Labrador et Anticosti/Chapitre IV

C. O. Beauchemin & Fils (p. 47-65).




CHAPITRE QUATRIÈME

Betsiamis (suite)


Candidature du P. Arnaud à l’épiscopat et à… la papauté. — Pierre Leroy. — Histoire d’une nouvelle méthode de latin. — On vole au P. Arnaud l’évêché de Chicoutimi. — Qui habet aures audiendi, audiat. — Le P. Arnaud, naturaliste. — A. Lechevalier à Betsiamis. — La poule initiale. — Le musée de Betsiamis. — Les exploits militaires et culinaires de Grosjean. — Le P. Arnaud et les beaux-arts. — Voyage du P. Arnaud en France. — Sa dernière visite au Labrador. — Murray Bay, Tadousac. — Grandeur et décadence de Bersimis. — Au cimetière des Montagnais. — Cinquante ans sans revoir Chicoutimi.


Au-dessus des chefs indigènes et de tous leurs sujets, le P. Arnaud joue le rôle d’un pape du moyen âge, que les souverains du temps regardaient à peu près comme leur suzerain à tous.

Et, à propos de papauté, sait-on que lui, le missionnaire des Montagnais du Labrador, se vit un jour honoré de la candidature au souverain pontificat ! Il est pourtant bien vrai que suivant les désirs de Pierre Leroy, sinon dans les desseins de l’assemblée des cardinaux, le P. Arnaud devait un jour s’asseoir sur la chaire de saint Pierre, après avoir passé par la dignité épiscopale. Disons quelque chose de cet épisode de l’histoire du Canada.

Les jeunes ne savent rien de ce P. Leroy, qui eut un moment de célébrité, il y a une vingtaine d’années.

Ancien religieux de la Trappe d’Aiguebelle, ce personnage aborda sur nos rives en 1874 ou 1875. Il nous apportait, dans la poche de son gilet, la vraie réforme des études classiques. D’après sa méthode, les enfants apprendraient les langues, le latin surtout, en un rien de temps, ce qui leur permettrait d’étudier encore une foule de belles choses, en attendant d’avoir à la lèvre les quelques poils qui indiquent, à n’en pouvoir douter, qu’il est l’heure de se présenter au seuil des vénérables corporations professionnelles de la médecine, du droit, du notariat.

Le ministère de l’Instruction publique de l’époque se laissa charmer par les beautés de la nouvelle méthode, et favorisa son inventeur. Sous ses auspices, Leroy exposa, dans une conférence qui avait réuni au château Saint-Louis toute l’élite intellectuelle de Québec, les merveilleux principes qui allaient révolutionner l’enseignement. Et pour démontrer qu’il ne s’agissait pas de choses en l’air, il appela au tableau noir un élève de seconde année de l’École normale, un élève très brillamment doué, mais qui n’avait pas la moindre idée de la déclinaison de Rosa, ni de la fameuse règle du que retranché. Eh bien, je le dis pour l’avoir vu, en quelques minutes l’élève traduisait correctement la phrase française qui lui était proposée et qui, par exemple, n’était pas extraite des endroits les plus compliqués des Caractères de La Bruyère.

Le public et la presse accueillirent avec faveur la nouvelle méthode et se félicitèrent de voir que notre pays allait peut-être en tirer beaucoup d’avantages. Je vous le demande : avec des petits Canadiens si intelligents, comme il y a partout plein les maisons, et avec une méthode de cette force, oui, je vous le demande, n’allions-nous pas enfin prendre la tête du monde civilisé ? — Bref, il fut donné à Leroy d’ouvrir à Québec une école, où les nouveaux principes pédagogiques pussent s’épanouir tout à leur aise. Mais il y eut, j’imagine, quelque chose qui fit défaut, soit dans la floraison, soit dans la fructification, puisque l’on ne cultiva pas longtemps la jeune plante. L’école cessa d’exister. Dès lors, si mes souvenirs sont fidèles, Leroy se mit à publier, dans les journaux de Québec, des articles sur sa fameuse méthode. Un peu plus tard, diverses brochures, aux titres énigmatiques, firent suite à ces articles. Il était visible que le cerveau du pauvre inventeur n’était plus à la hauteur des circonstances…

Beaucoup de personnes, capables de donner un jugement autorisé, ont été d’opinion que le système Leroy avait de la valeur, du moins au point de vue spéculatif. Mais, comme il arrive pour tant de choses, l’application n’en était guère possible. Il aurait fallu, pour qu’il produisît tous les résultats que l’on pouvait en attendre, que les professeurs travaillassent avec les élèves non seulement durant le temps des classes, mais aussi dans les heures d’étude, c’est-à-dire la journée entière. Où sont les professeurs qui, même au seul point de vue de la santé, pourraient impunément ajouter, au lourd fardeau qui déjà les accable, une si considérable augmentation de travail ?

Sans doute, le P. Arnaud, comme bien d’autres, se permit de dire quelque chose de favorable à la nouvelle méthode, du moins au point de vue théorique.

D’autre part, à cette époque, le Séminaire de Chicoutimi venait d’être fondé (1873) ; et, non moins alors que dans la suite, on n’y avait l’œil fermé aux nouveautés qui se font jour du temps en temps sur le globe terrestre. Dès les premières années, les professeurs du collège naissant firent quelque essai de la nouvelle méthode, tentative qui fut d’ailleurs de très courte durée.

Mais, en ce temps-là aussi, il était fortement question de créer un diocèse au Saguenay.

Tout cela se brassa sans doute, avec plus ou moins de logique, dans la cervelle du pauvre Leroy. Une conclusion s’en détacha qui faisait merveilleusement son affaire. Il fallait que le P. Arnaud fût le premier évêque de Chicoutimi ! Et puis tout allait marcher à souhait. C’est-à-dire que la méthode, la chère méthode, allait trouver au séminaire du nouveau diocèse le terrain qu’il lui fallait ; et les fruits qu’elle y produirait seraient d’une si extraordinaire beauté, que l’univers ébahi se rendrait enfin à l’évidence.

L’inventeur, pour assurer la réalisation de ses espérances, n’eut garde de négliger l’emploi des moyens surnaturels. Je ne sais plus quel nombre de messes il fit célébrer pour obtenir les grandes faveurs qu’il désirait. Et, effectivement, lui sembla-t-il, il lui fut donné d’obtenir certains signes qu’il n’eut pas de peine à interpréter. C’était maintenant certain : le Ciel voulait que le P. Arnaud fût évêque de Chicoutimi.

Malheureusement, l’épiscopat de la Province, qui, réuni en concile à Québec, en 1878, avait reçu de Leroy une pétition en faveur du choix du P. Arnaud comme évêque de Chicoutimi, ne comprit pas ou ne voulut pas exécuter les desseins de la Providence ; il trompa le délégué apostolique, Mgr  Conroy, qui était alors en notre pays dans le but de rétablir la paix chez les plus grands chicaniers, que nous sommes, de l’univers. Le Pape lui-même n’ignora pas moins la volonté de Dieu. Et le curé de Chicoutimi, M. Dominique Racine, fut choisi pour occuper le nouveau siège épiscopal.

Quelques jours après l’intronisation (7 août 1878) de l’évêque de Chicoutimi, nous étions, les prêtres du séminaire, réunis dans le salon de Mgr  Racine, lorsque, à l’arrivée du courrier, le prélat reçut une carte postale qui lui était adressée par Leroy. Le maniaque y disait à Sa Grandeur qu’on n’aurait pas dû l’appeler à être évêque de Chicoutimi et faisait remarquer que Mgr  Conroy, qui avait contribué à son élection, était mort soudainement le jour même de sa consécration (4 août). Pour terminer, il y avait le texte bien connu de la sainte Écriture : Qui habet aures audiendi, audiat. Cela devenait inquiétant !

L’archevêque de Québec, S. G. Mgr  Taschereau, fut aussi l’objet des reproches de Leroy, pour la part qu’il avait prise a l’erreur commise au préjudice du P. Arnaud.

Leroy se dévoua désormais à l’œuvre de la réparation. Il fallait que Rome rendît au malheureux Oblat son trône épiscopal ! Toute une série de brochures, d’un genre absolument extraordinaire, fouettèrent l’opinion publique dans les intérêts de la bonne cause. Retourné en Europe, il en fit imprimer d’autres et les expédia au Canada. Croirait-on qu’il alla jusqu’à s’adresser au Saint-Siège, pour réclamer justice ! et Mgr  Racine, lors de son premier voyage à Rome, en 1882, eut, sinon à se défendre, du moins à donner des explications sur l’affaire très étrange dont l’on se trouvait saisi.

Les idées ont leur développement propre, suivant les règles plus ou moins bien appliquées de la logique. L’idée de Leroy accomplit aussi son évolution. Il en est venu au point de réclamer pour le P. Arnaud la succession de Léon XIII au souverain pontificat ! Il est évident que l’injustice commise à son égard en 1878 se trouverait de la sorte parfaitement réparée. Seulement, la longévité inattendue de Léon XIII, qui a déjà vu mourir tant de ses « successeurs », a déjoué les plans de Leroy et de bien d’autres.

En tout cas, le P. Arnaud a supporté avec la résignation la plus admirable la privation de la mitre épiscopale, et même celle de la tiare pontificale. Il pousse l’héroïsme du sacrifice jusqu’à regarder sa candidature à l’épiscopat et au souverain pontificat comme l’épisode le plus gai de sa longue carrière.

* * *

Beaucoup de lecteurs vont penser ici que j’ai épuisé mon sujet, et que j’ai dit tout ce qu’il y avait à dire du P. Arnaud et de Betsiamis. Eh bien, il me reste encore à parler d’une œuvre du P. Arnaud, qui, bien que fort profane, n’est pas le chapitre le moins important de sa biographie.

Il fut un temps où il était de mode de regarder l’Église comme ennemie de la science ; tous ses efforts, disait-on volontiers, tendent à maintenir le monde dans l’ignorance. — Sans doute, c’était faux ! Et de toutes les pages de l’histoire depuis l’ère chrétienne, s’élevait un unanime démenti à ces assertions mensongères. Toutefois, l’accusation était de nouveau et constamment lancée partout, à l’encontre des faits ; elle faisait toujours quelques dupes, par-ci par-là. C’est que messire Satan, qui sait parfaitement combien le succès final de sa lutte contre l’Église est impossible, ne néglige aucun expédient pour entraver du moins son œuvre divine.

Il serait beau aujourd’hui, l’état intellectuel du monde, si l’Église ne l’avait constamment relevé de ses défaillances ! Déjà, à la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ, on était bien parti pour atteindre la vérité ! Où en serions-nous donc, de nos jours, sans l’action de l’Église ?

Dans notre pays même, l’Église a fait comme ailleurs : elle a exercé son influence sur les lettres et les sciences d’une façon si évidente qu’il serait absolument ridicule de le nier. Voici pourtant une nouvelle preuve, ajoutée à tant d’autres, de l’intérêt qu’elle porte au progrès des connaissances humaines. Je veux parler du musée d’histoire naturelle qu’il y a à Betsiamis. Qui pourrait s’attendre à trouver un beau musée d’histoire naturelle à Betsiamis ! Comment imaginer seulement que le P. Arnaud, qui a passé sa vie à courir après les survivants d’une race sauvage disséminés sur une grande étendue du pays, pour les mener tous au ciel, aurait, au milieu de tant de voyages et de travaux apostoliques, songé à faire un musée ?

Il est là, pourtant, ce musée, dans la bourgade montagnaise de Betsiamis. Et, dans la Province, peu de collections, dues à l’initiative des particuliers, le surpassent en valeur.

Les gens de science attachent aujourd’hui beaucoup d’importance à des collections de ce genre, qui contiennent comme un résumé de la faune et de la flore d’un pays. Eh bien, le vieux missionnaire des Montagnais a rendu à l’histoire naturelle du Canada le précieux service de réunir, au seuil même du pays de Labrador, un musée des curiosités et des objets scientifiques qui peuvent donner quelque idée des ressources de ce grand territoire.

Mais il convient de faire l’historique de ce musée, et de dire aussi quelque chose de ce que l’on y voit.

Il n’est guère probable que le P. Arnaud se soit proposé, lorsque ses supérieurs lui confièrent les missions de la Côte Nord, de se livrer à la pratique de l’histoire naturelle. Mais, pour lui comme pour tant d’autres, des circonstances se sont présentées qui le mettaient sur la voie. Son mérite, c’est d’avoir su profiter des circonstances ! Tout est là, dans la vie, qu’il s’agisse du spirituel ou du temporel.

C’était vers 1868. Un Français, Alfred Lechevalier, vint en Amérique dans le but de se procurer des spécimens d’histoire naturelle pour les musées d’Europe. Comme il n’y a pas un endroit de l’univers où l’on ne rencontre un Canadien, l’étranger, nouvellement débarqué à New-York, trouva, dans l’hôtel où il était descendu, un chasseur de Rimouski, nommé Henri Parent. On causa, et Lechevalier mit son commensal au fait de ses projets ; ce qu’il tenait surtout à obtenir, c’étaient des spécimens de l’aigle à tête blanche. Parent, qui connaissait la Côte Nord pour y avoir fait la chasse au loup marin, assura au Français qu’il trouverait cette espèce d’aigle à Manicouagan. Manicouagan, ce n’est pas à la porte de New-York ! Lechevalier essaya donc de l’art épistolaire ; mais il en fut pour ses frais. Personne ne répondit à ses lettres. Il prit alors le vrai moyen de se renseigner, celui de se rendre sur la Côte Nord.

Le P. Arnaud, revenant un jour du Saguenay, aperçut une goélette mouillée dans la baie de Betsiamis. D’un canot qu’il rencontra, il apprit qu’il y avait là un naturaliste français. C’était Lechevalier, qu’il trouva très occupé à dépouiller un oiseau. — Mais il était bien temps de venir chercher des aigles à tête blanche ! On ne les avait pas prévenus de la visite du Français ; et, maintenant que les petits étaient élevés, « tout le monde » était parti pour d’autres cieux. C’est le parti que dut prendre aussi Lechevalier.

Mais, l’automne, il revint à Betsiamis, et resta chez les Pères jusqu’au mois de janvier. Ce fut alors que l’on « posa la première pierre » du musée de Betsiamis, en empaillant une poule ; poule qui est encore là, pour témoigner qu’il est toujours facile de commencer une riche collection, puisqu’il suffit pour cela d’une seule pièce.

Du reste, l’humble volaille ne fut pas longtemps solitaire.

Les oiseaux, les mammifères, les reptiles, etc., s’ajoutèrent bientôt aux oiseaux, aux mammifères, aux reptiles, etc. Plus tard, on fit des échanges avec d’autres collectionneurs, même d’Europe, et le musée s’augmenta peu à peu. Les missionnaires et les sauvages apportèrent aussi ce qu’ils avaient trouvé d’intéressant dans leurs courses. Bref, aujourd’hui, on estime à $4000 la valeur de ce musée, et je ne crois pas que l’on se trompe en ce calcul.

Le P. Arnaud n’avait pas manqué de profiter du séjour de Lechevalier, qui était habile taxidermiste, pour apprendre à lever la peau des oiseaux. Un autre Français, nommé Grosjean, qui était alors à l’emploi des Oblats, et qui l’est encore, travailla avec Lechevalier, et devint lui-même un maître dans l’art de la taxidermie.

On avait donc tout ce qu’il fallait pour mener à bien l’entreprise. Et voilà comment il se fait que l’on trouve, à Betsiamis, un musée tel que l’on n’en voit pas dans toutes les villes du monde.

C’est dans l’ancien presbytère de la Mission que l’on a installé depuis peu ces belles collections. Un portique assez curieux décore l’entrée de l’édifice : il est fait de deux côtes de baleine, longues de vingt-deux pieds, et réunies par l’une de leurs extrémités de façon à former une ogive. Tout auprès sont des vertèbres de baleine, disposées en sorte de fauteuils, qu’ils imitent assez bien. Voilà une ornementation très couleur locale, assurément.

C’est l’ornithologie qui est la mieux représentée dans le musée, et principalement par des oiseaux du Canada. Mais il y a aussi des espèces de l’étranger, comme la cigogne blanche de Hollande, etc. L’une des vitrines qui attire le plus d’attention est celle qui contient une imitation de rocher d’assez grandes dimensions, recouvert de mousse et de lichens : là-dessus sont placés en diverses positions les oiseaux de mer que l’on rencontre entre Mingan et la Pointe-aux-Esquimaux. Ce groupe, qui reproduit fidèlement la nature, est signé : A. Lechevalier, décembre 1868, et ferait excellente figure dans n’importe quel musée. À signaler encore, une collection d’œufs d’oiseaux canadiens.

Des poissons, des mollusques, une centaine de reptiles du Canada et des États-Unis, et bon nombre de mammifères de ce pays et de l’étranger, forment le reste du musée d’histoire naturelle. Il y a jusqu’à un orang-outan de grande taille, qui n’a jamais habité Bornéo ni Sumatra ; c’est un singe de la zone tempérée — où il n’y en a pas — qui n’a jamais grimpé au sommet d’un cocotier, qui n’a jamais joué de tour à personne, et qui, mutatis mutandis, aurait aussi bien pu représenter, dans un muséum d’histoire naturelle, un autre genre zoologique, au cas où l’industriel de New-York qui l’a fabriqué, l’aurait ainsi préféré.

Il y a encore, au musée de Betsiamis, une collection d’objets fabriqués par les sauvages, qui mérite d’être signalée au visiteur. On y voit notamment un cométique[1] de belle fabrication, fait par les Esquimaux. Ce sont du reste les ouvriers de cette nation qui paraissent les plus habiles ; les vêtements faits par eux, en peaux de caribou et de loup marin, dont on voit des échantillons au musée, témoignent d’une adresse remarquable, et même d’un bon goût auquel on ne s’attendrait pas.

Mais racontons ici une anecdote peu réjouissante.

Quelques mois avant l’ouverture de l’Exposition de Chicago (1892), voilà qu’arrive tout à coup à Betsiamis un citoyen des États-Unis, ayant tous les dehors d’un vrai gentilhomme et d’un savant fort désintéressé. Il demande au P. Arnaud de lui vendre ou de lui prêter tous les objets ethnographiques du musée, qui figureraient excellemment dans la grande Exposition. Assurément, le missionnaire n’aurait voulu, ni pour or, ni pour argent, céder sa précieuse collection ; toutefois, il consent à prêter au bon Yankee ce qu’il lui plaira d’emporter. Or, rien de ce qui fut ainsi envoyé à Chicago n’en est revenu ! Et c’est ainsi qu’aujourd’hui il manque au musée une foule d’articles très intéressants : costumes des sauvages, et instruments en pierre ou en os, tels que haches, couteaux, dards, flèches, pipes, amulettes, jeux divers, etc. Eh bien, y a-t-il rien qui provoque autant l’indignation qu’un vol aussi effronté ! Sans doute, si le P. Arnaud allait faire le tour des États-Unis, il reconnaîtrait dans quelque grand musée, qui les aura acquis sans se douter de leur provenance, nombre de ses trésors qu’il a eu tant de peine à collectionner. Voilà un système d’« annexion » que l’on peut trouver habile, mais qui est d’une malhonnêteté révoltante.

* * *

D’ordinaire, on ne termine pas le compte rendu d’une visite à un musée, sans dire un mot du conservateur qui s’est donné la peine de vous en faire voir toutes les richesses. Je manquerai d’autant moins à ce devoir, que l’officier dont il s’agit n’est pas le personnage le moins remarquable de Betsiamis.

Le conservateur du musée de Betsiamis, c’est un Français, voire un Parisien, fils d’un capitaine de l’armée française. Grosjean est son nom. C’est celui dont j’ai dit précédemment qu’il étudia jadis la taxidermie avec tant de succès, sous la direction de Lechevalier, le célèbre naturaliste voyageur qui, après son séjour à Betsiamis, résida à Montréal, puis dans le sud des États-Unis, et se trouve maintenant au Pérou, sinon ailleurs.

Grosjean, lui, fils de soldat, n’aurait pu, sans manquer à son sang, passer sa vie parmi les vulgaires pékins. Il embrassa donc l’art militaire et se trouva un jour à faire partie de l’armée d’Afrique. Puis les hasards de l’existence l’amenèrent en Amérique. Cela, ce n’était pas hier, puisque, à ce moment, nos aimables voisins des États-Unis étaient en pleine guerre civile, la discorde animant les gens du Nord contre les gens du Sud. Je ne sais si notre Français étudia bien longtemps pour décider, à la lumière des grands principes, quel parti avait le bon droit de son côté. En tout cas, il prit du service dans les troupes du Nord. Maintes aventures signalèrent cette époque de son existence. En voici une à faire dresser les cheveux sur la tête !

C’était jour de grande revue ; le général Grant lui-même devait présider la fête. On sait si les soldats se font une grande affaire de ces cérémonies. Rien n’est épargné pour que tout soit irréprochable dans la toilette, dans l’accoutrement, dans la tenue ! Notre Grosjean, lui, jugea que, pour être vraiment joli garçon, il ne lui manquait que des moustaches. Il ne lui fut pas difficile, par un artifice à la portée de tout le monde, d’affubler sa lèvre de l’ornement voulu. Quelle figure martiale il vous avait, avec ces touffes de poils menaçants, qui se dirigeaient les uns à droite et les autres à gauche dans une symétrie parfaite ! Ah ! le beau soldat ! Vive la France, dont les fils portent la gloire dans tous les pays du monde — Attention ! voici le général qui passe ! mais voilà aussi que la moitié de la moustache s’écroule tristement en cet instant solennel, en face de l’état-major qui peut à peine garder son sérieux. Et le malheureux soldat, à qui la discipline a interdit même de lever un doigt pour prévenir le désastre !… Il y a des moments terribles dans la vie militaire.

Quelque temps après cet incident, le général Grant rencontra le héros de l’aventure, qu’il se rappela aussitôt, et lui fit cadeau de quelques greenbacks qui furent sans doute les bienvenus dans sa maigre escarcelle.

Il y a des soldats qui se font tuer, à la guerre ; il y en a qui, malgré leur bravoure, tombent au pouvoir de l’ennemi. Cet accident arriva à notre Français, qui fut pris avec bien d’autres par les gens du Sud. Sept mois durant, il subit une rude captivité, où l’on avait pour logements des trous creusés dans la terre. Ce fut alors que Grosjean, qui avait échappé à tous les périls des champs de bataille, vit le trépas de bien près. — Il advint, certain jour, que l’un de ces animaux qui, en poésie, se nourrissent de glands, et, ailleurs, de tant d’autres choses, se trouva à passer, en quête de je ne sais quoi, à la portée des malheureux prisonniers. Quelle imprudence, pour l’imbécile animal, de raviver le souvenir des jambons et des rôtis du passé, chez des gens dont le menu quotidien laissait évidemment beaucoup à désirer ! Aussi les captifs, séance tenante, le condamnèrent à mort, moins sans doute à cause des sentiments sudistes qu’on lui pouvait supposer, que pour le délit d’avoir en sa possession tant de mets recherchés dont l’on était privé. Grosjean se voit chargé par ses compagnons d’occire le coupable ; il l’occit. On le dépèce. On le rôtit. On se régale. Cependant l’inconstante fortune, qui n’en était pas à sa première trahison, ne tarda pas à jouer aux convives un tour de sa façon. Les autorités sont informées de tout ce qui s’est fait. Le meurtrier est bientôt connu. On appréhende Grosjean qui, déjà prisonnier, le devient encore davantage. On le condamne à mort, ou du moins on le lui fait croire, ce qui est bien la même chose quant à l’effet moral que cela produit sur le condamné. Enfin, la fortune rougit de sa cruauté ; l’« assassin » fut épargné et résolut d’y regarder désormais à deux fois avant de tuer quoi que ce soit.

Il faut entendre raconter cela à Grosjean, qui en a bien d’autres dans son sac, et qui est trop Français pour avoir la langue dans sa poche !

À la fin, la paix se conclut aux États-Unis, et Grosjean recouvra la liberté. Comme il n’y avait plus de guerre dans les alentours, il renonça facilement au métier des armes, et se trouva un jour, par je ne sais quelle aventure, au service des Oblats de la Côte Nord. Désormais soldat de l’armée spirituelle, quoique dans les grades inférieurs, il accompagna les Pères dans leurs voyages apostoliques, et se rendit utile de cent manières.

Il est encore, au bout de trente ans, à l’emploi des Oblats. Entre autres fonctions, il remplit la charge de conservateur du musée de Betsiamis. Et si, lecteur, quelque jour un bon vent vous amène à ce rivage, vous serez enchanté de la façon dont l’ancien militaire vous fera les honneurs de ces belles collections. Il se souvient, vous verrez, qu’il est Parisien.

Son général d’aujourd’hui, le P. Arnaud, lui inspire une sorte de culte.

* * *

Du reste, personne, sur la Côte Nord, n’est plus populaire que le bon Père. Chez les blancs comme chez les sauvages, il est connu et révéré de toutes les familles. Et ce n’est pas étonnant. À qui et à quoi, de ce qui existe sur la Côte Nord, le P. Arnaud est-il resté étranger ? C’est au point qu’il n’y a pas jusqu’aux « beaux-arts » qu’il n’ait songé à promouvoir. Car s’il y a quelques beaux tableaux dans plusieurs chapelles de la Côte, à lui en revient le mérite.

Il eut un jour le dessein d’acquérir un tableau pour la chapelle de Betsiamis. Avant d’en envoyer la commande en Europe, il alla voir, en tout cas, le peintre Charles Hamel, de Québec, et lui demanda s’il pouvait disposer en sa faveur de quelque toile. Hamel lui en désigna une qui était au rebut dans son atelier : elle était, disait-il, d’un peintre canadien qui n’avait pu en obtenir un prix avantageux. Le P. Arnaud en fit l’acquisition pour une somme très modeste. C’est le beau tableau placé au-dessus du maître-autel, dans la chapelle de Betsiamis, copie de l’Immaculée-Conception de la Basilique de Québec. Il acheta aussi, au même atelier, un certain nombre d’autres toiles, provenant de la galerie du cardinal Fesch.

S’il est vrai, comme l’ont dit les journaux, que le P. Arnaud a construit, pendant son long apostolat, dix-sept chapelles dans les missions de la Côte Nord, il n’a pas dû éprouver beaucoup d’embarras pour utiliser les tableaux dont il avait fait l’acquisition.

* * *

Il aime son pays d’adoption, le vieux missionnaire. Il a si longtemps vécu avec ses bons sauvages, qu’il est bien près de les regarder comme ses compatriotes. Il est pourtant arrivé qu’une fois, depuis près d’un demi-siècle, il ne passa pas l’hiver avec ses bien-aimés Montagnais. — L’histoire se montrera clémente, en signalant cette absence momentanée du vieux pasteur ! Quand on est Français, il est bien naturel que, après tant d’années d’éloignement, on désire revoir une fois au moins la moult belle, bonne et doulce France ! Ce fut durant l’hiver de 1890-91 que le P. Arnaud eut ainsi le bonheur d’aller passer quelques semaines sous le ciel de sa patrie. Et encore, il n’est pas sûr qu’il se serait permis de faire ce voyage, si une solennité chère à son cœur ne le lui eût en quelque sorte imposé. Cette fête, c’était le cinquantième anniversaire de la fondation du juniorat de Sion, où il avait fait ses études. Du reste, dès qu’il eut donné à son Alma Mater le témoignage de son affection en prenant part aux pieuses réjouissances de l’anniversaire béni, dès qu’il eut revu sa ville natale, Avignon, et « passé », encore une fois comme « tout le monde », sur le pont fameux que l’on sait, il n’aspira plus qu’à s’en revenir dans ses montagnes au milieu des sauvages. Pour garant de cet ennui du Père, nous avons la parole d’un journaliste du Paris-Canada, qui lui fit subir, à Paris même, le supplice de l’interview, pour le plus grand intérêt de ses lecteurs d’Europe, qui jusque-là ne devaient pas en savoir long sur le Labrador canadien ni sur le peuple des Montagnais.

Durant l’année qui suivit son retour d’Europe, peu s’en fallut que l’apôtre des Montagnais ne se remît en route, mais pour un voyage d’une bien autre importance. Il fut pour lui question de se rendre, non plus à la Sion de France, mais à la céleste Sion elle-même. Grâce à Dieu, le voyage ne se fit pas, et le vieux missionnaire continue de guider dans la voie droite le peuple qui lui est confié.

Mais cette fièvre typhoïde dont il a réchappé, n’a pas laissé que de l’affaiblir beaucoup. Et puis, quand on porte le fardeau de soixante-dix années, on n’est plus beaucoup agile. Aussi, depuis plusieurs années, le P. Arnaud, à l’exemple de son vieux compagnon, le P. Babel, a dû confier à des collaborateurs plus jeunes le soin de parcourir chaque année les missions sauvages du Labrador.

Durant l’été de 1896, le P. Arnaud a pourtant voulu refaire, sur la côte du Saint-Laurent, cette route qu’il a jadis tant de fois parcourue ; il a voulu revoir une dernière fois la plus grande partie des sauvages des différents postes. Qui dira les douces joies que cette visite mit au cœur du vieux pasteur et du cher troupeau d’autrefois !

Malgré son grand âge et la débilité qui lui est restée de sa grave maladie d’il y a quelques années, le vieil Oblat est encore fort actif. Durant les jours que nous avons passés à Betsiamis, il était constamment en dehors, allant d’une cabane ou d’une tente à l’autre, portant à tous des encouragements et des conseils, reçu partout comme un messager du Père céleste. Il est d’une bonté de mère pour ses pauvres enfants de la forêt, qui le lui rendent bien en affection et en attachement sincère.

Comme tous les vieillards, le P. Arnaud parle volontiers des choses du passé. Et comme ce passé remonte à l’époque de la première colonisation du Saguenay et du Lac Saint-Jean, et comprend, en son entier, la période de l’établissement de toutes les paroisses et missions de la côte nord du fleuve et du golfe Saint-Laurent, on peut imaginer s’il est intéressant de l’entendre causer de tout cela. Il est sûr que personne n’est, comme lui, renseigné sur l’histoire de cet immense territoire. Qu’il est regrettable que le « démon de l’écriture » laisse tranquilles ces gens qui savent, et s’applique trop souvent à mettre la plume aux doigts de tant d’ignorants ! — Cela soit dit sans vouloir faire la plus légère allusion aux écrivains canadiens, qui tous en savent bien long sur les sujets qu’ils traitent. — Du reste, et il y a longtemps qu’il en est ainsi, il y a ceux qui font l’histoire, et il y a ceux qui l’écrivent. Le P. Arnaud aura été des premiers. Et s’il n’a guère contribué à enrichir les imprimeurs, s’il s’est bien gardé d’encombrer les rayons de nos bibliothèques, on constatera un jour que beaucoup de belles pages, au Livre de vie, sont signées de son nom… C’est le bonheur que je souhaite à tous les auteurs et à moi-même.

* * *

Jusqu’à la fin des temps, nos bien chers amis les Anglais désigneront la Malbaie par le nom très britannique de Murray Bay. De même, ils ont escamoté une lettre du mot Tadoussac ; et lors même qu’il n’y aurait plus sur la terre qu’un seul Anglo-Saxon, il s’obstinera à écrire : Tadousac. Même, il y a de nos compatriotes assez oublieux de notre glorieuse histoire, pour imiter les Anglais, et dire aussi : Murray Bay, Tadousac ! Eh bien, le mot Betsiamis n’existe pas non plus pour les Anglais. Ils en ont fait, Bersimis. Et ceux des nôtres qui tiennent à faire connaître qu’ils savent l’anglais, ne manquent pas de dire « Bersimis », avec tout ce qu’ils peuvent y mettre d’accent britannique.

Mais les circonstances ont joué un joli tour à tout ce monde-là. Sur la rive droite de la rivière Betsiamis, à l’embouchure même, il s’est formé un établissement industriel. On aurait pu appeler cela Betsiamis-Ouest ; mais les Anglais se sont tellement mêlés de cette affaire d’industrie et de commerce, qu’il a fallu y mettre du Bersimis tant qu’ils en ont voulu. Or, aujourd’hui, ce village se nomme très légitimement Bersimis ; et la bourgade montagnaise de la rive gauche retient son nom de Betsiamis. C’est un détail qu’il importe de retenir, si l’on tient à paraître convenablement renseigné en géographie.

Le village de Bersimis[2] doit son existence à l’exploitation forestière que la société Girouard et Beaudet, de Québec, y commença vers 1875. Un touriste, qui visita cette localité en 1883, racontait[3] qu’il y avait là une population de 350 à 400 âmes, ayant une chapelle, une école, et un magasin général. Cette mission, nommée Saint-Élisée de Bersimis, était desservie par l’abbé Bruno Desjardins, dont la juridiction curiale s’étendait jusqu’à Moisie, du côté de l’est.

Une grande scierie à vapeur, des quais considérables, une estacade longue de quatre milles et qui comptait jusqu’à quarante-deux ancres et dix-sept mille pieds de chaîne : voilà ce qu’il y avait là en 1883, et qui donne une bonne idée de l’importance qu’avait alors cet établissement. Un bon nombre de navires transportaient à l’étranger le bois préparé à Bersimis.

En 1889, la société Girouard et Beaudet fut remplacée par la St. Lawrence Lumber Co., une compagnie composée principalement d’Anglais, qui fit faillite à la fin de l’année 1894.

Les « limites à bois » que l’on exploitait s’étendaient à l’intérieur des terres et jusqu’à Manicouagan.

Mais l’âge d’or de Bersimis n’est plus qu’une chose du passé. La population qui l’habite à présent est réduite à quelques familles trop pauvres pour se transporter ailleurs, et qui, durant l’hiver, fournissent les postillons, entre Betsiamis et Moisie. La scierie ne fonctionnant plus depuis l’année 1895, c’en est fini de Bersimis, car l’agriculture n’y pourra jamais remplacer l’industrie : il n’y a là que du sable. Et pour forcer ce sol ingrat à produire de beaux légumes et des céréales dorées, il n’y a pas ici, comme plus à l’est, les déchets de poisson ni surtout les goémons, engrais que la mer généreuse met partout, là-bas, à la disposition de ceux qui en ont besoin. D’ailleurs, dans notre belle Province, ce ne sera pas de sitôt que la terre cultivable sera devenue assez rare, pour qu’il faille absolument utiliser les sables de Bersimis.

Lundi, 29 juillet. — Les citadins ignorent généralement que l’un des épisodes les plus impressionnants qui marquent la visite pastorale dans les paroisses de la campagne, c’est la cérémonie funèbre que l’on célèbre dans le cimetière, situé presque toujours auprès de l’église.

À Betsiamis, cette solennité eut lieu dans la soirée du 29 juillet. L’évêque, précédé du clergé et de toute la population de la bourgade formée en longue procession, se rendit de l’église au cimetière où dorment de l’éternel sommeil les défunts de la tribu montagnaise. Le chant du Libera, toujours si émouvant, avait, ce soir-là, me semblait-il, des supplications plus touchantes encore que d’habitude. Le pontife, au nom de l’Église, demandait au Père céleste de pardonner à tous ces trépassés et de les recevoir au séjour du bonheur qui ne finira jamais.

Et pendant que les vivants se souvenaient ainsi des morts, pendant que le Chef de la prière bénissait pour la dernière fois les tombeaux du cimetière sauvage, le vent du soir avait lui-même suspendu son souffle. Mille feux s’étaient allumés partout là-haut, et l’astre mélancolique des nuits lentement montait à l’horizon, projetant en travers du Saint-Laurent, comme un gigantesque pont d’argent, sa longue traînée de pâle lumière. — Inoubliable soirée, où le cœur, rempli des consolatrices pensées de la foi, impressionné des magnificences de la nature, s’élevait tout seul vers notre Père qui est aux cieux !…

* * *

Au matin du 30 juillet, tous les habitants de la bourgade étaient rassemblés sur le rivage pour recevoir encore une fois la bénédiction de celui qui était venu les visiter au nom de Dieu, et qui les quittait pour porter à d’autres âmes la parole évangélique et les dons du Saint-Esprit.

En faisant nos adieux à ces bons Montagnais, nous rencontrâmes un vieux sauvage, Jérôme Saint-Onge, qui n’avait pas été à Chicoutimi depuis cinquante ans. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des gens dont le plus récent voyage à Chicoutimi date d’un demi-siècle. Ce vieillard avait assisté, en ce temps-là, aux exercices de la mission annuelle, donnée dans la chapelle des Jésuites qui existait encore, à cette époque, au poste de Chicoutimi.

À cette date reculée, il n’y avait pas de gare de chemin de fer, ni d’usine électrique dans la capitale du Saguenay. C’est à peine si l’on y voyait quelques pauvres cabanes.

Pendant que la fusillade d’honneur fait beau tapage tout le long de la rive, les canots d’écorce volent sur les eaux et nous conduisent en un instant au navire qui nous emmènera. Ce navire, c’est le yacht du P. Arnaud, cette embarcation fameuse où l’on trouve toujours des provisions en abondance, et surtout (comme dit la chanson) « de bons lits pour nous coucher », détail dont on estime la valeur quand survient le triste mal de mer…




  1. Traîneau tiré par les chiens, en usage au Labrador.
  2. Le nombre total des confirmés, à Betsiamis et à Bersimis, fut de 160.
  3. Journal le Saguenay, 14 août 1883.