Bibliothèque de l’Action française (p. 73-75).


MARGUERITE BOURGEOYS




— Venez, chères enfants, ô mes vaillantes filles !
Le travail vous attend, reprenez vos aiguilles ! —
C’est ainsi que parlait Marguerite Bourgeoys,
Et la source n’est pas plus pure que sa voix…
C’est ainsi qu’abritée en une pauvre école.
Lumière qui conduit, sourire qui console.
En face de la mort, en face de la faim,
Elle commence une œuvre admirable et sans fin.
Qui dira la grandeur de ces vaillantes femmes ?
Qui nous dévoilera la beauté de ces âmes ?


Son courage, jamais ne fut vaincu ni las,
Et, durant trois longs mois sur le « Saint-Nicolas »,
Cette fille, portant la bravoure des sages,
Se pencha jour et nuit sur ces pauvres visages,
Emplissant de respect l’âme des matelots,
Et pure comme l’aube éparse sur les flots !
Et maintenant au sein de la forêt déserte,
À tant d’affreux dangers, humble victime offerte.
Le cœur brûlé d’amour et d’immolation,
Elle va commencer sa sainte mission.
Malgré ces bois profonds aux farouches murmures,
Malgré les Iroquois cachés sous les ramures,
Avec les sœurs Crolo, Raisin, Hioux, Chatel,
Elle trace ici-bas un sillon immortel…
Son toit est une ruche où le travail fourmille ;
Elle va, vient, guidant sa très jeune famille,
Et sa voix se mêlant au bruit fin des ciseaux
Chante et gazouille ainsi qu’un ramage d’oiseaux…


« Le jour fuit, nous ferons ensemble diligence,
Mes filles ! Que nos jours se vouent à l’indigence !
Du labeur que vos yeux ne se détournent pas,
Et qu’on n’entende point le doux bruit de vos pas !…
Les femmes, voyez-vous, sont comme les abeilles :
En silence dans l’ombre, elles font des merveilles ;
Elles vont butinant sans bruit, dans les sillons,
Et quand leur œuvre est faite il en sort des rayons !…
Lentement, jour par jour, la plaine se colore,
Et, goutte à goutte, les roses boivent l’aurore…
Parfois la cause est lente à donner son effet,
Mais c’est comme cela qu’une race se fait !…
— Venez, chères enfants, ô mes vaillantes filles,
Le travail vous attend, reprenez vos aiguilles ! »…
C’est ainsi que parlait Marguerite Bourgeoys,
Et la source n’est pas plus pure que sa voix…