signifie : jeter l’amorce à, pêcher à la ligne, soit du substantif français trôlée (dont nous faisons ici “trâlée”), qui signifie : troupe de gens faisant route ensemble.
  8. Rapport d’un voyage fait au Labrador en 1885. (Réponse à une adresse de l’Assemblée législative de Québec — 18 mars 1887.)
  9. Au Labrador, on donne le nom de bounties aux chèques (Fishing Bounty Cheque) spéciaux par lesquels le gouvernement paie ces primes à ceux qui y ont droit.
  10. Comme chacun le sait ici, le mot butin, dans notre langue canadienne, signifie : vêtements, marchandises, effets d’ameublement, etc. Il parait que cette expression un peu guerrière est un souvenir des exploits de nos valeureux ancêtres.
  11. Durant l’été de 1898, S. G. Mgr Labrecque fera la visite pastorale de la côte du bas Labrador, où l’on n’a encore jamais vu d’évêque catholique.
  12. Archives de la Préfecture.