La vieillesse de Richelieu (1758-1788), par Paul d’Estrée (Bondois)

La vieillesse de Richelieu (1758-1788), par Paul d’Estrée (Bondois)
Bibliothèque de l’École des chartes82-83 (p. 187-188).
La vieillesse de Richelieu (1758-1788), par Paul d’Estrée. Paris, Émile-Paul, 1921. In-8o, XIV-312 pages.


M. P. d’Estrée, qui avait donné en 1917 une étude sur la première partie de la vie du maréchal de Richelieu, vient de terminer son travail en publiant un second tome, consacré à la vieillesse de son héros, de 1758 à 1788.

À la date où le prend M. d’Estrée, le duc était un « homme fini » et n’a plus joué qu’un rôle secondaire, alors que se résolvaient les problèmes les plus importants pour la vie de la nation et que se précisaient les signes certains « du couchant de la monarchie ». Aussi était-ce peut-être un tour de force que de consacrer tout un volume à celui qui fut « le roi de la frivolité ».

Quoi qu’il en soit, M. d’Estrée a tracé un tableau bien présenté, en évoquant la fin de cette singulière carrière. Il montre, avec une vivacité, qui sera appréciée du public auquel il s’adresse, le maréchal renonçant à ses ambitions militaire, diplomatique et politique, et se résignant à n’être plus que le gouverneur de la Guyenne, tout en s’occupant à régenter despotiquement les comédiens français et italiens et à présider le tribunal des maréchaux. C’est aussi la lutte continuelle pour de menues questions de théâtre et d’étiquette avec le duc de Duras et les gentilshommes de la Chambre, la réelle et bizarre amitié avec Voltaire, les relations avec Beaumarchais, les cabales contre les favorites et les ministres, et les tristes et ennuyeuses histoires comme l’affaire de la dame de Saint-Vincent, la querelle avec M. de Noé et les difficultés avec l’entrepreneur Arthur. C’est enfin, à quatre-vingt-quatre ans, le mariage avec Mme de Rothe, qui sut donner aux derniers moments de son mari quelque peu de cette dignité, qui avait trop souvent manqué à l’existence du roué.

L’ouvrage de M. d’Estrée permet de reconstituer la physionomie mobile de ce Don Juan de deuxième ordre et de replacer cette silhouette falote à sa place. Quoi qu’on ait prétendu, le maréchal n’incarne qu’un tout petit côté du caractère français ; et sa vie paraît bien pâle, bien mesquine et presque ridicule, lorsqu’on évoque l’idée des événements et des hommes dont il fut le contemporain.


Paul-M. Bondois.