La tragédie à propos des débuts de Mlle Rachel
Il se passe en ce moment au Théâtre-Français une chose inattendue, surprenante, curieuse pour le public, intéressante au plus haut degré pour ceux qui s’occupent des arts. Après avoir été complètement abandonnées pendant dix ans, les tragédies de Corneille et de Racine reparaissent tout à coup et reprennent faveur. Jamais, même aux plus beaux jours de Talma, la foule n’a été plus considérable. Depuis les combles du théâtre jusqu’à la place réservée aux musiciens, tout est envahi. On fait cinq mille francs de recette avec des pièces qui en faisaient cinq cents ; on écoute religieusement, on applaudit avec enthousiasme Horace, Mithridate, Cinna ; on pleure à Andromaque et à Tancrède.
Il est ridicule et honteux que ce soit un prodige ; cependant c’en est un. On ne peut nier l’oubli profond dans lequel était tombé l’ancien répertoire. Cet oubli était si bien constaté, que quelques personnes, et même des gens d’esprit, regardent l’affluence qui se porte maintenant au Théâtre-Français comme le résultat d’un engouement passager qui ne peut pas durer. D’un autre côté, comme il y a très long-temps que ces pièces n’avaient été suivies, on voit des gens qui arrivent là comme en pays étranger, et qui jugent au foyer nos vieux chefs-d’œuvre comme des vaudevilles nouveaux. Les uns, restés fidèles à la littérature classique, proclament une révolution, ou pour mieux dire, une restauration, et disent tout haut que le romantisme est mort ; les autres, accoutumés au genre à la mode et à tout le fracas de nos mélodrames, s’indignent, soit à plaisir, soit de bonne foi, et paraissent disposés à renouveler les querelles oubliées entre l’ancienne et la nouvelle école ; c’est un assez singulier chaos que toutes ces opinions diverses.
Une jeune fille qui n’a pas dix-sept ans, et qui semble n’avoir eu pour maître que la nature, est la cause de ce changement imprévu qui soulève les plus importantes questions littéraires. Avant d’essayer d’aborder ces questions, il faut dire un mot de la débutante.
Mlle Rachel est plutôt petite que grande ; ceux qui ne se représentent une reine de théâtre qu’avec une encolure musculeuse et d’énormes appas noyés dans la pourpre, ne trouveront pas leur affaire ; la taille de Mlle Rachel n’est guère plus grosse qu’un des bras de Mlle Georges ; ce qui frappe d’abord dans sa démarche, dans ses gestes et dans sa parole, c’est une simplicité parfaite, un air de véritable modestie. Sa voix est pénétrante, et, dans les momens de passion, extrêmement énergique ; ses traits délicats, qu’on ne peut regarder de près sans émotion, perdent à être vus de loin sur la scène ; du reste, elle semble d’une santé faible ; un rôle un peu long la fatigue visiblement.
Si, d’une part, on considère l’âge de cette jeune tragédienne, et si on réfléchit, d’un autre côté, combien l’expérience est indispensable au comédien, seulement pour dire juste, on doit éprouver une grande défiance en voyant paraître un enfant sous les traits d’Hermione et de Monime. Que de sentimens, en effet, ne faut-il pas avoir connus par soi-même, et jusqu’à l’excès, pour oser rendre des rôles si variés, si passionnés, si profonds, tracés par la main des plus grands maîtres qui aient jamais sondé le cœur de l’homme ? Mlle Rachel n’a pas l’expérience du théâtre, et il n’est pas possible qu’à son âge elle ait l’expérience de la vie. On devait donc s’attendre à ne trouver en elle que des intonations plus ou moins heureuses apprises au Conservatoire et répétées avec plus ou moins d’adresse et d’intelligence. Il n’en est rien ; elle ne déclame point, elle parle ; elle n’emploie, pour toucher le spectateur, ni ces gestes de convention, ni ces cris furieux dont on abuse partout aujourd’hui ; elle ne se sert jamais de ces moyens communs, qui sont presque immanquables, de ces contrastes cadencés qu’on pourrait noter, et dans lesquels l’auteur sacrifie dix vers pour amener un mot ; là où la tradition veut qu’on cherche l’effet, elle n’en produit pas la plupart du temps. Si elle excite l’enthousiasme, c’est en disant les vers les plus simples, souvent les moins saillans, et aux endroits où l’on s’y attend le moins. Dans Tancrède, par exemple, lorsque Aménaïde, accusée par son amant, s’écrie ;
Il devait présumer qu’il était impossible
Que jamais je trahisse un si noble lien.
Il est certainement difficile de trouver deux vers plus ordinaires, on peut même dire plus prosaïques. Ils sont au milieu d’une tirade, et par conséquent n’appellent point l’attention. Cependant, quand Mlle Rachel les prononce, un frémissement électrique court par toute la salle, et les applaudissemens éclatent de toutes parts.
On peut juger par cet exemple du talent particulier de la jeune artiste, car ces deux vers, tout faibles qu’ils sont, n’en expriment pas moins un sentiment vrai, l’indignation d’une ame loyale qui se voit injustement soupçonnée ; ce sentiment suffit à Mlle Rachel ; elle s’en empare, et elle le rend avec tant de justesse et d’énergie que ce seul mot d’impossible devient sublime dans sa bouche. Et encore, dans le rôle d’Hermione :
Je percerai ce cœur que je n’ai pu toucher.
Pour quiconque l’a entendue et sait le prix de la vérité, l’accent qu’elle donne à ce vers, qui n’est pas bien remarquable non plus, est une chose incompréhensible dans une si jeune fille ; car ce qui va au cœur vient du cœur ; ceux qui en manquent peuvent seuls le contester ; et où a-t-elle appris le secret d’une émotion si forte et si juste ? Ni leçons, ni conseils, ni études, ne peuvent rien produire de semblable. Qu’une femme de trente ans, exaltée et connaissant l’amour, put trouver un accent pareil dans un moment d’inspiration, il faudrait encore s’étonner ; mais que répondre quand l’artiste a seize ans ?
J’ai choisi deux exemples au hasard, tels que ma mémoire me les a fournis ; j’en aurais pu citer cent autres qui seraient autant de preuves concluantes. Il faut nécessairement reconnaître là une faculté divinatrice, inexplicable, qui trompe tous les calculs, et qui ressemble à ce qu’on appelle une révélation. Tel est le caractère du génie ; il ne faut pas craindre ici de prononcer ce mot, car il est juste. Mlle Rachel n’a pas un talent consommé, il s’en faut même de beaucoup, et cela lui reste à acquérir ; elle a besoin d’étudier ; mais on peut affirmer qu’elle a du génie, c’est-à-dire l’instinct du beau, du vrai, l’étincelle sacrée qui ne s’acquiert pas, et qui ne se perd pas non plus, quoi qu’on dise ; voilà pourquoi il n’est pas à redouter que les complimens lui fassent tort. Si sa poitrine ne se fatigue pas, et si on ne la détourne pas de sa route pour lui faire jouer le drame moderne, avec de l’étude et des passions, elle peut devenir une Malibran.
Venons aux questions littéraires. Pour ce qui regarde d’abord les gens qui croient voir une affaire de mode dans le retour du public à l’ancienne tragédie, disons, sans hésiter, qu’ils se trompent. Il est bien vrai qu’on va voir Andromaque parce que Mlle Rachel joue Hermione, et non pour autre chose, de même qu’il est vrai que Racine écrivit Iphigénie pour la Champmeslé, et non pour une autre. Qu’est-ce, en effet, que la plus belle pièce du monde, si elle est mal jouée ? Autant vaut la lire. Iriez-vous entendre le Don Juan de Mozart, si Tamburini chantait faux ? Que ceux qui essaient de se persuader que Racine a passé veuillent bien se rappeler le mot de Mme de Sévigné, et prendre une tasse de café.
Quant à ceux qui pensent que ce même retour aux pièces du siècle de Louis XIV est une atteinte mortelle portée au romantisme, on ne peut leur répondre ni avec autant d’assurance, même au risque de se tromper, ni d’une manière absolument explicite. Il se pourrait bien, en effet, que des représentations suivies des chefs-d’œuvre de notre langue causassent un notable dommage aux drames qu’on appelle romantiques, c’est-à-dire à ceux que nous avons en France aujourd’hui. En ce sens, les classiques auraient raison ; mais il n’en resterait pas moins avéré que le genre romantique, celui qui se passe des unités, existe ; qu’il a ses maîtres et ses chefs-d’œuvre tout comme l’autre ; qu’il ouvre une voie immense à ses élèves ; qu’il procure des jouissances exquises à ses admirateurs, et enfin, qu’à l’heure qu’il est, il a pris pied chez nous et n’en sortira plus. Voilà ce qu’il est peut-être hardi, mais nécessaire de dire aux classiques ; car il y en aura toujours en France, de quelque nom qu’on les appelle. Nous avons quelque chose d’attique dans l’esprit, qui ne nous quittera jamais. Lors donc que les classiques de ce temps-ci assistent à un drame nouveau, ils se récrient et se révoltent, souvent avec justice, et ils s’imaginent voir la décadence de l’art ; ils se trompent. Ils voient de mauvaises pièces faites d’après les principes d’un art qui n’est pas le leur, qu’ils n’aiment pas et ne connaissent pas tous, mais qui est un art : il n’y a point là de décadence. Je conviendrai tant qu’on voudra qu’on trouve aujourd’hui sur la scène les évènemens les plus invraisemblables entassés à plaisir les uns sur les autres, un luxe de décoration inouï et inutile, des acteurs qui crient à tue-tête, un bruit d’orchestre infernal, en un mot, des efforts monstrueux, désespérés, pour réveiller notre indifférence, et qui n’y peuvent réussir ; mais qu’importe ? Un méchant mélodrame bâti à l’imitation de Caldéron ou de Shakspeare ne prouve rien de plus qu’une sotte tragédie cousue de lieux communs sur le patron de Corneille ou de Racine, et, si on me demandait auquel des deux je me résignerais le plus volontiers en cas d’arrêt formel qui m’y condamnât, je crois que je choisirais le mélodrame. Qui oserait dire que ces deux noms de Shakspeare et de Calderon, puisque je viens de les citer, ne sont pas aussi glorieux que ceux de Sophocle et d’Euripide ? Ceux-ci ont produit Racine et Corneille, ceux-là Gœthe et Schiller. Les uns ont placé, pour ainsi dire, leur muse au centre d’un temple entouré d’un triple cercle ; les autres ont lancé leur génie à tire-d’aile et en toute liberté : enfance de l’art, dit-on, barbarie ; mais avez-vous lu les œuvres de ces barbares ? Hamlet vaut Oreste, Macbeth vaut Œdipe, et je ne sais même ce qui vaut Othello.
Pourquoi a-t-on opposé ces deux genres l’un à l’autre ? pourquoi l’esprit humain est-il si rétréci qu’il lui faille toujours se montrer exclusif ? pourquoi les admirateurs de Raphaël jettent-ils la pierre à Rubens ? pourquoi ceux de Mozart à Rossini ? Nous sommes ainsi faits ; on ne peut même pas dire que ce soit un mal, puisque ces enthousiasmes intolérans produisent souvent les plus beaux résultats ; mais il ne faudrait pourtant pas que ce fût une éternelle guerre. Lorsque jadis le pauvre La Motte proposa le premier à Paris de faire des pièces en prose, sans unités, Voltaire frémit d’horreur à Ferney et écrivit aux comédiens du roi que c’était l’abomination de la désolation dans le temple de Melpomène. Lorsque, de nos jours, M. Victor Hugo, avec un courage auquel on doit honneur et justice, monta hardiment à la brèche de ce même temple, quel déluge de traits n’a-t-on pas lancé sur lui ? Mais il a fait comme Duguesclin, il a planté lui-même son échelle. Maintenant que la paix est faite et la citadelle emportée, pourquoi les deux partis n’en profitent-ils pas ?
Ceci m’amène au point délicat qui fait le sujet de cet article : à savoir, si la tragédie renaissait aujourd’hui et reprenait franchement sa place à côté du drame romantique, ce qu’elle pourrait être. Il va sans dire que je n’ai pas la prétention de décider une question pareille, mais seulement de la poser et de faire quelques conjectures. Le lecteur relèvera de lui-même mes erreurs, et de plus habiles que moi décideront.
Tout le monde sait l’histoire de la tragédie. Née pendant la vendange dans le chariot de Thespis, et ne signifiant alors que le chant du bouc[1], élevée tout à coup, comme par enchantement, sur les gigantesques tréteaux d’Eschyle, corrigée par Sophocle, adoucie par Euripide, énervée par Sénèque, errante et abandonnée pendant douze siècles, retrouvée en Italie par Trissino, apportée en France par Jodelle et Garnier, son véritable père chez nous fut le grand Corneille ; Racine, bien que plus tendre et plus passionné que l’auteur du Cid, suivit les lois que celui-ci avait posées ; Voltaire et Crébillon tentèrent à demi de se rapprocher de l’antique ; le reste ne fut qu’une longue imitation, où brillent de temps à autre quelques bons ouvrages. Ainsi est venue la tragédie jusqu’à nos écrivains d’aujourd’hui, qu’il ne m’appartient pas de juger, mais parmi lesquels ce serait une faute de ne pas citer ici MM. Casimir Delavigne, qu’on n’oublie pas, et Lemercier qu’on oublie trop.
Au milieu de si rudes traversées, la tragédie a nécessairement subi de nombreuses transformations. Il n’y a cependant que deux époques importantes et que deux maîtres, Sophocle et Corneille. Le premier a fondé la tragédie ancienne, le second la moderne, fort différentes l’une de l’autre ; au-dessus de ces deux génies en domine un troisième, le plus grand peut-être de l’antiquité. Notre siècle est si extravagant et si puérilement railleur qu’on y hésite à nommer Aristote. Grâce aux quolibets de quelques ignorans, on a rendu presque ridicule le nom de cet homme qui, n’ayant pour guide que son jugement, pour règle que son coup d’œil, en philosophie, en zoologie, en littérature, dans presque toutes les sciences, a posé des bases aussi vieilles, aussi impérissables que le monde.
Je ne prétends pas le suivre dans sa poétique, ni Corneille dans son discours des trois unités ; ce seraient trop de détails inutiles : je me bornerai à indiquer rapidement la différence de la tragédie antique et de la tragédie moderne, afin de venir clairement jusqu’à nous.
La tragédie est la représentation d’une action héroïque, c’est-à-dire qu’elle a un objet élevé, comme la mort d’un roi, l’acquisition d’un trône, et pour acteurs des rois, des héros ; son but est d’exciter la terreur et la pitié. Pour cela, elle doit nous montrer les hommes dans le péril et dans le malheur, dans un péril qui nous effraie, dans un malheur qui nous touche, et donner à cette imitation une apparence de vérité telle que nous nous laissions émouvoir jusqu’à la douleur. Pour parvenir à cette apparence de vérité, il faut qu’une seule action, pitoyable et terrible, se passe devant nous, dans un lieu qui ne change pas, en un espace de temps qui excède le moins possible la durée de la représentation, en sorte que nous puissions croire assister au fait même, et non à une imitation. Voilà les premiers principes de la tragédie, qui sont communs aux modernes et aux anciens.
L’homme, qu’il s’agit de nous montrer, tombe dans le péril ou dans le malheur par une cause qui est hors de lui, ou en lui-même : hors de lui, c’est le destin, le devoir, la parenté, l’action de la nature et des hommes ; en lui, ce sont les passions, les vices, les vertus ; voilà la source de la différence des deux tragédies. Cette différence n’est pas le résultat d’un hasard ni d’une fantaisie ; elle a un motif simple et facile à dire.
Dans presque toutes les tragédies antiques, le malheur du principal personnage naissait d’une cause étrangère ; la fatalité y présidait ; cela devait être. Les poètes usaient de leurs moyens, et le dogme de la fatalité était la plus terrible comme la plus répandue des croyances populaires. Leurs théâtres contenaient dix mille spectateurs ; il s’agissait pour eux d’emporter le prix, et ils se servaient, pour soulever les masses, du levier le plus sûr qu’ils eussent sous la main. Qu’on examine seulement l’histoire des Atrides, qui a été le sujet de tant de tragédies : Agamemnon sacrifie sa fille, parce que les dieux la lui ont demandée ; Clytemnestre tue son mari pour venger la mort de sa fille ; Oreste arrive, et égorge sa mère, parce qu’elle a tué Agamemnon ; mais Oreste lui-même est frappé du châtiment le plus horrible, il tombe en démence, les furies le poursuivent, et vengent à leur tour Clytemnestre. Quel exemple, quelle recherche d’une fatalité aveugle, implacable ! Une pareille fable nous révolte ; il n’en était pas ainsi en Grèce ; ce qui ne nous semble qu’un jeu cruel du hasard, inventé à plaisir, était pour les Grecs un enseignement, car le hasard chez eux s’appelait Destin, et c’était le plus puissant de leurs dieux. Ils apprenaient à se résigner et à souffrir, à devenir stoïciens, en assistant à des spectacles semblables ; Aristote calcule et compare les diverses sortes de dénouemens, et, non-seulement il donne la préférence aux plus affreux, aux plus féroces, mais il ne craint pas de témoigner son mépris pour les dénouemens heureux. Il va plus loin : « La tragédie n’agit point, dit-il, pour imiter les mœurs, elle peut même s’en passer ; ce qu’il faut pour émouvoir, c’est un personnage sans caractère, mêlé de vices et de vertus, qui ne soit ni méchant ni bon, mais malheureux par une erreur ou par une faute involontaire. » C’était ainsi que les poètes antiques apprenaient aux hommes à se soumettre, à se courber sans murmurer devant la Destinée. Ils croyaient leur donner une leçon plus salutaire en leur montrant leurs semblables persécutés, accablés, par un pouvoir injuste, capricieux, inexorable, qu’en faisant triompher la vertu aux dépens du vice, comme on en use aujourd’hui.
Mais ce qu’ils nommaient destin ou fatalité n’existe plus pour nous. La religion chrétienne d’une part, et d’ailleurs la philosophie moderne, ont tout changé ; il ne nous reste que la Providence et le hasard ; ni l’un ni l’autre ne sont tragiques. La Providence ne ferait que des dénouemens heureux ; et quant au hasard, si on le prend pour élément d’une pièce de théâtre, c’est précisément lui qui produit ces drames informes où les accidens se succèdent sans motif, s’enchaînent sans avoir de lien, et se dénouent sans qu’on sache pourquoi, sinon qu’il faut finir la pièce. Le hasard, cessant d’être un dieu, n’est plus qu’un bateleur. Corneille fut le premier qui s’aperçut de la distance qui, sous ce rapport, nous sépare des temps passés ; il vit que l’antique élément avait disparu, et il entreprit de le remplacer par un autre. Ce fut alors qu’en lisant Aristote et en étudiant ses principes, il remarqua que si ce grand maître recommande surtout la fatalité, il permet aussi au poète de peindre l’homme conduit au malheur seulement par ses passions ; les anciens eux-mêmes l’avaient fait, dans l’Electre et dans le Thyeste. Corneille se saisit de cette source nouvelle ; à peine eut-elle jailli devant lui qu’il la changea en fleuve ; il résolut de montrer la passion aux prises avec le devoir, avec le malheur, avec les liens du sang, avec la religion ; la pièce espagnole de Guillen de Castro lui sembla la plus propre à développer sa pensée ; il en fit une imitation qui est restée et restera toujours comme un chef-d’œuvre ; puis, comme il était aussi simple qu’il était grand, il écrivit une poétique, afin de répandre le trésor qu’il avait trouvé, ce dont Racine profita si bien. Par cette poétique, il consacra le principe dont il était question tout à l’heure, c’est-à-dire de faire périr le personnage intéressant par une cause qui est en lui et non hors de lui, comme chez les Grecs.
La passion est donc devenue la base, ou plutôt l’axe des tragédies modernes. Au lieu de se mêler à l’intrigue pour la compliquer et pour la nouer comme autrefois, elle est maintenant la cause première. Elle naît d’elle-même et tout vient d’elle : une passion et un obstacle, voilà le résumé de presque toutes nos pièces. Si Phèdre brûle pour Hippolyte, ce n’est plus Vénus offensée qui la condamne au supplice de l’amour, ce sont les entrailles d’une marâtre qui s’émeuvent à l’aspect d’un beau jeune homme. La divinité n’intervient plus dans nos fables ; nous n’avons plus de ces terribles prologues où un Dieu irrité sort d’un palais et appelle le malheur sur ceux qui l’habitent ; Apollon et la Mort ne se disputent plus Alceste ; Hercule ne vient plus la tirer de la tombe ; si nous voulions faire un nouvel Œdipe, il n’exciterait que l’horreur et le dégoût, car sa rencontre avec Laïus et son mariage avec Jocaste, n’étant plus annoncés par un oracle, ne pouvant plus amener la peste après eux, ne seraient plus que de hideuses débauches d’imagination ; chez nous, l’homme est seul, et ses vices, ses vertus, ses crimes, lui appartiennent.
J’ai déjà dit que je ne pourrais entrer ici dans les subdivisions, ni parler, par conséquent, de la tragédie pathétique ou morale, simple ou implexe, des révolutions, des reconnaissances, ni des combinaisons qui résultent, chez les anciens comme chez les modernes, du mélange des deux systèmes. Au risque d’être repris justement, je ne puis m’occuper des exceptions.
Voici maintenant ce qui arriva ; Corneille ayant établi que la passion était l’élément de la tragédie, Racine survint qui déclara que la tragédie pouvait n’être simplement que le développement de la passion. Cette doctrine semble au premier abord ne rien changer aux choses ; cependant elle change tout, car elle détruit l’action. La passion qui rencontre un obstacle et qui agit pour le renverser, soit qu’elle triomphe ou succombe, est un spectacle animé, vivant ; du premier obstacle en naît un second, souvent un troisième, puis une catastrophe, et, au milieu de ces nœuds qui l’enveloppent, l’homme qui se débat pour arriver à son but, peut inspirer terreur et pitié ; mais, si la passion n’est plus aux prises qu’avec elle-même, qu’arrive-t-il ? une fable languissante, un intérêt faible, de longs discours, des détails fins, de curieuses recherches sur le cœur humain, des héros comme Pyrrhus, comme Titus, comme Xipharès, de beaux parleurs, en un mot, et de belles discoureuses qui content leurs peines au parterre ; voilà ce qu’avec un génie admirable, un style divin, et un art infini, Racine introduisit sur la scène. Il a fait des chefs-d’œuvres sans doute, mais il nous a laissé une détestable école de bavardage, et, personne ne pouvant parler comme lui, ses successeurs ont endormi tout le monde.
Faut-il lui en faire un reproche, et pouvait-il faire autrement ? Ceci mérite qu’on l’examine, car c’est là qu’on peut trouver la différence de son temps au nôtre, et par conséquent, les motifs qui doivent nous faire tenter une autre voie.
On s’attend peut-être que je vais parler des mœurs de la cour de Louis XIV, et essayer de prouver, après mille autres, que Racine a subi l’influence de cette cour efféminée ; cela est probable, mais c’est une autre raison beaucoup moins relevée, beaucoup plus réelle et matérielle, que je soumettrai ici au lecteur. « Un des plus grands obstacles, dit Voltaire, qui s’opposent, sur notre théâtre, à toute action grande et pathétique, est la foule des spectateurs confondue avec les acteurs… Les bancs qui sont sur le théâtre rétrécissent la scène, et rendent toute action presque impraticable… Il ne faut pas s’y méprendre ; un inconvénient tel que celui-là seul a suffi pour priver la France de beaucoup de chefs-d’œuvre qu’on aurait sans doute hasardés, si on avait eu un théâtre libre, propre pour l’action, et tel qu’il est chez toutes les autres nations de l’Europe… Cinna, Athalie, méritaient d’être représentés ailleurs que dans un jeu de paume, au bout duquel on a élevé quelques décorations du plus mauvais goût, et dans lequel les spectateurs sont placés, contre tout ordre et contre toute raison, les uns debout sur le théâtre même, les autres debout dans ce qu’on appelle parterre… Comment oserions-nous faire paraître, par exemple, l’ombre de Pompée ou le génie de Brutus au milieu de tant de jeunes gens qui ne regardent jamais les choses les plus sérieuses que comme l’occasion de dire un bon mot ?… Comment apporter le corps de César sanglant sur la scène ; comment faire descendre une reine éperdue dans le tombeau de son époux, et l’en faire sortir mourante de la main de son fils, au milieu d’une foule qui cache et le tombeau, et le fils, et la mère, et qui énerve la terreur du spectacle par le contraste du ridicule ?… Comment cela peut-il s’exécuter sur une scène étroite, au milieu d’une foule de jeunes gens qui laissent à peine dix pieds de place aux acteurs ? De là vient que la plupart des pièces ne sont que de longues conversations… Il faut convenir que, d’environ quatre cents tragédies qu’on a données au théâtre, depuis qu’il est en possession de quelque gloire en France ; il n’y en a pas dix ou douze qui ne soient fondées sur une intrigue d’amour, plus propre à la comédie qu’au genre tragique. C’est presque toujours la même pièce, le même nœud, formé par une jalousie et une rupture, et dénoué par un mariage ; c’est une coquetterie continuelle, une simple comédie où des princes sont acteurs, et dans laquelle il y a quelquefois du sang répandu pour la forme. »
J’extrais ces phrases détachées de plusieurs passages de Voltaire ; elles me semblent concluantes au dernier point. Il n’y a d’ailleurs personne qui ne se souvienne de ces vers des Fâcheux de Molière :
Les acteurs commençaient, chacun prêtait silence ;
Lorsque d’un air bruyant et plein d’extravagance,
Un homme à grands canons est entré brusquement,
En criant : Holà ! ho ! un siège promptement… etc., etc.
Triste vanité des choses humaines ! Quoi ! ces belles théories de Racine, ces pompeuses pensées si élégamment vêtues, ces préfaces si concises, si nobles, ce doux système si tendre et si passionné, tout cela aurait eu pour véritable cause les embarras d’un espace de dix pieds et les banquettes de l’avant-scène ? Serait-il possible que tant de confidens n’eussent fait de si harmonieux récits, que tant de princes amoureux n’eussent si bien parlé que pour remplir la scène sans trop remuer, de peur d’accrocher en passant les jambes de messieurs les marquis ? Hélas ! il n’est que trop vrai. Et d’où vient maintenant qu’au théâtre, il faut le dire, les tragédies de Racine, toutes magnifiques qu’elles sont, paraissent froides par instant, et même d’une froideur bizarre, comme de belles statues à demi animées ? C’est que le comte de Lauraguais a donné 30,000 francs, en 1759, pour qu’on ôtât les banquettes de la scène ; c’est qu’Andromaque, Monime, Émilie, sont aujourd’hui toutes seules dans de grands péristyles où rien ne les gêne, où elles peuvent se promener sur une surface de soixante pieds carrés, et les marquis ne sont plus là pour entourer l’actrice, pour dire un bon mot après chaque tirade, pour ramasser l’éventail d’Hermione ou critiquer les canons de Thésée. Oreste, son épée à la main, n’a plus besoin d’écarter la foule des petits-maîtres et de leur dire : « Messieurs, permettez-moi de passer ; je suis obligé d’aller tuer Pyrrhus. » Voilà pourquoi nous nous apercevons que l’action languit, et nous nous étonnons que, toutes les portes étant ouvertes, tout le palais désert, personne n’entre, n’agisse, ne ranime la pièce.
Quel que soit donc notre respect pour les écrivains du grand siècle, nous sommes dans d’autres conditions qu’eux ; nous devons faire autre chose que ce qu’ils ont fait ; mais quoi ? c’est là la question.
Voltaire essaya, le premier, dans Tancrède, de créer une tragédie vraiment moderne. Il crut avoir complètement réussi, et il ne se trompait pas tout-à-fait. Son sujet est l’un des plus beaux, des plus pathétiques qu’on ait vus au théâtre ; son plan est simple, hardi, tracé de main de maître ; tout le monde convient malheureusement que la versification est lâche, commune, écrite à la hâte, et que la déclamation y usurpe la place de la vérité. Il semble que Voltaire n’ait rien écrit pour satisfaire sa propre conscience, excepté quand sa bile s’émouvait ; le reste du temps, on dirait un homme qui a fait une gageure et qui improvise. Lors même qu’il composait ses plus beaux vers, on croirait que ses amis étaient derrière la porte à l’écouter ; c’est une perpétuelle parade. Je ne m’étonne pas qu’à Sainte-Hélène l’empereur, lisant Zaïre, ait jeté le livre, en s’écriant que Voltaire ne connaissait ni les hommes, ni les passions. Napoléon ne pouvait pas tenir compte à l’auteur d’Œdipe des efforts admirables qu’il a entrepris pour faire goûter à une société dépravée et blasée les fruits sauvages de l’antiquité. Quoi qu’il en soit, et malgré ses défauts, la tragédie chevaleresque de Tancrède mérite d’être l’objet de graves méditations. Si ce n’est un modèle, c’est un exemple.
Du Belloy a fait quelques essais pour amener une tragédie nationale ; la pensée première en est remarquable, mais l’exécution est d’une telle faiblesse, qu’il n’y a pas moyen d’en parler. Chénier suivit la même route, et voulut faire, jusqu’à un certain point, une tragédie historique et républicaine. Mais ces détails m’entraîneraient trop loin ; je veux seulement marquer la date d’une idée féconde.
L’introduction du drame en France a exercé une influence si rapide et si forte, que, pour satisfaire ce goût nouveau sans déserter entièrement l’ancienne école, quelques écrivains ont pris le parti de chercher un genre mitoyen, et de faire, pour ainsi dire, des drames tragiques. Ils n’ont pas précisément violé les règles, mais ils les ont éludées, et on pourrait dire, en style de palais, qu’ils ont commis un délit romantique avec circonstances atténuantes. D’excellens esprits ont tenté cette voie ; ils y ont réussi, parce que le talent plaît toujours, sous quelque forme qu’on le trouve ; mais, en mettant à part ces succès mérités, je crois que ce genre en lui-même est faux, bâtard, et dangereux pour les jeunes gens qui le tenteraient. Que m’importe, dira-t-on, que les règles soient observées ou non dans une pièce, pourvu qu’elle m’amuse ? Le public a raison de raisonner ainsi ; ce ne sont pas ses affaires que les divisions d’Aristote, mais ce sont les affaires de l’écrivain, qui doit les connaître, et ce n’est pas pour se divertir que le précepteur d’Alexandre a fait tant de calculs, tant de profondes études, tant de recherches arides, afin d’en venir à établir ces lois.
Beaucoup de gens se sont habitués à regarder les règles comme des entraves ; La Motte disait que les trois unités étaient une chose de fantaisie, dont on pouvait se servir ou se passer à son gré. Il est certain que rien n’oblige un honnête homme à s’y astreindre ; qui veut peut écrire ce qui lui plaît. Les règles de la tragédie ne regardent que celui qui a dessein de faire une tragédie ; mais vouloir en faire une sans les unités, c’est à peu près la même chose que de vouloir bâtir une maison sans pierre. Une pièce sans unités peut être fort belle ; on peut y trouver mille charmes et les plus beaux vers du monde ; on peut même imprimer sur une affiche que c’est une tragédie ; mais, pour le faire croire, c’est autre chose, à moins d’imiter ce moine qui, en carême, jetait un peu d’eau sur un poulet en lui disant : Je te baptise carpe.
Si les règles étaient des entraves créées à plaisir pour augmenter la difficulté, mettre un auteur à la torture, et l’obliger à des tours de force, ce serait une puérilité si sotte qu’il n’est guère probable que des esprits comme Sophocle, Euripide, Corneille, s’y fussent prêtés. Les règles ne sont que le résultat des calculs qu’on a faits sur les moyens d’arriver au but que se propose l’art. Loin d’être des entraves, ce sont des armes, des recettes, des secrets, des leviers. Un architecte se sert de roues, de poulies, de charpentes ; un poète se sert des règles, et plus elles seront exactement observées, énergiquement employées, plus l’effet sera grand, le résultat solide ; gardez-vous donc bien de les affaiblir, si vous ne voulez vous affaiblir vous-même.
Je suppose que ce genre que j’appelle mitoyen, à demi dramatique, à demi tragique, s’établisse en France et devienne coutume. Je suppose encore que deux écrivains, l’un d’un génie indépendant comme Shakspeare, l’autre d’un goût épuré comme Racine, se présentent, et, trouvant le genre adopté, essaient de le suivre. Qu’arrivera-t-il ? L’homme indépendant n’aura pas plus tôt écrit quatre pages qu’il se trouvera à l’étroit ; il ne pourra supporter la gêne ; un besoin irrésistible de se développer tout entier lui fera secouer un faible joug qui lui semblera inutile et injuste ; l’autre écrivain, au contraire, s’apercevra bientôt qu’en se rapprochant de la simplicité, il a tout à gagner ; il sentira que les épisodes, les changemens de décorations, les tableaux de mœurs et de caractères, ôtent à son ouvrage la grandeur et la force qu’il y veut imprimer. S’il ignore les règles, il les devinera ; s’il les connaît, il en fera usage. Ainsi le genre mitoyen sera insuffisant pour le premier de ces deux hommes, dangereux ou inutile pour le second ; l’un brisera la chaîne, l’autre la resserrera.
Si la tragédie reparaît en France, j’ose avancer qu’elle devrait se montrer plus châtiée, plus sévère, plus antique, que du temps de Racine et de Corneille. Dans toutes les transformations qu’elle a subies, dans tous les développemens, dans toutes les altérations qui l’ont dégradée, il y avait une tendance vers le drame. Lorsque Marmontel proposa de changer de décorations à chaque acte ; lorsque l’Encyclopédie osa dire que la pièce anglaise de Beverley était aussi tragique qu’Œdipe ; lorsque Diderot voulut prouver que les malheurs d’un simple particulier pouvaient être aussi intéressans que ceux des rois, tout cela parut une décadence, et tout cela n’était que la préface du romantisme. Aujourd’hui le drame est naturalisé français ; nous comprenons Gœthe et Shakspeare, aussi bien que Mme de Staël ; l’école nouvelle n’a encore, il est vrai, produit que des essais, et son ardeur révolutionnaire l’a emportée, comme dirait Molière, un peu bien loin ; mais nous ferons mieux plus tard, et le fait reste accompli. Or, par cette raison même que le drame est adopté, il me semble que la tragédie, si elle veut renaître et vivre, doit reprendre son ancienne allure avec plus de fierté que jamais. Depuis Voltaire, elle n’a presque toujours été qu’un prétexte, qu’une espèce de thème, au moyen duquel on s’exerçait à tout autre chose, et souvent à la détruire elle-même. Le romantisme, cherchant à se faire jour, s’introduisait dans la tragédie pour la ronger, comme un ver dans un fruit mûr ; et il ne manque pas de gens à présent qui croient le fruit desséché ou pourri. Si Melpomène veut reparaître sur nos théâtres, il faut qu’elle lave ses blessures.
Ne serait-ce pas une belle chose que d’essayer si, de nos jours, la vraie tragédie pourrait réussir ? J’appelle vraie tragédie, non celle de Racine, mais celle de Sophocle, dans toute sa simplicité, avec la stricte observation des règles.
Pourquoi ne traiterions-nous pas des sujets nouveaux, non pas contemporains ni trop voisins de nous, mais français et nationaux ? Il me semble qu’on aimerait à voir sur notre scène quelques-uns de ces vieux héros de notre histoire, Duguesclin ou Jeanne d’Arc chassant les Anglais, et que leurs armures sont aussi belles que le manteau et la tunique.
Ne serait-ce pas une entreprise hardie, mais louable, que de purger la scène de ces vains discours, de ces madrigaux philosophiques, de ces lamentations amoureuses, de ces étalages de fadaises qui encombrent nos planches, et d’envoyer cette friperie rejoindre les marquis de Molière et les banquettes du comte de Lauraguais ?
Pourquoi ne prendrions-nous pas pour devise ce vers de Chénier, qui a servi d’épigraphe au romantisme, et qui serait vraiment applicable à la renaissance de la tragédie :
Ne serait-ce pas une grande nouveauté que de réveiller la muse grecque, d’oser la présenter aux Français dans sa féroce grandeur, dans son atrocité sublime ? « Les malheurs qui arrivent à des amis ou à des indifférens, dit Aristote, ne sont point tragiques ; une mère qui tue son fils, un fils qui égorge son père, un frère près d’être immolé par sa sœur, voilà des sujets de tragédie. » Ce ne sont pas là, comme on voit, des madrigaux.
Ne serait-il pas curieux de voir aux prises avec le drame moderne, qui se croit souvent terrible quand il n’est que ridicule, cette muse farouche, inexorable, telle qu’elle était aux beaux jours d’Athènes, quand les vases d’airain tremblaient à sa voix ?
Ne serait-il pas temps de prouver que la tragédie est autre chose qu’une statue qui déclame, de montrer enfin qu’on peut agir en parlant, et marcher avec le cothurne ?
Ne serait-il pas temps de ramener dans les sujets sérieux la franchise du style, d’abandonner la périphrase, cette pompeuse et frivole manière de tourner autour de la pensée ? N’est-il donc pas aussi noble de dire, par exemple, « un homme qui frappe avec son épée, » que, « un mortel qui immole avec son glaive ? » Les anciens méprisaient cette timidité, et Corneille ne parlait pas ainsi.
Telles sont les questions que j’oserais adresser aux écrivains qui sont en possession d’une juste faveur parmi nous, si le talent de la jeune artiste qui remet aujourd’hui en honneur l’ancien répertoire les engageait, comme il est probable, à écrire un rôle pour elle.
- ↑ Τραγος ωδη.