La vallée de la Matapédia/Chapitre VII

Léger Brousseau (p. 33-36).

VII


À une série de questions que le département de l’Agriculture et de la Colonisation a récemment adressées à messieurs les desservants des différentes cures et missions de la Matapédia, ceux-ci ont fait des réponses à peu près identiques, de telle sorte qu’il est inutile de les reproduire, chacune d’elles séparément, en ce qui concerne chaque endroit indiqué. Nous les résumons en une seule, dans laquelle le lecteur trouvera tous les renseignements particuliers qu’il désire avoir.

Ces questions portaient sur les articles suivants :

1o Le climat ;

2o Le temps des semailles et de la récolte ;

3o Les céréales et légumes cultivés ;

4o Le rendement par arpent ;

5o La valeur relative des biens des colons ;

6o Les scieries, l’exploitation en général du bois et les profits que les colons en retirent ;

7o Le marché ;

8o Le prix des denrées ;

9o Les moyens de subsistance des colons, en dehors des produits de leurs terres ;

10o La valeur des terres en partie défrichées ;

11o Les érablières et la fabrication du sucre d’érable.

Toutes les réponses à ces différentes questions affirment avec uniformité, conformément à une déclaration faite par l’éminent arpenteur Alexander Russel, après une expérience de plusieurs années consécutives ; 1o Que le climat de la Matapédia est de dix à douze degrés plus doux que celui de Québec.

2o Les semailles ont lieu au mois de mai et les gelées sont moins à craindre que dans toute autre partie de la province. Les récoltes se font en septembre et en octobre.

3o Les céréales et légumes cultivés comprennent le blé, le seigle, le sarrasin, l’avoine, l’orge, les patates, les navets, les choux, les pois, etc…

4o Le rendement varie quelque peu suivant les localités, mais se maintient toujours à un chiffre remarquable, relativement aux autres régions agricoles. Ainsi le rendement moyen du blé, par arpent, est de 20 à 25 minots, celui de l’avoine et de l’orge, 40 à 45 minots, celui du seigle 25 à 30 minots, celui du sarrasin 60 minots. Les pois donnent de 30 à 35 minots par arpent, et les autres légumes rapportent dans la même proportion à peu près.

5o La valeur relative des biens des colons dépend, biens entendu, du degré et de l’étendue de la culture. En général, ils suivent une progression allant de cinq cent à trois mille dollars. Les terres de cent acres, habitées depuis huit à dix ans et cultivées en partie, valent de 1000 à 2000 dollars. En certains endroits, dans le canton Causapscal, par exemple, on trouve des propriétés, comme celle de M. Blais, qui valent $5000, celle de M. Valois, $4,500, de M. Lepage et de M. Heppel, chacune $4000.00.

Ajoutons que dans presque toutes les parties de la vallée le sol est drainé naturellement et qu’il n’existe pas de région où le travail du colon soit plus facile.

Le prix des terres vendues par le gouvernement est de vingt centins l’acre.

Grâce au chemin de fer Intercolonial, les colons ont aisément et régulièrement accès aux marchés de Québec et des provinces maritimes.

6o Les forêts, très étendues, très productives, sont exploitées surtout par deux grandes maisons de commerce, la maison King et la maison Price, qui emploient des centaines de bras chacune, sans compter des exploitations particulières, moins importantes, mais tout de même fort avantageuses pour les colons qui y trouvent de l’emploi constamment, s’ils le veulent, en dehors de l’époque des semailles et de la récolte.

Cela suppose naturellement l’existence de « chantiers » et de scieries, pour l’exploitation sur place. Tous ceux qui veulent y prendre part sont à même de le faire. Aussi, le colon n’a-t-il jamais de morte saison et les « chantiers » l’attendent, pour l’aider à nourrir sa famille, quand sa terre lui a donné, pour l’année courante, tout ce qu’elle était en mesure de lui donner.

7o Toutes les parties habitées de la Matapédia se trouvant en communication directe et rapide avec la grande voie ferrée de l’Intercolonial, elles peuvent écouler journellement leurs produits sur tous les marchés du Dominion.

8o Le prix des denrées est au moins aussi élevé qu’il l’est à Québec et, souvent même davantage, par suite de la consommation considérable qui se fait dans les « chantiers » voisins. Le foin, par exemple, se vend généralement de 10 à 12 dollars le cent, l’orge 80 centins le minot, le blé un dollar, les pois un dollar, les patates 40 centins, etc…

9o En sus des produits de leurs terres, les colons peuvent faire de l’argent, à volonté, principalement au service des commerçants de bois.

10o La valeur des terres partiellement défrichées est en moyenne de trois à quatre cents dollars.

11o Les érablières sont nombreuses et l’on fait du sucre suffisamment pour la consommation locale.

Ajoutons que les scieries fournissent aux cultivateurs tout le bois, planches et bardeaux, dont ils ont besoin pour leurs bâtiments, en même temps que l’entretien de l’Intercolonial donne de l’emploi à beaucoup d’entre eux et permet à d’autres de vendre à la ligne le bois de cèdre dont ils sont propriétaires.


ÉCOLE DE ST-ALEXIS DE MATAPÉDIA, 4ième RANG.