L. H. Huot (p. 16-18).


Deux classes d’exilés


Sont aux portes de cette chambre et sollicitent votre assistance. Les uns ne trouvent plus sur la terre étrangère cette richesse fallacieuse qui les avait séduits. Au fond de leurs cœurs l’amour de la patrie s’est réveillé, et vous les rendrez heureux en les conviant de nouveau au banquet de la nation.

Les autres sont plus dignes encore de vos secours.

Ils n’ont pas voulu abandonner leur pays, et pour lui rester fidèles, ils se sont enfoncés dans la forêt. Au prix des plus grands sacrifices et d’incroyables privations, ils ont défriché, colonisé, enrichi un coin ignoré de leur patrie.

Mais pendant huit mois ils ne peuvent avoir aucune communication avec les villes, et pendant le reste de l’année les communications sont excessivement dispendieuses et difficiles, pour ne pas dire impossibles. Eux aussi sont donc de véritables exilés sur les confins de leur patrie, loin de leurs amis et de leurs parents, loin du confort et des jouissances, loin de la richesse et de l’avenir !

Par dessus les montagnes ils vous tendent les bras, et ce qu’ils vous demandent ne sera pas pour eux seuls une source de prospérité. Ce sera pour les autres exilés une retraite heureuse et paisible, et pour vous même un grenier d’abondance. Ce que vous leur donnerez aujourd’hui ils vous le rendront demain, et si ce n’est pas à vous ce sera à vos enfants qu’ils paieront leur dette.

Donnez-leur un chemin de fer et ils vous donneront immédiatement à bon marché des bois de chauffage et de construction, des viandes, du poisson et du blé en abondance. Sur les bords de leurs rivières et de leur grand Lac St. Jean, vos fils et vos frères iront s’assurer une existence honnête et un avenir prospère. Les ennuis de l’absence ne les effraieront plus ; car grâce au chemin de fer ils seront toujours à la porte du toit natal, et c’est en quelques heures qu’ils pourront venir vous serrer la main et vous remercier de votre bienfait.

Messieurs les députés, il y a des œuvres qui peuvent être différées sans un préjudice grave ; mais il y en a d’autres qui s’imposent à l’action immédiate des législateurs, et parmi celles-ci se range en première ligne la construction d’un chemin de fer de Québec au Lac St. Jean.

Il faut que cela se fasse, il le faut de toute nécessité.

Il le faut pour ces pauvres malheureux dont le travail et les sueurs n’acquerront de prix que lorsque vous aurez donné un écoulement à leurs produits. Il le faut pour ces pauvres émigrés qui nous arrivent et auxquels vous devez préparer un établissement. Il le faut pour vous-mêmes, et surtout pour la ville de Québec qui n’a pas autour de ses murs un territoire assez riche et assez étendu pour assurer son accroissement futur. Le train de chemin de fer qui vous apportera les produits du Lac St. Jean, s’en retournera chargé de vos marchandises, et de cet échange de richesses résultera la prospérité générale.