La région de l’Abitibi : terres à coloniser/04

Département de la colonisation, des mines et des pêcheries (p. 10-13).

Le sol



Quand l’immense forêt qui recouvre maintenant le sol de l’Abitibi sera disparue, nous aurons là un pays dont l’aspect général sera à peu près celui des prairies de l’Ouest, avec cette différence cependant que la plaine de l’Abitibi apparaîtra à l’œil beaucoup plus ondulée que celle des régions du Manitoba et de la Saskatchewan. Nulle part de montagnes ; ici et là, cependant, des petites collines rocheuses qui s’élèvent à pic comme des forteresses ; partout des vallées au fond desquelles serpentent des rivières profondes et larges comme des fleuves.


PARTIE DE TERRAIN DÉFRICHÉ, SUR LA FERME DE M. JOSEPH DROUIN, 6ème RANG DU CANTON DE FIGUERY — Juin 1919

Quant à la qualité du sol lui-même, M. J.-M. Leclair, agronome officiel du département de l’Agriculture, qui en a fait une étude spéciale, fait les remarques suivantes sur sa composition :

« La texture de ce sol est très fine, partant très compacte. Les particules de sable qui le composent, de même que celles qui forment les granules de glaise, sont très fines.

« La couleur de la glaise change de la teinte bleuâtre à la teinte rougeâtre. Bien que compacte à l’état naturel, cette terre devient très friable une fois qu’elle a été soumise à la gelée. Elle contient une faible quantité de sable très fin, de dix à vingt pour cent à peu près. Ceci a pour effet de la rendre plus ouverte, plus poreuse, partant plus propre à la culture que la glaise pure. Elle est plus facile à travailler et l’eau y circule plus facilement.

« Comme ce sol a été durant des centaines d’années recouvert de mousse et constamment imprégné d’eau, l’observateur trop superficiel est porté à l’apprécier au-dessous de sa valeur réelle. Mais cette terre, une fois labourée, mélangée à la couche d’humus qui la recouvre, devient une terre fertile et de très grande valeur. La couche d’humus et de matières végétales en décomposition varie de quatre pouces à sept ou huit pieds. Ceci est d’une grande richesse fertilisante.

« Ordinairement le colon brûle les détritus qui restent dans son abatis : si la terre est desséchée, le feu consume aussi l’humus et la terre reste complètement nue. Ceci est de nature à nuire à la récolte durant les premières années.


CHAPELLE-ÉCOLE ET MAGASIN DE M. LEMAY,
À LANDRIENNE — Juin 1919

« Le sous-sol est de même nature et de même composition que la couche arable, c’est une glaise très serrée, par conséquent très réfractaire à la filtration de l’eau. L’épaisseur de cette couche de terre varie de quelques pieds à quarante pieds et plus.

Par suite du peu de filtration, l’eau provenant de la fonte des neiges le printemps, et des pluies d’automne s’introduit à travers le sous-sol et y demeure comme dans un bassin ; la hauteur de ce bassin est ce que l’on est convenu d’appeler le niveau d’eau. La profondeur à laquelle se trouve cette eau varie suivant la pente du terrain et la formation de son sous-sol. Dans l’Abitibi, ce niveau d’eau se trouve à très peu de profondeur, trop peu à certains endroits. Ceci est une cause que le terrain reste froid, et se prépare tard le printemps De là la nécessité de drainer pour abaisser ce niveau. Une fois le bois enlevé. Le terrain est partout onduleux ou convergeant.

Le drainage par fossés à la surface est relativement facile une en pentes plus ou moins douces vers un lac ou vers une rivière. Un grand nombre de petites rivières et de ruisseaux servent déjà, mais d’une manière incomplète, à écouler l’excès des pluies et de la fonte des neiges. Quand le bois est enlevé et la mousse et les souches brûlées, l’excès d’eau à la surface s’écoule relativement bien. En nettoyant et en creusant les ruisseaux qui déjà existent à certains endroits, puis en ajoutant d’autres fossés là où c’est nécessaire, ces terres peuvent être débarrassées de leur surplus d’eau à assez peu de frais.»

Monsieur J.-M. Leclair a fait analyser par M. A.-T. Charron, du laboratoire officiel provincial, un certain nombre d’échantillons du sol de l’Abitibi.

Il résulte de ces différentes analyses, que la terre de l’Abitibi est à base d’argile, presque partout acide, contenant en général une bonne proportion de matière organique, d’azote et des autres éléments de fertilité.

Presque toute la région est recouverte de l’épais manteau de mousse, qui est de règle dans les pays du nord.

Cette mousse est un engrais précieux ; le défricheur doit donc travailler à la conserver autant que possible, et ne pas la faire brûler au ras de sol ; il faut se contenter de ne la faire brûler qu’à demi ; le résidu mélangé avec l’humus, par les labours, forme une terre excellente pour les premières semences. Si le feu est trop ardent, il consume en même temps la mousse et l’humus, et met à nu la glaise, qui est par là même privé de son engrais naturel. Lorsque ces sols brûlés trop profondément sont soumis à l’action désastreuse des pluies, ils deviennent pauvres en matière organique, en azote et en potasse, et, par conséquent, réfractaires à la culture.

C’est là un point important, et les colons ne devraient pas attendre que la terre ait trop séché pour mettre le feu dans le défrichement. Il vaut mieux se reprendre deux ou trois fois pour brûler l’abatis que de le brûler en une seule fois, lorsque le sol est bien sec, car alors on s’expose à consumer la meilleure partie de la terre.