La guerre de 1870, simple récit/chap7

Librairie Ch. Delagrave (p. 77-81).


VII

ARMÉE DU NORD


Après la capitulation de Metz, tandis que la iie Armée allemande (Frédéric-Charles) était dirigée sur la Loire, la ire Armée (Manteuffel) recevait la mission de couvrir l’investissement de Paris contre les rassemblements de troupes qui s’organisaient à Rouen, à Amiens, et dans les places du Nord.


Les nombreuses places fortes[1] de la frontière du Nord renfermaient une grande quantité de matériel de guerre, qui fut utilisé pour l’organisation des nouveaux corps.

La constitution de l’Armée du Nord ne ressembla pas à celle de l’Armée de la Loire. Un assez grand nombre d’officiers, de sous-officiers et de soldats, évadés de Sedan et de Metz, étaient rentrés en France par la Belgique ; ils formèrent quelques cadres relativement solides. Grâce aux ressources des forteresses, il fut possible d’organiser une artillerie assez nombreuse, mais on n’eut que fort peu de cavalerie.

Le commandement de l’Armée du Nord fut d’abord donné au général Bourbaki qui était sorti de Metz, comme on l’a vu précédemment. Le général Bourbaki ayant été appelé à l’Armée de la Loire, le général Faidherbe le remplaça.

Dans l’intervalle, l’armée resta, pendant quelque temps, sous les ordres du général Farre, qui en était le chef d’état-major et qui livra la première bataille.


La ire Armée allemande se dirigea donc de Metz sur Compiègne et de là sur Amiens.

Les troupes françaises formaient trois brigades, non compris 8 000 hommes de gardes mobiles de la garnison d’Amiens ; en tout, 25 000 hommes et 60 canons.

Les Allemands avaient plus de 35 000 hommes et 174 canons.


Bataille de Villers-Bretonneux ou d’Amiens (27 novembre).

Le général Farre avait fait occuper, au sud-est d’Amiens, des positions très étendues autour du village de Villers-Bretonneux.

Les jeunes troupes qui voyaient le feu pour la première fois soutinrent très honorablement l’attaque ennemie.

De part et d’autre, il y eut 1 300 à 1 400 hommes hors de combat.

L’armée française se retira sur la rive droite de la Somme, sans être inquiétée.

Les Allemands entrèrent le lendemain à Amiens, dont la citadelle capitula deux jours après.

C’est au même moment que l’Armée de la Loire livrait la bataille de Beaune-le-Rolande.




Occupation de Rouen par les Allemands (5 décembre). — Il se trouvait alors à Rouen un rassemblement d’environ 20 000 hommes. Quelques détachements avaient eu avec les Allemands plusieurs engagements sur l’Epte, du côté de Gisors, et leurs entreprises inquiétant l’ennemi, le général Manteuffel reçut l’ordre d’occuper Rouen.

Cette ville est dominée par les hauteurs voisines ; il n’était pas possible de la défendre. Les Allemands y entrèrent le 5 décembre, après quelques combats de peu d’importance.

Les troupes françaises passèrent sur la rive gauche de la Seine. Quelque temps après, une partie fut transportée au Havre. Des défenses avaient été improvisées autour de ce grand port de commerce, un des plus importants de la France ; les Allemands renoncèrent à l’attaquer, et le Havre fut conservé jusqu’à la fin de la guerre.


Cependant l’Armée du Nord complétait son organisation sous le commandement du général Faidherbe. Elle forma le 22e corps d’armée à trois divisions. Son effectif était de 30 000 hommes.

Le général Faidherbe résolut de prendre l’offensive et se porta sur la ligne de la Somme.


Réoccupation de Ham (9 décembre). — Une garnison allemande de 200 hommes qui tenait le château de Ham, capitula après une faible résistance, et l’armée française se dirigea sur Amiens.


Bataille de Pont-Noyelles (23 décembre). — Le général Manteuffel se hâta d’accourir. Il rassembla toutes les troupes voisines et vint attaquer les fortes positions que le général Faidherbe avait prises sur la rivière de l’Hallue, près de Pont-Noyelles. Le combat fut opiniâtre. Les Allemands ne réussirent pas à enlever les hauteurs occupées par l’armée française.

Pour affirmer le succès de sa résistance le général Faidherbe y maintint ses troupes et les fit bivouaquer pendant la nuit suivante, malgré une température glaciale qui leur causa de grandes souffrances. De leur côté, les Allemands cantonnèrent dans les villages de la vallée.

Le lendemain, le général Faidherbe jugea nécessaire de ramener son armée derrière les places du Nord pour la reposer.

Les pertes s’élevèrent à un millier d’hommes de part et d’autre.

Les Allemands commencèrent le siège de Péronne.


Bataille de Bapaume (3 janvier). — Après quelques jours de repos, le général Faidherbe reprit l’offensive dans l’intention de secourir Péronne.

Plusieurs combats d’avant-garde furent livrés le 2 janvier ; la bataille générale s’engagea le lendemain près de Bapaume. Elle dura toute la journée et resta indécise. Cependant, les Allemands évacuèrent Bapaume et se disposèrent à repasser la Somme ; mais, le général Faidherbe s’étant aussi replié, ils s’en aperçurent et revinrent sur leurs pas.

Péronne, se croyant abandonnée, capitula le 10 janvier.


Bataille de Saint-Quentin (19 janvier). — L’Armée du Nord reprit l’offensive une troisième fois ; elle se porta dans la direction de Saint-Quentin ; pour coopérer à une sortie que la garnison de Paris devait tenter vers le nord.

La glace et le verglas rendaient la marche très difficile ; le mouvement se fit lentement et les Allemands purent en être prévenus. Le général von Gœben, qui avait remplacé le général Manteuffel[2], se porta au-devant de l’armée française.

Après quelques combats d’avant-garde, livrés le 18, il attaqua, le lendemain, les positions de Saint-Quentin.

La lutte fut partout très énergique et marquée, du côté français, par de fréquents et vigoureux retours offensifs. À la nuit, le général Faidherbe donna l’ordre de battre en retraite.


De chaque côté, 30 000 hommes environ prirent part au combat ; et les pertes par le feu s’élevèrent à 3 000 hommes, mais le nombre des prisonniers français dépassa 6 000, en tenant compte des traînards et des éclopés qui restèrent en arrière et qui furent ramassés le lendemain.


La retraite des troupes françaises s’effectua, du reste, sans être gênée, jusqu’à la ligne des places fortes.


Sans avoir obtenu de succès décisifs, l’Armée du Nord combattit avec une valeur à laquelle l’ennemi rendit, lui-même, justice. C’est tout ce que pouvaient donner de jeunes troupes qui avaient à supporter les épreuves d’un hiver exceptionnellement rude.

Elles ont tenu ferme leur drapeau. Honneur doit leur être rendu.



  1. C’étaient : Dunkerque, Saint-Omer, Aire, Lille, Douai, Arras, Cambrai, Valenciennes, Maubeuge, Avesnes, Landrecies, etc., et, en seconde ligne : Péronne sur la Somme, le château de Ham, La Fère, la citadelle d’Amiens.

    Actuellement, Dunkerque, Lille, Maubeuge, Laon, ont été conservées et entourées de forts extérieurs ; Péronne a été également gardée comme place de barrage ; les autres forteresses ont été déclassées. Plusieurs forts d’arrêt ont, en outre, été construits pour protéger les lignes de chemins de fer.

  2. Le général Manteuffel avait été appelé au commandement d’une nouvelle armée formée sous le nom d’Armée du Sud, pour opérer contre le général Bourbaki, dans le bassin de la Saône.