La vraye et solide dévotion

La vraye et solide dévotion, contenant La science du chrétien. Touchant l'explication des sept sacremens de l'eglise. Où il est traicté amplement des promesses & obligations contractées aux saincts fonds de baptesme
Georges Josse (p. 463-479).
TRAITÉ HVITIESME
DE
L’EDVCATION
CHRESTIENNE
ET
SAINTE DES ENFANS.
Adiousté en forme d’appendix au Sacrement
de Mariage, pour seruir d’exposition plus
ample de la quatrième obligation
générale des personnes
mariées.

CHAPITRE VNIQVE.
De l’Education des enfans.


Quelle est la principale obligation des pères et mères à l'égard de leurs enfants ?

C’est de les bien instruire et les élever dans la crainte de Dieu et dans l’esprit des promesses qu’ils ont fait en recevant le baptême.

Pourquoi dites-vous que c’est la principale obligation des parents ?

Parce que le mariage n’est institué à autre fin que pour donner des Saints au Ciel, et c’est aux parents et mères que Dieu a donné la charge de les y conduire et de travailler pour les y faire arriver.

Que doivent faire les parents pour s’acquitter de cette obligation ?

Ils doivent continuellement veiller sur leurs enfants, depuis qu’ils sont venus au monde, jusques à ce qu’ils soient pourvus.

Que doivent-ils donc faire en premier lieu ?

Quand Dieu bénissant leur mariage leur a donné un enfant, la première chose qu’ils doivent faire, c’est de l’offrir à Dieu, incontinent après qu’il est né et le faire baptiser au plus tôt.

Comment et en quels termes se peut faire cette offrande ?

Mon Seigneur et mon Dieu, je vous offre cet enfant qu’il vous a plu de me donner, agrée-le s’il vous plaît pour votre serviteur et faites-lui la grâce de mourir plutôt sur l’heure que de vous déplaire, voire même ne permettez pas qu’il vive davantage, si vous prévoyez qu’il doive vous offenser jamais mortellement. C’est la prière que fit la mère de Saint Elzear.

Est-il plus à propos que les mères nourrissent leurs enfants que de les donner à nourrir à des personnes étranges, quand elles le peuvent faire ?

Oui sans doute, et c’est une leçon que la nature nous fait, et que notre Seigneur nous apprend dans l’Eucharistie, lequel, comme dit Saint Chrysostome, dans ce divin mystère nous nourrit de son propre corps et de son propre sang. Ce qui a donné sujet aux Saints Pères d’invectiver souvent contre cette mauvaise coutume, et qui a été cause de donner lieu à certaines Républiques d’en faire une loi pour l’abolir et la défendre.

Quelles raisons peut-on alléguer pour faire connaitre aux mères Chrétiennes l’importance qu’elles ont de nourrir leurs enfants quand elles peuvent ?

La première, c’est parce que cela peut faire grand préjudice à la santé des petits enfants et peut en arriver quantité d’inconvénients. La deuxième, c’est parce que cela diminue de beaucoup l’affection réciproque des mères et des enfants. C’est pourquoi nous voyons cette pratique soigneusement observée dans l’ancien Testament par des femmes de haute considération, pour exemple, Sarah mère d’Isaac, Gen : 21 et par Anne mère de Samuel, qui nourrirent elles-mêmes leurs enfants, 1 Reg. 1.

Mais si par nécessité on est contraint de donner les enfants à nourrir, quelle nourrice doivent choisir les chrétiens ?

Saint Jérôme en vue de ses Epîtres recommande qu’on choisisse une personne qui ait ces qualités, 1, qu’elle soit sobre, 2, qu’elle soit chaste, 3, qu’elle ne soit pas causeuse.

Pourquoi est-il si important de choisir une nourrice avec ces qualités ?

Parce que, dit un Père de l’Eglise, le premier lait sert beaucoup à former le tempérament, le naturel et l’esprit des enfants, qui pour l’ordinaire est tel que celui de leur nourrice.

Quel soin doivent avoir les parents de leurs enfants en ce bas âge, et pendant qu’ils sont au berceau ?

Le premier, c’est de les offrir et de les recommander tous les jours à Dieu dans leurs prières. Le second, c’est de recommander à la nourrice qu’elle ne manque jamais de faire le signe de la Croix sur eux toutes les fois qu’on les met au berceau, qu’on les en retire, qu’on les porte dehors, qu’on les allaite, et qu’elles leur jettent de l’eau bénite en les couchant.

Quelles sont les premières paroles qu'il faut mettre en la bouche des enfants, quand leur langue commence à se délier ?

Il faut leur apprendre à dire Iesus, Maria, à joindre les mains, et à regarder le ciel.

Et lorsqu'ils commencent à parler, et qu'ils ont atteint l'âge de quatre ou cinq ans ?

1. Il faut leur enseigner le Pater, Ave, Credo, les Commandements de Dieu et de l’Eglise, les mystères de la très sainte Trinité et de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus Christ et leur faire dire le Benedicite et les Grâces.

2. Il faut avoir un soin tout particulier pour les accoutumer de bonne heure à se porter au bien, qu’ils se mettent à genoux soir et matin devant quelque image dévote.

Que faut-il faire quand ils ont six ou sept ans ?

C’est en cet âge-là particulièrement qu’il faut redoubler les soins pour les porter à la vertu et les éloigner du vice, leur donner une grande aversion de celui-ci et leur faire aimer l’autre avant même qu’ils aient pleine connaissance de l’un ni de l’autre.

De quoi peut-on les entretenir quelquefois ?

De l’éternité, de la mort, du jugement, de l’enfer, du paradis, le tout selon la portée de leurs petits esprits.

Pourquoi faut-il avoir un si grand soin des enfants en ce bas âge ?

Parce que ce qu'ils auront appris en ce temps-là toute leur vie ils le retiendront ; les enfants étant semblables à des petits arbrisseaux que l'on plie et que l'on dresse comme l'on veut quand ils sont jeunes, et comme une cire molle en laquelle on imprime telle figure qu'on veut, ou celle d'un ange ou celle d'un diable, dit S. Basile.

Que leur faut-il recommander en cet âge-là ?

1. De s’accoutumer à certaines pratiques de piété et de dévotion proportionnées à leur âge et à leur petit esprit.

2. De s’abstenir de toute force de malice et de fuir toutes les mauvaises compagnies et la fréquentation de ceux qui en font.

Quelles sont les pratiques de piété qu’il leur faut inculquer ?

1. De prier Dieu soigneusement soir et matin. 2. De fréquenter les églises et y être modestes. 3. De fuir les hérétiques. 4. D’être obéissants à leurs parents et d’aimer leurs frères et sœurs. 5. D’être miséricordieux envers les pauvres et pour cela leur faire porter l’aumône qu’on leur veut donner.

Quels sont les péchés dont il faut donner plus grande aversion aux enfants en ce bas âge ?

Ces péchés sont ceux-ci entre autres, le mensonge, le jurement, le larcin, la gourmandise, la vanité, les querelles, les moqueries, l’impureté dans les paroles et dans les chansons, les jeux de cartes et de dés, et enfin l’oisiveté comme la pépinière de tous les autres vices.

De quels moyens en général peut-on se servir pour retirer les enfants de ces péchés ?

Le premier, c’est de leur imprimer en l’âme par des discours et entretiens familiers et proportionnés à leurs petits esprits, l’horreur et la haine du péché la plus grande qu’il sera possible.

Le deuxième, c’est de leur montrer par exemple ce qu’on veut qu’ils fassent, et ne souffrir qu’on ne commette jamais aucun de ces péchés en leur présence.

Le troisième, c’est de les châtier quand ils tombent en quelqu’un de ces péchés, et de leur promettre récompense quand ils feront bien.

Comment peut-on graver cette horreur du péché aux cœurs des petits enfants ?

C’est de les blâmer souvent et leur dire que ces péchés sont pires que des serpents, que des lions, que le diable, que l’enfer même ; et que tous ceux qui meurent avec un de ces péchés sont damnés, et qu’on aimerait mieux les voir morts que de leur souffrir commettre le moindre de ces péchés.

Quel châtiment doit-on faire aux enfants quand on les voit offenser Dieu ?

Il faut, dit l’Ecriture, se servir de la verge.

Qui sont ceux qui aiment davantage leurs enfants, ou ceux qui les corrigent et mortifient de bonne heure, ou ceux qui leur accordent tout et ne les châtient jamais ?

Le Saint Esprit nous apprend que ceux-là ne méritent pas le nom de pères, qui épargnent la verge à leurs enfants ; et en quantité d’endroits de l’Ecriture Sainte, ceux-là sont en exécration devant Dieu qui dissimulent et supportent les vices et les péchés de leurs enfants.

Pouvez-vous produire quelque exemple qui confirme cette vérité ?

Oui, l’histoire du grand prêtre Hely dans le quatrième chapitre du premier Livre des Rois est mémorable à ce sujet, lequel pour avoir usé de connivence et d’une trop grande douceur à l’endroit de ses enfants, et ne les avoir point châtié de leurs vices et mauvaises habitudes, fut rigoureusement puni non seulement en sa propre personne, mais encore en celle de ses enfants et de la postérité ; lui étant devenu aveugle, les deux enfants ayant été tués, la Bru à ces tristes nouvelles étant tombée morte sur la place ; la famille privée pour jamais de la dignité de grand prêtre, et de riche et opulente qu’elle était, réduite à une extrême pauvreté. L’histoire de David persécuté par ses fils Absalon, 1 Reg 13 et par les désordres de son fils Ammon, lesquels s’il eut châtié étant jeunes, et ne leur eut point été si doux et si indulgent, il n’aurait pas été accablé des calamités et des malheurs qui l’accueillirent. Ces deux suffiront pour un grand nombre qu’on pourrait ici apporter.

Quel châtiment Dieu fait-il ressentir à présent aux parents qui négligent la correction de leurs enfants ?

Le plus grand châtiment qu’il leur peut envoyer, c’est de leur laisser ces enfants pour les tourmenter, comme il arrive souvent, et leur faire passer le reste de leur vie dans des angoisses et des amertumes continuelles par les fâcheries qu’ils en reçoivent causées de leurs mœurs dépravées. Ces enfants pour l’ordinaire étant si libertins et querelleux qu’ils méprisent tout, et enfin deviennent la croix la plus insupportable de leurs parents. Ainsi, l’empereur Marc Aurèle se laissa mourir de deuil et de regret de voir que son fils Commodus qui lui devait succéder à l’empire était de si mauvaises mœurs. Capitol. et Baron an. 184.

De quelle façon faut-il châtier les enfants, afin que le châtiment leur profite ?

Il faut le faire, 1, avec prudence et rarement, afin qu’ils en fassent plus d’estime et en ayant plus d’appréhension. 2, sans passion, sans colère, et sans les injurier ni les maudire, comme font la plupart. Et 3, avec mesure.

N'y a-t-il pas d'autres moyens de punir les enfants que par le fouet ?

Oui, comme les faire jeûner un certain temps, les priver du souper et de leurs petites récréations, les faire prier longtemps à genoux, et semblables.

Mais que peut-on dire de ces parents, lesquels au lieu de donner cette aversion du mal à leurs enfants, et de les châtier quand ils le commettent, sont les premiers à le leur apprendre et à leur en donner l’exemple ?

Ils mériteraient, dit notre Seigneur, qu’on leur mit une pierre de moulin au col pour les précipiter dans la mer. Math. 18.

Comment se doit comporter un père ou une mère avec ses enfants, afin qu’il ne soit pas obligé d’avoir toujours la verge en main, et qu’ils le respectent et craignent ?

C’est 1, de leur parler toujours doucement et paisiblement sans les crier, ni user d’injures ou malédictions contre eux. 2, de leur parler peu et faire beaucoup.

Les malédictions et crieries de ces parents brutaux et tempétueux profitent-elles à l’amendement des enfants ?

Tant s’en faut qu’ils en deviennent meilleurs, au contraire cela les rend plus opiniâtres, plus endurcis et plus incorrigibles.

Quels moyens trouverons-nous pour leur donner aversion et les éloigner de la vanité ?

C’est, 1, de les habiller toujours modestement et chrétiennement, sans souffrir sur leurs habits une infinité de choses qui ne reflètent que les pompes du diable, auxquelles ils ont renoncé par leur baptême. 2, de ne s’entretenir jamais en leur présence de grandeurs, de richesses, ni de biens.

Quel moyen d'empêcher qu'ils ne soient oisifs ?

C'est de les occuper à quelque petit emploi, comme de leur apprendre à lire, et à écrire, sinon qu'on les envoie pour cela à l'école.

Que dites-vous des pères et mères qui ont grand peur de voir souffrir quelque chose à leurs enfants, qui les élèvent dans des mignardises et des délicatesses sans pareil, leur accordent tout ce qu’ils demandent, et n’oseraient les contrister en la moindre chose : n’osant par exemple les mettre hors de chez eux, de peur qu’ils n’aient du mal dans les études ou dans un métier ?

On peut dire de ces personnes qu’ils ne méritent pas d’être hommes, et ne savent ce que c’est que d’être Chrétiens, la peine et le travail étant de commandement absolu en l’une et en l’autre qualité ; D’où vient que les Saints en ont usé tout autrement, comme Sainte Monique à l’endroit de Saint Augustin son fils, etc. Confess. l.9.c.8. C’est pourquoi Platon, dans sa République, ordonnait qu’on instruisit la jeunesse ad fortia. Et en effet, toute la délicatesse et faiblesse des femmes, dit S. Chrysostome, et de quantité de personnes ne vient d’ordinaire que de la nourriture trop délicate qu’on leur donne, et non pas de la constitution naturelle de leurs corps. En témoignage de quoi il apporte la santé et la force des paysannes et villageoises.

À quel âge faut-il commencer d'envoyer les enfants à l'école ?

Le plus tôt c'est le meilleur, afin de les accoutumer à quelque exercice, mais au moins les y faut-il envoyer à six ou sept ans, si ce n'est qu'on leur enseigne dans la maison ce qu'ils apprendraient à l'école.

Que faut-il faire quand on présente un enfant à l'école ?

Il faut 1. le recommander à Dieu, et pour cela il serait bon de faire dire la messe ou quelque autre bonne œuvre, le jour qu'on le présente, à cette intention. 2. Le présenter au maître, ou maîtresse, en priant de ne lui épargner la verge, quand il tombera en faute.

À quel âge faut-il mettre les enfants aux études, ou leur faire apprendre métier ?

Aussitôt qu’ils savent lire et écrire.

Mais les personnes de condition qui ne font pas apprendre de métier à leurs enfants, à quoi les doivent-ils employer ?

S'ils ont des garçons faut les faire étudier ; si ce sont des filles, il faut leur faire apprendre à coudre en linge, en tapisserie et semblables. Quel est l’âge le plus dangereux pour les filles, et auquel les parents doivent veiller plus soigneusement sur elles ?

C’est environ l’âge de douze ans, et souvent encore plutôt, auquel temps si on ne prend garde à leur faire prendre un bon pli en la vertu, on ne pourra plus par après en venir à bout.

A quoi doivent travailler davantage les parents en cet âge-là ?

1. A les instruire à la piété et les porter à la dévotion de bonne heure. 2. A leur imprimer dans le cœur un grand mépris de toutes les choses du monde, et particulièrement des vanités, des biens, des braveries et semblables. 3. A leur donner une très haute estime, et un amour très grand de la pureté. 4. A les accoutumer de demeurer à la maison sans courir çà et là.

Le moyen de porter les enfants à ce grand mépris, et leur faire concevoir cet amour de la pureté ?

Encore que la chose soit difficile ; néanmoins elle se peut faire aisément. 1. Si les parents ont soin de les habiller modestement et sans superflu, comme font d’ordinaire la plupart des mères folles. 2. Si la mère montre elle-même l’exemple de ce mépris à sa fille par sa modestie et la retenue. 3. Si on leur défend absolument toutes les hantises et conversations tant soit peu suspectes, principalement les bals et les assemblées qui se font la nuit. 4. Si on les fait coucher seules et en une chambre séparée ; (A propos de cela, le catéchisme de Trêves dit, que si les parents peuvent loger leurs enfants de sept ans et autres domestiques ailleurs qu’en leur chambre et ne le font point, ils ne sont pas dignes d’absolution, à cause des maux qui en peuvent arriver.) 5. Si on les occupe en la maison ; si elles n’en sortent qu’avec leur mère ; et si les envoie au catéchisme, à la prédication et au prône, etc.

Pourquoi est-il si important de leur imprimer ces choses en cet âge-là, et principalement le mépris des vanités ?

D’autant qu’après ce temps-là elles ne sont plus susceptibles d’instructions ; mais la raison particulière pour les vanités, c’est parce qu’il n’y a rien de plus opposé à l’esprit du Christianisme, qui bouche davantage les avenues aux inspirations du Saint Esprit, et qui produit de plus grands maux, et plus incurables parmi les Chrétiens.

Quel maître doivent choisir les parents, quand ils envoyaient leurs enfants hors de chez eux pour les mettre ou aux études, ou en métier, ou en service ?

Ils doivent choisir un homme de probité qui puisse en même temps enseigner la crainte de Dieu, qui ne les oblige pas de travailler fêtes et dimanches, et de qui la maison soit aussi bien une école de vertu, que de lettres, ou d’occupation.

Quel profit retirent les enfants de l'école ?

1. Ils y apprennent la doctrine chrétienne, et ce qui concerne leur salut. 2. Ils se façonnent touchant les mœurs, et deviennent plus civils, et plus utiles à la république. 3. Ils se rendent capables d'élever un jour leur famille en la crainte de Dieu. 4. Ils évitent par ce moyen l'oisiveté, l'insolence, et quantité d'autres péchés qu'ils auraient commis pendant ce temps-là.

De qui doivent prendre conseil les pères et mères, quand il est question de pourvoir leurs enfants ?

Ils doivent 1, recommander instamment cette affaire à Dieu, lequel dispose de toutes les fortunes, de l’état et vacation d’un chacun, témoignant en cela une grande résignation à sa sainte providence. 2. Faire en sorte que leurs enfants se mettent en bon état pour faire ce choix, en vue de la volonté de Dieu et dans le dessein de se sauver.

Si les enfants se sentent appelés de Dieu à l’état ecclésiastique ou dans un Monastère, est-il permis de les en détourner ?

Ils peuvent bien leur remontrer la grandeur de cet état, les difficultés qui s’y rencontrent, et les y faire penser plus d’un jour pour éprouver si c’est une véritable vocation : Et pour cela les adresser à quelque personne intelligente et désintéressée, mais ils ne peuvent pas absolument les en détourner sans s’opposer à l’esprit de Dieu : et un enfant en ce cas d’opposition n’offenserait pas Dieu de faire contre la volonté de ses parents.

Peut-on solliciter les enfants à se faire ecclésiastiques, et recevoir la tonsure, sous espérance de quelque bénéfice pour entretenir la famille ?

Non, c'est un pernicieux et damnable motif, et pour lequel nous voyons tous les jours des punitions exemplaires.

Peut-on pour décharger la famille, ou à cause qu’ils sont contrefaits, les presser d’entrer dans des monastères, soit garçons ou filles ?

Nenni, et tous ceux qui coopèrent avec les parents à cette action sont excommuniés : et en cela, un enfant n’est pas obligé d’obéir à ses parents.

Peut-on contraindre un enfant qui se veut marier de prendre le parti que les parents jugent plus à propos ?

Non, ils ne le doivent jamais faire, d’autant que de ces forces de mariage, il n’en peut arriver que du mécontentement aux uns et aux autres, comme il se voit tous les jours par les malheurs qui s’en ensuivent.

Quand un enfant se sent appelé à l’état de mariage, que doivent faire les parents ?

Ils doivent lui chercher un parti qui soit d’âge, de moyens, et de condition, sortable à la leur, et qui ne soit point contre la volonté et le gré de leur enfant.

Que doivent davantage considérer les parents dans les alliances pour agir chrétiennement ?

Ils doivent plus sans comparaison considérer la vertu, l’amitié, la bonne réputation de la famille de qui ils recherchent l’alliance, que ni les richesses ni la beauté, ni les autres qualités extérieures.

Que doivent-ils éviter particulièrement dans les avances qu’ils font à leurs enfants en faveur de mariage ?

Deux choses, 1, de ne pas avantager un enfant plus que l’autre, l’expérience apprenant tous les jours que ce procédé cause une infinité de désordres, d’envies, de jalousies, de haines secrètes, de procès et semblables riottes, qui passent souvent jusques à la troisième et quatrième génération. 2, De ne leur faire pas embrasser un état au-dessus de leurs forces, et de leur condition, ne les pourvoyant pas de charges dont ils ne soient capables selon Dieu de s’acquitter en conscience.

Quelles sont les raisons et les motifs qui peuvent porter les pères et mères à cette chrétienne et sainte éducation de leurs enfants ?

La première, c’est de considérer que c’est le plus grand compte qu’ils auront à rendre à Dieu, qui ne leur a donné des enfants que pour en faire des Saints.

La deuxième, c’est que selon le sentiment des Saints Pères, ils sont responsables des péchés que leurs enfants commettent, faute d’avoir été bien instruits, et conséquemment que leur salut aussi bien que celui de leurs enfants dépend de cette bonne instruction.

La troisième, c’est de peser les grands biens qui en reviennent, ou les grands maux qui arrivent du contraire.

Quels sont les biens qui reviennent de cette sainte éducation ?

Les voici, 1. Les parents en reçoivent en eux-mêmes une indicible consolation, un grand soulagement dans leur vieillesse, une grande louange devant les hommes, et une grande récompense devant Dieu. 2. Ils sont un service signalé à la République Chrétienne, qui ne se peut maintenir que par la bonne instruction de la jeunesse, et par cette jeunesse bien instruite. Quels sont les maux qui arrivent à ceux qui négligent cette instruction ? Il arrive souvent que, non seulement ils sont punis en leurs personnes, mais encore en celles de leurs enfants, comme il se voit en quantité d’endroits de l’Ecriture sainte. Exod. 20. Ainsi voyons-nous que les enfants d’Abraham, d’Isaac, Jacob, Tobie, et plusieurs autres ont reçu mille et mille bénédictions pour la bonne vie de leurs pères ; au lieu que la postérité de Chan, Saül, Salomon, Jéroboam, Achab, et autres a été punie pour les péchés de ses pères.

Que doit-on dire de ces parents, qui n’ont autre soin pour leurs enfants que de les enrichir, les ennoblir, et les faire grands selon le monde ?

On peut dire qu’ils n’aiment point véritablement leurs enfants, et qu’en cela où ils veulent paraître avoir plus d’esprit, ils en ont moins.

Pourquoi dites-vous qu’ils n’aiment pas véritablement leurs enfants ?

Parce que s’ils les aimaient comme il faut, ils auraient plus de soin de leur âme et de leur salut, que de leur corps, qui n’est que la moindre partie d’eux-mêmes, et auraient plus à cœur de les faire riches de biens spirituels, que de leur amasser des richesses temporelles et périssables. Et S. Paul a fort bien dit de ces personnes, que c’était être pire qu’un infidèle de négliger l’instruction de ses domestiques, et de ne travailler que pour leurs corps.

Pourquoi dites-vous qu’ils témoignent en cela n’avoir pas d’esprit ?

Parce que 1, ils mettent souvent leur propre salut en danger, et se perdent misérablement pour enrichir leur famille. 2, pensant amasser pour leurs enfants, ils amassent quelque fois pour des étrangers, Dieu leur ôtant leurs enfants, ou bien si leurs enfants en jouissent, ils en font des profanations et des profusions non-pareilles, elles leur servent pour offenser Dieu davantage, et augmenter la peine de leurs parents damnés, et ne vont point jusques à leurs petits enfants.

Mais n’est-il pas permis de travailler pour laisser quelque chose à ses enfants ?

Oui sans doute, et on y est obligé, mais il faut que ce soit avec deux ou trois circonstances. La première, que cela se fasse sans blesser la conscience. La seconde, sans s’inquiéter ni empresser trop. La troisième, sans omettre ou négliger le principal, qui est l’instruction et l’éducation chrétienne en la façon qu’on la vient de marquer ci-dessus, Quarite primum regnum Dei, et catera adjucientur vobis. Matth. 6.

FIN.