La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Les Rois

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 509-511).


INTRODUCTION

AUX LIVRES DES ROIS


Les livres que nous nommons livres des Rois forment deux ouvrages distincts, quoique étroitement liés entre eux. Ils ont chacun un nom particulier dans la Bible hébraïque. Les deux premiers livres portent le nom de Samuel, et aux deux derniers est réservé le titre de livres des Rois.

Les deux premiers livres des Rois ou livres de Samuel ne formaient primitivement qu’un seul livre, lequel fut partagé en deux par les Septante et par la Vulgate. Ils portent le nom de Samuel, dans le texte hébreu, non parce que ce juge en est l’auteur, mais parce qu’il est le premier personnage qui apparaît sur la scène : c’est son histoire qui nous est d’abord racontée, puis celle des deux rois qu’il a sacrés, Saül et David.

Les deux premiers livres des Rois se divisent en trois grandes sections : 1o Enfance et judicature de Samuel, I Rois, i-xii ; 2o histoire du règne de Saül, xiii-xxxi ; 3o histoire du règne de David, II Rois, i-xxiv. La première section nous apprend comment le régime monarchique s’introduisit en Israël ; la seconde nous montre dans Saül ce que ne doit pas être un roi d’Israël, et la troisième nous fait voir dans David l’idéal du roi théocratique. De la naissance de Samuel aux dernières années de David, au moment où s’arrête notre narrateur, il s’écoula probablement un peu plus de cent ans.

Les deux premiers livres des Rois entrent dans de longs détails sur les faits qu’ils racontent, excepté dans quelques passages qui ont la forme abrégée de chroniques ou d’annales ; ils contiennent une véritable biographie des trois personnages que l’auteur nous présente, en se permettant seulement quelques répétitions, comme on en trouve dans Homère et dans tous les écrivains Orientaux.

L’unité de composition est attestée par l’unité de plan et par le langage qui est toujours le même, généralement semblable à celui des écrits antérieurs, mais avec un certain nombre de mots et de locutions nouvelles.

L’auteur des deux premiers livres des Rois n’est pas le même que celui du troisième et du quatrième. Ces deux livres forment un tout complet ; les derniers chapitres du second forment même une sorte d’appendice qui montre que l’auteur était arrivé au terme de son œuvre. — Le plan des deux écrivains n’est pas le même. Le plus ancien a écrit plutôt des biographies que des annales ; il entre dans une foule de détails circonstanciés et peu importants en apparence ; le plus récent raconte brièvement ; il ne développe pas, il omet beaucoup de faits. — Le style des troisième et quatrième livres des Rois se distingue enfin de celui du premier et du second par des néologismes et des aramaïsmes particuliers. L’historien de Saül et de David est au contraire un des meilleurs écrivains en prose de l’âge d’or de la littérature hébraïque. Il tient parmi les prosateurs le même rang qu’Isaïe et Joël parmi les prophètes. Il n’a point les archaïsmes du Pentateuque, mais il y a cependant moins de différence entre Moïse et lui qu’entre le poëte Lucain et Virgile ; il n’a pas non plus ce qu’on a appelé les provincialismes de l’auteur des Juges, qu’on a supposé avoir vécu dans le nord de la Palestine ; il est supérieur à l’auteur des Paralipomènes, qui appartient à l’âge d’argent, et aussi à l’auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l’on trouve un certain nombre de chaldaïsmes, tandis qu’on n’a pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. Il y a quelques expressions qui lui sont propres ; il est le premier qui appelle Dieu : « Le Seigneur des armées » ou Jéhovah Sabaoth ; mais cette dénomination devient très fréquente à partir de cette époque, et on la retrouve dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les autres écrivains de la même époque.

Du reste, l’auteur des livres de Samuel n’est pas nommé dans la Sainte Écriture, non plus que dans Josèphe et la Mischna. La Ghemara de Babylone, la première, et par suite, plusieurs Pères, les attribuent à Samuel, quoiqu’on y lise le récit d’événements postérieurs à la mort de ce prophète. Parmi les Juifs et les modernes, quelques-uns ont cru que Samuel était l’auteur des vingt-quatre premiers chapitres du premier livre et que le reste avait été composé par les prophètes Gad et Nathan ; d’autres critiques en ont attribué la composition, les uns à David, les autres à Isaïe, Jérémie, Ézéchias ou Esdras. Cependant toutes ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement solide : nous ignorons quel en est l’auteur, et tout ce qu’il est permis d’affirmer, c’est qu’ils ont été très probablement rédigés peu de temps après la mort de Salomon.

Les IIIe et IVe livres des Rois, n’en forment réellement qu’un, partagé en deux par les Septante et par la Vulgate. Ils contiennent l’histoire de 427 ans, selon la chronologie ordinairement reçue, c’est-à-dire depuis l’avènement de Salomon, en 1015, jusqu’à la destruction du temple, en 588. On leur a donné le nom de livres des Rois, parce qu’ils s’occupent principalement de l’histoire des rois depuis la mort de David jusqu’à la captivité. Ils se partagent en trois sections : 1o règne de Salomon, III Rois, i-xi (1015-975) ; 2o histoire des royaumes séparés de Juda et d’Israël, III Rois, xii-IV Rois, xvii (975-721) ; 3o histoire du royaume de Juda depuis la ruine du royaume d’Israël jusqu’à la captivité de Babylone, IV Rois, xviii-xxv (721-588). Ils commencent là où s’arrêtent les deux livres de Samuel, mais ils forment une œuvre indépendante et complète, comme le prouvent l’unité du plan, la manière particulière de présenter les faits et le style propre de l’écrivain.

Ils nous montrent tour à tour les rois fidèles à Dieu récompensés de leur fidélité et les infidèles punis de leurs péchés, mais non rejetés comme Saül. Les fautes de Salomon sont châtiées en la personne de son fils Roboam qui perd dix tribus, mais conserve Jérusalem et la tribu de Juda. Les successeurs de Roboam portent aussi le poids de leurs iniquités ou sont protégés par le Seigneur, selon qu’ils le méritent. Israël expie par la déportation son incurable idolâtrie ; Juda satisfait à la vengeance divine par la captivité de Babylone.

Pour faire ressortir l’intervention de la Providence dans le gouvernement de son peuple, l’auteur des derniers livres des Rois fait surtout des extraits d’ouvrages antérieurs plus développés, mais en les coordonnant et les disposant selon le plan qu’il s’était tracé, de manière à faire une œuvre pleine d’unité. La marche qu’il suit est toujours uniforme : il décrit le commencement, le caractère et la fin de chaque règne ; il indique la mort et la sépulture de chaque roi en termes à peu près identiques ; il apprécie les actions des princes d’après la loi de Moïse et marque avec soin la chronologie.

Le Talmud et un grand nombre d’anciens commentateurs ont regardé Jérémie comme l’auteur du troisième et du quatrième livre des Rois. Plusieurs modernes adoptent cette opinion, en se fondant sur la ressemblance de langage et d’idées qu’on remarque entre cet ouvrage et les écrits du prophète. Cette opinion, sans être certaine, est très vraisemblable, car elle a pour elle la tradition en même temps que la similitude du style.

L’exactitude des livres des Rois par rapport aux événements politiques est universellement reconnue, et la découverte des inscriptions assyriennes, dans ces dernières années, l’a confirmée d’une manière éclatante. La seule partie de cette histoire sacrée qui soit attaquée par les ennemis de la foi est celle qui raconte la mission des prophètes, leurs prédictions et leurs miracles : ils les traitent de mythes ou de légendes, mais sans autres motifs que la négation du surnaturel, oubliant ou ne voulant pas admettre que Dieu peut révéler à l’homme un avenir qui pour lui est sans voiles, et commander à la nature dont il est l’auteur.