La fourmi et le mulot

Recueil de contes populaires grecs
Ernest Leroux, éditeur (Collection de contes et de chansons populaires, I) (p. 183-185).
LA FOURMI ET LE MULOT



Il était une fois une fourmi. Un jour, en balayant sa maison , elle trouva trois pièces de monnaie, et elle se mit à dire : « Que vais-je acheter ? Que vais-je acheter ? De la viande ? Non, car la viande a des os, et je m’étoufferais. Du poisson ? Non, car le poisson a des arêtes, et cela me piquerait. »

Et après avoir dit beaucoup d’autres choses, elle pensa à acheter un ruban rouge. Elle s’en para et se mit à sa fenêtre. Il passa par hasard un bœuf qui lui dit : « Que tu es belle ! me veux-tu pour ton mari ? » Et elle lui répondit : « Chante, afin que je voie comment est ta voix. » Et, plein de fierté, le bœuf se mit à beugler. Et la fourmi, quand elle l’eut entendu, lui dit : « Non, non ; tu me fais peur. »

Il passa un chien, et il lui arriva ce qui était arrivé au bœuf. Et, après que d’autres animaux furent passés, il passa un mulot qui dit : « Que tu es belle ! me veux-tu pour mari ? » Et elle lui répondit : « Fais-moi entendre comment tu chantes. » Le mulot chanta et fit pi, pi, pi. Sa voix plut à la fourmi, et elle accepta le mulot pour mari.

Le dimanche arriva ; et, tandis que la fourmi était avec ses amies, le mulot lui dit : « Ma petite fourmi, je vais voir si la viande que tu as mise sur le feu est cuite. » Et il y alla, et, quand il sentit le fumet de la viande, il voulut en prendre un morceau ; il y mit une patte et se brûla, il y mit l’autre et se brûla également ; il y mit le museau, et la vapeur l’entraîna au fond de la marmite, et le pauvre petit mulot fut complètement brûlé.

La fourmi l’attendait pour manger ; elle attendit deux heures, elle attendit trois heures ; le mulot ne venait pas. Quand elles ne purent plus attendre, elles se disposèrent à manger ; mais, quand elles tirèrent la viande de la marmite, elles en retirèrent aussi le mulot mort. Et, lorsque la fourmi le vit, elle se mit à pleurer, et toutes ses amies pleurèrent également. Et la fourmi resta veuve, parceque qui est mulot doit forcément être gourmand. Et si vous ne croyez pas [cette histoire], allez chez la fourmi et voyez-la.