VIII

La querelle.


Hector de Cransat, au retour de la chasse, s’était retiré dans la chambre qui lui servait de cabinet, et il demeura, pendant plusieurs heures, invisible pour les gens de la maison. Peut-être même sa solitude se fût-elle prolongée davantage, quand on frappa à sa porte et Fanny entra.

Cransac avait les vêtements en désordre, et ses traits al térés témoignaient d’une extrême agitation d’esprit. Fanny, au contraire, débarrassée de son châle et de son chapeau, était fraiche et pimpante ; son sourire semblait encore plus railleur que de coutume.

— Ah ! vous voici, ma chère ? dit le vicomte d’un ton froid et distrait ; je suis content de vous voir, car j’ai à vous parler.

— On ne s’en douterait guère, Hector, répliqua-t-elle en se laissant tomber dans un fauteuil ; vous êtes rentré depuis longtemps et vous n’avez pas même daigne vous informer de moi… qui prenais, il faut le dire, mon mal en patience.

— J’avais à surveiller les mouvements du télégraphe, répliqua le vicomte en indiquant une fenêtre de laquelle on apercevait la tour Verte ; les signaux ordinaires peuvent passer d’un moment à l’autre, et, si je manquais d’envoyer à Colman des nouvelles de la Bourse… Et puis, s’il faut le dire, Fanny, j’ai réfléchi longuement sur notre situation présente, et je viens de prendre une détermination définitive.

— Ah !… et peut-on savoir quelle est cette détermination ?

— Certainement. On nous a trompés, j’en ai la certitude, au sujet de la découverte attribuée à Raymond Fleuriot. Cet homme est impénétrable et il se laisse d’autant moins aller aux confidences qu’il n’a pas de secrets à confier. Ce que nous avons de mieux à faire est donc de renoncer à une entreprise chimérique ; et, pour ma part, j’ai résolu de partir… dès demain.

— Est-ce là cette grande résolution que vous venez de prendre ? Que deviendront alors les deux cent mille francs promis par le banquier ?

— Puisqu’il m’est impossible de remplir les conditions exigées, je dois renoncer à la récompense du succès.

— Mais je n’y renonce pas, moi, répliqua la prétendue marquise avec impétuosité, et je n’abandonne pas ainsi la partie !… Souvenez-vous, monsieur le vicomte, de nos conventions ; quand je me suis associée à cette entreprise, où je devais avoir ma part dans les difficultés et les dangers, il a été entendu que cette somme, fruit de notre adresse et de notre patience, serait également partagée entre nous, après quoi chacun serait libre d’aller de son côté, si telle était sa fantaisie. Or, je ne veux pas perdre les bénéfices de mon exil dans ce pays sauvage, je ne veux pas en être pour mes frais de cajoleries avec ces paysans et ces paysannes ; enfin, je veux poursuivre mon projet… à moins que je n’aie de bonnes raisons pour y l’énoncer.

— Si pourtant ce Fleuriot n’était pas l’auteur de la découverte dont on parle, si Colman avait été induit en erreur par quelque fripon ?

— Mais Fleuriot est réellement l’auteur de la découverte, et les informations de Colman sont exactes.

— Comment le savez-vous ?

— Vous êtes bien heureux, Hector, de m’avoir pour par tenaire ; car, livré à vos propres ressources, vous eussiez misérablement échoué. Vous n’avez réussi ni auprès du frère ni auprès de la sœur, quoique vous ayez déployé au près de l’une et auprès de l’autre toutes vos séductions. J’ai mieux réussi, comme vous allez voir.

— Alors elle lui répéta avec complaisance les révélations de Lucile, et lui fit connaître l’espoir qu’avait l’institutrice de décider Raymond Fleuriot à une confidence entière.

Le vicomte écoutait Fanny d’un air surpris, mais sans témoigner aucune joie. Quand elle eut achevé son récit, il se mit à se promener en silence et le sourcil froncé.

— Eh bien ! qu’en dites-vous ? demanda la Parisienne d’un ton triomphant. Voulez-vous encore partir ?

— Vous êtes douée, Fanny, de la malice d’un démon, et vous possédez un art miraculeux pour arriver à vos fins… Cependant vous êtes obligée de reconnaitre vous-même que Raymond Fleuriot pourrait bien n’avoir pas la copie du livre de signaux dont fait usage l’administration télégraphique.

— Et ce registre mystérieux que Lucile a vu dans l’armoire de son frère ?

— Ce registre peut être toute autre chose que le livre en question, et rien ne prouve… Enfin, ma chère, poursuivit le vicomte d’un ton péremptoire et presque dur, cette affaire m’ennuie et elle ne saurait tourner bien, j’en ai la conviction. Colman s’arrangera donc comme il voudra ; pour moi je persiste dans ma résolution d’envoyer tout au diable… et demain je retourne à Bordeaux.

Fanny avait cru jusque-là que le découragement du vi comte provenait uniquement des difficultés qu’il rencon trait du côté de Fleuriot. Aussi montra-t-elle une vive surprise en voyant Cransac s’opiniâtrer dans sa détermination.

— Pour Dieu ! monsieur, répliqua-t-elle avec aigreur, que s’est-il passé et sur quelle mauvaise herbe avez-vous marché aujourd’hui ? Allez-vous renoncer ainsi à une affaire qui nous a déjà coûté tant de sacrifices, dont le succès semble indubitable et prochain ? D’où vient ce revirement inattendu ? C’est de la démence.

— Démence ou non, j’y suis décidé ; qu’on ne m’en parle plus !

— Mais enfin, d’où vient ce changement inconcevable ? Hier encore, vous me disiez… Voyons, Hector, si vous avez une bonne raison, une seule, pour justifier un pareil caprice, je vous supplie de me l’apprendre.

— Eh bien ! Fanny, j’en conviens, mon unique motif est le dégoût que m’inspire la mission dont je me suis chargé sans réflexion. Je ne m’inquiète guère, vous le savez, de certaines banalités de morale. Cependant quelque chose en moi se révolte à la pensée de tromper hypocritement un pauvre garçon et une honnête famille, de m’abaisser à mentir pour dérober leur bien à des gens simples et confiants… Appelez comme vous voudrez le sentiment auquel j’obéis ; mais, par moments, je me souviens que je suis gentilhomme. Cette duplicité éveille en moi une invincible répugnance, et je veux y mettre un terme.

La jeune femme ouvrit d’abord de grands yeux étonnés, puis elle partit d’un éclat de rire.

— Parfait ! s’écria-t-elle avec ironie ; je reconnais le descendant des preux, je crois entendre répéter les nobles devises des chevaliers français : « Plutôt la mort que le déshonneur ! » « Fais ce que dois, advienne que pourra ! » « Tout pour la gloire !… » et quoi encore ? Sur ma foi ! cher vicomte, vous nous ramenez aux croisades, tout au moins au chevalier « sans peur et sans reproche… » Mais, par pitié, Hector, d’où vous viennent ces scrupules gothiques ? Qu’avez-vous fait de cette habileté si vantée, de cet esprit lucide et sans préjugés qu’on admirait chez vous autrefois ? Êtes-vous bien le même Hector de Cransac qui a conçu l’idée hardie de faire servir les télégraphes de l’État à ses spéculations personnelles, et qui a réalisé cette idée avec tant de bonheur ?… Si encore ces scrupules étaient fondés, s’il y avait une apparence d’injustice dans vos procédés envers ces gens ! Mais, je vous le demande, quel tort causerez-vous à ce ridicule Fleuriot en vous rendant maître d’un objet sans utilité pour lui ? L’inspecteur qui le premier a trompé sa confiance en s’emparant de sa découverte, pourrait seul avoir quelque chose à se reprocher, au point de vue de la morale ; mais vous, quel dommage porterez vous à Fleuriot si vous parvenez à mettre la main sur le livre dont il n’a que faire ?… Et puisque réellement vous éprouvez à ce sujet certains tiraillements de conscience, qui vous empêchera, après le succès, d’envoyer à ce jeune homme quelques billets de mille francs prélevés sur l’argent de Colman ?

Le vicomte tourna deux ou trois fois dans la chambre sans répondre. Fanny crut qu’il hésitait, mais elle fut bien tôt détrompée.

— Non, dit-il d’un ton ferme ; ces protestations de conscience, dont vous faites si bon marché, sont plus sérieuses que vous ne pensez, Fanny. J’ai pu me laisser aller à l’entraînement des circonstances, mais j’éprouve parfois de douloureux retours… Enfin, s’il faut le dire, j’ai contracté aujourd’hui envers Raymond Fleuriot une obligation que je ne pourrais oublier sans être le plus vil des hommes.

— Ah ! ah ! il y a donc autre chose que ces regrets vertueux qui ont le tort de venir trop tard ?… Et peut-on savoir, monsieur le vicomte…

— Ce n’est pas un secret, car tout le pays doit connaître déjà l’événement dont il s’agit.

Il raconta comment, par le courage et le sang-froid de Fleuriot, il avait été préservé des terribles morsures d’un chien enragé. Les détails qu’il donna sur le danger de sa situation, sur la terreur qu’il avait éprouvée, étaient de nature à produire de l’impression sur une femme ; cependant, Fanny l’écoutait en haussant les épaules, et, quand il eut achevé son récit, elle partit d’un nouvel éclat de rire.

— Ce pauvre vicomte ! s’écriait-elle ; je crois le voir assiégé au pied d’un arbre par cette laide bête, un bras en l’air, un pied levé et la bouche béante ! Quelle mine piteuse il devait avoir ! Si je savais peindre, je le prendrais pour sujet d’un tableau qui arracherait des larmes à tous les yeux, ferait dresser les cheveux sur toutes les têtes… Quelle scène dramatique ! L’élégant Hector de Cransac se mesurant avec un roquet !

Le vicomte, en certain cas, aimait assez à railler les autres ; mais, comme il arrive d’ordinaire, il supportait difficilement la raillerie. Aussi lança-t-il à Fanny un regard foudroyant.

— Assez, madame, lui dit-il ; l’aventure peut vous pa raître plaisante, mais je n’en juge pas de même, et je ne consentirai jamais à trahir l’homme courageux qui m’a sauvé de ce péril.

— À votre aise, monsieur, répliqua Fanny qui cessa de rire tout à coup ; renoncez, și vous en avez la fantaisie, à un projet qui pouvait relever votre fortune. Seulement vous ne trouverez pas mauvais que j’en poursuive l’exécution pour mon propre compte… Partez quand vous voudrez, moi je reste.

— Quoi ! Fanný, vous voulez…

— Je veux avoir ce livre des signaux, et je l’aurai. Colman a promis d’en donner deux cent mille francs, et il doit lui importer peu que vous ou moi, ou toute autre personne, le lui apporte. Ce sera moi qui le lui apporterai, et j’aurai seule droit à la récompense promise.

— À merveille !… Vous vous croyez donc bien sûre de votre pouvoir sur ce malheureux Fleuriot ?

— Mon pouvoir sur le frère est beaucoup plus certain que le vôtre sur la sœur. J’ai appris du nouveau à l’égard de l’institutrice, et vous perdez votre temps auprès d’elle, car elle est dans les meilleurs termes avec un inspecteur des télégraphes arrivé ce soir à Puy-Néré, et qui m’a tout l’air d’un fiancé en titre… Votre participation à l’entreprise commune est donc devenue inutile, et vous me laisserez tout le labeur, comme tout le profit de cette affaire.

— C’est pourtant ce que je ne ferai pas, madame, répliqua Cransac avec fermeté ; non-seulement je ne veux pas tromper ce jeune homme, mais encore je ne veux pas qu’un autre le trompe sous l’autorité de mon nom… Vous partirez demain avec moi.

— Et si je refuse ?

— Vous êtes ici dans une maison qui m’appartient et…

— Et vous oseriez m’en chasser ? interrompit Fanny le teint enflammé, les yeux en feu ; sur mon âme ! j’ai envie de risquer l’épreuve !… D’ailleurs, pensez-vous, monsieur, que je ne trouverais pas à me loger dans le village ou dans les environs ?

— Oui, mais peut-être, avant mon départ, ne pourrais je résister à la tentation de dire ici ce qu’est ma prétendue seur… Ne me poussez pas à bout, Fanny ; vous le savez, je suis aveugle dans mes colères !

— Et moi je ne recule jamais quand il s’agit de me venger. Je vous défie de commencer le guerre, Hector de Cransac, car je vous la ferai bonne et je vous rendrai hardiment coup pour coup !… Est-il donc si difficile d’écrire quelques mots à un procureur du roi pour l’éclairer sur la nature des opérations financières qu’accomplissent messieurs de Cransac et Colman à la bourse de Bordeaux ?

— Plus bas, Fanny, parlez plus bas… Etes-vous folle ?

Le sourire reparut sur les lèvres de la Parisienne.

— À la bonne heure ! reprit-elle ; tenez, Hector, bornons-nous aux taquineries et aux petites perfidies sourdes, je vous le conseille ; n’en venons pas à une rupture ouverte, car nous aurions à le regretter l’un et l’autre.

Le vicomte lui-même commençait à être de cet avis ; il voyait avec effroi qu’il fallait compter avec cette femme avide, au cœur sec, à laquelle il avait eu l’imprudence de confier ses dangereux secrets. Les sentiments d’honneur et de reconnaissance que l’événement de la matinée avait réveillés en lui s’amoindrissaient déjà devant les sarcasmes de cette créature corrompue. Il reprit sa promenade à travers la chambre et paraissait en proie à une vive anxiété, qu’une circonstance nouvelle vint augmenter encore.

On sonna à la porte extérieure, et au bout de quelques minutes le groom anglais entra, portant deux lettres sur un plateau. Cransac les prit, et, après avoir congédié le domestique, se mit à les lire avec avidité ; puis il continua d’aller et de venir en silence.

— De mauvaises nouvelles, Hector ? demanda Fanny d’un ton calme, comme si aucune discussion ne se fût élevée entre eux.

— Très-mauvaises, répliqua le vicomte ; du reste, au point où nous en sommes, je ne vois pas pourquoi je vous en ferais mystère, car elles peuvent singulièrement influer sur nos projets ultérieurs à l’un et à l’autre… De ces lettres l’une est de Colman, l’autre de Brandin, et je ne sais laquelle des deux doit être considérée comme la plus inquiétante.

— Ce Brandin n’est-il pas l’employé de Paris qui vous envoie chaque jour des signaux particuliers ?

— Précisément ; cet homme m’annonce que, à raison de la surveillance étroite dont il est l’objet, il ne pourra désormais me fournir les indications habituelles aussi régulièrement que par le passé ; et il finit par me demander de l’argent afin de compenser les risques considérables auxquels il s’expose. Je vais lui envoyer l’argent ; mais l’interruption de ses communications sur la hausse et la baisse de la bourse, sur les numéros sortants de la loterie, causera le plus grand tort à notre association financière de Bordeaux.

— C’est grave, en effet, car Brandin est la cheville ouvrière de l’entreprise. S’il vient à manquer, tout se brise à la fois… Eh bien ! et le bonhomme Colman, que dit-il ?

— Le « bonhomme, » comme vous l’appelez, n’est pas plus rassurant. Avec sa défiance ordinaire, il m’écrit une lettre qui ressemble fort à un logogriphe, et tout autre que moi ne saurait y trouver un sens raisonnable ; encore cette lettre n’est-elle ni signée, ni écrite de sa main. Heureusement j’ai la clef de cet amphigouri, et je le comprends à peu près. Colman m’annonce donc qu’il est lui-même l’objet d’une suspicion générale à Bordeaux ; que ses gains constants, à la bourse comme à la loterie, ont excité la défiance, malgré les précautions dont il s’entoure. Enfin les pigeons que je lui expédie d’ici chaque jour s’amusent parfois en chemin, si bien qu’ils arrivent en retard, quand la bourse est finie et quand les opérations sont impossibles. De tout cela le banquier conclut que je dois m’empresser de terminer l’affaire du livre des signaux, car elle pourra, dans un avenir prochain, devenir notre unique ressource.

— Cette conclusion est assez raisonnable, dit Fanny, et vous ferez bien de la méditer.

Le vicomte s’était arrêté en face d’elle et la regardait sans colère.

— Savez-vous, Fanny, reprit-il avec un accent mélancolique, pourquoi nous nous aigrissons ainsi l’un contre l’autre ? C’est que nous nous aimons encore, à notre insu peut-être, c’est que nous ressentons sans nous en rendre compte les âpres aiguillons de la jalousie. Quant à moi, je le reconnais, en dépit de ma philosophie et des suggestions de mon orgueil blessé, je ne vois pas sans un violent déplaisir les avances que vous faites chaque jour à Raymond Fleuriot, D’autre part, j’imagine que mes assiduités auprès de la pe tite institutrice ne vous sont pas tout à fait indifférentes, et telle est la double cause de la mésintelligence qui éclate parfois entre nous… Cependant nous aurions tort de nous quereller et de nous contrecarrer mutuellement, quand toutes nos forces sont nécessaires pour tenir tête aux difficultés présentes.

— Fort bien, Cransac ; voilà enfin de sages paroles, répliqua Fanny avec une apparente douceur. Si nous nous aimons encore, voilà ce que je ne saurais dire ; mais, dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons en effet pas grand’chose l’un sans l’autre, et nous avons tout intérêt à nous entendre ; ainsi vous renoncez à ce départ subit et ridicule, n’est-ce pas ?

— Peut-être… nous verrons… Je me suis laissé aller d’abord à un sentiment puéril qui mérite réflexion ; je dois examiner les choses de plus près avant de prendre un parti… Eh bien ! Fanny, ajouta-t-il en souriant et en lui ten dant la main, la paix est-elle conclue entre nous ?

— Oui, Hector, répliqua la Parisienne qui laissa tomber sa main blanche et fine dans celle du vicomté ; et puisque la sotte affaire de ce matin a éveillé en vous certains scrupules, nous nous arrangerons pour leur donner satisfaction. Ne pourriez-vous, par exemple, vous en remettre sur moi de tous les détails qui vous seraient pénibles ? Je n’ai pas failli être mordue par une bête enragée, moi, je n’ai contracté d’obligation envers personne, et je conserve toute ma liberté d’action… si vous voulez bien me l’accorder.

— Irrésistible sirène ! Allons ! j’aurai recours à vous si, comme je le crains, je suis obligé d’en venir à des capitulations de conscience… Mais vous me faites oublier que voici l’heure où je dois accomplir ma tâche quotidienne… Et, de par tous les diables ! ajouta-t-il en voyant le télégraphe de la tour Verte se mouvoir avec rapidité, j’arrive à temps ! Voici des signaux pour moi, et j’ai la certitude que Brandin n’est pas destitué encore.

Il se mit à noter les signaux, suivant son habitude, et toute son attention parut absorbée par ce travail. Au bout de quelques instants, il fit un geste de satisfaction.

— À la bonne heure ! reprit-il ; bourse et loterie, rien n’y manque. Maintenant, je vais aller moi-même au pigeonnier choisir un messager qui ne flâne pas trop en chemin et qui porte au plus vite à Colman les indications attendues.

— Et moi, dit Fanny en se levant, je vais m’occuper de ma toilette.

— N’êtes-vous pas assez charmante déjà ?

— Merci, vicomté… Mais je me sauve, car après vous être élevé si haut, vous ne pourriez que déchoir.

Et elle s’enfuit en riant.

Hector la suivit des yeux, et, aussitôt qu’elle eut disparu, sa physionomie changea tout à coup.

— Méprisable créature ! murmura-t-il ; dure, impitoyable, incapable de comprendre un sentiment généreux !… Mais elle peut faire manquer toutes mes combinaisons et je dois la ménager encore… Quand secouerai-je enfin ce joug insupportable !