16. — L’embarras de la mère Catherine.


LA POLITESSE DANS LES LETTRES.


La mère Catherine est agitée comme quelqu’un qui est dans l’embarras. Tout d’un coup, elle prend un parti, relève le coin de son tablier et sort de chez elle. Elle va frapper à la porte d’en face, chez M. Thomas.

— Voisin, dit-elle, je viens vous consulter. Donnez-moi donc un conseil : mon garçon est au service, vous le savez ; j’ai absolument besoin de lui, puisque mon homme est au lit depuis deux mois. Il s’agirait d’obtenir un congé du colonel. La lettre est faite, mais pas sans peine ; ce qui nous embarrasse le plus, c’est la fin. Voulez-vous nous aider ?

— Hum ! fait Thomas, voire confiance me flatte, mère Catherine, et je vous aiderais volontiers, mais faut pouvoir… On ne parle pas n’importe comment à ces gros bonnets-là, savez-vous…

Et comme la pauvre mère Catherine a déjà la figure attristée :

« Là, là ! ne vous désolez pas, reprend-il. En cherchant bien, on trouvera ce qu’il faut dire. Au fait, si nous demandions à ma petite nièce Angèle ? C’est une fille savante, pas bête du tout. Elle vient d’avoir son certificat d’études avec des compliments. La voici justement qui passe, appelons-la.

Angèle arrive, comprend qu’il s’agit d’une chose importante et écoute avec attention ce que lui explique M. Thomas.

— Mon oncle, dit-elle, je cours chercher à la maison le cahier où notre institutrice nous a fait copier les formules de politesse pour la terminaison des lettres, car ces formules sont très importantes à connaître ; elles sont adoptées par l’usage et on ne peut les inventer.

Cinq minutes après, Angèle feuilletant son cahier s’arrêta à la salutation suivante qui lui parut convenable :

« Permettez-moi, colonel, d’espérer pour ma demande un accueil favorable, et veuillez agréer l’expression de tout mon respect. »

La mère Catherine rentra radieuse à la maison avec la note qu’elle tenait à la main. Elle termina la lettre à laquelle chacun souhaita bonne chance. Et tous ces vœux portèrent bonheur à la missive, car dans le courant même du mois, le fils de lanière Catherine lui écrivit qu’il avait son congé. On devine la joie de la pauvre femme.

Puisque le fameux petit cahier d’Angèle contenait des renseignements précieux sur le style épistolaire, nous allons les donner ici, pensant qu’ils seront utiles à nos petites lectrices.

« Rien n’est difficile, et je dirai même important, comme la terminaison des lettres. Elle doit varier suivant ce qu’est pour nous la personne à laquelle nous écrivons et ce que nous sommes pour elle : supérieur ou inférieur, obligeant ou obligé, parent ou ami ; et, suivant ces différentes situations, il existe des nuances délicates de formules qu’il faut savoir employer.

« Une lettre de demande, adressée à un homme élevé en dignité, a moins de chance de réussir lorsqu’elle ne respecte pas les convenances et froisse la personne qui la reçoit. Nul, dit-on, n’est censé ignorer la loi ; nul non plus ne doit ignorer les règles de la politesse et les conventions sociales.

« On l’a dit avec raison : une lettre, c’est la conversation écrite ; écrivez donc comme vous parlez… mais tâchez de bien parler.

« Une jeune fille ne doit jamais écrire ni recevoir de lettres sans y avoir été autorisée par ses parents.

« Ne vous niellez pas à écrire une lettre sans y avoir réfléchi à l’avance. Arrêtez votre plan, cherchez vos idées, veillez sur votre style, et surtout prenez le temps de vous relire.

« On juge souvent de notre éducation par la manière dont nous écrivons une lettre.

« Prenez l’habitude de répondre sur-le-champ aux lettres que vous recevez, excepté pourtant quand la lettre reçue vous a blessé ou mécontenté. Dans ce cas, attendez, ne rendez pas blessure pour blessure ; on se loue toujours d’avoir agi avec calme et douceur.

« N’écrivez jamais une ligne que vous ayez à désavouer plus tard, que vous puissiez regretter un jour. Les paroles s’envolent, mais les écrits restent !… C’est ce qui faisait dire au cardinal de Richelieu : « Donnez-moi trois lignes de l’écriture d’un homme et je le ferai pendre. »

« Écrivez toujours votre nom très lisiblement, ainsi que le nom des personnes et des lieux. N’employez que du papier propre et du format généralement adopté. Évitez avec le plus grand soin les ratures, les renvois et les lâches d’encre.

« Les mots : Monsieur, Madame et Mademoiselle ne doivent pas être mis en abréviation, ils doivent être placés en vedette, c’est-à-dire séparés du reste de l’écriture, au commencement de la première page.

« Une lettre de fête ou de souhaits de bonne année doit arriver la veille. »


On peut diviser les lettres à écrire en trois grandes catégories :

1o Lettres intimes à des parents ou amis.

2o Lettres de commerce ou d’affaires.

3o Lettres ou suppliques à des fonctionnaires, à des hommes élevés en dignité, c’est-à-dire d’inférieurs à supérieurs.


1o Entre parents, amis et camarades on termine souvent ainsi :

À toi.
À toi de cœur.
Tout à toi.
Ton ami.

Ton affectionné.
Ton tout dévoué.
Crois à mon affection.
Je te serre la main.

Adieu, je t’embrasse affectueusement,
de tout cœur,
comme je t’aime.


Ou bien ! À vous.
À vous de cœur.
Tout à vous, etc., etc.


2o Dans les lettres de commerce ou d’affaires, on offre ses salutations, ses civilités ou son respect.

Les salutations peuvent être : empressées.
cordiales.
sincères.
respectueuses.

On peut dire suivant les circonstances :

Recevez, Monsieur,
ou :
Agréez, Monsieur,
ou :
Veuillez agréer, Monsieur,
mes salutations.
mes salutations empressées.
mes cordiales salutations.
mes sincères salutations.
mes respectueuses salutations.

La première forme est moins polie que la seconde ; la seconde, moins polie que la troisième.

On dit aussi :

Je vous salue.
J’ai l’honneur de vous saluer,
Recevez, ou agréez, je vous prie, mes civilités empressées.

3o Les inférieurs envers les supérieurs.

Agréez, Monsieur,
ou :
Veuillez agréer, Monsieur,
ou :
Daignez agréer, Monsieur,
l’hommage de mon respect.
l’hommage de mon profond respect.
mes hommages respectueux.
J’ai l’honneur d’être, avec respect, Monsieur,
J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, Monsieur,
Votre très humble serviteur.
Votre très humble et très obéissant serviteur.


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Les mots d’estime, de considération et de dévouement ne doivent être employés que par des supérieurs ou par des hommes élevés au-dessus des autres par leur position. Ainsi, un ministre s’exprimera ainsi :

Recevez, Monsieur,
ou :
Agréez, Monsieur,
ou :
Veuillez agréer, Monsieur,
l’assurance de ma considération distinguée.
la plus distinguée.
de ma parfaite considération.
de ma haute considération.

Un inférieur qui emploierait ces formules ferait rire de lui.

Entre égaux, on dit quelquefois :

Je suis, Monsieur, votre serviteur, voire dévoué serviteur.
Agréez ou veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués, les plus distingués.

Un supérieur dira à son inférieur :

Agréez, l’expression de mes sentiments dévoués.
Agréez, l’assurance de mes meilleurs sentiments.
Croyez à mes sentiments dévoués et affectueux.

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RÉSUMÉ


1. N’écrivez et ne recevez jamais de lettre sans l’autorisation de vos parents.

2. Répondez sans retard aux lettres que vous avez reçues.

3. Soignez la rédaction de vos lettres, et pour cela, avant d’écrire, réfléchissez, rassemblez vos idées, mettez-les en ordre, exprimez-les clairement et relisez-vous.

4. Prenez du papier et des enveloppes de format convenable et usité. Évitez les ratures, les renvois et les taches d’encre.

5. Employez les formules de salutations en usage à la fin des lettres, selon que vous écrivez une lettre d’affaires ou une supplique. C’est une chose importante.


MAXIME


Soignez bien vos lettres : songez que l’on envoie loin de soi, en écrivant, une mesure de ses talents, de son esprit, de son éducation.

Rédaction. Dites ce qu’il est utile de faire pour écrire convenablement une lettre.