Éditions Édouard Garand (p. 3-10).



PROLOGUE

Histoire d’une Femme d’Or

I

L’AVOCAT-POLICIER


On était, je pense, au mois de décembre de l’année 1905.

Trois jeunes hommes, de bonne mine, élégants même, quittaient, après onze heures du soir, le petit théâtre français de la rue Sainte-Catherine et se rendaient gaiment au Café Gravel, à deux pas de là, histoire de vider une bouteille de bon vin de France, de manger un morceau et de faire le bout de causette de l’après-théâtre.

Ce soir-là, à ce petit théâtre français de la rue Sainte-Catherine, qu’on désignait alors sous le nom de LES NOUVEAUTÉS, Perny avait joué LE MARQUIS DE PRIOLA. Vous direz peut-être que ce MARQUIS DE PRIOLA n’a rien à voir avec le sujet qui nous intéresse particulièrement, c’est-à-dire LA FEMME D’OR ? Pardon ! C’est justement à cause de ce MARQUIS DE PRIOLA, que, du reste, Perny avait joué avec une maîtrise superbe, que le sujet de conversation de nos trois jeunes hommes était tombé sur LA FEMME D’OR.

C’était le lundi.

Nos trois inconnus s’étaient attablés devant une jolie bouteille, trois beaux verres et un bon sandwich.

L’un des trois jeunes gens, plus jeune que les deux autres, de taille plus petite, un peu maigre, un peu fluet, avec un visage d’enfant orné d’une petite moustache blonde aux pointes conquérantes… oui, une petite moustache blonde, comme ses cheveux blonds… ce jeune homme, disons-nous, prononçait, avec un air de dédain impossible à rendre entre une gorgée de vin et une bouchée de sandwich :

— Tu sais, moi, mon cher Jacques, je ne crois pas le moins du monde à ta FEMME D’OR.

Celui, que le jeune homme blond venait d’appeler « mon cher Jacques », se mit à rire tranquillement. C’était un garçon beaucoup plus âgé que les deux autres : il avait pour le moins trente-cinq ans. Il était grand, mince et d’un physique fortement développé. Il avait les cheveux noirs et courts, moustache noire à la lèvre supérieure et, sous la lèvre inférieure, une impériale également noire.

Il vida à moitié son verre de vin, regarda d’un œil moqueur son jeune interlocuteur, et amplifiant son sourire, répondit ;

— Mon cher Alban, je n’ai aucunement l’intention et moins encore la prétention de faucher l’incrédulité sous le chapeau de mes voisins. Crois-moi ou ne me crois pas du tout, ça m’est égal ! Une chose certaine et tout à fait satisfaisante pour moi, LA FEMME D’OR existe, ou, du moins, elle a existé. Oh !… c’est moi qui le sais, je te le jure !

Et alors, avec ces dernières paroles, le visage de Jacques Audet, jeune avocat-criminaliste dont la renommée commençait, devint presque livide.

Ses deux amis le regardèrent avec inquiétude.

L’un d’eux, le troisième, celui qui n’avait pas encore parlé, garçon à l’air doux et modeste, sans barbe, aux cheveux châtains, de taille moyenne et joli garçon, qui débutait dans l’architecture, dit avec un sourire candide :

— Cher maître, j’étais un peu comme notre ami Alban : je ne pouvais admettre l’existence de LA FEMME D’OR. Mais par l’altération violente de vos traits, je commence à penser que vous avez dû traverser quelque terrible aventure au temps où vous étiez policier.

— Terrible est le mot, Paul. Ce fut une aventure si extraordinaire que je me demande encore si elle ne fut pas simplement un rêve. Ce fut un mystère dont je n’ai jamais pu démêler l’écheveau.

— Je serais tout de même curieux d’entendre cette aventure, car j’aime le mystère et l’intrigue, fit le jeune homme qu’on appelait Alban. Tu sais, ma profession me pousse naturellement à la curiosité.

En effet, Alban Ruel était journaliste, ou mieux reporter de la petite nouvelle attaché à l’un des grands quotidiens de la cité de Montréal.

— Je parie, dit en riant Jacques Audet, que tu es fort désireux et peut-être en quête de quelque drame à sensation, qui du coup, ferait ta réputation ?

Comme le reporter faisait un geste d’indifférence affectée :

— Oh ! ce n’est pas moi qui te blâmerai, mon ami, poursuivit l’avocat avec une légère nuance d’ironie. Loin de moi telle pensée si peu charitable ! Tu as parfaitement raison de songer à l’avancement et même à la renommée. Malheureusement, ma FEMME D’OR n’est pas le sujet qu’il te faut, parce que ton histoire à sensation demeurerait sans suite, de même que mon aventure est restée sans dénouement. Mais non… je me trompe : j’ai vu le dénouement ; mais le mystère, dont les fils fortement noués m’ont enserré, est demeuré sans éclaircissement. Et puis, pourquoi ne pas te l’avouer en toute franchise ?… j’ai tout simplement donné dans le panneau !

Les deux amis de l’avocat se mirent à rire.

— Cela vous fait rire, n’est-ce pas ?

— C’est vrai, répliqua Alban Ruel. Vois-tu, je me dis, moi, que si j’étais tombé dans le panneau, je ne m’en vanterais pas pour une fortune. J’aurais tout fait pour oublier et chasser de mon souvenir une comédie quelconque dont j’aurais été le bouffon. Toi, Jacques, tu fais vent de tes sottises, et cela me fait rire !

— J’espère bien, dit l’avocat sur un ton froid et concentré, que tu ne cherches pas à m’outrager, Alban, par des paroles choisies et prononcées à dessein ?

— Mais non, mon cher Audet, se récria le reporter, je ne cherche nullement à t’injurier ; je veux rire. Oui, je trouve toute drôle ton affaire de LA FEMME D’OR que je n’ai pas encore l’honneur de connaître. Si mes paroles sont un peu rudes, grossières, si tu veux, ce n’est pas ma faute. J’enrage de voir que tu veuilles me faire avaler ta pilule. Me prends-tu pour un de ces badauds auxquels on conte sans sourciller la première bourde venue ?

Jacques Audet sourit.

— Il y a moyen de s’entendre, dit-il.

— Lequel ?

— Je vais vous conter cette histoire.

— Maître, dit le jeune architecte, Paul Lavoie, c’est l’unique moyen de mettre fin à une discussion qui pourrait dégénérer en une altercation.

— Va donc, mon cher Audet ! Nous t’écoutons avec une attention religieuse. Même si ton histoire n’offre par elle-même aucun intérêt, je te sais assez beau causeur pour être assuré que je ne m’endormirai pas.

L’avocat acheva de vider son verre de vin, essuya tranquillement ses lèvres et sa moustache noire, alluma un cigare, se renvoya sur le dossier de son fauteuil et commença ainsi :

— Mon cher Alban, j’avais presque oublié cette histoire, ou mieux cette aventure véridique de mon existence. Je n’y aurais peut-être plus pensé de ma vie, et ce fait eût passé à la catégorie des rêves et des cauchemars, si ce soir…

— Hein !… ce soir ?… s’écria le reporter en tressaillant.

L’avocat le regarda avec une surprise amusée.

— Quoi ! dit-il, n’avez-vous pas entendu… que dis-je ? n’avons-nous pas entendu, ce soir, LE MARQUIS DE PRIOLA ?

— C’est vrai, avoua Paul Lavoie. J’y ai même trouvé Perny magnifique.

— Mais qu’est-ce que cette pièce peut bien avoir à faire ici ? demanda le reporter.

— Beaucoup ! répliqua Audet avec un sourire.

— Explique-nous…

— Je ne dis pas que la pièce elle-même a trait à mon sujet…

— Mais alors ?

— N’as-tu pas, ou n’avons-nous pas, ce soir, remarqué une certaine loge ?

— Et une certaine femme ? parfaitement.

— Or, vous savez comme moi qu’une femme qui occupe à elle seule une loge au théâtre — cette femme fût-elle vieille, laide, insignifiante — que cette femme, dis-je attire toujours l’attention ?

— C’est juste, dit Lavoie.

— D’autant plus juste, avoua Alban Ruel, que j’ai moi-même lorgné quelque peu la loge.

— Celle du balcon, à gauche ? demanda Lavoie.

— Celle-là même. N’est-ce pas, Audet ?

— C’est très exact. Mais tu n’as pas lorgné la femme ?

— Comment donc ! J’ai même reconnu que cette femme était jeune et pas laide du tout !

— Et qu’elle était habillée de noir ?

— Parfaitement, j’ai vu tout cela.

— Eh bien ! mon cher ami, sourit l’avocat-criminaliste, tu n’as pas vu que cette femme par quatre fois m’a regardé !

— Vraiment ? Mais…

— Et que, par quatre fois — ces quatre fois-là — elle a porté à ses narines un bouquet de violettes et de myosotis !

— Tu es sûr que ce regard était pour toi, et que ces fleurs respirées par quatre fois étaient à ton intention ?

— Très sûr… puisque, à chaque fois également, elle m’a souri.

— Elle t’a souri ?… Le reporter très ému par la curiosité et la surprise regardait l’avocat d’un œil presque désorbité.

— Elle m’a souri… et pour que ce sourire ne fût pas surpris par le regard indiscret du curieux, la femme en noir l’a vivement dissimulé dans les fleurs.

— Je n’y comprends rien ! déclara le reporter.

— Moi, je comprends, s’écria Lavoie ; c’est clair comme le jour. La femme en noir regardait maître Audet, en le regardant elle souriait… c’est assez naturel ?

— Après ? interrogea le journaliste.

— Après, par crainte que le sourire ne fût aperçu de toi, de moi ou d’autres, elle élevait le bouquet à ses lèvres.

— Soit, répliqua le journaliste, j’admets que tout cela fut ainsi. Mais comment, je me le demande, cette femme en noir, qui regarde notre ami, lui sourit même, si tu veux, oui, comment peut-elle avoir un rapport quelconque avec LA FEMME D’OR ?

Jacques Audet quitta son siège, fit le tour de la table pour se dégourdir les jambes, vint se rasseoir, tira de fortes bouffées de son cigare et dit :

— Alban, cette femme en noir… c’est LA FEMME D’OR !

Ruel et Lavoie sursautèrent et pâlirent. Puis ils se mirent à considérer Audet avec un regard dans lequel on pouvait lire cette interrogation :

— Veut-il se moquer de nous ?

L’avocat sourit, se leva de nouveau, et, tout en marchant dans la pièce que les trois amis occupaient, se mit à parler ainsi :

— Je vous étonne, n’est-ce pas ? Mais je vous étonnerai bien davantage tout à l’heure. Je dois vous dire d’abord quels furent mes débuts dans l’étude de la Loi. Durant mes années collégiales je me suis toujours senti porté vers l’étude de la criminalité. Dès mon entrée à l’Université Laval j’allai offrir mes services de cléricature à l’un de nos meilleurs criminalistes. J’avoue que j’y acquis une très forte théorie dans la psychologie et la procédure criminelles. Mais cela ne me suffisait pas. Il me fallait mieux que des théories. Un jour, je lus dans un journal qu’une certaine agence policière de Chicago demandait un jeune homme possédant la connaissance de la langue française. On n’exigeait pas l’expérience du métier. J’écrivis à l’agence et l’informai de ma situation. Je terminais alors mes trois années de droit. On me répondit que mes services seraient acceptés. Dès mes examens passés, je me rendis à Chicago. J’y séjournai trois mois. Je fus transféré à Cleveland, dans l’Ohio, ou je travaillai trois autres mois. À cette époque l’agence centrale de Chicago décidait d’établir une sous-agence à Montréal. Je fus de suite envoyé à ce poste en qualité d’inspecteur. C’était un avancement. Mieux même : c’était pour moi un avantage immense ; car, après avoir étudié la procédure criminelle américaine et m’être initié aux secrets et aux mille trucs de l’apache de là-bas, je venais en la cité de Montréal faire les mêmes études, c’est-à-dire en cette ville où nous sommes et où j’allais, plus tard, pratiquer ma profession de criminaliste.

Eh bien ! mes amis, il y a ce soir exactement cinq ans que je suis venu mettre mes services à la disposition de cette sous-agence policière, et il y a exactement deux ans et demi que la FEMME D’OR m’a échappé.

— Deux ans et demi ! interrompit Alban Ruel. Ça doit manquer d’actualité !

— Peut-être ! Mais ça ne manque pas de sensation !

— Aussi, en ayant tout plein du métier de policier, me décidai-je, après cette affaire, d’ouvrir mon bureau d’avocat.

— Il nous faut maintenant cette aventure ! proposa l’architecte en allumant une cigarette.

— Non… pas avant que nous ayons vidé une autre bouteille de vin, déclara Alban Ruel.

Ce disant, le reporter appuya sur un timbre placé sur la table.

La minute d’après, un garçon entrait, prenait la commande, apportait un peu plus tard la bouteille rutilante et s’en allait.

On trinqua, on alluma de nouvelles cigarettes, et Jacques Audet, s’étant assis cette fois, poursuivit son récit.

— Je ne vous raconterai pas, dit-il, toutes les péripéties de cette chasse à LA FEMME D’OR. Je vous dirai seulement, comment l’ayant enfin capturée, si je puis m’exprimer ainsi, elle m’échappa tout à coup sans que je pusse jamais savoir depuis ni comment elle s’était échappée, ni comment j’étais sorti du guêpier dans lequel je m’étais fourré.

— Avant d’aller plus loin, interrompit encore le reporter, veux-tu nous dire pourquoi on l’appelait LA FEMME D’OR ?

— Ta question est tout à fait raisonnable. C’était une femme très jeune, rousse de cheveux — des cheveux splendides, très soyeux, très ondulés — mais le roux de ses cheveux n’était pas de ces roux qui choquent un peu le regard de l’homme. C’était un roux ayant plutôt la couleur jaune de l’or à l’état natif, et telle, du moins, apparaissait la chevelure de cette femme à la lumière du jour. Mais sous l’incendie des lustres électriques, ces cheveux prenaient la nuance du roux tendre, et des milliers d’effluves dorés s’en échappaient ; sur son front c’était comme une couronne d’or incrustée de petits diamants. Les yeux étaient d’or, les sourcils étaient d’or, les cils étaient d’or, et toutes ses robes étaient d’un tissu à nuance d’or. Bref, tout chez cette femme était or !

— Mais alors, cette femme devait être la plus belle des créatures humaines ? s’écria le reporter très intéressé.

— Jamais, mon cher ami, l’imagination de l’homme n’a créé de beauté comparable à celle-là ! Jamais, au cours de mon existence, je n’ai vu beauté plus parfaite, plus harmonieuse, plus séduisante, plus sublime ! Pas une déesse de l’Antiquité, pas une Vénus n’eût approché cette femme par la beauté ! Jamais femme n’a resplendi comme cette femme. Quand elle apparaissait à sa loge du Théâtre-Français, l’œil humain croyait voir surgir un bloc d’or ! C’est pourquoi, son nom étant demeuré inconnu, elle fut surnommée LA FEMME D’OR.

— Merveilleux ! s’écria le reporter en battant des paupières, comme s’il eût été ébloui par la vision soudaine d’un bloc d’or.

— Et mystérieux… tu vas voir. On était au mois de février. J’allais quitter mon bureau de la rue Notre-Dame, vers les cinq heures du soir, quand le téléphone vibra. On m’informait, et c’était une voix de femme qui parlait, qu’un meurtre venait d’être commis dans une maison de la rue Ontario-Est portant le numéro 666. Je voulus demander des explications, mais la communication me fut enlevée, J’interrogeai le « Central », mais on ne se rappelait plus le numéro de ce téléphone. Je décidai donc de me rendre rue Ontario. Comme j’étais seul à ce moment à l’agence, je téléphonai à l’un de mes collègues dont je connaissais l’habileté. Il promit de me rencontrer angle Saint-Laurent et Ontario. En effet, dix minutes plus tard, je trouvai mon camarade au rendez-vous. Nous prîmes un tramway et dix autres minutes après nous étions au numéro 666.

Le soir était venu. La maison était sombre et silencieuse. Elle se trouvait un peu écartée des habitations voisines et entourée d’un petit jardin planté de jeunes arbres qui, en la belle saison, devaient délicieusement ombrager les choses et les êtres. Mais, à ce moment, maison et jardin avaient à nos yeux un aspect de crime. Nous franchîmes la grille de la clôture. Cinquante pieds nous séparaient de la véranda qui agrémentait la façade de la maison. Bientôt je pressais un bouton électrique. Nous entendîmes le bruit argentin d’une sonnerie à l’intérieur. Mais personne ne répondit à l’appel. Je pressai le bouton de nouveau. Vaine attente. Mon camarade et moi décidâmes d’entrer. La porte n’était pas fermée à clef. Nous nous trouvâmes dans un hall. Je fis de la lumière. Quatre portes donnaient sur ce hall, mais une seule était ouverte : c’était la salle à manger. Là encore je fis de la lumière. À la même seconde mon camarade me saisit par un bras, et me désigna quelque chose sur le parquet ciré. Je me penchai et reconnus une mare de sang. Le sang était chaud. Mais il n’y avait là nul cadavre. Le silence régnait toujours dans la maison. Nous décidâmes de perquisitionner. Mais nos recherches furent vaines ; nul vivant comme nul mort. Et nous avions, pendant une heure, fouillé de la cave au grenier.

« Que faire ?… De suite je pensai à quelque mystification. Mais mon camarade était d’avis qu’un crime avait été commis, qu’il y avait eu témoin, mais que le cadavre avait été enlevé à la hâte par le meurtrier. Dans les circonstances, le mieux à faire était de nous retirer et de surveiller la maison. Pendant trois semaines, jour et nuit, nous demeurâmes en faction, nous relevant à tour de rôle. Mais durant ces trois semaines nous ne vîmes âme qui vive entrer ou sortir de la maison mystérieuse. Je décidai d’abandonner l’affaire.

« Deux jours après, n’ayant rien à faire à mon bureau, je résolus d’aller faire un tour dans les environs de la maison mystérieuse de la rue Ontario. Il était quatre heures de l’après-midi. Je partis à pied pour mieux me délasser. Quand j’atteignis la maison, je sentis une violente émotion étreindre mon cœur ; car, accrochée à la véranda, je voyais une pancarte sur laquelle étaient tracés ces mots :


Maison à vendre.
S’adresser rue Saint-Jacques No. 59.


« De suite la curiosité me porta vers la rue Saint-Jacques. Mais je m’arrêtai en songeant que le bureau en question devait être fermé, parce qu’à ce moment il était six heures. Je remis cette importante visite au lendemain. À cette époque j’avais ma pension rue Berri. Je rentrai chez moi très perplexe. Après souper, au lieu d’aller au théâtre comme j’avais décidé dans le cours de la journée, je repris le chemin de la rue Ontario. Une puissance mystérieuse semblait m’attirer vers cette maison étrange. Or, que ne fut pas mon étonnement de constater que la pancarte n’était plus là !

« La maison était toujours sombre et silencieuse. Demain, j’irai au No. 59 de la rue Saint-Jacques, me dis-je. Je saurai toujours bien à qui appartient cette maison. Et, pensif. je reviens sur mes pas, pris la rue Amherst. puis la rue Craig, ensuite la rue Saint-Laurent, et, à mon insu, je me trouvai devant l’édifice où se trouvait mon bureau. Sans but défini j’entrai. J’étais là depuis cinq minutes à peine que la sonnerie du téléphone vibra. Je saisis l’appareil. Je sursautai de stupeur : une voix de femme me disait qu’un homme venait d’être assassiné dans la maison même devant laquelle j’étais passé une demi-heure avant. C’en était trop. Je quittai mon bureau en toute hâte et me rendis au No. 666 de la rue Ontario. Toujours la même habitation sombre et silencieuse. Je tâtai le bouton de la porte, celle-ci n’était pas sous clef. J’entrai. L’obscurité partout et le silence. Je fis de la lumière, je gagnai comme la première fois la salle à manger. Là, je reculai presque épouvanté devant une nouvelle mare de sang… ce sang était encore chaud !

« Je commençais à sentir la peur se coller sur ma nuque. N’importe ! je décidai de fouiller la maison encore une fois. Je remarquai que toutes choses étaient dans le même ordre que je les avais vues la première fois. Mais je fouillai encore la maison inutilement : pas le moindre cadavre, pas l’ombre d’un être vivant ! J’étais découragé. Je commençai à croire que j’étais l’objet d’une mystification ou d’une plaisanterie. Alors je sentis l’irritation me gagner. Je jurai d’avoir le fil de cette farce. J’allais de nouveau me remettre à l’embuscade. Je décidai donc de m’en aller chez moi et de préparer mes plans de campagne. Mais au moment où j’allais fermer la porte du hall, je crus voir une ombre dorée traverser furtivement l’obscurité du vestibule. Était-ce une hallucination ?… Peut-être ! J’hésitai un moment. Allais-je entrer de nouveau et fouiller encore l’habitation solitaire ? À moins de l’existence d’une cachette quelconque dans les murs, j’étais sûr que pas un être humain n’était là. Et pourtant, à cette vague apparition, je m’avouai qu’il y avait un habitant dans cette demeure, et que c’était une femme, et que cette femme, qui m’avait appelé par voie téléphonique, épiait à travers les murs tous mes actes. Je frémis. Quel était le motif de cette femme ? Avait-elle vraiment assassiné ? Avait-elle un complice ? Ou était-ce une malheureuse dont le sort était lié à un bourreau ? Ou bien était-ce une folle…

« C’étaient là des questions que je me promis de tirer au clair. Quant à faire de nouvelles perquisitions dans cette habitation, c’était bien inutile. Il me fallait guetter qui sortait et entrait dans la maison, et ensuite compter beaucoup sur le hasard.

« Je m’en allai. Mais dès le lendemain je me mis en faction. Pour abréger et arriver plus tôt au dénouement, je dirai que trois jours plus tard je vis sortir une femme soigneusement voilée de la maison mystérieuse. C’était l’après-midi. Je la suivis. Elle fit la tournée des principaux magasins de la rue Sainte-Catherine, Est et Ouest. Elle acheta une foule de choses : lingerie, bibelots et autres. Puis elle revint chez elle. Vers les huit heures, je vis un fiacre venir se ranger devant la maison. Quelques minutes plus tard, la même femme sortait, montait dans le fiacre, et le cocher tournait son cheval vers l’Ouest. À cette minute une voiture de livraison se dirigeait dans la même direction. Moyennant deux dollars j’obtins du livreur de suivre le fiacre.

« Ce fiacre tourna sur la rue Saint-Denis, puis sur Sainte-Catherine, et trois minutes plus tard il s’arrêtait devant le Théâtre-Français. Je sautai sur le trottoir, j’arrivai à temps pour voir la femme en pleine lumière. Elle était revêtue d’une cape doublée d’hermine et sur sa tête un fichu de dentelle rose. Cinq minutes après je voyais cette femme dans une loge du balcon et je demeurais ébloui, fasciné….

— C’était LA FEMME D’OR ? interrogea Alban Ruel excessivement intéressé.

— C’était LA FEMME D’OR… cette femme dont je vous ai fait tantôt le portrait.

— Qu’est-il arrivé ensuite ? demanda Paul Lavoie non moins intéressé que son ami le reporter.

— Rien. Je me suis mis à ses trousses, j’essayai par tous les moyens de me trouver face à face avec elle, mais chaque fois que je croyais la tenir elle s’évaporait pour ainsi dire. Je la voyais ici, je la voyais là ; ce n’est plus moi qui filais, c’est elle qui semblait me donner la chasse. Si je la voyais dans sa loge et que je tentais de la surprendre, la loge était vide. Si je la voyais entrer chez elle, j’entrais après, et je trouvais la maison déserte. Avait-elle le pouvoir d’ouvrir les murailles ?… Et si, peu après, je pénétrais dans un lieu public quelconque — et j’en ai fait l’expérience — j’étais sûr d’y voir cette femme. Elle semblait posséder le don d’ubiquité, elle devenait mon cauchemar et j’en étais le jouet.

« Me voici maintenant à la date inoubliable : c’était le quinze de juin. Oh ! je n’oublierai de ma vie cette date qui demeure en mon souvenir un point ineffaçable. Depuis une huitaine de jours j’avais perdu de vue mon inconnue si mystérieuse. Et j’étais à ce point obsédé par le désir — un désir qui devenait une passion — de la revoir que, chaque soir, après souper, j’allais faire ma promenade dans ce quartier de la ville, au numéro 666 de la rue Ontario. Je revoyais toujours la même maison morne et sombre. Dans les jours précédents, Montréal avait étouffé sous les vagues d’une chaleur torride, et ce soir du quinze il y avait des signes d’orage dans le ciel noir. Je me dirigeai vers la rue Ontario en songeant que je pourrais, de là, me rendre au Parc Sohmer pour y finir la soirée. Au moment où, à quelques minutes du numéro 666, je passais devant une maison de rapport, je vis venir dans ma direction une jeune femme que je reconnus de suite à sa démarche…

— C’était Elle ? demanda le reporter.

— Oui. Ma première idée, sous la violente émotion qui m’assaillit, fut de me dérober. J’aperçus deux portes donnant de plain-pied sur le trottoir. J’essayai le bouton de l’une d’elles. La porte s’ouvrit. J’entrai pour me trouver au pied d’un escalier. Je refermai la porte et attendis. Peu après, par la vitre de la porte, je pus voir passer l’inconnue. Je remarquai qu’elle portait sous le bras gauche un colis dont je ne pus déterminer la nature ni l’exacte dimension. Qu’importe ! ceci n’avait pas d’importance. Allais-je la suivre encore ? Je réfléchis un moment. Me remettre à ses trousses, pensai-je, c’était risquer de me faire rouler à nouveau. Non, me dis-je aussitôt, j’ai mieux que cela cette fois : pénétrer dans la maison mystérieuse et y attendre bien tranquillement la maîtresse.


Le reporter se sentait emporté vers la passe…

Je quittai mon poste d’observation. Dehors, l’inconnue n’était plus visible. Je me dirigeai hâtivement vers le numéro 666 je fus assez surpris de trouver la porte d’entrée légèrement entrebâillée. Un instant j’hésitai. Je tendis l’oreille à l’intérieur de l’habitation. Un silence profond régnait. Je pénétrai dans la noirceur du hall et refermai la porte sur moi. J’eus tort de ne pas laisser cette porte telle que je l’avais trouvée, mais j’étais trop distrait et trop énervé. Je n’avais pas peur, mais en face de l’inconnu je demeurais peu rassuré. Dans le hall je demeurai immobile un moment et j’éprouvai alors une violente sensation : il me semblait que j’aspirais un parfum violent qui montait à ma tête. Je voulus agir, et, connaissant les aîtres, je me dirigeai vers la salle à manger. J’allais au travers d’un noir d’encre. Quand je pénétrai dans la salle à manger il me sembla respirer un parfum plus doux qui produisit sur mes sens un immense bien-être.

« À présent, me dis-je, il importe de dissimuler ma présence. De suite je me souvins qu’à ma droite se trouvait un large buffet posé dans l’angle même de la salle. Je pouvais facilement dérober ma présence derrière ce meuble, pourvu qu’il ne fut pas trop lourd et que je puisse le déplacer un peu et le tirer à moi ensuite. À tâtons toujours je trouvai le buffet, j’essayai mes muscles et je réussis à faire un espace suffisant pour me glisser derrière. Malheureusement je ne pus le remettre en place. Bah ! me dis-je, cela n’y paraîtra pas. J’attendis…

« Combien de temps ?…Je me le demande encore ; car l’heure ou les heures de cette attente m’ont paru s’écouler comme en rêve. Je sortis de ma torpeur sous l’éclat d’un coup de tonnerre. Un éclair sillonna peu après la noirceur qui m’environnait ; mais dans cette lueur fugitive… Ah ! mes amis, quand j’y pense je frémis encore !… Oui, dans cette lueur j’entrevis comme une silhouette humaine devant moi… comme une statue en or ou en bronze… immobile et souriante !

— C’était LA FEMME D’OR ? balbutia le reporter.

— Elle… toujours ! Pourtant, dans la seconde seulement que dura la clarté sinistre de l’éclair, le sourire que j’eus le temps de saisir sur les lèvres de l’inconnue fit courir un frisson sur ma nuque. Je commençais à sentir la peur figer mes sangs. Instinctivement je tendis les mains en avant pour reconnaître l’endroit de ma cachette. Où étais-je ?… Voyez d’ici mon étonnement ! je ne touchais plus le bois du meuble derrière lequel je m’étais glissé. Un nouvel éclair déchira l’obscurité — un de ces immenses éclairs qui, en une seconde, embrasent tout un ciel et toute une terre. Et cette seconde me suffit encore pour découvrir une chose qui me fit chanceler d’épouvante. Tout près de moi, si près que je pouvais y toucher de mes doigts, et devant mes yeux égarés, je venais de voir un cercueil… mais un cercueil rouge d’un rouge sanglant, et, agenouillée auprès de ce cercueil…

— LA FEMME D’OR ? bégaya le reporter excessivement ému.

— Elle-même. Le coup de tonnerre qui suivit me fit recouvrer comme par enchantement l’usage de mes sens et de ma volonté. Je saisis mon revolver et le braquai sur la vision fantastique.

— Holà ! criai-je… Mais la voix plus forte du tonnerre avait couvert ma voix.

« Qu’importe ! je laissai ma main armée tendue en attendant un nouvel éclair. Malgré ma résolution et mon courage, je tressaillis et fus envahi par un nouveau malaise. Dans le silence qui s’était fait après le coup de tonnerre, mon ouïe attentive fut frappée par le bruit d’une poitrine qui éclate sous la pression de sanglots… puis celui d’un ruissellement de larmes. J’écoutai, frémissant. Un troisième éclair perça la noirceur… la vision avait disparu. Seulement, dans la courte durée de cet éclair je pus voir que je n’étais pas derrière le buffet où je m’étais caché, mais au bout opposé de la salle à manger. Sans le savoir, sans m’en souvenir, j’avais abandonné mon lieu de refuge, et je me voyais tout à coup près de cet endroit de la salle à manger où, par deux fois, j’avais découvert une mare de sang. Je me sentis à nouveau repris par l’épouvante devant le terrible mystère qui m’enveloppait de toutes parts. Mais étais-je réellement éveillé ?… Certainement, puisque j’entendais à ce moment-là tout le chahut de l’orage au dehors. Le vent soufflait avec une violence telle qu’il semblait percer les murs et que je le sentais souffler dans mes cheveux. Je percevais la pluie battre contre les fenêtres comme des grêlons.

« À ce même moment je sentais en moi la folie irrésistible de revoir LA FEMME D’OR. Je décidai de faire de nouvelles recherches. Mais il fallait de la lumière ? Je savais qu’un beau lustre était suspendu au centre de la pièce. Si je pouvais trouver le bouton électrique ? J’avais des allumettes. Je frottai l’une d’elles. Mais à la même seconde je fus saisi par quatre bras vigoureux. De force on m’enfonça une poire d’angoisse dans la bouche, puis je fus ligoté, pieds et poings, soulevé, emporté. Puis je tombai… Il me semble bien que je tombai un siècle durant : la chute me parut interminable. Enfin, je touchai terre, ou plutôt je tombai sur quelque chose dont je ne pus déterminer la nature ; cela me parut dès l’abord un amas de matières quelconques qui, sous le poids de mon corps, craquèrent curieusement et crissèrent comme des os qui se brisent. Qu’était-ce ?

« Je n’eus pas le temps de résoudre ce problème. Une vive clarté jaillit tout à coup comme au travers d’une muraille. Je vis une cave, un sous-sol quelconque, mais je vis autre chose : le cercueil que j’avais vu là-haut ! Une autre chose acheva mon épouvante et mon horreur : je découvris que j’étais étendu sur un tas de squelettes. Et alors, comme si la muraille s’était ouverte devant moi, je vis apparaître une silhouette humaine, une silhouette qui flamboyait… c’était la FEMME D’OR ! Oui, elle était là, devant moi, radieuse et souriante. Mais son sourire, cette fois encore, me fit frissonner. Elle parla d’une voix à l’accent métallique… c’était comme une voix d’or.

Elle me dit :

— Jacques Audet, je t’aurais donné tout mon amour si tu avais su t’y prendre. Mais à cette heure, pour avoir tenté de pénétrer des secrets qui ne t’appartiennent pas, c’est ma haine que tu as recueillie !

« Elle fit un geste tragique.

« J’essayai de me soulever… je voulus parler… Un éclat de rire infernal retentit au-dessus de ma tête, et à la minute même l’obscurité se fit autour de moi. LA FEMME D’OR avait disparu. Alors, dans l’énorme silence qui suivit, je me posai ces questions brûlantes : où suis-je ? Que vais-je devenir ? Quelle était cette femme ? Comment me connaissait-elle… Je sentais mes cheveux tomber un à un sous l’horreur qui ne cessait de m’assiéger. Mais je n’étais pas au bout de mon supplice. Non… vous allez voir.

« Un brusque éclair troua la noirceur, un coup de tonnerre plus violent que les autres peut-être retentit. Et alors il me sembla que les fondations de la maison venaient de s’ouvrir, de s’écarter, de s’effondrer. En effet, une explosion épouvantable se produisit aussitôt, presque simultanément, je me sentis soulevé. Une clarté formidable m’environna, et dans cette clarté je vis passer LA FEMME D’OR… elle paraissait fuir dans une course affolée, désespérée. J’entendis des cris, des hurlements, des appels éperdus. Et j’étais toujours emporté sur mon nuage de lumière, et cette lumière me semblait des flammes ardentes qui me dévoraient.

« L’épouvante fut trop forte, je perdis connaissance. Le lendemain, mes amis, je me retrouvai sur une couche de l’Hôpital-Général.

— Ouf ! cria le reporter en essuyant son front moite.

— N’est-ce pas que c’est terrible ? demanda l’avocat en vidant son verre de vin.

— C’est incroyable ! déclara l’architecte dont tous les traits étaient livides.

— Mais LA FEMME D’OR ? interrogea Alban Ruel, n’as-tu jamais appris ce qu’elle était devenue ?

L’avocat n’eut pas le temps de répondre à cette question : car lui et ses deux compagnons venaient de se dresser avec effroi et stupeur ; car, par la porte ouverte de la pièce qu’ils occupaient et qui donnait sur un couloir qui conduisait d’un côté à un escalier communiquant avec les étages supérieurs, et, de l’autre, à une porte ouvrant sur la rue Saint-Dominique, oui, dans ce couloir une ombre humaine avait passé… une silhouette d’or, une ombre furtive et dorée, et les trois amis avaient murmuré, comme un écho perdu dans les espaces :

— LA FEMME D’OR !

Le premier, après le saisissement éprouvé, Alban Ruel s’était élancé vers le couloir. Ce couloir était désert. Audet et Lavoie l’avaient suivi. Dans l’escalier qu’on apercevait, personne.

Le reporter passa une main tremblante sur son front ruisselant et demanda :

— Est-ce que nous rêvons ?

— Non, répondit l’avocat d’une voix frissonnante, parce que LA FEMME D’OR existe encore, parce que nous l’avons vue ce soir AUX NOUVEAUTÉS, parce que nous venons de la revoir ici même !

— Mais alors, s’écria l’architecte, elle est dans cet hôtel ?

— Il n’y a rien d’impossible qu’elle y fût, dit l’avocat ; mais je suis sûr qu’elle ne s’y trouve plus !

— Pourquoi ? interrogea Alban Ruel.

— Parce que je sais cette femme insaisissable.

— Mais si nous fouillons l’hôtel ?

— Non… elle n’est pas femme à se jeter bêtement dans un piège !

— Mais cette femme est donc un phénomène ? s’écria le reporter.

— Ah ! se mit à rire l’avocat, je pense que tu commences à croire à l’existence de LA FEMME D’OR.

J’y crois, et veux-tu savoir une chose ?

— Voyons !

— Je vais à mon tour me mettre à la poursuite de cette femme.

— Pourquoi ? demanda tranquillement l’avocat.

— Pour te l’amener, ou pendue à mon cou et pantelante d’amour, ou pieds et poings liés comme un assassin.

— Et pour prouver quoi ?

— Que le reporter a du policier et du bon, et pour te prouver qu’il n’est en ce monde de mystère dont on ne puisse avoir la clef ! Car, cette clef, c’est ma réputation et la clef de mon avenir !

— Prends garde au panneau ! sourit Jacques Audet.

— Je vais m’y prendre de telle façon que je me moquerai joliment du panneau. Je veux cette femme, je l’aurai. Elle est jeune et belle, audacieuse, mystérieuse, et son amour doit être assez puissant pour faire l’éternel bonheur d’un homme ! Je veux en être aimé !

L’avocat se mit à rire.

— Ma foi, dit-il, c’est ton affaire, et je ne peux faire autrement que te souhaiter succès.

— Merci. Seulement, j’ai besoin d’un renseignement.

— Parle !

— La maison qu’habitait LA FEMME D’OR a été détruite par l’incendie, n’est-ce pas ?

— Oui, juste après l’explosion.

— Ce sont les pompiers qui t’ont arraché du brasier ?

L’avocat esquissa un sourire mystérieux.

— Non, dit-il. C’est une personne inconnue qui m’a remis aux soins des pompiers.

— Tu n’as jamais su quelle était cette personne inconnue ?

— Non. Mais les pompiers m’ont déclaré que c’était une belle jeune femme qui a disparu de suite.

— Alors, ce serait ni plus ni moins ta FEMME D’OR ?

— Je l’ai pensé. Cependant j’avais des doutes sérieux, parce que, en fouillant les décombres de la cave, des terrassiers ont trouvé une quantité d’os calcinés… des os humains.

— Il y avait les squelettes, t’en souviens-tu ?

— Oui, c’est vrai. Mais aujourd’hui que j’ai revu cette femme mystérieuse, je crois qu’elle n’a pas péri dans l’incendie.

— En ce cas puisqu’elle existe, s’écria Alban Ruel avec orgueil, cette femme est à moi ! Vidons, mes amis, une autre bouteille, avant de se jeter dans l’aventure !

Il éclata de rire.

L’instant d’après le garçon de nuit apportait une troisième bouteille de vin.

— À la santé de la FEMME D’OR dit l’architecte en levant son verre.

— Oui… à LA FEMME D’OR répliqua le reporter.

Dix minutes plus tard les trois amis s’étaient séparés.

FIN DU PROLOGUE