La goélette mystérieuse ou Les prouesses d’un policier de seize ans/21
CHAPITRE XXI
Nous n’avons que peu de mots à ajouter. Le bonheur ne se raconte pas. Il n’y a que la lutte et la douleur qui aient une histoire : et les combats de la vie ont maintenant cessé pour les principaux acteurs de notre drame.
Robert d’Hervart ne se séparera plus de sa mère ; et il a emmené avec lui sa gracieuse et vaillante jeune femme ; car le lecteur pense bien qu’il y a eu un joyeux mariage ; un mariage dans lequel Joe figurait au nombre des invités, avec un habit qui n’avait point été acheté dans la boutique de Salomon Sly.
M. Turner a été condamné à vingt ans de pénitencier. Son procès a été pour Joe un éclatant succès. Notre jeune ami a été appelé à retracer devant le jury la suite des déductions qui l’ont amené à la découverte des coupables ; et M. Turner, qui ne s’était pas encore expliqué comment toutes ses machi- nations avaient pu être déjouées en même temps, a lancé plus d’une fois à Joe, pendant le cours de son récit, des regards empreints d’une haine heureusement impuissante.
Les complices de M. Turner ont été condamnés à des peines graduées, qui inspireront une appréhension salutaire à ceux qui seraient tentés de les imiter.
Montréal a oublié l’affaire des faux billets, qui avait si vivement agité les esprits pendant plusieurs mois.
On pense bien que la reconnaissance de Mme d’Hervart, pour les services de Joe, ne s’est pas bornée à de simples remerciements. En même temps, il a touché, selon sa convention avec Parry et Harrison, un tiers de la somme allouée aux détectives par le gouvernement et par la banque de Montréal. Il s’est trouvé tout d’un coup à la tête d’une petite fortune.
Malgré les sollicitations de M. Harrison, il n’a jamais voulu se décider à entrer comme détective au service du gouvernement. Il a conservé le génie et la passion du métier ; mais il veut travailler d’une façon indépendante et avoir une agence qui n’appartienne qu’à lui. Son nom a été mêlé, depuis quelques années, à la découverte de plusieurs crimes mystérieux ; et peut-être la Bibliothèque à cinq cents aura-t-elle à retracer, un jour ou l’autre, quelqu’une des affaires dans lesquelles il a joué un rôle.