Labrador et Anticosti/Chapitre XXI

C. O. Beauchemin & Fils (p. 421-431).



CHAPITRE VINGT ET UNIÈME

Où l’on expose ce que les gens de la Côte Nord attendent des pouvoirs publics


Il faut prolonger la ligne télégraphique jusqu’au détroit de Belle-Isle. — Un steamer chaque semaine. — En hiver, deux courriers par mois. — Que les Gaspésiens pêchent le saumon chez eux ! — Quais et jetées. — Une voie de terre tout le long de la côte. — La question seigneuriale. — Un district électoral au Labrador. — Un futur premier ministre du Canada.


J’ai dit à mes amis de la Côte Nord : « Je vais parler de vous au public. L’occasion serait bonne pour l’intéresser en votre faveur. Que désirez-vous que l’on fasse pour votre région ? »

Et l’on m’a exposé diverses demandes, que je vais mentionner simplement et sans grands frais de pathétique : en effet, comme je l’ai dit ailleurs, je ne crois pas beaucoup aux facultés émotionnables des gouvernements. Or, c’est aux gouvernements d’Ottawa et de Québec que s’adressent ces désirs des Labradoriens.

* * *

Voici d’abord ce que l’on demande aux autorités fédérales.

Les habitants de la partie orientale de la Côte souhaitent avant tout de voir la ligne télégraphique prolongée depuis la Pointe-aux-Esquimaux jusqu’au détroit de Belle-Isle. Il y a là, sur cette immense étendue de pays, toute une population qui vit dans l’isolement. En bas de Natashquan, surtout, on ne reçoit la malle que huit fois seulement durant toute l’année. Et puis de quelle utilité serait cette ligne télégraphique pour la grande navigation ! Sans compter que l’on fait naufrage de temps à autre dans ces parages, et que, si l’on pouvait demander du secours par le télégraphe lorsque le navire a fait côte quelque part, cela diminuerait bien les petits désagréments qui sont inévitables dans ces sortes d’aventures. Mais ce fil du télégraphe, on en attend encore des services non moins importants pour la grande pêche, pour la chasse au loup marin. Trois mots de télégramme, et voilà que l’on sait partout dans quelle direction s’avancent, comme une armée puissante, les épais bataillons de harengs ou de morues, que l’on surprendra ensuite tant que l’on voudra ; voilà que l’on connaît au fond de quelle baie et sur quels champs de glace les phoques sont venus en grand nombre pour y dormir à leur aise.

Ce sont là de bonnes raisons pour désirer le prolongement d’une ligne télégraphique. Et je projetais vraiment de faire là-dessus beau tapage. Heureusement il n’y a plus à plaider, et dans l’intervalle le procès s’est terminé à la satisfaction des demandeurs.

En effet, dans la session du printemps 1896, le gouvernement Tupper avait inscrit à son budget certaine somme pour la continuation du télégraphe de la Côte Nord. Mais, comme l’on sait, on n’eut pas le temps, avant la fin des pouvoirs du Parlement, de procéder au vote des subsides de Sa Majesté, et nos Labradoriens ont dû continuer à se passer de ligne télégraphique. Mais, l’été suivant, le gouvernement Laurier adopta là-dessus la politique de ses devanciers, et obtint du Parlement nouveau le montant d’argent qu’il fallait pour établir le télégraphe depuis la Pointe-aux-Esquimaux jusqu’à Natashquan, une distance de 75 à 80 milles. Cela signifie que le gouvernement est décidé à terminer le télégraphe du Labrador et que, dans peu d’années, le courant électrique pourra porter jusqu’au détroit de Belle-Isle les interrogations des armateurs québecquois et des reporters de New-York.

Que demanderons-nous encore au gouvernement d’Ottawa ?

Nous lui demanderons d’améliorer en une certaine mesure le service de la poste sur la Côte Nord. Durant la saison de navigation, tous les quinze jours un steamer part de Québec, et une goélette part de Gaspé, lesquels distribuent le courrier tout le long de la Côte jusqu’à Natashquan. Pour ce qui est de la goélette postale, elle ne sert qu’à l’échange de la correspondance entre la Gaspésie, l’Anticosti et la Côte Nord. Qu’on la supprime ! Et puis qu’il y ait, chaque semaine, un départ de steamer pour la Côte Nord et l’Anticosti ! Non seulement cela vaudra mieux pour les communications postales, mais le commerce en recevra une impulsion tout à fait heureuse. — Pendant l’hiver, le courrier part une fois le mois de Betsiamis pour Natashquan. Demandons, avec les instances les plus vives, qu’il en parte tous les quinze jours ! Et si nous parvenons à obtenir que ces voyages se fassent toutes les trois semaines, il faudra encore se réjouir de la bienveillance des bons ministres, qui n’accordent jamais qu’une partie de ce qu’on leur demande, accoutumés qu’ils sont de voir tant de gens qui réclament toujours le double de ce qu’il faudrait.

Une chose que l’on aime bien, sur la Côte Nord, c’est de posséder des licences ou permis de pêcher le saumon en des endroits choisis. Or, les gens de la Gaspésie ont tout à fait le même goût ; il leur arrive même de réussir à se faire donner de ces permis pour la Côte Nord. Cette sorte de pêche étant généralement fort lucrative, on comprend facilement que l’octroi d’une place de pêche est singulièrement estimé par tout le monde. Il n’y en a pas pour tous ceux qui en voudraient, il s’en faut bien. Il suit de là que s’il y a quelque chose qui exaspère nos Labradoriens, c’est de voir les Gaspésiens, qui ont déjà dans leur pays des places de pêche au saumon, s’en venir sur la Côte leur ôter le pain de la bouche, ou plus exactement le saumon des doigts ! S’il ne s’agit que de pêcher la morue, soit ! Venez, Labradoriens, Terre-Neuviens, Américains, Péruviens, Hindous, Hottentots, Patagons : il y a ici de la morue pour tout le monde, et il y en a toujours en quelque quantité que l’on en prenne. Mais le saumon ! le précieux saumon ! Qu’on nous laisse cette aubaine, qui nous appartient ! Que chacun pêche le saumon dans son propre pays !

Donc, par les présentes, le ministère de la Marine et des Pêcheries est respectueusement, mais énergiquement, requis de réserver aux gens de la Côte Nord les places de pêche de leur région.

Quant aux grands travaux que les autorités fédérales pourraient exécuter sur la Côte, rien de précis à cet égard ne me saute aux yeux, maintenant surtout que l’on est décidé à prolonger la ligne télégraphique jusqu’aux limites des possessions canadiennes, du côté de l’est. Voyons ! Que pourrait-on bien entreprendre ? Construire des hôtels de la poste et de la douane tout le long de la Côte ? — Ce serait là, pour le quart d’heure, une dépense dont l’on ne verrait pas tout de suite l’opportunité, et qui ferait trop le bonheur des députés et des journaux de l’opposition.

Construire dès à présent le chemin de fer du Labrador ? — Certes, pour rien au monde je ne voudrais, par d’imprudentes réflexions, mettre des bâtons dans les roues de cette future voie ferrée ; je serais plutôt tout heureux d’en voir le projet sitôt mis en exécution. Le commerce du Canada en recevrait une impulsion considérable, et tout ce territoire du Labrador entrerait dans un développement qui étonnerait. Mais cette entreprise serait vue probablement de si mauvais œil par les puissantes compagnies de navigation océanique, et l’expérience de l’Intercolonial, à titre de chemin de fer de l’État, a donné des résultats si peu favorables, qu’il n’y a pas lieu de s’attendre que le gouvernement du Canada entreprenne jamais lui-même de construire le chemin de fer du Labrador.

Mais, enfin, puisqu’il y a là-bas tant d’eau, tant d’embarcations, et tant de villages situés au bord de la mer, on pourrait toujours bien construire partout des quais ou des jetées, et favoriser ainsi la navigation ? — Il est sûr que ce n’est pas la place qui manque, sur la côte du Labrador, pour les constructions de cette sorte. Mais nous sommes entrés là sur le domaine particulier des représentants de cette division électorale, et il convient de ne les gêner en rien dans l’exploitation de cette ressource, utile pour discipliner des électeurs peu dociles ; ressource, du reste, qui n’est pas infaillible. En effet, des gens qui manœuvrent leur canot comme le cavalier fait son cheval, des gens qui passent la moitié de leur vie sur l’eau, apprécient sans enthousiasme l’avantage qu’il y aurait à s’en aller à pied jusqu’au steamer ou jusqu’à la goélette amarrée le long de terre. C’est à savoir, même, s’ils ne trouveraient pas ce mode d’embarquement tout à fait contraire à leur dignité !

* * *

Exposons à présent aux gouvernants de Québec de quelle façon ils pourraient, de leur côté, contribuer au bonheur des habitants de la Côte Nord.

Avant tout, je crois pouvoir affirmer que le gouvernement provincial n’a pas jusqu’ici fait de grands sacrifices pour cette immense région. Il a assuré, il est vrai, la fondation et le maintien du couvent de la Pointe-aux-Esquimaux ; il a aidé à l’établissement d’écoles dans les diverses localités ; de temps à autre, il a envoyé de généreux secours à certains groupes de pêcheurs que la famine menaçait. Ces bienfaits sont assurément dignes de mention. Mais on admettra que les autres districts de la Province en ont reçu de semblables, ce qui ne les a pas empêchés de se voir favorisés encore de plusieurs autres façons. Que voyons-nous, en effet, dans tous ces districts ? Un réseau complet de routes plus ou moins parfaites, qui s’étendent même jusque dans les endroits le plus nouvellement habités ; des ponts de fer ou de bois jetés sur tous les cours d’eau traversés par ces voies de communication ; enfin de nombreux chemins de fer, construits pour la plupart avec l’aide du trésor provincial, et qui rendent les plus grands services à la population.

Eh bien, sur toute la côte labradorienne, en fait de communications, on en est encore à l’état de choses qui florissait dans les premières années de la colonie. Le canot durant l’été, et, durant l’hiver, le traîneau attelé de chiens, voilà quels étaient les véhicules de nos pères du dix-septième siècle ; or les gens de la Côte Nord, en général, n’en ont pas encore d’autres, fidèles bien malgré eux aux traditions des ancêtres.

Sans doute on justifie aisément la dépense des sommes énormes qu’a coûtées au gouvernement provincial la diffusion de ces facilités de communication dans les diverses régions, en disant qu’il fallait bien assurer le développement du pays en favorisant la colonisation et l’agriculture. Certes, les résultats que l’on a obtenus prouvent que l’on a bien fait d’y aller largement.

Mais il n’y a pas que l’agriculture dans un pays ! L’industrie et le commerce peuvent aussi beaucoup pour accroître sa richesse.

Eh bien, la Côte Nord ne sera jamais une contrée agricole ; mais l’industrie et le commerce y font vivre déjà une population considérable, et n’attendent que d’être favorisés, comme l’agriculture et la colonisation le sont ailleurs, pour y prendre un développement considérable, dont toute la Province bénéficierait certainement.

Qu’est-ce donc que le gouvernement provincial pourrait bien faire, pour donner à la Côte Nord sa part des deniers publics ?

Il ne saurait être question, dans le moment, d’y subventionner des lignes de chemin de fer ; et personne ne peut prévoir encore le nombre de quarts de siècle qui s’écouleront avant que l’on demande aux pouvoirs publics de concourir à l’exécution de telles entreprises sur la côte du golfe Saint-Laurent.

Ne pourrait-on pas, du moins et en attendant, donner à ces braves Labradoriens, sinon des chemins de fer, au moins des chemins de terre ? Oui, je ne vois rien de plus urgent, dans ce qui est du ressort du gouvernement de Québec, que l’exécution d’une bonne route qui suivrait toute la côte et mettrait tous ces hameaux isolés en communication facile les uns avec les autres. Énoncer cette demande, cela suffit, à ce qu’il semble, pour faire voir tout de suite combien elle est raisonnable.

Se doute-t-on seulement, dans la Province, qu’il y a une lisière d’endroits habités, longue de quatre à cinq cents milles, où l’on ne peut voyager par terre, faute de chemins et faute de ponts sur les rivières !

Voilà bien, du moins en partie, le plaidoyer que j’allais adresser au gouvernement de Québec, au nom de la population de la Côte Nord, pour obtenir la confection d’une route tout le long du fleuve et du golfe, à partir de Betsiamis.

Mais, en cette affaire comme dans celle de la prolongation de la ligne télégraphique, je comptais sans le zèle qui dévore nos gouvernements pour le bien public ! Si peu de pays sont autant gouvernés que le Canada, il y en a peu, aussi, qui le soient aussi bien !

Dès l’année 1896, le gouvernement de Québec faisait ouvrir une route depuis la baie de la Trinité jusqu’à la rivière Pentecôte, une distance d’environ vingt-cinq milles. Voilà donc que l’on a adopté « le principe » d’une amélioration si considérable. Chaque année, on pourra, dans un sens ou dans l’autre, prolonger le chemin, et dans un temps encore assez court toute la Côte jouira de la facilité relative des communications par voie de terre. — Et, après cela, les gens raconteront, sans qu’on ajoute beaucoup de foi à cette légende, qu’il fut un temps où toute la Côte était habitée, sans qu’il y eût seulement dix milles de chemin à travers cette immense région.

D’autre part, s’il allait arriver que l’on s’arrêtât en si beau chemin, s’il arrivait qu’on laissât inachevés le télégraphe et la route du Labrador, j’avertis les gouvernements d’Ottawa et de Québec que, dans la deuxième édition de ce volume, je les accablerai de nouveaux arguments pour les engager à faire leur devoir, et aussi de tous les reproches qu’ils auront mérités. Seulement, et c’est, hélas ! le défaut de ce suprême moyen oratoire, cette « deuxième, édition » est la plus problématique des choses.

Mais voici qu’il va s’agir d’une autre réclamation de la Côte Nord, à laquelle sans doute on ne s’attend guère ! — On demande au gouvernement d’abolir les droits et devoirs féodaux dans le Labrador…

Il existe en effet au Labrador, comme on l’a vu déjà, une seigneurie très authentique, dont le domaine s’étend depuis les Cormorans jusqu’à la rivière Goynish. Lorsque, en 1854, le parlement du Canada proclama l’abolition de la tenure seigneuriale, on ne s’occupa en aucune façon de la seigneurie de Mingan, parce que le gouvernement ne reconnaissait pas alors son existence, qui, dans ces dernières années, à la lumière du flambeau de la jurisprudence, lui a été pleinement révélée. En outre il n’y avait alors à peu près aucun habitant sur la Côte, et il ne pouvait par conséquent être question de droits à réserver en faveur de censitaires qui n’existaient pas.

Puis, avec le temps, on vint s’établir un peu partout le long de la côte ; chacun à sa guise s’est taillé un petit domaine sur le bord de la mer, pendant que les doctes avocats s’occupaient à démontrer aux juges les plus savants tantôt que la seigneurie de Mingan n’était qu’un mythe, tantôt qu’elle existait bien réellement. Les tribunaux ont finalement décidé qu’il y a une seigneurie de Mingan. Et voilà qu’aujourd’hui les seigneurs de Mingan, qui sont des personnages résidant en divers lieux de la Province ou d’ailleurs, réclament une rente annuelle de nos pêcheurs devenus sans s’en douter de purs censitaires. Cette rente est sans doute fort légère, et les gens ne se refuseraient certes pas à payer cette redevance pour le terrain qu’ils occupent et tout le bois qu’ils veulent prendre dans les forêts. Mais, à tort ou à raison, ils sont portés à croire que la façon dont ils sont devenus possesseurs de leurs emplacements, alors que les droits de la seigneurie n’étaient pas encore juridiquement reconnus, les rend peut-être indépendants des seigneurs, surtout s’il est vrai, comme on me l’a dit sur la Côte, que le gouvernement lui-même les a jadis autorisés à s’établir en ces endroits de pêche. Et ils redoutent de perdre tout le bénéfice de leur situation, s’ils payent même une seule fois la rente annuelle : ce serait là, en effet, reconnaître les droits des seigneurs. Devenus censitaires, nos pêcheurs pourraient peut-être avoir quelque difficulté à conserver la propriété de leurs terrains, qu’aucun titre légal ne leur garantit.

Je reconnais volontiers que je n’entends rien à toutes ces choses, et que je suis le plus incompétent du monde à formuler même une simple opinion sur tout cela. Je n’en ai parlé ici que pour obéir au souci de ne laisser volontairement aucune lacune dans ce travail. Il est du reste tout à fait permis de croire qu’un jour, ou plus tôt ou plus tard, nos législateurs auront à s’occuper de régulariser la position des habitants de la Côte vis-à-vis les seigneurs de Mingan ; et il n’est pas mal à propos de mettre dès à présent le public au fait de l’intéressante question qu’il faudra résoudre.

* * *

Il y a encore une question que je ne ferai que signaler, et sur laquelle je ne suis pas non plus très apte à émettre un avis : celle de la représentation dans les parlements. Nos Labradoriens voudraient bien avoir dans chacune de nos assemblées législatives un député qui s’occupât exclusivement de leurs intérêts. Ce n’est pas qu’ils aient eu à se plaindre, à ma connaissance, des représentants du district électoral auquel ils appartiennent. Mais ils croient volontiers qu’un député qui doit prendre soin d’une région aussi étendue que les comtés unis de Chicoutimi et Saguenay, ne peut donner autant d’attention qu’il le faudrait à leur propre district.

En effet, comme on le sait, il n’y a qu’un seul député à la Chambre des Communes pour l’immense contrée qui comprend la vallée du lac Saint-Jean, celle de la rivière Saguenay, et toute la côte du Labrador jusqu’au Blanc-Sablon, ainsi que la grande île d’Anticosti. Peut-on croire qu’il est possible à un député d’être bien au fait de tous les besoins d’une semblable division électorale et de chacune des localités qui la constituent ? Et l’on imagine bien qu’ici, comme partout ailleurs, c’est le nombre qui fait la loi : le député est toujours choisi parmi les habitants de la partie la plus populeuse de l’immense comté ; et, par suite de la difficulté des communications, ses électeurs du Labrador n’ont que très rarement, pour ne pas dire jamais, l’occasion de le voir même une seule fois.

Pour ce qui est de la législature provinciale, il est vrai, le territoire du lac Saint-Jean a été détaché, il y a quelques années, du reste des comtés de Chicoutimi et Saguenay. Mais cela n’améliore guère la situation de la côte du Labrador, qui ne verra pas de sitôt l’un de ses habitants choisi pour représenter le comté-uni, encore si étendu, à l’Assemblée législative de Québec.

Ce n’est pas, semble-t-il, s’aventurer trop témérairement sur un terrain peu connu, que de prédire qu’un jour viendra où la côte nord du fleuve et du golfe, depuis la rivière Saguenay jusqu’au détroit de Belle-Isle, aura son représentant à la législature provinciale. On ne voit pas bien quels inconvénients il y aurait à ce que cette assemblée se composât de soixante-quatorze députés, au lieu d’en compter soixante-treize comme aujourd’hui. Alors une partie si considérable de la Province, au moins quant à l’étendue, pourra plus facilement faire entendre ses justes réclamations et sauvegarder ses intérêts.

Quant à la représentation à la Chambre des Communes, la solution du problème se fera moins aisément, parce que le nombre des députés de la province de Québec doit rester constamment le même. Mais la présente division de la Province en districts électoraux subira inévitablement, dans un avenir plus ou moins éloigné, quelque remaniement. Le grand pays du Labrador, qui a des intérêts si particuliers, s’imposera alors à l’attention des législateurs, qui en feront l’une des soixante-cinq divisions électorales de la Province. Et si je ne craignais que l’on m’accuse de faire de la politique, j’ajouterais : qui sait si, quelque jour, le député du Labrador ne sera pas le premier ministre du Canada ?…