La carte postale (Dandurand)/Scène XI
SCÈNE XI.
Ah ! Paul, si tu savais comme on est malheureux quand on est méchant !
Elle aussi est coupable ! (Haut.) Qu’est-ce que tu as fait ?
J’ai reçu une carte du facteur pour Tantine.
Ah !
Je l’ai lue…
Avant moi ! je savais bien que les femmes étaient plus curieuses que les hommes !
Puis je l’ai remise là, mais le bon Dieu, pour me punir, l’a fait disparaître.
Ne pleure pas, Margot, ne pleure pas…
Ce n’est pas tout. C’est moi qui ai téléphoné qu’on envoie la crème et les gâteaux ; seulement, je n’avais demandé qu’un seul seau. Vrai, vrai, Paul !…
Tiens, nous avons eu la même idée !
Je veux tout avouer à Tantine. J’aime mieux être punie tout de suite. Des secrets comme ça, Paul, ça étouffe !
Ça étouffe les filles.
Que va-t-elle me faire, penses-tu ? Oh ! pourvu qu’elle ne le dise pas à papa et à maman.
Écoute, Margot, n’aie pas peur tant que ça. (Avec un air de générosité.) Je vais dire que c’est moi.
Quoi, Paul ! tu ferais cela ?
Certainement. C’est tout naturel. Les hommes sont les plus braves !
C’est vrai ! Mais aussi, vois-tu, vous êtes plus forts. Quand vous voulez vous sauver par exemple, vous n’avez pas de robe qui vous empêche de courir. Nous autres, nous sommes toujours sûres de rester en arrière. C’est pour cela que nous avons peur. Si nous n’avions pas peur, va ! nous serions bien aussi braves que les garçons !
Oui, mais est-ce que je ne vais pas être puni tout à l’heure à ta place ?
En effet ! Moi je ne pourrais pas faire cela. Écoute, si tu es puni, je te tiendrai compagnie tout le temps et j’irai demander des gâteaux à Victoire pour toi. (Soupirant.) Tu sais, il y en a beaucoup des gâteaux !… Et je ne t’en demanderai pas une seule bouchée.
Je t’en donnerai, va !
Mais ça me fera tout de même de la peine que tu sois seul puni !… Tiens ! Dis que c’est nous deux !
C’est bon.