La fable de Prométhée



DE LA FABLE
DE PROMÉTHÉE
CONSIDÉRÉE


DANS SES RAPPORTS AVEC LE CHRISTIANISME.[1]

Si la conception d’un ouvrage d’art est, en quelque sorte, indépendante de la volonté de l’auteur, il ne s’ensuit pas que le statuaire, le peintre, le musicien, le poète, soient condamnés à ignorer à jamais les principes auxquels ils se sont conformés, souvent à leur insu. Quand leur œuvre est achevée, la réflexion ne peut-elle se montrer chez eux après l’inspiration ? Dans les affections de l’ame les plus involontaires, il arrive un moment où, après y avoir cédé, on est libre de les examiner pour les condamner ou pour les absoudre ; pourquoi ce qui est possible dans les passions du cœur ne le serait-il pas dans les passions de l’intelligence ?

Si c’est le contraire qui est vrai, je dois ici justifier d’abord le titre de ce poème. Dans un temps où les sujets tirés de l’antiquité sont livrés à un discrédit presque universel, comment oser représenter à des lecteurs sensés les dieux usés de l’Olympe ? N’est-ce pas se condamner soi-même, et par plaisir, à un juste abandon ? Je pourrais dire à cet égard que la connaissance des sociétés anciennes ayant été transformée par diverses découvertes, ou par des interprétations plus profondes, c’est, en quelque sorte, une antiquité nouvelle qui s’offre à l’imagination des hommes de nos jours. Le passé s’agrandit sans mesure. Toutes les histoires sont refaites ; tous les siècles sont étudiés ou restaurés. Pendant ce temps-là, faut-il que la poésie, obéissant seule à un instinct contraire, circonscrive de plus en plus son objet ? La figure de l’humanité, qui se complète et s’accroît chaque jour dans l’histoire, ne doit-elle se montrer dans l’art que par fragmens ? Supposez que nous nous fermions l’école de l’antiquité au moment même où nous aurions peut-être le plus besoin d’y puiser quelque règle certaine, la même interdiction menace de bien près les souvenirs du moyen-âge. Après le moyen-âge, j’ai vu le xviie siècle et le xviiie répudiés l’un après l’un par des raisons semblables. Dans cette voie, où s’arrêter ? D’exclusion en exclusion, nos sympathies se trouveraient bientôt bornées à l’heure présente ; et sans aliment, sans espace pour se développer, obligé de se consumer sur d’imperceptibles objets, l’art ne manquerait pas de s’éteindre et de périr dans le vide. C’est la voie opposée, que toutes les inductions nous conseillent de suivre. Placé comme au dénouement des traditions universelles, lié par des rapports connus avec tous les temps de l’histoire, l’homme de nos jours tient, pour ainsi dire, dans sa main, la trame entière du passé ; au lieu de se diminuer volontairement et de se renfermer dans un passé d’un jour, il faut donc travailler à s’étendre et à s’accroître avec la tradition. Les temps ne sont plus divisés par des autels intolérans. L’unité de la civilisation est devenue un des dogmes du monde. Un seul Dieu, présent dans chaque moment de l’histoire, rassemble en une même famille les peuples frères que des années rapides séparent seulement les uns des autres : ceci établi, n’est-ce pas le temps de répéter avec plus de foi que jamais le mot du théâtre romain :

Je suis homme ; rien d’humain ne me semble étranger.

Cette raison est générale ; il en est une autre particulière au sujet de ce poème. S’il est, en effet, permis aux modernes de traiter des sujets antiques, assurément c’est lorsque ces sujets n’ont trouvé d’explication et de dénouement véritable que dans les révolutions et dans le génie des sociétés modernes. Or, il en est plusieurs de ce genre. Prométhée est le plus frappant de tous. Il suffit de se rappeler les principaux traits de la tradition du Caucase ; on se convaincra que c’est là une des énigmes de la poésie païenne, qui n’ont été résolues que par l’esprit du christianisme.

Prométhée s’est révolté contre le pouvoir des dieux établis ; il a créé l’humanité malgré eux ; il leur a dérobé le feu sacré. Les divinités païennes l’enchaînent sans le soumettre. Sur le Caucase, il prophétise leur chute ; il attend le Dieu nouveau qui, en les renversant, viendra le délivrer. D’autre part, au nom du culte menacé, Jupiter fait serment que le blasphémateur restera à jamais enchaîné sur le rocher. Entre ces sermens opposés, entre le prophète de l’avenir et le Dieu du passé, quelle conciliation présentait le paganisme ? Aucune. Tant que la famille des Olympiens n’est point renversée, d’où peut venir le salut de celui qui la renie ? Il faudrait, pour la délivrance de Prométhée, qu’il abjurât sa prophétie, ou que Jupiter démentît sa divinité, c’est-à-dire que l’un ou l’autre de ces caractères cessât d’être ce qu’il est en effet. Tant que le Dieu nouveau ne paraît pas, le supplice du Caucase n’a aucune raison de finir ; le Christ, en détruisant Jupiter, est le seul rédempteur possible de Prométhée.

Entraînés par la nécessité de clore la tradition, les anciens avaient pourtant délivré le Titan. Eschyle, Sophocle, et probablement Euripide, avaient chacun tiré un drame de ce sujet. Personne ne doutera que le génie de ces grands maîtres ne fût empreint dans ces ouvrages. Ils maîtrisèrent, par la volonté, les contradictions qui naissaient en foule du fond même de la fable. D’une tragédie insoluble dans le système du paganisme, ils firent sortir des prodiges d’art. Mais ces prodiges même ne changèrent point la nature des choses. Le poète triompha du sujet ; le sujet resta ce qu’il était, incomplet, énigmatique ; encore pourrait-on croire que les dénouemens inventés par ces grands hommes n’égalèrent ni la beauté, ni le naturel de leurs autres drames, puisque non-seulement la postérité ne les a pas conservés, mais que les critiques et les scholiastes y ont fait de si rares allusions. Strabon a conservé une vingtaine de vers de la pièce d’Eschyle ; il n’en reste aucun de celle de Sophocle ni de celle d’Euripide.

Veut-on voir de plus près la difficulté que j’indique ici ? il faut considérer les bas-reliefs dans lesquels cette partie du sujet est traitée. Prométhée est, en effet, délivré par Hercule ; mais ce Prométhée, repentant, découragé, qui se dément lui-même, conserve éternellement aux pieds et aux mains un fragment de la pierre du Caucase. Par cet expédient, on allait au-devant de toutes les contradictions. Le serment de Jupiter n’était-il pas maintenu à la lettre ? Le Titan avait beau reparaître dans le ciel, il n’était point délié du rocher dont il traînait un fragment avec lui. Ce sophisme transporté dans l’art, contrairement à la simplicité du génie grec, n’est-il pas la preuve la plus évidente de l’impossibilité où le paganisme était de trouver un dénouement sérieux à son poème ?

Au contraire, en complétant par le christianisme la tradition de Prométhée, on se conforme à la suite naturelle des révolutions religieuses ; on achève cette tragédie divine d’après le plan même qui a été marqué dans l’histoire par la Providence, et suivi, en effet, par l’humanité. Le poème devient ainsi l’image de la réalité même. D’ailleurs, on se rencontre dans cette idée avec l’imagination de plusieurs pères de l’église. Long-temps avant moi, un ancien commentateur d’Eschyle, l’Anglais Stanley, a remarqué que les fondateurs du christianisme se sont attachés à interpréter de cette manière la figure de Prométhée. Malgré l’horreur que le paganisme leur inspirait, ils n’ont pas laissé d’associer cette tradition à l’idée des mystères les plus sacrés des Écritures. Souvent ils ont comparé le supplice du Caucase à la passion du Calvaire, faisant ainsi de Prométhée un Christ avant le Christ. Parmi ces autorités, celle de Tertullien est surtout frappante. Deux fois, en annonçant aux gentils le Dieu des martyrs, il s’écrie : Voici le véritable Prométhée, le Dieu tout-puissant, transpercé par le blasphème : Verus Prometheus, Deus omnipotens, blasphemiis lancinatur. Ailleurs, et conformément à la même idée, il parle des croix du Caucase : Crucibus Caucasorum. Quoique exprimé en d’autres termes, le sentiment des apologistes grecs et latins est le même que celui de l’Africain. Il n’est peut-être pas inutile de dire que le principal bas-relief de Prométhée a été retrouvé dans les caveaux d’une église, parmi des tombes d’évêques et des sculptures catholiques, avec lesquelles il était confondu depuis plusieurs siècles ; mais, sans attacher à cette circonstance plus d’importance qu’elle n’en mérite, les témoignages indiqués ci-dessus suffiraient pour montrer que l’alliance que j’ai établie entre la fable antique et les idées chrétiennes n’est pas un artifice de la fantaisie moderne ; qu’elle repose, au contraire, sur une sorte de tradition, et, j’ose le dire, sur la nature intime des choses

Pour s’en mieux convaincre, on pourrait rechercher les vestiges du christianisme avant le Christ. Ce serait même là le sujet d’un ouvrage bien digne d’être entrepris de nos jours ; on serait étonné de voir combien de prophéties chrétiennes émanaient de tout le monde païen long-temps avant l’Évangile. Depuis long-temps les ressemblances des philosophes grecs avec les apôtres, du Phédon et de saint Jean, ont été remarquées ; il resterait à montrer le même accord dans l’art et dans la poésie. Ces pressentimens ne se montrèrent nulle part mieux que chez les tragiques. L’art antique n’ayant pu accepter tout entier le dogme de la fatalité, le chœur resta dans le drame comme une protestation perpétuelle contre le destin et les violences de la scène. Les droits éternels de la justice, de la liberté, de la sainteté, de la conscience, furent conservés dans sa bouche. Aussi, lorsqu’on lit assidûment ces poètes, on est de plus en plus ravi des sentimens de sainteté qu’ils contiennent en abondance. Véritablement, le Jupiter que Sophocle adore n’est plus le même que celui d’Homère, mais plutôt, comme disaient les pères de l’église, un Jupiter chrétien, Jovem christianum. Dans les deux Œdipes quelle piété auguste ! quel spiritualisme ailé ! Nous voilà déjà bien loin de l’enivrement de l’idolâtrie ! Surtout quelle charité véhémente au sein de laquelle le dogme de l’amour, révélé par saint Jean, semble toujours près d’éclore ! Lorsque Antigone invoque ces lois immuables qu’aucune main n’a écrites, que les dieux n’ont point faites, qui sont plus fortes que le destin, plus puissantes que Jupiter, n’est-ce pas là une parole de l’éternel Évangile ? et ne dirait-on pas d’une vierge martyre et baptisée dans les sources inconnues du monde naissant ? Or, cette observation ne s’applique pas seulement à Sophocle ; elle est aussi très vraie pour ce qui regarde Eschyle, et même Euripide, malgré les différences infinies qui, d’ailleurs, les séparent ; le premier à demi oriental, et qui rappelle dans ses chœurs la langue d’Isaïe ; le second, qui se rapproche du génie des modernes par les mêmes symptômes de défaillance morale et de langueur passionnée. Je n’ai rien dit de Pindare, quoique, sous l’apparente idolâtrie de l’art et de la parole, il jette peut-être les éclairs les plus extraordinaires et les plus divins oracles. Au cœur du paganisme se perpétue ainsi la révélation d’un même avenir, et tous ces esprits précurseurs se rencontrent dans la tradition universelle du Dieu de l’humanité. Il semble même que les Pères aient eu un sentiment vague de ce progrès continu de la religion, lorsqu’ils répétaient aux païens ce mot profond dont il m’est impossible de faire passer la force dans notre langue : Nous avons été des vôtres. On ne naît pas chrétien, on le devient. De vestris fuimus. Fiunt, non nascuntur christiani. Je ne puis croire que considérer ainsi le christianisme, ce soit le méconnaître. Au lieu de le rencontrer isolé, et sur un point unique de la terre, on le voit par degrés surgir du sein de tous les cultes. Son Dieu n’est plus la propriété d’une tribu, mais l’héritage du monde. Partout où s’établit une société, il y compte des envoyés et des représentans ; chaque empire est son prophète ; chaque peuple écrit une page de son ancien testament ; et c’est dans ce sens qu’il peut justement et éternellement s’appeler le Dieu universel ou catholique.

Cette unité du dogme de l’humanité explique aussi pourquoi les premiers chrétiens ont compté quelques poètes païens au nombre des précurseurs de l’Évangile. Orphée, Virgile, ont passé au moyen-âge pour de véritables prophètes. On sait par quels changemens les sibylles sont devenues des personnages tout chrétiens, et comment Michel-Ange a pu les introniser dans la chapelle de la papauté. Pendant les premiers siècles de l’église, que de fois les oracles profanes n’ont-il pas été appliqués au Dieu nouveau ! Témoin David et la Sibylle, ces paroles du dies iræ font encore aujourd’hui partie de la liturgie catholique. Dans un des hymnes de saint Bernard, on trouve ces mots non moins expressifs : Si les Juifs ne croient pas leurs prophètes, qu’ils croient du moins les prédictions de la sibylle ! Étendez et réglez la pensée vague du moyen-âge ; Pindare, Eschyle, Sophocle, enfans du Dieu de l’humanité, seront reconnus pour frères d’Isaïe, de Daniel et d’Ézéchiel.

Dans ce sens, Prométhée est le prophète du Christ au sein de l’antiquité grecque. Le Dieu que les voyans hébreux annonçaient à l’Orient, il le prédisait à l’Occident. Le même christianisme qui devait plus tard se développer par l’alliance de l’Évangile et de Platon, se révèle d’abord dans la haute antiquité par la bouche des prophètes et par celle de Prométhée ; le Titan se rencontre ici avec les patriarches.

Prométhée est la figure de l’humanité religieuse. Mais il n’a pas seulement ce caractère historique ; il renferme le drame intérieur de Dieu et de l’homme, de la foi et du doute, du créateur et de la créature ; et c’est par là que cette tradition s’applique à tous les temps, et que ce drame divin ne finira jamais. On a beau échapper aux pensées qu’il contient ; sous une forme ou sous une autre, elles reviennent incessamment, et sont, pour ainsi dire, l’élément éternellement subsistant de toute poésie. Quelles que soient les occupations d’un siècle, l’ardeur des intérêts du présent, le conflit des doctrines, la collision et la fureur des partis, on finit toujours par arriver à l’heure où il faut se rencontrer face à face avec Dieu. Alors les anciennes questions, dont on se croyait pour jamais débarrassé, résonnent de nouveau : Qui es-tu ? Que crois-tu ? Qu’attends-tu ? En vain on en détourne son oreille, elles ne cessent point de retentir, qu’on n’y ait fait une réponse.

Combien cela n’est pas plus frappant si vous appartenez à l’une de ces époques où la religion subit, dans les esprits, un incontestable changement ! C’est alors que se réveillent les grandes énigmes posées par les sociétés précédentes, et qui n’ont point encore été résolues. Dans l’ignorance où chacun se sent tout à coup replongé, ces antiques emblèmes de la curiosité de l’ame humaine semblent faits tout exprès pour le temps où vous vivez. La différence fondamentale qui sépare les âges de l’humanité ayant disparu avec la foi positive, tous les siècles se trouvent subitement rapprochés dans une même communauté de doutes et d’angoisses morales ; il n’y a plus ni Grecs, ni barbares, ni gentils, ni chrétiens, ni anciens, ni modernes, mais une même société d’hommes réunis autour d’un même abîme, et qui se font les uns aux autres la même question presque dans les mêmes termes.

Les Grecs avaient, il semble, emprunté de l’Orient la tradition de Prométhée. Au sortir du moyen-âge, cette tradition a été traitée par Calderon. De nos jours, elle a préoccupé à des degrés différens Gœthe, Beethoven, Byron et Shelley. Chacun de ces poètes a pu être original à sa manière ; ce sujet étant du petit nombre de ceux qui, enfermant, dès le commencement, toutes les questions qui se rattachent à l’homme, ne peuvent, en quelque sorte, être épuisés que par l’humanité même.

Si Prométhée, comme l’indique son nom, est l’éternel prophète, il s’ensuit que chaque âge de l’humanité peut mettre de nouveaux oracles dans la bouche du Titan. Peut-être même n’est-il aucun personnage qui se prête davantage à l’expression des sentimens d’attente, de curiosité, d’espérances prématurées et mêlées de regrets, dans lesquels notre temps est enchaîné. Je remarque, à cet égard, que toutes les fois que le poète, le sculpteur, le peintre, ont exprimé ce que l’on appelle aujourd’hui des pensées d’avenir, ils ont dû se servir pour cela des formes et des figures du passé. En soi, l’avenir est une abstraction sans corps, sans forme, et qui n’existe nulle part. Sitôt qu’il devient une réalité, il se convertit en un présent qui a lui-même un passé. Exiger du poète qu’il forme seul, et de sa propre substance, le monde de l’avenir sans aucun des débris d’un monde antérieur, ce serait vouloir mettre la métaphysique à la place de la poésie ou la prophétie à la place de l’art. Autant vaudrait demander une statue sans marbre, un tableau sans toile, un édifice sans matière. Lorsque Virgile a raconté les destinées de la Rome des empereurs, il a gravé sa prophétie sur le bouclier antique d’Énée. De la même manière, quand Fénelon a voulu donner une forme aux rêves à travers lesquels il entrevoyait la société de l’avenir, il a rejeté ces rêves dans la civilisation de Salente. J’en pourrais dire autant de tous les artistes, peintres, sculpteurs, poètes, chez qui on ne trouve jamais l’avenir que recélé et emprisonné dans les liens du passé, ainsi que cela arrive, en effet, dans la nature et dans le monde réel. Imaginer que la poésie puisse se séparer entièrement de toute tradition, de tout souvenir, de toute matière, et se soutenir ainsi suspendue dans le vide, ce serait méconnaître la première condition, non seulement de l’art, mais de la vie elle-même.

Si les sociétés, en effet, se transforment l’une après l’autre, elles s’annoncent aussi et se prédisent, pour ainsi parler, l’une l’autre ; chacune d’elles étant, à quelques égards, l’ébauche de celle qui la suit. La nature modèle les formes du genre humain, comme un sculpteur Elle prépare de loin et d’une manière continue les accidens les plus heurtés ; elle lie toutes les parties de ce grand corps ; les peuples aux peuples, les empires aux empires, les dogmes aux dogmes, les traditions aux traditions, comme elle unit les veines aux veines, les muscles aux muscles dans un corps organisé. C’est par cet artifice qu’elle réussit à faire, de tant de parties séparées par l’espace et par le temps, un même tout, qui porte un même nom, humanité, et qui, toujours se développant et changeant, reste néanmoins un seul et même être. Or, ce travail continu de la nature sur l’humanité est celui que les poètes de nos jours doivent en partie se proposer de reproduire ; car cette figure du genre humain, tout ancienne qu’elle est, n’a pourtant été découverte en quelque sorte et pleinement manifestée que par les modernes.

Voilà pourquoi, imiter les anciens sans rien ajouter, ni rien retrancher, est une œuvre qu’aucun moderne ne peut désormais se proposer. Les ouvrages des Grecs resteront à jamais le type et la mesure infaillible du beau ; mais se condamner pour cela à jouter avec ces lutteurs invincibles, sans profiter des développemens de la civilisation et du christianisme, cette idée n’entrera jamais dans l’esprit d’un homme qui aura la moindre pratique des arts. Ce serait vouloir combattre à nu avec les héros d’Homère, armés du ceste et du bouclier divin. Je suppose même que l’on vînt à bout de copier littéralement les lignes et les formes de l’antiquité, ne manquerait-il pas toujours à cet art la première condition de la beauté, c’est-à-dire la vie ? Mort en naissant, sans rapport avec aucun des élémens du monde réel, il appartiendrait à la classe des monstres. Au contraire, pour qu’une œuvre fondée sur la tradition de l’antiquité soit vivante, il est nécessaire qu’elle pénètre d’un esprit nouveau, et pour ainsi dire d’une ame nouvelle, les formes éternellement belles d’où l’esprit de l’humanité s’est retiré. C’est dans ce sens seulement que l’artiste imitera véritablement la nature, car elle aussi, poète par excellence, ne tire rien de rien ; mais, dans chacune de ses créations, elle se conforme à un type ancien, qu’elle anime d’une nouvelle vie. Elle travaille sur cet ancien modèle ; elle le développe, elle l’accroît, elle le modifie au dedans et au dehors. À la fin, elle en tire de nouvelles organisations, dans lesquelles un œil exercé découvre seul le type qui a servi de point de départ. Tel est aussi le procédé de l’art, soit qu’en cela il imite en effet la nature ou plutôt qu’il soit une partie supérieure de la nature elle-même.

La littérature tout entière des modernes n’est que la confirmation de ce qui précède. Dante, Calderon, Fénelon, Racine, Milton, Camoëns, pour ne parler que des morts, ont surabondamment prouvé avec quelle facilité les sujets de la haute antiquité grecque se laissent interpréter et pénétrer par le génie de l’ancien et du nouveau Testament. Raphaël, que l’on a dit avec tant de raison être fils d’un ange et d’une muse, offre en foule des preuves plus frappantes encore de cette alliance. Quant aux créations les plus inexplicables de Michel Ange, je n’avance rien qui ne puisse être montré du doigt, en disant que ce sont, pour le plus grand nombre, des types de la statuaire païenne, agrandis par l’esprit de la Bible, Platon interprété par les prophètes. De là, il semble que, ramener les sujets de la haute antiquité aux traditions vitales du christianisme, ce soit rattacher à une souche commune les rameaux qui en ont été détachés par le temps.

De plus, si dans l’antiquité grecque il y avait des germes de christianisme, il resta au sein du christianisme un bien plus grand nombre de débris et de souvenirs du monde païen. Les dieux ne tombèrent pas en un moment. Chassés de l’Olympe, ils obsédèrent long-temps encore la pensée des peuples. Sous la forme de démons, ils remplirent les imaginations encore à moitié profanes des solitaires. En montrant comme existant à la fois les dieux antiques sous cette forme dégradée et le christianisme naissant, je n’ai fait que me conformer à des faits très réels.

Les remarques précédentes n’ont eu pour objet que les bienséances de la poésie. En les approfondissant davantage, on trouve une difficulté bien autrement grande, qui m’a préoccupé dans tout le cours de ce poème, et devant laquelle on ne peut reculer. Quel est le rapport de l’art et de la religion ? Ne sont-ils, au fond, qu’une seule et même chose ? Concourent-ils au même objet ? Ou, s’il en est autrement, en quoi diffèrent-ils ? Par où se contredisent-ils ? Jusqu’où peut s’étendre sans impiété le mélange du profane et du sacré ? Cette question est renfermée dans presque tout ce qui a été indiqué plus haut.

Pour y répondre, je ne dirai point que l’art est fait pour l’art ; ce serait dire que le moyen a pour but le moyen. L’art a pour but le beau, que l’on a appelé la splendeur du vrai. Cependant, l’art n’est point l’orthodoxie, ni le drame ni l’épopée ne sont le culte ; le poète n’est pas le prêtre. Loin de là, en choisissant à son gré les élémens du dogme qu’il peut s’approprier, en rejetant les parties qu’il désespère d’assouplir, c’est-à-dire en exerçant sa critique sur les formes du culte, l’art commence le premier à altérer les traditions du sacerdoce. Aussi je ne suis point surpris que Platon ait exclu les poètes de sa république immuable. Je retrouve les mêmes sentimens dans saint Augustin, dans Pascal et dans Racine, vers la fin de sa vie. Ces hommes, d’une sincérité parfaite, n’ont pu manquer de voir que c’est par l’art que se modifient d’abord les choses anciennes ; car ces sortes de changemens sont d’autant plus irrésistibles, qu’ils sont presque toujours joints à un sentiment vrai d’adoration pour l’objet même que l’on transforme. Homère, qui nous semble aujourd’hui si crédule, a pourtant bouleversé de fond en comble le système religieux de la Grèce primitive. Combien d’hérésies ne découvrirait-on pas chez les tragiques, par qui surtout s’est opérée la transformation du génie antique ? Où est le symbole qu’ils n’aient changé ? Où est la tradition qu’ils aient respectée ? Venus après Homère, ils ont altéré la religion d’Homère. Que d’impiété dans le seul Philoctète de Sophocle ! Je ne parle pas du Prométhée et des Euménides, où la révolte est flagrante. Le culte, à véritablement parler, ne semble plus, pour ces hommes, qu’une dépendance de l’art, un recueil ; de thèmes poétiques, qu’ils détournent sans scrupule du sens établi, « n’épargnant, comme le dit si bien La Fontaine, ni histoire ni fable où il s’agit de la bienséance et des règles du dramatique. » Conçoit-on le changement qui se fit le jour où le poète se permit de traiter à son gré, c’est-à-dire d’arranger, d’interpréter, de changer, d’étendre arbitrairement le sens des traditions consacrées ? Pour moi, il me semble que, lorsque telle chose arriva, la révolution religieuse était déjà plus qu’à demi consommée. Je ne m’étonne point que le vieil Eschyle ait été traduit devant un tribunal pour se justifier de ses sacriléges ; mais ce qui me surprend, c’est qu’il ait été absous. Les lyriques grecs qui nous sont connus méritaient d’ailleurs la même accusation. Évidemment Pindare ne cherche dans l’Olympe que des emblèmes de morale, et partout il tranche le dogme dans le vif, pour en faire sortir sa philosophie hautaine. Pense-t-on qu’Anacréon fût orthodoxe quand il égalait la joyeuse, la belle, la mélodieuse cigale aux grands dieux de l’Ida ? Et Platon lui-même, quelle était sa croyance au moment où il faisait dire à l’un des interlocuteurs de Socrate : « Je jurerai par un des dieux, ou, si tu l’aimes mieux, par ce platane ? » Que dirai-je de la poésie latine, qui naquit avec Lucrèce dans l’athéisme, et finit avec Juvénal par la satire de tous les cultes ? Que l’on me montre, dans tout cet intervalle, un seul poète qui ait eu la foi rigide du sacerdoce. Ce ne sera ni le philosophe Virgile, ni le sceptique Horace.

Que conclurai-je de tout cela ? Une seule chose : que l’immutabilité du dogme ne se trouve point dans l’art. Ce dernier corrige, embellit, accroît, divinise son objet ; il peut tout, excepté se borner à une servile représentation. Voulez-vous donc vous attacher d’une manière inébranlable à la foi de vos pères ? défiez-vous du culte des statuaires, des peintres, en un mot, de tous ceux qui, sous l’apparence d’une imitation parfaitement fidèle, ne font, en définitive, que s’éloigner de plus en plus et irrévocablement de l’objet représenté ; les plus religieux vous entraînent à leur insu vers des formes différentes des anciennes. Quand ils croient adorer comme vous et dans les mêmes termes, ils développent, ils agrandissent, ils accroissent, en effet, le dogme qui vous est commun avec eux. Vous prononcez ensemble les mêmes paroles, il est vrai ; mais que le sens en est différent dans votre bouche et dans la leur ! Nourris de la foi des ancêtres, vous possédez, avec le repos du cœur et de l’intelligence l’harmonie dont l’art humain le plus accompli n’est qu’un écho affaibli et égaré. Gardez-vous donc de vous endormir dans la foi agitée des poètes ; vous pourriez vous réveiller dans le désespoir.

Que si j’étais, pour mon compte, assez heureux pour avoir conservé, sans aucun mélange de réflexion, la foi que j’ai reçue en naissant, tenez pour assuré que, sur un tel sujet, je ne composerais pas de poèmes, je ne sculpterais point de statues, je ne peindrais point de tableaux ; car je saurais trop que je ne puis faire aucune de ces choses, sans altérer le divin modèle vers lequel j’oserais à peine tourner mes yeux.

Malheur à celui qui, trompé par les artifices d’une parole cadencée, ou d’un tableau, ou d’une musique éclatante, croit posséder dans ce fantôme le Dieu immuable de ses pères ; je le préviens qu’il rencontrera, dans cet amusement, d’intolérables mécomptes.

En vain a-t-on prétendu, de nos jours, qu’une religion ne peut fournir de matière à l’art, si ce n’est dans les temps où cette religion exerce sur les esprits une autorité absolue ; je trouve cette maxime démentie aussi bien par la nature des choses que par l’expérience de l’histoire. Un peu plus haut, je me suis appuyé sur le témoignage des anciens. Chez les modernes, tous les arts ont éclaté en même temps que le protestantisme a fait divorce avec l’église. N’oubliez pas que Raphaël est contemporain de Luther.

J’ai supposé que votre foi n’avait souffert aucune atteinte ; et j’ai dit que, dans ce cas, l’art n’avait rien à vous enseigner Je suppose maintenant tout le contraire, c’est-à-dire que l’esprit du siècle a ébranlé en vous la confiance dans l’autorité du passé ; que le vide que l’on sent aujourd’hui en toutes choses s’est étendu jusqu’à vous ; et je dis que cette poésie, que je tenais tout à l’heure pour malfaisante, devient pour vous le premier pas vers la guérison et la croyance.

En effet, si la poésie transforme son objet, elle ne peut détruire qu’elle n’élève en même temps. Le même Euripide, qu’Aristophane accusait avec justice d’impiété au point de vue du dogme païen, nous semble aujourd’hui être un des devanciers du christianisme, et donne la main à l’auteur d’Athalie et d’Esther. L’homme, quoi qu’il fasse, est tellement imbu de l’esprit saint, qu’il n’a, en quelque sorte, qu’un seul moyen de s’en dépouiller ; et ce moyen est de déguiser son doute sous le masque de la foi. Au contraire, il est visible qu’il y a quelque chose de Dieu dans toute pensée sincère de l’homme. N’y a-t-il rien de religieux dans l’ame qui s’élance à la recherche de l’idole perdue ou inconnue ? Et celui qui fouille son cœur pour en connaître la misère, n’est-il pas plus près de la guérison que celui qui s’endort tranquillement dans l’illusion et la tiédeur ?

Si donc c’est être impie de penser que le christianisme du xixe siècle est différent du christianisme du xiie, alors, pour ma part, je mérite l’accusation dont mon obscurité ne m’a pas toujours défendu. Si, au contraire, c’est être religieux de reconnaître en chaque chose la présence de l’infini ; si c’est être croyant de garder le culte des morts et la foi dans l’éternelle résurrection, si c’est être ami de Dieu, de le chercher, de l’appeler, de le reconnaître sous chaque forme du monde visible et invisible, c’est-à-dire dans chaque moment de l’histoire, et dans chaque lieu de la nature, sans toutefois le confondre ni avec l’une ni avec l’autre de ces choses, alors celui qui écrit ces lignes est tout le contraire de l’impie.

Je ne nierai pas, cependant, qu’en Europe des voix nombreuses ne s’élèvent contre le mouvement général que la pensée reçoit de l’impulsion de la France ; alarmés par ces clameurs, faut-il revenir sur nos pas et nous renier nous-mêmes ? Ce retour ne serait plus possible, supposé même qu’il fallût le désirer. La France ressemble aux Israélites marchant dans le désert. Nous sommes égarés, si vous le voulez. Il est vrai aussi que nous avons laissé en arrière plusieurs idoles chéries. Maint peuple dit de nous : Où vont-ils ? Ils ont perdu la voie. Mais pourtant, dans ce désert de l’égarement, chaque pas nous rapproche de la terre promise.

D’ailleurs, si le repos nous manque autant qu’on le prétend, ce n’est pas nous qui l’avons ôté du monde. Je remarque que le genre humain n’a connu de véritable paix qu’au sein de la civilisation grecque. Alors, sans inquiétude sur sa propre fragilité, satisfait de sa condition sur la terre, l’homme aimait, idolâtrait la vie ; mais que ce moment fut court ! La civilisation des Romains n’est déjà qu’agitation et discorde, la guerre entre les patriciens et les plébéiens ayant commencé chez eux. Ce fut bien pis quand le christianisme vint à paraître. Depuis ce jour, saisi d’ambitions infinies, méprisant le monde comme indigne de ses regards, l’homme s’est hâté sans relâche vers un but invisible. Vous nous reprochez notre inquiétude : hélas ! voilà plus de deux mille ans que le genre humain ne s’est assis nulle part.

Nous sommes ici, non pour nous reposer et nous réjouir dans la tranquille possession de la foi du passé, mais pour nous encourager les uns les autres à la recherche et à la possession de l’Éternel, qui est passé, présent et avenir tout ensemble.

Assez de voix, d’ailleurs, nous crient que l’art est désormais sans objet, que personne n’en veut plus, que d’autres intérêts lui ont pour jamais succédé Dans cette lutte d’un seul contre tous, pressé à la fois par les croyans et par les sceptiques, ne trouvant, autour de lui, qu’entraves et difficultés renaissantes, faut-il que l’artiste se soumette sans réserve à la merci du plus grand nombre ? Tel n’est point mon avis. De même qu’aux époques du moyen-âge les plus ennemies de l’intelligence, certaines pensées de salut se sont conservées dans les solitudes incultes des anachorètes et sur des monts escarpés, de même, aujourd’hui, il n’est peut-être pas inutile que les traditions de quelques dogmes sacrés (sans lesquels nulle civilisation n’est possible), se conservent à l’écart dans un petit nombre d’ames inconnues ou reniées : poètes, philosophes, prêtres, artistes, rêveurs, qu’importe leur nom.

Après avoir été successivement théocratique, aristocratique, monarchique, si l’art se faisait aujourd’hui le précurseur de l’unité sociale à laquelle sont conviées toutes les démocraties modernes ; sans se laisser aveugler par l’esprit de système, si l’artiste, fidèle toutefois aux traditions et au génie de son pays, étendait ces traditions et ce génie de telle sorte qu’ils devinssent l’expression non d’un homme, mais d’un peuple ; non d’un peuple, mais de tous les contemporains ; non d’un moment de l’histoire, mais de tous les âges de l’humanité ; croit-on que cette carrière, ouverte, au reste, à nos descendans, fût stérile ou indigne d’occuper les loisirs d’un homme de nos jours ?

S’il est des formes à travers lesquelles l’avenir se laisse déjà pénétrer, il est aussi un grand nombre de pensées abandonnées qu’il convient de rappeler. Le dogme de la fatalité l’emporte, au moment où l’on écrit ces lignes ; qui le nie ? Il domine dans la métaphysique, dans la morale, surtout dans les actions humaines. Qui ne croirait que sa victoire est consommée et que c’en est fait pour jamais de cette vieille cause de la liberté morale pour laquelle tant de noble sang a été répandu, et qui a maintenu pendant tant de siècles en haleine la dignité et la grandeur du monde ? Et pourtant un jour viendra où ces doctrines sacrées reparaîtront. Brisant les liens de la corruption, l’homme recouvrera sa conscience et son libre arbitre ; Prométhée enchaîné sera délivré : c’est du moins là un des dogmes de la religion des poètes.

Je ne puis m’empêcher de croire aussi que l’on s’est trop hâté de considérer le juste, le beau, le saint, comme choses surannées et dûment ensevelies. Quoique aussi vieilles que le monde, ces théories ne se doivent point tenir pour battues. Émancipé d’hier, l’homme moderne se glorifie trop vite de n’aimer que la terre ; prenez garde que cet amour exclusif de la glèbe ne sente le servage. En vain, vous vous félicitez d’être débarrassés de l’ame ; il faudra bien qu’elle renaisse. Ornez La terre tant qu’il vous plaira, creusez-la, sondez-la, fouillez-la dans ses dernières profondeurs. Abaissez les collines, élevez les vallées, détournez les fleuves, vantez-vous tant que vous voudrez de votre victoire sur la nature ; triomphez ; faites vous-mêmes votre apothéose. Après cela, vous ne trouverez néanmoins que ce que la terre possède, et qui a déjà tant embarrassé vos ancêtres, à savoir : les inquiétudes, les sueurs amères, le néant des choses finies, le temps qui dévore tout, et, pour couronnement, la mort, l’inévitable mort. Tant que vous n’aurez pas affranchi le monde de cette dernière infirmité, je vous avertis qu’il manque quelque chose d’important à votre triomphe, et je me ris par avance de vos promesses. Pensez-vous être les premiers qui aient voulu lier le genre humain tout vivant au cadavre du globe, et qui, possédant la terre, aient cru posséder le ciel ? Cette illusion a toujours reparu dans les temps de défaillance et de servitude morale. Qu’il y a long-temps que les peuples, s’agenouillant dans le désert autour du veau d’or, crurent que c’était là le but de leurs travaux, et qu’il fallait s’y arrêter ! Et, au contraire, ce fut le moment où il fallut se relever et marcher au-devant de meilleures destinées. Plus tard, les affranchis dans Rome ne songèrent, comme vous, qu’à leur pécule. Et pourtant de plus hautes pensées ne manquèrent pas d’envahir les esprits et d’emporter le monde. De même aujourd’hui, les démocraties modernes, ou seront condamnées à une honteuse infériorité à l’égard des pouvoirs qui les ont précédées, ou se mettront à la tête des éternelles et splendides doctrines du genre humain ; justice, amour, beauté, immortalité, héroïsme, conscience, plaisirs de l’ame, traditions de toutes les intelligences, qui ont éclairé et orné les temps passés, ne périront pas si tôt, et l’humanité ne sera point inféodée à la matière et au sépulcre. Relevons donc nos cœurs en prenant possession du gouvernement du monde, ou, ne le pouvant, retournons à la glèbe. Entre ces choses, point de milieu. Il faut choisir.


E. Quinet.
  1. Ce morceau sert de préface au poème que M. Quinet publiera dans les premiers jours de mars. La trilogie dramatique de Prométhée réunit à l’élévation qui distinguait déjà Ahasvérus et Napoléon une expression plus précise, un style plus transparent, et marque certainement un véritable progrès chez l’écrivain comme penseur et comme artiste. Ce que l’auteur explique ici sous la forme dialectique, il l’a traduit sous une forme vivante dans son poème, et le public lui saura gé d’avoir rajeuni la fable de Prométhée en la complétant.(N. du D.)