La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Les Juges (Introduction)

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 443-444).


INTRODUCTION

AU LIVRE DES JUGES


Le livre des Juges nous raconte les traits les plus saillants de l’histoire du peuple de Dieu, depuis la mort de Josué jusque vers l’époque de Samuel, qui établit Saül premier roi d’Israël. Il est précédé d’une sorte d’introduction renfermant deux parties. La première, i-ii, 5, trace le tableau de l’état politique d’Israël, après la mort de Josué, relativement aux Chananéens, qui n’avaient pas été expulsés de leurs anciennes possessions ; la seconde, ii, 6-iii, 6, dépeint l’état religieux des Hébreux, qu’elle nous montre vacillant constamment entre la fidélité et l’infidélité, prospères quand ils servent le vrai Dieu, châtiés quand ils tombent dans l’idolâtrie, jusqu’à ce qu’ils fassent pénitence.

Les Juges d’Israël, mentionnés dans le livre qui porte leur nom, sont au nombre de treize ou de quatorze, selon que l’on compte ou non parmi eux Abimélech, qui usurpa le pouvoir royal à Sichem. L’auteur sacré ne nous les fait pas tous connaître en détail ; il ne raconte un peu longuement que la vie de sept d’entre eux, en se contentant d’énumérer les autres. De là sept sections : 1o Othoniel, iii, 7-11 ; 2o Aod (et Samgar), iii, 12-31 ; 3o Débora et Barac, iv-v ; 4o Gédéon, vi-viii, 32 ; 5o Abimélech (Thola et Jaïr), viii, 33-x, 5 ; 6o Jephté (Abesan, Ahialon et Abdon), x, 6-xii ; 7o Samson, xiii-xvi.

Deux appendices terminent le livre. Le premier nous raconte l’histoire de l’idolâtrie des Danites, xvii-xviii, et le second le crime des habitants de Gabaa, qui amena la guerre des autres tribus contre celle de Benjamin et l’anéantissement presque total de cette dernière, xix-xxi. Ces deux événements n’ont aucune relation nécessaire avec le corps de l’ouvrage ; ils y sont joints comme suppléments, parce qu’ils se sont passés dans la même période, le premier, un peu avant, le second, un peu après la mort de Josue.

Si l’on ne tient pas compte de ce double appendice, le livre des Juges forme un tout homogène, dont une pensée unique constitue l’unité. Nous n’avons là, sans doute, qu’une série de portraits, mais ils ont tous été peints par le même artiste et dans le but de former une seule galerie. L’introduction en est comme le vestibule nécessaire, qui prépare et explique ce qui suit. Le cadre de tous les récits est identique, et il nous révèle clairement le dessein de l’auteur, indiqué d’ailleurs dans l’introduction : c’est de prouver par des exemples qu’Israël est heureux tant qu’il est fidèle à son Dieu ; malheureux, dès qu’il l’abandonne ; pardonné, dès qu’il se convertit. Ainsi le corps de l’ouvrage n’a point d’autre but que de démontrer la thèse posée, ii, 11-19, et la conclusion pratique qui en découle, c’est la nécessité, pour le pécheur, de reconnaître sa faute et de revenir à son Dieu.

L’unité du livre des Juges, qui se manifeste si bien dans le plan adopté par l’auteur, est la preuve qu’il est l’œuvre d’un seul écrivain.

On peut fixer approximativement la date du livre des Juges. 1o Comme la mort de Samson forme la fin du récit et que la durée de l’oppression des Philistins est indiquée, xiii, 1, il en résulte que l’ouvrage ne peut pas avoir été écrit avant la victoire de Samuel sur ces ennemis du peuple de Dieu, II Rois, vii, 1-14. De plus, les mots : « En ce temps là il n’y avait pas de roi en Israël, » qui se lisent plusieurs fois dans les Juges, supposent la royauté déjà établie en Israël ; nous ne pouvons donc pas placer l’époque de la composition des Juges avant l’avènement de Saul au trône. 2o D’autre part, comme il est dit expressément, i, 21, que les Jébuséens sont encore dans Jérusalem avec les Benjamites, et que nous savons par II Rois, v, 6-7, que cette tribu chananéenne fut chassée par David, au commencement de son règne, de la cité dont il devait faire la capitale de son royaume, il suit de ces données que l’auteur a écrit avant cet événement.

La tradition talmudique attribue à Samuel le livre des Juges ; quoique cette tradition ne puisse pas être établie rigoureusement, elle s’accorde bien avec les faits que nous venons de rappeler et ne manque pas de vraisemblance.

Ce livre nous fait connaître la suite de l’histoire du peuple de Dieu, et les merveilles qu’opère le Seigneur en faveur d’Israël. C’est un des écrits inspirés dans lesquels la Providence se manifeste avec le plus d’éclat. — Ce que Dieu fait pour délivrer les enfants d’Abraham de leurs ennemis est, d’après tous les Pères, l’image de ce que devait faire Jésus-Christ, pour nous alfranchir des liens du péché. — Enfin le livre des Juges renferme un grand nombre d’exemples propres à nous exciter au bien et à nous prémunir contre le mal. Voir le chapitre xi de l’Epître de S. Paul aux Hébreux.