La Ville et la cour sous le règne de Louis-Philippe/01

La Ville et la cour sous le règne de Louis-Philippe
Revue des Deux Mondes6e période, tome 15 (p. 140-171).
LA VILLE ET LA COUR
SOUS LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE[1]
EXTRAITS DU JOURNAL
DU COMTE RODOLPHE APPONY[2]

I
ANNÉE 1831

29 mai. — Je viens de Saint-Cloud. J’ai fait ma cour à la famille royale. Je l’ai trouvée fort bien établie dans ce beau château, qui est magnifique et confortable à la fois. Le Roi m’a paru plus pensif qu’à l’ordinaire. Il regrette Neuilly ; je le conçois ; c’est sa création. Mais la Reine et Madame Adélaïde sont enchantées, Madame Adélaïde surtout.

— Nous n’avons pas connu jusqu’à présent le charme de Saint-Cloud, m’a-t-elle dit. J’y étais bien venue quand cela appartenait encore à mon grand-père, car vous savez, comte Rodolphe, que cela nous appartenait.

— Très certainement. Madame.

— Eh bien, continua-t-elle, depuis ce temps, je ne m’y suis jamais retrouvée que pour faire visite, avec mon frère, au roi Charles X. Je ne connaissais donc ni le parc particulier, ni les autres promenades ; le parc réservé surtout est ravissant.

— Je partage entièrement l’opinion de Votre Altesse Royale sous ce rapport ; le parc d’en haut est une des plus belles choses qu’on puisse voir.

— Mais, reprit Madame Adélaïde, je doute que vous l’ayez jamais vu, car il n’est ouvert pour personne.

— Je le sais bien, Madame, et ce n’est que par une protection toute particulière de Madame la Dauphine, que je suis parvenu à le voir, lors du séjour de la princesse Esterhazy au pavillon Breteuil.

— En ce qui concerne le château de Saint-Cloud lui-même, poursuivit la princesse, les autres le trouvent humide ; je devrais cependant m’en apercevoir, puisque je loge au rez-de-chaussée.

L’appartement que la Reine occupe maintenant était celui du Dauphin et consiste en un grand vestibule, une salle de passage, un premier salon, un second où se trouve la Reine avec sa famille placée comme toujours autour de la table ronde, près la cheminée, et enfin d’une salle de billard où messieurs les aides de camp se tiennent avec le Duc d’Orléans.

Après avoir fait mes conversations avec chacun des membres de la famille royale et Mme de Montjoye et de Chantérac, j’ai passé chez le prince royal qui jouait au billard avec un aide de camp. Celui-ci voulait à toute force me céder sa place ; mais je la déclinai avec politesse, malgré les invitations du duc, non parce qu’il m’en imposait par son adresse, mais de peur de devoir prolonger par là trop longtemps ma visite. J’avais encore un bal à Paris où je ne voulais point arriver trop tard.

Mme la Duchesse de Berry se trouve en ce moment à Bath, les eaux lui font un bien extrême, mais elle manque de tout ; elle n’a ni domestique, ni femme de chambre. Le domestique de M. de Mesnard fait en même temps que le service de son maître celui de Son Altesse Royale, et lorsque M. de Mesnard est en course, une femme de peine de l’auberge le remplace. La princesse n’a point de voiture et souvent pas de souliers à mettre. Je tiens ces détails d’une source très sûre. Rosny et tout ce qu’elle possède en France ne suffit pas pour payer ses dettes, et sa fortune de Naples consiste en 10 000 francs de rentes ; avec cela, elle vit dans la plus mauvaise intelligence avec le roi Charles X, à cause de M. de Damas qu’elle voudrait renvoyer d’auprès du Duc de Bordeaux. La dauphine et le dauphin ont fait leur possible pour engager le Roi à changer le gouverneur de son petit-fils ; mais le Roi s’y refuse et n’y consentirait que si M. de Damas donnait sa démission ; or, il ne la donnera jamais, se croyant engagé en conscience à remplir sa tâche auprès de Henry Dieudonné.


3 juin. — Les républicains attendaient avec impatience la mort de l’abbé Grégoire, tant ils avaient envie de faire du train à cette occasion. Il est mort enfin ; mais le gouvernement avait pris de si fortes mesures pour empêcher toute espèce de désordre que ces messieurs ont dû se retirer de la rue de Babylone, sans avoir pu provoquer le moindre scandale. Le ci-devant général Dubourg s’est mis à la tête des tapageurs, il exècre le gouvernement de Louis-Philippe, ayant été destitué par celui-ci de son grade de général.

— Nous ne pouvons, disait-il à quelqu’un qui me l’a redit, nous ne pouvons rien tenter aujourd’hui ; nous sommes trop faibles ; mais nous le perdrons, ce gouvernement, en le dépopularisant !

Pendant mes trois mois d’absence[3], bien des choses ont changé. Plusieurs petits journaux ont paru et d’autres ont remplacé leurs rédacteurs et par conséquent leurs principes. La Mode, par exemple, autrefois petit journal de dames, bien insignifiant et bête même, s’est jeté maintenant dans le parti carliste. L’opposition donne de l’esprit en France ; on sait bien attaquer et l’on est gauche dès qu’il s’agit de se défendre. La Mode a donc, depuis quelque temps, des articles très agressifs. Un journal, pour avoir de la vogue en ce moment, doit avoir eu quelque procès ; les rédacteurs font donc leur possible pour être coffrés, pour payer une amende qui, peu de jours après, leur est rendue avec usure par l’augmentation de leur vente.

Plusieurs nouvelles salles de spectacle ont été ouvertes, et le grand Opéra a été décoré avec une magnificence, un bon goût que rien n’égale. Il n’y a pas de salle de bal qui soit plus brillante et plus claire. Pour la société, j’y ai trouvé aussi des changemens très notables. D’abord, il s’est formé une petite coterie de jeunes femmes très agréables pour les hommes à la mode, mais un peu exclusives pour les autres et insupportables peut-être pour les femmes plus âgées ou moins élégantes ; elles rassemblent autour d’elles autant de jeunes gens qu’elles peuvent en attraper ; elles sont fort jolies, très coquettes et deux d’entre elles ont de l’esprit pour toutes. Ces dames font des parties aux petits spectacles ; elles se font faire la cour dans les salons et elles arrangent de petits soupers. Ces petits soupers sont surtout fort mal vus par tous ceux qui n’en sont point. On veut bien m’y admettre et j’y prends part en observateur et avec calme. Je profite de ce qu’on m’offre et voilà tout ; je n’admire pas ce genre ; mais je le trouve tout simple, parce que je connais les individus et qui plus est les relations intimes de chacune de ces dames. Il fallait une révolution pour les rapprocher et la chute d’un trône et d’un gouvernement comme celui de Charles X pour qu’elles pussent se mettre en avant de la sorte. Madame la Dauphine, surtout, était un grand obstacle à une gaité un tant soit peu déréglée ; il fallait cacher ses plaisirs sous les dehors d’une dévotion, d’une pruderie, d’une sévérité dont ces dames n’auraient peut-être pas été capables.


11 juin. — Nous recevons la nouvelle du débarquement à Cherbourg de l’empereur du Brésil Dom Pedro ; il vient d’arriver avec sa femme et ses enfans, excepté l’aîné en faveur duquel il a abdiqué à la suite d’une révolte, qui a eu lieu à Rio Janeiro[4]. Dans quel temps vivons-nous ! Quelle nouvelle complication dans les affaires ! Que fera Dom Pedro ? Se mettra-t-il à la place de son frère en Portugal ? Voudra-t-il conquérir l’Espagne ? Rien ne me parait improbable de sa part.


15 juin. — M. l’abbé Bervanger, mon confesseur et celui de mes cousins Rodolphe et Jules et autrefois celui du Duc de Bordeaux, vient d’arriver du château de Holy Rood. Il m’a dit que le Roi avait une mine parfaite, que jamais il n’avait eu meilleur visage, de même le Duc de Bordeaux ; il est plein d’esprit et de grâce, tout le monde l’adore. Madame la Dauphine est avec le Roi et ne le quitte jamais. La Duchesse de Berry fait ses voyages, elle ira à Londres.

— Elle est plus montée que jamais, me disait M. de Bervanger ; vous en entendrez parler bientôt.

— Pourvu que cela ne soit pas trop tôt pour son propre intérêt ! repris-je.

— Oui, continua l’abbé, elle s’est déjà fait beaucoup de torts, et ses amis lui en ont fait encore plus et davantage peut-être que ses ennemis. Il lui vient sans cesse des personnes de France qui lui offrent leurs services pour organiser une contre-révolution. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait se fier à eux, mais qu’elle me chargerait de bien des commissions, si je voulais les accepter. Je lui répondis que, si cela ne dépendait que de ma bonne volonté, elle pourrait compter sur moi. Elle me chargea donc de mille commissions bien difficiles à remplir, bien épineuses, et je ne sais vraiment comment en venir à bout. La seule dont je me sois chargé avec plaisir, consiste à vous dire de sa part et à toute votre famille bien des choses ; elle sait très bien que vous n’avez pas changé pour elle.


16 juin. — Dom Pedro va à Munich, à ce qu’il paraît ; de là il veut revenir ici et s’établir en particulier à Paris. Il ne nous sera pas bien commode à nous autres Autrichiens. Il a laissé tous ses enfans à Rio ; il n’y a que Donna Maria da Gloria qui soit avec lui. Quel drôle de personnage que cela fait ici ! Le voilà, ce souverain le plus libéral de la terre, cet archiconstitutionnel, ce donneur de charte, culbuté, renvoyé, lui et toutes ses institutions. Quelle leçon pour les rois constitutionnels !


17 juin. — On a arrêté hier Lennox[5], l’un des agens de M. de Lafayette. On a trouvé chez lui tout le grand plan de la nouvelle conspiration ourdie contre Louis-Philippe ; on a trouvé tous les noms des personnes qui devaient composer le gouvernement provisoire. Lafayette aurait été dictateur, Odilon Barrot, Lamarque et compagnie auraient été ses ministres et conseils ; enfin, la République était toute faite. Au général Dubourg auraient été confiées les forces militaires. Un gouvernement mieux assis que celui de Louis-Philippe aurait commencé par faire coffrer tous ces messieurs d’après, la liste trouvée chez Lennox ; mais il n’y avait pas moyen.

Les attroupemens continuent ; 12 000 hommes de troupes sont sur pied ; mais on ne peut se fier à eux. Il y en a qui ne sont plus rentrés dans leur caserne depuis plusieurs jours ; ils restent dans les cabarets des rues Saint-Martin et Saint-Denis à boire avec les mutins. Ils sont dans un état d’ivresse continuelle ; on ne sait qui paie cette quantité de vin et d’eau-de-vie. Le pillage de trois boutiques fait horreur à tout le monde et j’espère que cet incident ranimera la garde nationale qui commence à se fatiguer de son service, de ce rappel éternel. Le commerce en souffre beaucoup, les faillites continuent. Tout Paris se trouve encore replongé dans cette terreur du mois de février, où, à tout moment, on croyait voir proclamer la République. Encore les mêmes bivouacs dans les rues, sur les quais et sur les places.

Hier, en allant aux Allemands, nous avons été arrêtés plusieurs fois par les marches et les contremarches des troupes : il fallait dire que c’était la voiture de l’ambassadeur d’Autriche pour qu’on nous laissât passer. La fête des vendanges de Bourgogne, où M. Gallois a brandi un poignard en disant : Pour Louis-Philippe, est aussi un fameux scandale, et ce qui l’est encore plus, c’est le procès qui s’en est suivi, où M. Gallois[6] a dit dans son plaidoyer toutes les horreurs imaginables contre le Roi et son gouvernement, et cet homme a été acquitté ! Les jurés et les juges avaient reçu des lettres anonymes dans lesquelles on les menaçait de mort s’ils condamnaient Gallois. Les jurés tout comme les juges connaissent le formidable pouvoir du comité directeur, et n’osent l’affronter lorsqu’il menace.


18 juin. — Entre onze heures et minuit, s’est formé un grand attroupement devant le Palais-Royal et dans la rue Saint-Honoré, en poussant des vociférations épouvantables contre la personne du Roi, ses ministres et contre le clergé. M. Casimir Perier, malgré sa grippe, fut obligé de rester sur pieds pendant toute la nuit, la chose devenait d’heure en heure plus sérieuse. Déjà, on parlait de piller le Palais-Royal et les hôtels des ministres. Le Président du Conseil ordonna donc qu’une force imposante se réunit sur la place du Palais-Royal et que la cavalerie chargeât contre les mutins. Tout arriva selon ses désirs et les carabiniers, les rangs serrés, chargèrent la foule au grand galop avec des coups de plat de sabre à droite et à gauche. Cette manœuvre répétée deux fois tout le long de la rue, de la Fontaine des Innocens à la rue Royale, eut son effet ; à une heure, la tranquillité était rétablie, sauf à recommencer un autre jour.

J’ai été ce matin chez la marquise de La Châtaigneraie ; je l’ai trouvée dans une inquiétude à faire pitié. Les fonds baissent tous les jours ; elle voudrait retirer les siens pour les placer dans un autre pays ; mais on y perd, en les déplaçant, la moitié de son capital. C’est bien une considération ; il vaut mieux cependant en conserver la moitié que de courir la chance de tout perdre. D’un autre côté, les fermiers refusent aussi de payer ce à quoi ils se sont engagés par contrat ; voilà ce qui force Mme de Narbonne à aller dans le Midi. Mme de La Châtaigneraie, sa fille, l’y accompagne. J’ai fait tout au monde pour l’engager à rester à Paris, elle ne le peut ; la seule chose que j’aie obtenue, c’est la promesse de revenir dans six semaines ou deux mois.


20 juin. — Nous voilà donc aux élections nouvelles, beaucoup de Carlistes refusent d’y aller, ils ne savent ce qu’ils font. Le sort de la France sera tout entier entre les mains de la Chambre qui va venir, voilà ce que ces messieurs ne devraient pas perdre de vue. Jamais, peut-être, plus grande mission ni plus décisive n’a été confiée aux électeurs. A côté de chaque nom tracé sur les bulletins, se trouvera aussi la paix ou la guerre, l’ordre ou l’anarchie. Avec une Chambre sage, il serait possible, non sans effort, il est vrai, de surmonter les obstacles que l’esprit de faction entasse avec audace et persévérance contre le gouvernement. Avec une Chambre ou lâche ou folle, la carrière est ouverte au désordre ; la monarchie désarmée n’est plus qu’une proie livrée aux partis. Tout est remis en question, et, pour mieux organiser, on commence par tout détruire.


21 juin. — L’abbé Châtel, le fondateur de la religion catholique française, fait beaucoup parler de lui[7]. Il n’est plus abbé maintenant, il s’est fait évêque. Deux ou trois autres prêtres se sont réunis à lui et il a loué un local dans lequel il exerce ses fonctions d’évêque. Il y a fait ériger un autel ; un piano remplace l’orgue et une grande chaise la chaire. C’est dans cette chambre qu’il réunit ses fidèles et encore plus de curieux.

Dimanche dernier, il y avait foule, on parlait tout haut, on avait même les chapeaux sur la tête. Comme la porte d’entrée pour le public et celle par où Mgr l’évêque doit entrer est la même, elle se trouvait fort encombrée de monde au moment où l’évêque dut avancer vers l’autel. Ses prières, ses instances furent inutiles ; il fallut faire une espèce de charge pour faire passer Monseigneur. Enfin le voilà dans le sanctuaire, la mitre sur la tête, la crosse dans sa main ; on lui jette de l’encens ; il suit en tout notre rite, mais psaumes et prières sont en français, ce qui donne à tout un air de parodie, qui fut accueilli par une partie du public à coups de sifflets redoublés.

Les partisans de l’évêque Châtel prirent fait et cause et mirent à la porte les siffleurs. Tout ceci donna lieu à un vacarme épouvantable ; on se poussait, on se donnait des coups de poing ; enfin, on fit si bien qu’une grande armoire en tombant manqua de tuer plusieurs personnes. Cet incident, qui serait devenu bientôt tragique, rétablit le calme et l’ordre. L’abbé continua l’office et prononça un sermon plein d’invectives contre la religion catholique et ses prêtres et il finit par entretenir ses fidèles de politique, dans un sens tout à fait républicain.


22 juin. — Je suis parvenu à me faire introduire dans la société des Amis du peuple, qui maintenant n’est plus publique comme du temps où j’y allais avec Félix Schwarzenberg. Je me suis placé dans un groupe composé d’Italiens et d’Espagnols réfugiés. Ce local est celui de la redoute de la rue de Grenelle-Saint-Honoré ; il est très propre à une société délibérante : bureau, tribune, tout s’y trouve. J’ai écouté avec attention d’excellens orateurs ; l’un surtout a parlé pendant deux heures sans discontinuer. Il est impossible de mieux dire. J’y ai vu Cavaignac ; c’est un bel homme, il est un des conseillers. Les orateurs prouvaient jusqu’à l’évidence que le principe de la Révolution de Juillet, s’il était reconnu par les peuples, devait amener la chute de tous les rois ; que ce mot, roi, était un anachronisme impie en France depuis les glorieuses journées de Juillet.

De pareils discours se gravent en traits de feu dans la mémoire de tous ces jeunes gens qui viennent en foule. Etudians en droit et en médecine, ils retournent chez eux imbus de ces principes et y propagent ce poison. Les Espagnols et Italiens réfugiés présens étaient dans un enthousiasme difficile à peindre : ils trépignaient, ils s’embrassaient. Cela me fit frémir. On me fit remarquer un certain Cantelli, ex-officier italien, décoré de la Couronne de fer ; il boite ; c’est celui qui paraît avoir le plus d’influence sur ceux de sa nation. Ces gens-là espèrent toujours la guerre ; ils veulent rentrer dans leur pays avec l’armée française.

Il est encore fort question de piller les ambassades : l’Autriche, la Russie sont surtout désignées. Le comte Pozzo en a si peur qu’il compte partir pour l’Angleterre, sous prétexte d’aller voir une des grandes-duchesses qui s’y trouve avec Mme de Nesselrode. Rien ne m’amuse plus qu’un général poltron !

Un adjudant-major de la garde nationale, un chef de bataillon et un officier d’état-major disaient dernièrement à quelqu’un de ma connaissance :

— Nous aurons, entre autres besognes, celle de défendre l’accès des hôtels des ambassadeurs de Russie, d’Autriche et de Naples.

Le gouvernement cherche à prendre les mesures les plus énergiques pour se tirer d’embarras. Nous sommes à la veille d’une crise effroyable. Les armuriers ont eu l’ordre d’envoyer leurs armes hors de la ville ; la plupart l’ont fait ; il n’y a que les revendeurs des quais qui résistent à cet ordre et continuent leur commerce.

Il paraît que l’ouverture de la Chambre sera avancée de six semaines, le gouvernement craint de se trouver isolé au moment des troubles de Juillet. La troupe ne veut pas agir contre le peuple, c’est une résolution prise. Le prélude des scène tumultueuses doit être la délivrance de Lennox.


23 juin. — De retour à Paris, je me suis hâté de rejoindre une petite société qui m’avait engagé à aller avec elle à l’Opéra à la première représentation du Philtre. C’étaient Mmes de Bellissen, de Narbonne, de La Châtaigneraie et MM. de Fourmont et de Balincourt. La salle de l’Opéra, nouvellement décorée, est la plus belle chose qu’on puisse voir. Elle est toute dorée, toute resplendissante, éclairée à jour. Le nouvel opéra ne m’a pas plu ; au reste, j’ai tant causé avec ces dames, que les beautés peuvent m’avoir échappé.

Après le spectacle, nous sommes allés chez Tortoni prendre des glaces, nous y avons rencontré le duc de Vallombrosa et le colonel Pozzo. Il était bien deux heures lorsque je me suis retrouvé dans ma chambre.

J’ai fait aujourd’hui, avec ces mêmes personnes, une partie au Bois de Boulogne ; nos deux messieurs nous y ont quittés un instant pour faire visite à Rothschild. J’ai mieux aimé rester avec ces dames et me promener avec elles. Mme de La Châtaigneraie m’a raconté qu’on avait découvert une nouvelle conspiration contre le roi Louis-Philippe ; elle doit être ourdie par le parti napoléoniste, avec la reine Hortense à la tête. Cette dame se trouve ici en ce moment, à ce qu’on prétend. L’intrigue étouffe donc même la douleur d’une mère qui vient de perdre son fils si tendrement aimé.

On m’assure avoir vu aujourd’hui à la Bourse des pièces de 5 francs avec le timbre de Henri V ayant pour légende : « Henri V, roi de France et de Navarre. »

Nous avons encore fini notre soirée chez Tortoni, dans la même salle ; mais à une autre table se trouvait une autre société. C’était le duc de Valençay, M. et Mme de Vaudreuil, Mme de Saint-Priest et M. de Bonneval. Je les ai salués ; mais je n’aurais jamais osé les approcher, de peur d’indisposer contre moi la coterie avec laquelle je me trouvais. La mienne était toute pour Henri V, et l’autre est tout à fait dans le mouvement.


27 juin. — Le nonce Lambruschini, à sa grande satisfaction, vient d’être rappelé. Ce digne prélat, depuis la Révolution, se trouvait entièrement dépaysé à Paris. Il ne pouvait se faire aux idées du jour et tout ce qu’il désirait le plus ardemment au monde, c’était de s’en aller. Plusieurs fois déjà, il avait demandé son rappel au Pape, sans que le Saint-Père eût exaucé ce vœu. Ne voilà-t-il pas que le ministre des Affaires étrangères M. Sébastiani donne ordre à M. de Saint-Aulaire, ambassadeur de France à Rome, de demander au Pape le rappel de Mgr Lambruschini ? Sa Sainteté, à ce qu’il parait, en fut vivement piquée et fit déclarer par le cardinal secrétaire d’Etat à M. l’ambassadeur de France que Mgr Lambruschini était son ami personnel, qu’il ne demandait pas mieux que de l’avoir auprès de lui pour en faire son conseiller, mais que ce nonce avait été en tout l’exact organe de la cour de Rome et que tout autre tiendrait par conséquent le même langage et la même ligne de conduite. M. de Saint-Aulaire, malgré cette déclaration, insista sur sa demande, vu que ses ordres à ce sujet étaient précis. Il fut donc convenu que la cour de Rome ferait insinuer à son nonce à Paris de demander un congé en donnant pour motif une santé altérée. Le secrétaire d’État fit connaître à Mgr Lambruschini le désir de Sa Majesté le roi des Français, avec tous les détails de sa conversation avec M. de Saint-Aulaire, et il lui fut ordonné de demander un congé sous prétexte d’aller aux eaux.

Le nonce nous raconta dernièrement la conversation qu’il a eue avec M. le général Sébastiani à ce sujet. Tous les deux jouèrent la comédie on ne peut mieux ; ils se livrèrent à un véritable assaut de finesse. M. Sébastiani, après avoir écouté le récit de tous les soi-disant maux dont Mgr Lambruschini prétendait être accablé, feignit de prendre le plus vif intérêt à la santé de M. le nonce. Sa figure prit un air triste et compatissant, enfin un air tout à fait correct pour la circonstance. Le nonce lançait en attendant une pointe après l’autre contre le général, si bien que celui-ci ne savait pas s’il était le mystificateur ou le mystifié.

Après une conversation assez longue dans ce genre, le nonce finit en ces termes :

— Monsieur le comte, j’ai encore une dernière grâce à vous demander ; je vous serai infiniment reconnaissant si vous me l’accordez.

— Je serai très heureux d’être à même de faire quelque chose qui puisse être agréable à Monseigneur, répond le ministre.

Le nonce s’était profondément incliné, les mains jointes, les yeux baissés, enfin dans une attitude de suppliant ; il resta quelques instans dans cette position, puis il leva sa tête, mais le corps toujours encore courbé en avant, et avec ses yeux flamboyans, un sourire des plus malicieux sur ses lèvres, dit au général :

— Rien qu’un passeport, monseigneur, un passeport, voilà tout ce que j’espère de la bienveillance de Votre Excellence.

Et il se retira.


13 juillet. — En vue de la célébration de l’anniversaire des journées de Juillet, les chapeliers ont fabriqué des bonnets phrygiens rouges à l’instar de celui de 93. Pour les mettre à la portée de tout le monde, le prix en a été fixé de trente sous à quinze francs.

On a déjà saisi plusieurs arbres de la liberté, ils sont tous à la police ; il faudrait être bien adroit pour en trouver un pour demain. Les mesures que le gouvernement prend sont vraiment imposantes. J’espère donc que nous n’aurons point de troubles sérieux.


15 juillet. — J’ai tant couru hier, que, le soir, je n’en pouvais plus. Nous avons passé la journée fort tranquillement ; il y a bien eu quelques attroupemens et quelques charges ; on a tué des individus dans les Champs-Elysées, qui essayaient d’abattre un arbre pour le planter en l’honneur de la liberté ; mais il y a eu tant de troupes de ligne, tant de gardes nationaux sur toutes les places qu’il n’y avait pas moyen de tenter la moindre des choses.

J’ai vu la charge aux Champs-Elysées et j’ai passé de là par les rues et boulevards jusqu’à la place de l’ancienne Bastille et de là, par la rue Saint-Antoine, dans le Marais et sur la place Royale. Partout quantité de troupes, foule de spectateurs curieux, mais rien de sinistre ni de mauvais augure. Le soir tout est rentré dans l’ordre accoutumé. Dieu veuille que l’ouverture de la Chambre et les glorieuses journées surtout se passent ainsi.

Notre cousine, pour éviter le bruit des canons des Invalides qui, depuis quatre heures du matin jusqu’après le coucher du Soleil, tireront de quart d’heure en quart d’heure, ira passer les trois journées à Saint-Germain.


21 juillet. — Nous attendons avec calme l’accomplissement du programme des fêtes, réjouissances et tristesses qui auront lieu pendant l’anniversaire des trois glorieuses journées. Nous pleurerons donc le premier jour, le second nous commencerons à nous égayer et le troisième nous ne saurons vraiment plus qu’inventer pour exprimer notre joie.

Il y a déjà des échafaudages immenses sur l’ancienne place de la Bastille ; ce sont des tribunes, des je ne sais quoi encore ; cela a l’air d’une forteresse plutôt qu’autre chose, et si je devine bien, je crois que le Roi s’est informé si les poutres sont assez fortes pour résister au poids des personnes qui s’y placeront.


27 juillet. — Nous voilà à l’anniversaire des glorieuses journées.

Notre cousine est partie à quatre heures après-midi pour Saint-Germain et a fait faire ses excuses à la Reine de ne pouvoir assister au concert de la Cour. Après l’avoir mise en voiture, j’ai encore un peu travaillé pour le courrier. J’ai fait ensuite deux visites, une à Mme Sock, dame anglaise, et l’autre à Mme de Werther ; puis arriva l’heure du dîner, puis la promenade et les jeux au jardin jusqu’au moment de faire nos toilettes pour aller à la Cour. Les galeries et appartemens étaient déjà bien garnis lorsque nous sommes arrivés au Palais-Royal. Qu’on se figure notre étonnement lorsqu’on nous dit que Dom Pedro était arrivé à quatre heures, sans que personne l’attendit, qu’il dînait en ce moment au Palais-Royal et qu’il assisterait au concert. J’étais bien curieux de le voir, cet empereur déchu et qui nous arrive de l’autre monde.

Comme l’on s’était mis à table beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire, Leurs Majestés n’étaient qu’à la seconde entrée du diner quand, déjà, les invités étaient depuis assez longtemps rassemblés dans les appartemens où le concert devait avoir lieu. Il faisait une chaleur étouffante. Pour respirer un peu, j’allai sur l’un des balcons avec les ministres des Pays-Bas et de Suède. De ce balcon, on a la vue dans la cour d’honneur où stationnaient les voitures et l’on voit en même temps par-dessus la terrasse dans les appartemens de la Reine ; c’est de là que je vis passer deux domestiques, chacun portant sur un plat un énorme biscuit de Savoie. Je courus vite à l’ambassadrice d’Angleterre pour l’inviter à passer sur mon balcon, mais elle avait si chaud, elle était tellement décolletée qu’en acceptant ma proposition, elle se serait exposée à prendre mal. Pour la même raison, ni la princesse de Castel-Cicala, ni Mlle Ruffo sa fille ne voulurent profiter de mon balcon.

Cependant la Reine arriva, Dom Pedro lui donnant le bras. Les portraits de l’Empereur lui ressemblent assez. Je le croyais plus grand de taille et je fus fort étonné de voir qu’il ne l’était pas beaucoup plus que Dom Miguel. Il a bonne tournure malgré cela ; il avait l’air un peu embarrassé en parlant, avec les dames surtout. La Reine, en entrant, lui présenta à peu près toutes celles qui se trouvaient dans la salle ; l’Empereur les salua assez bien, mais leur parla peu ou rien. Lorsque la Reine lui présenta le général de La Fayette, il parut en éprouver le plus vif plaisir ; il lui fit complimens et révérences sans fin et prit un air amical avec lui comme s’il l’avait connu autrefois.

Aujourd’hui, j’ai circulé dans Paris. J’ai vu les portes des églises tendues de noir. On y célébrait le service des morts pour les victimes de Juillet. La lettre de l’archevêque de Paris aux curés, dans laquelle il leur donne des ordres à cet effet, est excellente. Les églises étaient remplies de gardes nationaux et autres ; on jasait beaucoup, on tournait le dos à l’autel, c’était très peu édifiant. Le Panthéon, converti en temple, était tout rempli de tribunes, il fallait des billets pour y entrer. Un orchestre de 400 musiciens a exécuté toute espèce de musique religieuse et profane ; c’était dans le genre des concerts du Conservatoire.

Arrivé, à travers une foule de monde, jusqu’à la place de la Bastille, j’ai vu et admiré l’immense tribune qu’on y avait érigée pour le Roi, les députés, etc. Le monument dont le Roi posa la première pierre s’y trouvait figuré dans toute sa grandeur par des planches couvertes de toile peinte, représentant le marbre et le bronze, le tout fort bien imité et d’assez bon goût.

L’aspect de la foule immense était vraiment imposant ; le flux et le reflux de cette masse qui, par toutes les larges rues, se précipitait par torrens sur cette vaste place, avait quelque chose d’effrayant. Un mot eût été suffisant pour la mettre en mouvement, et on eût été impitoyablement écrasé, les portes des maisons étant barricadées par des échafaudages qui formaient des tribunes. Cependant, tout le monde avait l’air gai autour de moi ; on n’y parlait que de Dom Pedro, de Louis-Philippe et de la nouvelle légion de la garde nationale à la polonaise, dont on voyait quelques échantillons. Le Roi ne parut pas être reçu bien chaudement. Mais la place était si grande que les voix ne pouvaient arriver jusqu’à lui ; il devina l’enthousiasme du peuple plutôt par les gestes que par les cris de : « Vive le Roi ! » qui furent poussés, mais qu’on ne distinguait pas dans cette formidable rumeur.

Dans la cohue qui précédait et suivait le Roi, se trouvaient les héros des Glorieuses et, parmi eux, des gens de mine épouvantable, des poissardes, des filles de joie décorées de la croix de Juillet. Ces gens se donnaient le bras et formaient des chaînes de douze à vingt personnes, qui séparaient le Roi de ses aides de camp et chantaient la Marseillaise et la Parisienne. Dom Pedro était à la gauche de Sa Majesté, puis les Ducs d’Orléans et de Nemours, les maréchaux et les ministres.


29 juillet. — Les fêtes continuent aujourd’hui ; ce sont des réjouissances sans fin. J’ai été surtout frappé par la fête d’hier soir aux Champs-Elysées ; c’était vraiment superbe par son immensité. Tous les quinconces étaient éclairés à jour car chaque arbre était entouré de lampions, outre les festons de lampes qui enchaînaient pour ainsi dire avec des guirlandes de feu un arbre à l’autre. En y entrant, j’ai cru me trouver dans une de ces forêts enchantées dont on parle dans les contes de fées. Une foule innombrable de curieux la parcourait dans tous les sens ; ici, on voyait des théâtres superbes érigés comme par un coup de baguette sur une vaste pelouse ; on y représentait toute espèce de pièces, la plupart guerrières, avec force fusillades et coups de canon ; là, on admirait de belles salles improvisées sous de larges tentes resplendissantes de quinquets, où se pressait une population joyeuse dansant et mangeant tour à tour, sans que cela eût l’air d’une orgie ; les hommes étaient polis avec les femmes ; ils y mettaient même plus de recherche, plus de façons que nous ne le faisons dans nos salons dorés pour inviter les jeunes personnes à la danse.

Un jeune homme, qui se trouvait à côté de moi, dit à son voisin :

— Connais-tu cette particulière qui est vis-à-vis de moi ; elle est très jolie, je m’en vais l’engager.

Je le suivis ; il fit quantité de révérences et puis mille excuses, à cause de sa hardiesse, et l’engagea enfin avec une phrase fort extraordinaire que malheureusement j’ai oubliée. La particulière lui répondit avec beaucoup de petites mines :

— Je suis très flattée, monsieur, que vous pensiez à moi à l’occasion de cette contredanse ; mais, je suis déjà reteinte.

— Alors, répliqua le particulier, puis-je espérer, pour mon bonheur, d’être plus fortuné à la subséquente ?

Il y avait des boutiques à 25 sous et a 5 sous, d’autres encore où tous les objets se vendaient en organisant une espèce de loterie. Même chose se passait dans des boutiques de pains d’épices et de bonbons. Il y avait aussi quantité d’orchestres dont les musiciens étaient déguisés soit en Turcs, en Grecs, en nègres, jouant de la musique en rapport avec leur costume. Puis c’étaient des tournois, des danseurs de corde et autres jongleurs, des chœurs de chanteurs exécutant des morceaux de la Muette et autres opéras connus et les plus en vogue. Enfin, je n’ai jamais rien vu de plus varié, de plus grand et de plus animé que cette fête populaire.

L’Hôtel des Invalides qu’on découvrait au loin produisait un effet magique. Ce palais, illuminé dans toute la longueur de sa façade, semblait tapissé d’étoiles et suspendu dans l’air. Le Jardin des Tuileries, tout embrasé, avait l’air de se prolonger à l’infini et ses bassins et ses jets d’eau paraissaient en feu. Les coups de canon, de fusil, de pétards, tirés de tous côtés et du haut des maisons jusque sur les voitures et sous les pieds des chevaux faisaient un bruit épouvantable comme si l’on eût assiégé la ville. Ce vacarme a duré toute la nuit. Paris, aujourd’hui comme l’an dernier, avait l’air d’être en état de siège.


31 juillet. — Dom Pedro vient de quitter Paris pour se rendre de nouveau à Londres. Mme de Loulé est ici, elle reste à Paris, à ce qu’on m’assure. J’irai la voir un de ces jours pour la faire causer. On m’a assuré que Dom Pedro n’est venu à Paris qu’après avoir appris l’entrée de la flotte française dans le Tage[8]. Il a intrigué auprès de Louis-Philippe, afin d’obtenir le renversement de son frère Dom Miguel au profit de sa fille Donna Maria. Il a échoué dans sa négociation ; il n’a donc eu de son séjour de Paris que des mécomptes.

Mme de Chastellux a dîné chez nous hier ; elle repart aujourd’hui pour la campagne. C’est une femme de beaucoup d’esprit ; je lui suis fort attaché. Elle nous a donné bien des détails sur les habitans de Holy-Rood, chez lesquels elle a passé quelques jours en mai dernier. Charles X parle de tout ce qui a eu lieu en France comme un homme qui n’a rien à se reprocher et qui se trouve justifié par ce qui arrive tous les jours ici ; mais il est triste et pensif. Rien n’est moins fait pour le distraire que le séjour du château de Holy-Rood, vaste bâtiment qui tient en même temps du palais et du couvent. Ce mélange d’architecture produit un effet très attristant, qui est encore augmenté par les brouillards presque continuels de ce pays. Le salon où la famille se réunit est sombre. Il ne peut donc faire oublier les superbes appartemens de Saint-Cloud, qui charment même la famille du roi Louis-Philippe tant gâtée par les appartemens du Palais-Royal et de Neuilly. Aussi est-on fort triste dans le salon de Holy-Rood, surtout lorsque les enfans de France n’y sont pas. Le Duc de Bordeaux et Mademoiselle, par leur gaité, leur esprit, leur gentillesse, les animent.

Madame la Dauphine s’occupe maintenant exclusivement de leur éducation. Elle leur prodigue les soins les plus tendres. Elle a entièrement renoncé au bonheur de revoir sa chère France ; elle l’aime encore toujours et peut-être avec plus d’exaltation. Les personnes qui se sont mal conduites envers elle, ne lui inspirent pas la moindre haine ; leur ingratitude lui fait du mal, mais elle leur pardonne. Elle est comme une personne qui a entièrement renoncé au monde ; elle ne vit que pour Charles X et pour l’avenir des enfans.

Mme la Duchesse de Berry, tout au contraire, est remplie d’espérances ; elle compte agir, elle veut courir toute espèce de chances pour reconquérir ses droits et ceux de ses enfans ; elle est par conséquent très montée contre ceux qui occupent le trône de son fils, et son ressentiment s’étend même jusqu’à sa tante, la reine des Français, tandis que Madame la Dauphine et même Charles X n’ont pas cessé d’aimer cette princesse et sont très fâchés lorsque les personnes de leur cour confondent la Reine avec les autres membres de la famille d’Orléans.

Tous les seigneurs écossais sont on ne peut mieux pour les augustes exilés ; ce sont des attentions sans fin ; ils ne manquent jamais une occasion pour leur témoigner tout l’intérêt qu’ils éprouvent pour eux.

Mme de Chastellux, ainsi que tous les Français qui vont voir la famille royale, a été avertie à Londres qu’il y avait à Edimbourg quantité de ces exécrables gens qui n’épient que le moment favorable pour assassiner le Duc de Bordeaux.

— Je me suis empressée, me disait la comtesse, d’avertir les personnes de la Cour, afin de les rendre attentives. « Ah ! Madame, m’a-t-on répondu, c’est sans cesse qu’on nous avertit ; nous surveillons le Prince autant que faire se peut, mais il doit cependant se promener ; un coup de fusil ne peut-il pas nous l’enlever un jour ? »


3 août. — Notre diner chez le Roi a été de soixante couverts ; il faisait une chaleur étouffante ; je n’en pouvais plus avec ma pelisse[9]. La Reine m’a dit :

— Vous êtes véritablement en pénitence, comte Rodolphe.

Elle avait raison ; ce fut pour moi un véritable supplice que ce diner, et si j’ai eu quelque dédommagement, je le dois à la princesse Marie, qui a repris son ancienne gaité et fraicheur. Le Duc d’Orléans était triste, préoccupé ; le Roi aussi avait l’air soucieux et parlait du chagrin que lui faisait le départ du ministère de Casimir Perier.

Casimir Perier se trouvant offensé de ce que, malgré sa déclaration, il n’avait eu qu’une seule voix de majorité, a dit au Roi qu’il ne pouvait gouverner avec une Chambre dont il ne possédait pas la confiance. Mais, où prendre un autre ministre en ce moment ? Dans quel parti se jeter ? Il parait donc décidé que Soult et quelques autres membres resteront au Ministère ; mais personne ne veut se charger ni de l’Intérieur et de la Présidence, ni des Affaires étrangères, et cela par une raison bien simple, c’est qu’on ne veut pas prendre un ministère de huit jours ; d’après les menées de la gauche, cela arriverait ainsi.


4 août. — Nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui qu’hier ; tout le monde refuse les portefeuilles que le Roi offre à tout venant.

Ce soir, j’ai assisté à une charge qui a eu lieu contre un attroupement au Palais-Royal ; on avait annoncé d’avance le tumulte, ce qui fait qu’on s’y est rendu pour le voir ; cela n’était pas grand’chose, on n’a presque pas fait de résistance. Tout le monde a couru à toutes jambes ; les cris d’hier ont été encore répétés, tout cela durera encore quelques jours.

La nouvelle importante qui vient de nous arriver en ce moment résout non seulement la question du Ministère, mais va en soulever bien d’autres encore. La guerre est déclarée par la Hollande à la Belgique. Déjà les premières hostilités ont commencé. Le roi des Belges a demandé des secours à la France. Louis-Philippe les lui a accordés et a donné le commandement de l’armée du Nord au maréchal Gérard. Le Ministère n’est pas dissous et il attendra tranquillement l’adresse de la Chambre au Roi.

Voilà donc le brandon de la guerre jeté. L’armée française se trouve forte de 50 000 hommes et celle du roi de Hollande est de 60 000. L’armée du roi Léopold ne compte presque pour rien, tant elle est peu disciplinée ; on craint même ici qu’il ne soit battu avant que l’armée française n’arrive. Elle fait cependant diligence pour arriver à temps. Les Ducs d’Orléans et de Nemours sont déjà partis pour Maubeuge ; le maréchal Gérard va à Bruxelles pour réunir et organiser, si faire se peut, les troupes belges. On se flatte ici que tout sera fini en huit marches.

En attendant, les difficultés intérieures sont aplanies comme d’un coup de baguette : le Ministère reste ; l’adresse, au lieu d’être mauvaise, sera bonne ; les émeutes qui devaient continuer tous les soirs sous les croisées du Roi vont cesser ; tous les budgets du monde seront votés, car l’affaire de la Belgique, les protocoles et la conférence de Londres, enfin toutes les questions les plus critiques pour le gouvernement se trouvent résolues maintenant. Les fonds ont pourtant fléchi de 5 francs. Si cette guerre est terminée en huit marches, elle consolidera beaucoup Louis-Philippe.

Il y a des personnes ici qui disent que le roi de Hollande a raison de faire la guerre en ce moment, car de cette manière il se met en état de traiter avec la France et les autres puissances, ce qui lui assurera une situation toujours plus favorable que celle dans laquelle il se trouvait et qui ne pouvait se prolonger, à cause des immenses dépenses auxquelles il était entraîné.

Son représentant à Paris, M. Le Hon, est allé trois fois chez le Roi aujourd’hui ; c’est que le temps presse ; si les troupes n’arrivent point, son gouvernement et son roi se trouvent chassés de Bruxelles. L’ambassadeur de Russie, qui aurait dû partir pour l’Angleterre, reste ; d’abord il ne pourrait s’absenter maintenant de Paris, et puis il n’a plus rien à craindre des émeutes ; celle qui aurait dû avoir lieu devant son hôtel ne se fera pas plus que celles du Palais-Royal. Le général Fagel, ministre de Hollande, est au désespoir de tout ce qui vient d’arriver ; il trouve que son maître a été mal conseillé et que cette déclaration de guerre à toute l’Europe ressemblait furieusement à un coup de tête.

Le Duc d’Orléans a été fait général ; sa brigade est composée du 1er régiment de hussards appelé de Chartres et du 1er de lanciers, dont le Duc de Nemours est colonel. Le commandement de la cavalerie légère est confié au général de Lawœstine et au Duc d’Orléans ; deux de ses aides de camp, les généraux de Marbot et Baudrand, l’ont accompagné.

La position dans laquelle se trouve en ce moment la ville d’Anvers, fait pitié. Cette ville est menacée de se voir d’un moment à l’autre incendiée, dévastée. Nous vivons dans un siècle où les événemens se pressent tellement qu’à peine on a le temps de les coucher sur le papier pour les transmettre à la postérité.


20 août. — Les jours qui précédèrent le 4 août où nous est arrivée la nouvelle de la guerre entre les rois des Pays-Bas et de Belgique, Paris fut encore une fois le théâtre d’émeutes et de troubles. Casimir Perier ne voulait plus rester, voyant qu’il avait perdu la confiance du Roi, et le parti républicain voulait profiter de cette occasion pour pousser ses chefs au Ministère ; mais, pour y parvenir, il fallait faire peur au Roi. A cet effet, on rassembla de la canaille sous ses croisées ; on la fit hurler et beugler. Le Roi se décida à prendre Odilon Barrot pour ministre ; il le lui offrit même, mais celui-ci eut peur à son tour de ne pas pouvoir conduire cette machine et refusa. Cette circonstance mit le comble à l’embarras du Palais-Royal. La guerre en Belgique, si populaire dans le parti républicain, est venue remédier à tout.

J’ai été présent à la dernière émeute ; on criait : Mort à Casimir Perier ; mort au Roi s’il ne change de ministère ! Je me trouvais dans une des galeries du Palais-Royal, accompagnant l’ambassadeur. On chargea le peuple dans les jardins du Palais et dans les rues environnantes. Tout à coup, un homme s’approche de nous :

— Messieurs, ne vous exposez pas, vous courez de grands dangers ; nos ennemis pourraient vous reconnaître et dans ce moment, sur la place, l’on désarme la troupe de ligne.

Cet avis, tout exagéré qu’il nous parût, nous fit cependant rebrousser chemin et nous réfugier chez un glacier du Palais, de la croisée duquel nous vîmes passer et repasser l’émeute avec son hideux attirail.


17 septembre. — Le parti du désordre a profité de la nouvelle de la prise de Varsovie, comme il profite de tout pour troubler le repos, pour bouleverser ce qui existe ; cette fois, ce fut une guerre au Ministère. A toute force, on a voulu le chasser pour le remplacer par des républicains. L’ambassadeur de Russie, Pozzo, en a été quitte pour la peur ; Casimir Perier et Sébastiani ont manqué d’être pendus et ce n’est qu’au sang-froid du premier qu’ils doivent leur salut.

Le désordre une fois calmé dans les rues, grâce à quelques coups de baïonnette et de sabre, le démon de la discorde est entré dans la Chambre ; ce furent des interpellations au Ministère, des menaces, des reproches. Mauguin, fort heureusement pour le Ministère, se laissa emporter par sa fougue, sa violence, et il gâta par là la position de son parti.

D’un autre côté, le Ministère s’est bien défendu ; les imputations, la plupart fausses, étaient faciles à démentir. Mauguin n’ayant pas d’acte à produire, fut obligé de se rendre. Jamais je n’ai vu Paris dans une plus grande agitation ; les esprits étaient partagés entre le désir de l’ordre et celui de secourir les Polonais, car on pensait encore que le Roi pouvait en trouver le moyen ; on voulait l’y contraindre et il y eut un moment où l’on ne croyait plus qu’il fût en sûreté à Paris. Vincennes devait le recevoir.

Le danger était arrivé si vite que l’on n’avait pas même eu le temps de prendre les mesures nécessaires pour défendre les hôtels les plus exposés à la fureur de la populace, ainsi que ceux des ministres et de l’ambassadeur de Russie. Le comte Pozzo était au moment de prendre son thé après dîner, lorsqu’un émissaire du préfet de police vint l’avertir de l’imminence du danger.

— N’ayant pas la force nécessaire réunie dans ce moment, dit cet agent de la police, pour réprimer les mutins, le préfet de police invite Votre Excellence à quitter son hôtel au plus vite.

L’ambassadeur avait beau parler du droit des gens et du désir qu’il avait de finir sa tasse de thé, il fallut se sauver et il passa chez Mme de Montcalm. C’est le général Sébastiani qui a payé tout l’écot avec la perte de ses vitrages et de la grille de son jardin.


18 septembre. — L’inquiétude et l’effervescence augmentent d’heure en heure ; les rues sont encombrées de monde, des bandes de Clubistes parcourent la ville, tout nous annonce quelque grand coup. Le Palais-Royal est rempli de troupes ; Casimir Perier et Sébastiani ont eu toute la peine du monde à se soustraire aux assaillans en se sauvant dans un corps de garde de la place Vendôme. On pille les armuriers, la troupe ne veut point agir sans la garde nationale, et celle-ci est très irritée contre le ministère. On veut du sang et il en coulera. On arrange le château fort de Vincennes pour le cas où la révolte se porterait sur Neuilly où la famille royale vient de se réfugier depuis ce matin ; enfin, nous voilà encore replongés dans tous les troubles de l’année dernière et du mois de février de celle-ci. La populace a forcé les portes des théâtres et fait évacuer les salles ; la même chose serait arrivée aux Italiens, si l’on n’avait pas eu la bonne idée de faire éteindre les lustres du foyer, des bureaux et les lampes qui se trouvent placées devant le théâtre et de fermer les portes, de sorte que l’on a pu faire croire aux tapageurs qu’il n’y avait point de représentation ; malgré cela, ils se sont amusés à casser les carreaux et, de là, ils sont allés piller les armuriers de la rue de Richelieu et briser les réverbères ; plusieurs scènes dans ce genre s’y sont passées et le pillage aurait été complet si la force armée n’avait pas réussi à chasser les mutins. Notre hôtel et celui de la Russie sont désignés.


20 septembre. — Tout est tranquille aujourd’hui et l’on espère que ce sera encore pour quelque temps ; je le désire ; mais l’affaire de la Pairie nous pend encore sur la tête. On recule autant que l’on peut cette question douteuse et critique pour le gouvernement ; le public le sent et de là cette inquiétude, ce malaise dans tout le corps social.

Mais, trêve à la politique et passons enfin au Palais-Royal, où nous venons de faire notre dernière visite. La Reine et les princesses étaient placées comme de coutume autour de la table ronde, au bout de la galerie Valois, à côté de la grande cheminée. Le Roi était dans le salon qui précède la galerie et nous y reçut. Il passa après dans la salle du Conseil, les ministres y étant déjà réunis. La Reine avait l’air rassuré qu’elle prend toujours lorsqu’elle croit ses ennemis vaincus. Madame Adélaïde était rayonnante. Cependant, ces dames étaient mises avec plus de soin qu’aux jours où elles restent en famille et où la Reine ne reçoit que le peu de personnes qui ont la permission d’aller la voir tous les jours. Il y avait même quelques bougies allumées de plus. Madame Adélaïde, sans doute à mon air un peu étonné, comprit que je m’apercevais de ces petits changemens et me dit :

— Je vois, comte Rodolphe, que vous vous apercevez de notre toilette un peu plus recherchée qu’à l’ordinaire ; je vais vous mettre sur la voie pour vous épargner la peine de vous perdre en conjectures. L’Empereur et Donna Maria passeront leur soirée ici.

Son Altesse Royale avait à peine prononcé ces noms qu’on annonça Leurs Majestés. La Reine se leva aussitôt pour aller à la rencontre de l’Empereur et de sa fille ; elle leur fit de profondes révérences, puis elle embrassa la jeune Reine, la prit par la main, la conduisit vers nous et l’invita à se placer dans le fauteuil qu’elle (la reine des Français) occupe ordinairement et s’assit à quelques chaises de là.

Qu’on se figure une personne très forte pour son âge avec des traits dans le genre de notre famille impériale, beau teint, beaux cheveux blonds, pas très grande, assez forte de hanches, belles mains, joli pied et déjà toute formée, on lui donnerait dix-huit ans. Réunissez tout cela sur une même personne et vous avez Donna Maria da Gloria. Sa démarche, chacun de ses gestes me rappelèrent Mme la Duchesse de Berry. Sa timidité est extrême, son langage enfantin, son esprit peu développé.

L’heure de la retraite de Mademoiselle de Beaujolais avait sonné ; elle avait par conséquent déjà quitté le salon, ce fut un grand regret pour la reine de Portugal. Mesdemoiselles d’Orléans et de Valois firent leur possible pour remplacer leur sœur près de la jeune Reine ; elles lui apportèrent les joujoux de Toto (le Duc de Montpensier) ; c’étaient des maisons en cartes, faites d’après les modèles de la maréchale Gérard, qui possède un grand talent dans ces sortes de constructions ; c’étaient des jeux de parquets, des tableaux coupés et autres. Sa Majesté de Portugal s’amusa d’abord à enlever une tour à un de ces palais en cartes, ce qui arracha un petit soupir à Mademoiselle de Valois, qui redoutait d’avance le chagrin que cela ferait à son frère et chercha par conséquent à détourner l’attention de la Reine en lui proposant de faire le fond d’une tapisserie. Mais Donna Maria trouva probablement que cela ressemblait trop à une leçon d’ouvrage et elle préféra démolir une seconde tour du palais de Toto.

Me trouvant appuyé sur le dossier du fauteuil de Sa Majesté de Portugal, Mademoiselle de Beaujolais me regarda avec un air qui me prouva ses regrets de voir enlever les principaux ornemens du palais que son frère avait construit avec tant de peine. Je crus de mon devoir de sauver d’une ruine certaine les tours qui restaient encore au dit palais et, en prenant un jeu de parquets, je représentai à Sa Majesté portugaise tout le charme de ce jeu. Inspiré par le regard approbateur de la princesse Marie, mon discours fut si persuasif que je réussis à fixer l’attention de la petite reine. Elle commença par fourrer ses deux mains dans la boite que je tenais et en sortit quelques poignées de ces petites pierres colorées, non sans en jeter la grande moitié par terre et sur la table, cassettes, ouvrages, paniers et flambeaux en vermeil, tout en fut inondé.

— Nous allons faire, dit-elle, une étoile.

— Votre Majesté désire-t-elle que nous lui préparions les couleurs ? demanda Mademoiselle d’Orléans.

La Reine témoigna son approbation par un signe de tête, et nous voilà tous occupés à ranger les couleurs d’après les nuances. Déjà deux rayons de cette étoile allaient être achevés, lorsque la voix de Dom Pedro se fit entendre à l’autre bout de la galerie :

— Maria ! Maria !

La Reine, comme un enfant qui a peur, sans perdre une seconde, laissa là tout, se leva brusquement, fit d’énormes enjambées pour passer par-dessus les genoux de notre cousine et de la reine des Français, car ces dames n’avaient pas eu le temps nécessaire de se lever. Le Roi, qu’on avait rappelé du Conseil, venait de rentrer et Donna Maria devait lui faire une demande en faveur de quelques réfugiés portugais. Le pourpre au visage, les yeux baissés, elle fit une profonde révérence à Sa Majesté. Le Roi en fit une plus profonde encore et puis une autre et encore une. Cependant, la Reine, toute tremblante, récita la phrase qu’on lui avait apprise. Louis-Philippe, avec la galanterie qu’un roi même doit à une femme et surtout si cette femme est une reine, accorda la demande avec beaucoup de grâce dans ses paroles et très peu dans son maintien. Philippe d’Orléans a le don de la parole autant que Charles X, mais il est loin de posséder cette grâce chevaleresque, ce port vraiment royal du Roi exilé. Dom Pedro permit à sa fille d’aller rejoindre les princesses. Elle nous arriva en sautillant.

— Ah ! dit-elle, c’est fait, c’est fait, quel bonheur !

— Oui, ma chère, lui dit la reine des Français, avec cette bonté qui n’est qu’à elle, c’est fait, vous l’avez très bien dit. Calmez-vous maintenant ; il n’y a plus rien qui puisse vous préoccuper.

La petite Reine profita bien de cet avis ; dès ce moment, elle fut tout à son affaire ; c’était une autre personne ; c’étaient des éclats de rire, des gaîtés, des enfantillages dignes et même au-dessous de son âge et qui contrastaient bien singulièrement avec son physique, car, comme je l’ai dit, elle a l’air d’avoir dix-huit ans.

Le lendemain de notre visite, a eu lieu le dernier concert au Palais-Royal ; il n’a été question que de l’installation de la famille royale aux Tuileries ; les uns trouvent cette mesure indispensable et les autres la prennent comme une transition de la royauté libérale à l’absolutisme. Déjà on nommait des dames d’honneur, des grandes maîtresses, des chambellans, un grand maréchal du Palais, des aumôniers, etc., etc. Chacun distribuait ces charges lucratives ou d’honneur selon sa guise.

Cependant, deux jours après, nous eûmes cercle diplomatique à la Cour et aux Tuileries. Jamais ce palais ne m’a paru plus triste, plus inhabité, ni plus vides ces salles de gardes et plus déserts ces salons autrefois peuplés de chambellans, de maîtres de cérémonies. A peine y avait-il un domestique ou une hallebarde pour ouvrir les portes. Nous voilà enfin arrivés dans la salle du trône. Le tapis est changé, les tentures aussi ; plus de fleurs de lis, plus d’armoiries de France nulle part, du velours cramoisi uni et voilà tout. Le Roi, en uniforme de garde national, avec ses aides de camp pour tout cortège, puis la Reine avec Mme de Dolomieu, puis Madame Adélaïde avec Mme de Montjoie, puis les trois princesses avec leur gouvernante, puis le Duc d’Orléans avec le général Baudrand et le Duc de Nemours avec son gouverneur. Toute la famille était donc entassée dans la même pièce. Le Roi, dans son discours, eut l’air de s’excuser auprès du Corps diplomatique d’être venu habiter l’ancien palais du roi Charles X et il rappela que l’empereur d’Autriche le lui avait conseillé.

Le Duc d’Orléans occupe l’appartement de Mme la Duchesse de Berry, la Reine celui de Mme la Dauphine, le Roi celui du Dauphin et Madame Adélaïde s’est réservé les chambres que Mme de Damas et les autres dames d’honneur occupaient sous Charles X et qui, sous l’Empire, composaient l’appartement du Roi de Rome ; les autres princes et princesses sont logés dans les appartemens des Enfans de France et de Mme de Gontaut. Le prince royal reçoit dans les appartemens de Charles X ; la chambre à coucher de ce roi a été convertie en salle de billard, son cabinet et sa bibliothèque servent aujourd’hui de chambres de passage, et la chambre à coucher de parade d’autrefois est le salon de la Reine où elle se tient tous les jours. Ils n’ont d’autre salle à manger que la galerie de Diane, ce qui fait qu’en la traversant le soir pour faire visite à la Reine, on a toute l’odeur du manger, ce qui ne laisse pas d’être fort incommode. Le Roi passe une partie de sa soirée dans le salon de la Reine ; le Duc d’Orléans s’est émancipé depuis quelque temps et se dispense de pareil ennui.

La table ronde du Palais royal est placée dans un coin de la chambre, entre la cheminée et l’endroit où se trouvait le lit des rois de France. Le soleil de Louis XIV, avec la légende Nec pluribus impar, est resté intact. La tenture de cette pièce est d’un gros vert en satin broché d’or dans des encadremens en bois doré et richement ciselé ; le plafond en voûte est surchargé de dorures et d’ornemens qui nuisent aux belles peintures, la plupart allégoriques, en rapport avec la première destination de cette pièce. Le tapis fleurdelisé a disparu de cette salle comme des autres, et on l’a remplacé par celui que Napoléon y a fait poser, avec les douze cohortes en rosace. Peu de jours après l’entrée de Louis-Philippe aux Tuileries, nous fûmes priés à dîner. Il y avait encore, avec nous autres, lady Granville, son mari et ses deux filles, M. et Mme de Werther avec leur fille, le baron de Humboldt, M. de Schegel, le prince et la princesse de Castel-Cicala et sir Richard Acton, qui venait d’Italie.

Chargé d’un message du roi de Naples pour Mme la Duchesse de Berry, il avait eu toute la peine du monde à trouver cette princesse dans la petite ville de Massa ; quelqu’un enfin lui indiqua la maison ; il frappe à la petite porte à plusieurs reprises, il était nuit : on arrive enfin, la porte s’ouvre. Qu’on se figure son étonnement, en voyant Madame Royale elle-même devant lui avec un chandelier à la main. Elle l’invita à rester à dîner ; ce dîner fut bien frugal ; le marmiton, avec son bonnet sur la tête, en veste et tablier, fit tout le service.

M. Acton a eu une longue conversation au sujet de Mme la Duchesse de Berry, avec la Reine qui le questionna sur tout. Pas le moindre détail ne lui échappa, tout l’intéressait.

Après dîner, le Roi me fit l’honneur de me montrer l’appartement en détail ; il me répéta encore qu’il n’était entré aux Tuileries uniquement que parce que l’Empereur le lui avait conseillé.

— Je me rappelle parfaitement. Sire, dis-je à Sa Majesté, le propos tenu par mon auguste maitre et les détails que nous en a donnés le général Belliard.

— Dites-vous bien, comte Rodolphe, continua le Roi, que j’ai fait un grand sacrifice aux convenances en quittant mon beau Palais-Royal pour cet appartement si noir. Voyez toutes ces pièces ; il y a cependant assez de bougies et, malgré cela, comme elles sont sombres et tristes, puis ce petit salon de ma femme (en se reprenant) de la Reine, comparé avec la belle galerie où elle recevait au Palais-Royal ; et encore si vous voyiez l’appartement de ma sœur !

— Oui, comte Apponyi, dit Madame Adélaïde, le Roi a bien raison, je ne suis pas logée, je suis campée ; j’aurais bien pu trouver un appartement plus convenable au Pavillon Marsan ; mais c’est si éloigné, et je souffre, comme vous savez, de mes migraines. C’eût été pour la Reine et les enfans une affaire de venir me voir ; ici, au moins, elles peuvent descendre chez moi par le petit escalier tournant, chauffé comme ce salon ; elles n’ont donc besoin ni de fichu, ni de boa, ni de rien, ce qui fait qu’on viendra chez moi plus souvent et surtout avec plus de plaisir.

Au dernier concert à la Cour, je me suis trouvé debout à côté du Roi ; le dey d’Alger se trouvait non loin de nous.

— C’est incroyable, me dit Sa Majesté, tout ce qu’on voit de nos jours : voilà le dey d’Alger à la Cour du Roi de France.

— Je viens de faire la même réflexion, Sire.

— Peut-être, continua Sa Majesté, dira-t-il comme le doge de Gênes à Louis XIV : « Ce qui m’étonne le plus, c’est de m’y voir. »

Je souris et me tus. Le ministre d’Argout, meilleur courtisan que moi, prit la parole et dit au Roi :

— Le doge de Gênes avait raison de le dire, mais quelle différence entre le siècle despote de Louis XIV et celui d’aujourd’hui ! Les étrangers voient chez nous des choses bien plus utiles et plus étonnantes que le château de Versailles. Je crois donc que le dey d’Alger n’a jamais dit et pas même pensé pareille chose.

— Je l’espère, dit le Roi avec un air satisfait.

Et l’on changea de conversation.

Le dey d’Alger avait avec lui, outre son interprète, un homme grand, à larges épaules, à la figure noire, sévère et pittoresque. L’interprète nous dit que c’était le Bourreau honoraire du dey.

En fait de personnages curieux, il y avait encore, à ce concert, l’envoyé de Tunis, avec sa grande couverture de laine blanche, dans laquelle il est enveloppé de la tête aux pieds, et son neveu, charmant garçon de dix à douze ans avec des yeux noirs de toute beauté.

J’ai passé hier, dans la matinée, chez Mme de Loulé[10]. Elle me parla beaucoup de l’expédition prochaine de son frère contre le Portugal ; elle me dit que leurs correspondans de Lisbonne n’avaient aucun doute sur la réussite de cette expédition.

— En cas de succès, à quel parti s’arrêtera l’Empereur ? demandai-je à la marquise. Sera-t-il régent, co-régent ou bien prendra-t-il la couronne de sa fille ?

— Vous savez, me répondit la marquise, que mon frère, en montant sur le trône du Brésil dont son abdication l’a fait descendre, avait cédé à Dom Miguel la couronne de Portugal sous certaines conditions. Dom Miguel n’en a rempli aucune, ce qui donne le droit à l’Empereur de reprendre la couronne, si bon lui semble. A mon avis, je crois que c’est ce qu’il pourrait faire de mieux, car il serait dur pour lui d’être le lieutenant général et le premier ministre de sa fille, ayant tous les droits d’occuper le trône lui-même.

Le marquis de Loulé, qui s’était tu tout le temps de cette conversation, prit la parole et, après m’avoir dit qu’il accompagnerait l’Empereur, chercha à donner une autre tournure à la conversation, trouvant probablement que sa femme avait parlé avec un peu trop d’abandon. Etant au fait de ce que je voulais savoir, je n’ai fait aucune tentative pour ramener l’entretien sur l’expédition de Dom Pedro.

Le même soir, l’Empereur est venu nous faire visite dans notre loge aux Italiens ; il se déchaîna contre Larocha, le nouvel envoyé du Brésil qui vient d’arriver et qui n’a pas passé chez lui. Dom Pedro se trouve vivement piqué de ce manque d’égards.

— Ce petit homme et sa suite sont tous mulâtres, nous dit-il ; il aurait été le plus heureux des mortels si, pendant que j’étais au Brésil, je l’avais honoré d’un regard, et, maintenant, il fait le fier.

En parlant, il frappait du pied rudement le plancher. L’Empereur est très susceptible vis-à-vis du corps diplomatique ; il prétend qu’on vienne chez lui, qu’on lui fasse la cour à son jour de fête ; il l’a fait insinuer aux membres du corps diplomatique ; les ambassadeurs et ministres des puissances parentes sont seuls venus.


15 octobre. — En parlant de la soirée à laquelle assistait le dey d’Alger, j’ai oublié l’incident que voici. Le Roi s’aperçut que le dey, peu accoutumé à rester debout, ne pouvait dissimuler sa fatigue. Voyant tout ce qu’il en souffrait, le Roi et la Reine lui firent donner une chaise qu’il accepta avec reconnaissance ; cependant il n’en profita pas longtemps. Le fameux quintetto du Turco in Italia fut recommencé. Lorsqu’on vint à la phrase : « Questo Turcaccio maledetto, » que Lablache dit si bien, le dey comprit qu’il était question d’un Turc et en demanda l’explication à son interprète ; celui-ci lui traduisit la phrase. Alors, le dey se lève et sort pour se réfugier dans l’autre pièce. Dom Pedro, placé à côté de lui, en riait sans se gêner le moins du monde. Les dames de la Cour et toutes les autres personnes dans la salle, usèrent de plus de ménagement. Le quintetto fini, le dey reparut dans la salle. S’étant fait présenter à notre cousin, il lui fit demander par l’interprète des nouvelles de sa précieuse santé, à quoi l’ambassadeur lui fit répondre qu’il était fort sensible à sa politesse et que, grâce au ciel, sa santé jusqu’à présent ne lui donnait pas la moindre inquiétude. Le dey en parut très satisfait, et son bourreau honoraire fit une profonde révérence à cette occasion. Il parait en avoir une grande habitude.

Au moment où j’entrais dans la salle du trône, j’aperçus de loin la belle duchesse de Vallombrosa que je n’avais pas encore vue depuis son mariage, et je voulus m’approcher d’elle pour lui faire mes complimens. Ne voilà-t-il pas que ce grand bourreau de Turc me barre le chemin de concert avec son maitre. Moi, ne pensant pas plus aux Turcs en ce moment qu’au Grand Mogol, l’aspect de tous ces turbans et poignards (le bey de Tunis s’y trouvant aussi avec son neveu) me fit reculer de trois pas au moins ; ces messieurs en profitèrent pour me faire des révérences jusqu’à terre ; j’en fis de même, en les imitant, ce qui fit sourire les dames qui nous entouraient.


29 octobre. — Voici le récit que j’ai entendu M. de Chateaubriand faire chez Mme de Jumilhac. Il était question de son entrée triomphale à Paris lors des glorieuses journées.

— Ah ! quel jour que celui-là ! disait-il. Savez-vous ce que c’est que d’être porté en triomphe par le peuple ? Je m’en vais vous en donner une idée. J’étais descendu de voiture, car on ne pouvait entrer à Paris autrement qu’à pied : on me reconnut ; d’abord je ne fus suivi que de quelques polissons qui criaient de toutes leurs forces : « Vive Chateaubriand ! » Ne pouvant les en empêcher, je cherchais à me dérober à ces ovations en passant par des rues moins populeuses ; mais la foule devenait toujours plus grande derrière moi ; bientôt j’en fus entouré et pressé de tous les côtés. Brusquement, une tête assez mal peignée s’introduit entre mes jambes, deux bras vigoureux entourent mes mollets, et me voilà à califourchon sur les épaules d’un de mes prétendus amis. J’avais beau prier, conjurer, tout fut inutile ; il fallut subir toute cette belle distinction. Je fus porté ainsi, passant d’un dos sur un autre, car chaque fois que le porteur était fatigué, il se courbait, retirait sa tête d’entre mes jambes et un autre le remplaçait. La promenade dura des heures par toutes les rues de Paris et me fatigua au point que je demandai qu’on me laissât me reposer dans un café. On le fit et je me crus sauvé. Mais point du tout ; on m’attendait à la porte et ma cavalcade improvisée recommença. Ce n’est qu’au déclin du jour que j’arrivai tout éreinté dans ma rue d’Enfer. Je vous assure, mesdames, que ce n’est point la manière de voyager la plus commode, ni la plus agréable.


28 novembre. — Les troubles qui ont éclaté à Lyon ont pris, depuis le 23, un caractère des plus alarmans. Ce n’est plus une simple émeute, c’est l’insurrection de la plus grande ville de France après Paris. Le Duc d’Orléans nous a quittés vendredi dernier avec le maréchal Soult pour se mettre à la tête de l’expédition contre les insurgés. Nous avons eu depuis des nouvelles de son arrivée, mais seulement par le télégraphe. Le maréchal veut réunir 50 000 hommes avant d’entrer dans la ville. Les personnes dignes de foi disent qu’il en faudrait 80 000 pour prendre Lyon en ce moment.

Il paraît que le gouvernement a été, quoi qu’en dise M. Casimir Perier, d’une imprévoyance incroyable. On l’avait averti d’avance que des troubles éclateraient, et cependant pour garder cette immense ville, il n’y avait que quinze cents hommes de troupes de ligne. La garde nationale, composée surtout d’artisans, ne pouvait être d’une grande utilité en cas d’émeute. : Jamais insurrection n’a été mieux dirigée ; les organisateurs avaient eu soin d’attendre que la ville fût approvisionnée pour l’hiver ; en outre, depuis longtemps, on incitait les ouvriers à se soulever en les engageant à réclamer le relèvement des salaires, alors que déjà les chefs payaient la main-d’œuvre si cher que plusieurs avaient fait banqueroute et que les autres ne se soutenaient qu’en congédiant nombre de leurs ouvriers.

Parmi les troupes de ligne, il y en a eu qui ne voulaient pas combattre ; celles qui obéissaient furent bientôt cernées ; l’arsenal a été pillé, l’Hôtel de Ville pris d’assaut. Dès ce moment, la ville fut au pouvoir des insurgés et, pour la leur reprendre, on a dû sacrifier beaucoup d’hommes. De leur côté, ils doivent avoir perdu immensément de monde, car on les a chargés à la baïonnette et mitraillés. Jamais bataille ne fut plus acharnée, plus sanglante ; on ne connaît pas encore le nombre des victimes, mais on l’évalue au moins à 6 000, sans compter les blessés.

Les nouvelles arrivées hier soir nous disent que les troupes ont été obligées d’abandonner le fort de Montessuy, construit depuis la révolution de Juillet pour se défendre contre une attaque des puissances alliées.

Carlistes et républicains sont sur le qui-vive. Déjà on a fait beaucoup d’arrestations à Paris, bien que plusieurs des chefs aient pu s’enfuir. Toutefois, avant-hier, on a coffré Lennox au moment où il voulait se rendre à Lyon. Un ennemi plus dangereux, plus entreprenant, qui réunit du talent à son courage, leur a échappé ; c’est le général Dubourg, républicain par conviction autant que par haine pour ce gouvernement qui l’a destitué à la suite des troubles de Février. Ce général est entre Lyon et Marseille, dit-on, pour soulever cette dernière ville et achever l’alliance entre les carlistes et les républicains. S’il y parvient, tout le Midi et la Vendée sont en feu ; Mme la Duchesse de Berry n’a qu’à débarquer à Marseille, et Bourmont est à ses ordres pour commander l’armée.


30 novembre. — Les amis des Tuileries regrettent qu’on ait envoyé le Duc d’Orléans contre les Lyonnais. On aurait dû, disent-ils, le faire paraître dans cette ville comme l’ange du pardon. Voilà le rôle qu’il devait jouer. Le maréchal Soult aurait dû frapper et d’Orléans pardonner.

Le choléra ne fait ici aucune espèce d’impression. On en parle comme de la grippe ou de la coqueluche. On en a tant parlé que c’est comme l’enfant de la fable qui criait au loup.


COMTE RODOLPHE APPONYI.

  1. Copyright by Ernest Daudet.
  2. Les extraits de cet attachant Journal que nous avons déjà publiés (Revue des 1er et 15 octobre 1912) figurent dans le tome Ier qui vient de paraître à la librairie Plon. Ceux qu’on va lire et que nous communique M. Ernest Daudet, sont tirés du second volume actuellement en préparation.
  3. Le comte Rodolphe revenait de Hongrie où il s’était rendu en congé.
  4. Fils de Jean VI, roi de Portugal, il avait suivi ce prince, quand celui-ci chassé de son royaume par Napoléon, s’était réfugié au Brésil. Il resta dans ce pays après que Jean VI eut recouvré ses États et y devint empereur. A la mort de son père, qui faisait passer sur sa tête la couronne de Portugal, il abdiqua cette couronne en faveur de sa fille encore mineure, dont il promit la main à son frère Dom Miguel en le nommant régent. Mais, bientôt après, en 1827, Dom Miguel se déclara roi, au mépris des droits de sa fiancée. En 1831, Dom Pedro, ayant cédé à son fils le trône du Brésil, revenait en Europe pour rétablir sa fille dans ses droits. Il y parvint en 1833, en soulevant le royaume portugais contre Dom Miguel.
  5. Américain de naissance, il avait servi sous Napoléon, comme capitaine instructeur à Saint-Cyr et à Saumur. Quoique, à la suite de sa participation aux journées de Juillet, il eût été nommé chef d’escadron, il se jeta dans le parti républicain, quitta l’armée et fut mêlé à la plupart des conspirations de cette époque. Il mourut en 1836, à quarante et un ans, ruiné par ses tentatives révolutionnaires et par des essais malheureux de navigation aérienne.
  6. Publiciste et historien dont les œuvres s’inspiraient d’opinions révolutionnaires très accusées.
  7. On sait que ses tentatives pour fonder une religion nouvelle échouèrent piteusement non seulement sous les railleries dont elles furent l’objet, mais aussi par suite des dissentimens qui avaient éclaté entre le fondateur et ses coreligionnaires.
  8. Dom Miguel qui régnait encore en Portugal ayant refusé les réparations que la France exigeait de lui, à la suite de dommages infligés à des Français résidant en Portugal, une escadre française se présenta devant Lisbonne et Dom Miguel dut subir les conditions auxquelles il avait voulu se dérober.
  9. Dans les réceptions officielles, le comte Rodolphe portait le costume des magnats de Hongrie.
  10. Fille de Jean VI roi de Portugal ; née en 1806, elle avait épousé, en 1827, le marquis de Loulé, fils du ministre qui avait été assassiné en 1823, lors de la révolte fomentée par Dom Miguel contre le Roi son père, à l’instigation de sa mère.