Michel Lévy frères, éditeurs (2p. 118-119).

VIII

LA TREILLE

La métairie ouvre sa porte
Aux premiers rayons du matin,
Et voici la fermière accorte
Qui paraît au seuil, et qui porte
Dans ses bras un charmant lutin.

Bel enfant que l’aube réveille,
Il rit : les yeux levés en l’air,
Il voit sur sa tête vermeille
Pendre les raisins de la treille
Que le jour frappe d’un éclair.


« Mère, dit-il, la grappe est mûre !
(Hier elle était verte encor.)
Mère ! aujourd’hui, soyez-en sûre ;
Regardez bien sous la ramure
Ce beau fruit noir, ce beau fruit d’or ! »

Et la mère en ses bras le dresse,
Les pieds posés contre son sein,
Et l’heureux marmot qui s’empresse
Atteint déjà la branche épaisse,
Déjà saisit le blond raisin.

Il tire à lui grappe et feuillage ;
Et mille oiseaux qui, pour la nuit,
S’étaient blottis dans le treillage,
Partent soudain comme un nuage,
Battant des ailes avec bruit.

Et ce réveil et cette enfance,
Et ces fruits mûrs à la saison,
C’est le plaisir, c’est l’espérance…
Et c’est ainsi qu’un jour commence
Autour d’une pauvre maison !