La sainte Bible selon la Vulgate (J.-B. Glaire)/Épitre de saint Jacques (Introduction)

(introductions, notes complémentaires et appendices)
La sainte Bible selon la Vulgate
Traduction par Jean-Baptiste Glaire.
Texte établi par Roger et Chernoviz, Roger et Chernoviz (p. 2885-2887).

ÉPÎTRE DE SAINT JACQUES

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INTRODUCTION


L’auteur de cette Épître ne peut être S. Jacques, fils de Zébédée, mis à mort une dizaine d’années après la Pentecôte. C’est donc S. Jacques, fils d’Alphée, apôtre comme le premier, et parent de Notre Seigneur, selon que l’affirme le concile de Trente.

Quelques auteurs ont voulu distinguer du fils d’Alphée, Jacques, évêque de Jérusalem, parent de Notre Seigneur et auteur de cette Lettre ; mais ce sentiment, contraire à la persuasion commune, ne peut être justifié par de bonnes raisons. S. Luc et S. Paul parlent bien de Jacques, évêque de Jérusalem : or, l’Épître aux Galates dit nettement qu’il était parent de Notre Seigneur, qu’il fut du nombre des Apôtres et qu’on le regardait comme l’une des colonnes de l’Église. D’ailleurs, nous savons que l’Apôtre Jacques était fils d’Alphée ou de Cléophas, qu’Alphée ou Cléophas était marié à une parente de la sainte Vierge et qu’il en avait eu un fils qu’on nommait Jacques le Mineur. Il n’y a donc pas moyen de justifier cette distinction.

Étant fils de Cléophas et de Marie, l’auteur de cette Lettre était frère de Jude, de Simon et de Joseph. Le Sauveur lui apparut en particulier, après sa résurrection ; et plusieurs ont cru, dit S. Jérôme, qu’il l’avait lui-même établi évêque de Jérusalem. L’importance de cette église, l’affluence des Juifs et des chrétiens qui y venaient de toutes parts, l’opposition que la foi chrétienne ne pouvait manquer d’y rencontrer demandaient bien les soins et la présence assidue d’un apôtre. Il est certain que S. Jacques exerça cette charge de bonne heure. La première fois que S. Paul se rend à Jérusalem, après s’être présenté à S. Pierre, le chef du collège apostolique, il rend visite à Jacques, le frère du Seigneur. Au Concile, il le retrouve, et dans son Épître aux Galates, il le nomme comme l’une des principales colonnes de l’Église. Il paraît que S. Jacques occupa son siège pendant plus de trente ans. Sa sagesse et sa vertu lui acquirent l’estime des Juifs incrédules eux-mêmes ; ce qui n’empêcha pas qu’il ne fût victime de sa foi et qu’il ne rendît au Sauveur, comme ses collègues, le témoignage du sang. Il fut mis à mort en l’an 62 ou 63, sous le pontificat d’Ananie, dans un soulèvement populaire dont les Scribes et les Pharisiens étaient les instigateurs. Eusèbe nous a transmis la tradition qu’Hégésippe avait recueillie sur ce sujet. Il nous apprend de plus que les fidèles de Jérusalem avaient conservé par vénération et qu’ils montraient encore, de son temps, la chaire de leur premier évêque. C’est un des plus anciens monuments du culte des reliques dans l’Église.

Ce qui paraît avoir donné lieu à l’Epître de S. Jacques, ce sont les enseignements antichrétiens de certains docteurs simonites ou nicolaïtes. D’après ces hérétiques, hommes présomptueux qui abondaient en paroles, pour avoir part à l’héritage de Jésus-Christ, il n’était besoin pour personne, ni de changement de vie, ni de bonnes œuvres ; il suffisait d’adhérer aux oracles divins et d’en avoir l’intelligence. En cela seul consistait le mérite aussi bien que la sagesse. Ils citaient, à l’appui de leur système, quelques paroles de S. Paul qu’ils interprétaient à leur manière. Averti du scandale et peut-être consulté sur ce sujet par les chrétiens Israélites ou gentils, dont un grand nombre venaient chaque année à Jérusalem, S. Jacques se crut d’autant plus obligé de défendre la vérité que le crédit particulier dont il jouissait parmi ses compatriotes le mettait à même de s’en faire écouler et de leur donner d’utiles avis.

L’objet de la Lettre répond naturellement à la fin que l’auteur se propose. Bien qu’il touche plusieurs points de morale, entre autre la vanité des richesses et la nécessité de la patience, les vérités sur lesquelles il insiste le plus sont celles-ci : qu’on ne doit pas se flatter de se sauver, si l’on néglige les œuvres de salut, qu’il faut veiller sur ses paroles, ne pas faire ostentation de science ni s’arroger la charge de Docteur, mais observer avec soin les devoirs de la justice et de la charité.

On peut distinguer trois parties dans cet écrit : — 1o S. Jacques exhorte les fidèles à la constance, i. — 2o Il reprend les faux Docteurs, ii-iv, 7, — 3o Il indique les devoirs des divers états, iv, 8-v, 20.

Cette Epître a plutôt la forme d’une instruction morale ou d’une exhortation que celle d’une lettre. Elle commence par une salutation aux tribus d’Israël, comme il convenait à une instruction de l’évêque de Jérusalem ; mais on n’y voit rien qui ressemble à une conclusion épistolaire. Peut-être S. Jacques voulait-il en faire son testament spirituel. Bien que Jésus-Christ n’y soit nommé que deux fois, cet écrit respire toute la ferveur du christianisme. Il porte cependant l’empreinte de la sagesse et de la modération de son auteur. Nulle part la nécessité d’une vertu effective et le caractère obligatoire de la loi de Dieu ne sont plus fortement inculqués. Pour la méthode, il rappelle moins les Epîtres de S. Paul que les discours du Sauveur et surtout le sermon sur la montagne. S. Jacques ne procède pas par raisonnements, mais par affirmations, par sentences ; il énonce simplement ses idées, sans chercher à les déduire d’un principe ni aies lier ensemble, et pour l’ordinaire il en a un certain nombre sur chaque sujet et il les donne d’un ton qui annonce rautorité. Ses maximes dénotent un esprit vif, cultivé, poétique même, accoutumé à la lecture des prophètes. Le style, quoique simple, est non seulement correct, mais noble, élégant, énergique. Les fortes pensées, les images, les interrogations, les tours vifs et frappants, les antithèses abondent et donnent à cet écrit une physionomie à part. Quoique les pensées soient toutes bibliques, le grec est très pur.

Cette Epître doit avoir été composée vers 62, peu de temps avant la mort de S. Jacques. Elle suppose non seulement que S. Pierre avait quitté la Judée et peut-être écrit déjà aux fidèles de l’Asie-Mineure, mais que les Epîtres même de S. Paul aux Romains et aux Galates étaient connues et commentées. Du moins les remarques de S. Jacques sur la nécessité des bonnes œuvres semblent motivées par la fausse interprétation qu’on donnait à certains passages de ces Lettres. Il est également probable que S. Paul n’était plus dans l’Asie-Mineure et qu’il se trouvait éloigné des lieux où l’on dénaturait ainsi le sens de ses paroles. D’un autre côté, il n’est pas possible de renvoyer la composition de cette lettre après la ruine de Jérusalem, ni même à l’époque du siège, lorsque les chrétiens étaient retirés à Pella ou sur le point de quitter la ville. Rien n’y ressent l’agitation de cette époque. On sait d’ailleurs que S. Jacques ne dépassa pas l’an 62.

Quant au lieu où cette Epitre fut écrite, il n’y a aucune raison de douter que ce ne soit Jérusalem, cette ville à laquelle l’auteur était attaché par tant de liens, et d’où il semble qu’il ne s’est jamais éloigné. On trouve dans son langage la manière, les souvenirs et toutes les images d’un habitant de la Palestine, versé dans la connaissance de la loi et des prophètes. (L. Bacuez.)