La Vie de Jésus (Taxil)/Chapitre XLVIII

P. Fort (p. 229-237).

CHAPITRE XLVIII

PRODIGIEUX EFFETS DE LA SALIVE DIVINE

S’il avait été aussi roublard qu’il voulait bien le dire, Jésus en serait resté sur son succès auprès des femmes du Trésor ; mais ensuite, se sentant appuyé, il voulut se livrer à un attrapage général de messieurs les Israélites, et cette équipée manqua de lui coûter cher. Il s’en fallut de peu, en effet, que son heure, qui n’était pas encore venue, vînt tout de même.

Il blaguait comme un dentiste de carrefour en train de vanter son élixir. Il s’était placé dans le parvis des Gentils, le plus vaste du Temple. Grisé par ses propres paroles, il se déclara « lumière du monde », disant que tous « ceux qui ne croyaient pas à ses affirmations marchaient dans les ténèbres. »

Deux ou trois auditeurs se mirent à rire.

— Votre témoignage est sans valeur, fit l’un d’eux ; vous vous rendez témoignage à vous-même. D’après la logique la plus élémentaire, pour qu’une affirmation ait quelque portée, il faut qu’elle soit appuyée au moins par deux témoins.

— Soit, répondit Jésus, dont le toupet ne se défrisait pas facilement ; eh bien, j’appuie mon affirmation, cela me fait déjà un témoin en ma faveur.

On haussa les épaules. Il continua :

— Et mon père, qui m’a envoyé, dit la même chose que moi ; voilà donc les deux témoignages demandés.

— Où est-il votre père ? réclama-t-on.

— Ça, c’est mon affaire ; cela ne vous regarde pas. Vous devez me croire sur parole ; si vous me croyez, vous deviendrez des hommes libres.

Ces mots furent accueillis par des murmures : les Juifs étaient effectivement sous la domination romaine ; mais ils n’aimaient pas qu’on leur rappelât leur lâcheté à subir ce joug.

— Pardon, crièrent-ils, nous ne sommes pas des esclaves ! Nous sommes les enfants d’Abraham, nous sommes les fils de Dieu, nous n’avons pas besoin qu’on nous donne des leçons de patriotisme !

Devant ces interpellations, Jésus s’emballa. Il entama un discours furibond qui n’avait ni queue ni tête, s’époumonnant à dire que lui aussi était enfant d’Abraham et fils de Dieu. Il finit même par lâcher cette énormité :

— Je suis plus grand qu’Abraham, votre père, qui est mort. Abraham a désiré avec ardeur me voir venir au monde ; il m’a vu, et il s’en est réjoui.

— Oh ! là là ! quel toqué ! Il n’est pas possible d’avoir reçu un pareil coup de marteau sur le timbre ! clama la foule. Il a tout au plus trente ans, et il prétend avoir connu Abraham ! À la douche, le cerveau fêlé ! à la douche !

Lui, sans s’émouvoir, répliqua :

— En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham eût été engendré, j’existais, moi qui vous parle !

C’était de la divagation pure. Voyant que Jésus se moquait décidément d’eux et les prenait pour des imbéciles, les Juifs laissèrent déborder leur colère ; ils se précipitèrent sur les pierres amoncelées pour la construction du Temple (à cette époque le Temple n’était pas encore complètement terminé), et voulurent lapider le Nazaréen. Mais Jésus, qui tenait absolument à ne se laisser occire que le jour où son heure serait venue, profita du tumulte et de la confusion de la foule et s’esquiva à toutes jambes.

Les disciples, qui n’avaient pas osé le défendre, coururent après lui et le rattrapèrent dans une rue, au moment où il s’occupait à interroger un aveugle qui mendiait.

Cet infirme était assis sur une borne ; il portait à son cou un écriteau qui devait sans doute être conçu ainsi : « Âmes charitables, ayez pitié d’un malheureux qui est aveugle de naissance, par permission de l’autorité. »

— Le cas est intéressant, disait Jésus, cet homme n’est pas un de ces faux aveugles comme on en voit tant ; c’est un aveugle sérieux. Il vient de me raconter ses chagrins ; les Israélites n’ont pas l’âme tendre en général, ils ne compatissent pas comme il faudrait à sa misère. Les enfants lui jouent le tour de lui mettre dans sa sébile des boutons de culotte aplatis, et, quand il se présente chez le boulanger ou chez le marchand de vins, on lui refuse cette monnaie… Ah ! cet infortuné est bien à plaindre !… Dire que je suis la lumière du monde, et qu’il ne me voit pas !…

— Dame ! il ne tient qu’à vous, patron, de lui rendre la vue, fit un disciple.

— Je vais vous dire… C’est que cet homme est aveugle de naissance ; s’il avait été aveugle par accident, ce serait beaucoup moins compliqué.

L’aveugle, entendant ce discours, comprit qu’il avait devant lui quelque grand médecin de la Judée. Il supplia donc le docteur inconnu de le guérir.

Jésus cracha à terre dans la poussière ; après quoi, il se baissa, pétrit la poussière avec sa salive de manière à faire une petite boulette de boue ; puis, il étendit cette boulette saliveuse sur les yeux de l’aveugle, et, quand il l’eut ainsi bien emplâtré de sa boue malpropre :

— Allez, lui dit-il, et lavez-vous dans la piscine de Siloé.

L’établissement était à deux pas. L’infirme y courut en toute hâte et se baigna, lui et son chien. — Fut-il guéri, le bon aveugle de naissance ? — Parbleu !

Les gens du voisinage en étaient comme des tourtes.

Ceux qui l’avaient vu, le matin même, demander l’aumône, hésitaient à le reconnaître.

— N’est-ce pas celui qui était assis là et qui mendiait ? Les uns répondaient :

— Oui, c’est lui.

Les autres :

— Non, c’en est un qui lui ressemble, voilà tout.

— En ce cas, il lui ressemble étrangement.

— C’est sans doute son frère jumeau ; il y a des ressemblances étonnantes entre les frères jumeaux.

— Possible, mais elles ne vont pas jusqu’au chien ; ou alors ces deux frères jumeaux avaient deux chiens également jumeaux, ce qui serait bien extraordinaire.

— Le mieux est de l’interroger.

On se rassembla autour de l’ex-aveugle.

— Pardon, brave homme, êtes-vous vous ? ou bien êtes-vous votre frère ?

L’ex-aveugle répondit (c’est textuel dans l’Évangile) :

— Je suis moi-même.

— Bah !… Comment diable alors vos yeux se sont-ils ouverts ? Seriez-vous un de ces aveugles postiches comme il y en a à tous les coins, et vous seriez-vous moqué de nous jusqu’à présent ?

— Je ne suis pas un aveugle postiche. Depuis mon enfance, je ne voyais pas. Vous le savez bien, sapristi ! Vous m’avez assez fait de mauvaises farces… Demandez un peu aux gamins du quartier qui m’appelaient le père Tape-à-l’œil et qui me tendaient des ficelles dans la rue… Est-ce que vous croyez que c’est pour mon plaisir que je me fichais par terre ?… J’étais, je vous le jure, un aveugle très sérieux… Seulement, voici : cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, je ne sais avec quoi, par exemple ; c’était de la boue légèrement gluante ; il m’en a frotté les yeux, et il m’a envoyé me laver à la piscine de Siloé ; j’ai suivi son conseil et je m’en suis bien trouvé, ainsi que vous pouvez le constater.

— Et où est-il, votre guérisseur ?

— Pour ça, je n’en sais rien.

« Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait cette boue et ouvert les yeux de l’aveugle. » Il avait donc violé les prescriptions des rabbis qui défendaient d’appliquer les remèdes au jour sacré, même de frotter de salive un œil malade (Maimonides, Sabbath, 21, Lightfoot, Horæ hebraïcæ, in Joan., IX) ; et c’était à l’heure même où les pharisiens avaient essayé de le lapider que le fils du pigeon avait osé enfreindre publiquement leurs règles ! Il était impossible de se moquer avec plus d’audace de la loi de Moïse.

Les témoins du prodige coururent annoncer aux sanhédrites ce qui se passait.

Le grand conseil ne tenait pas de séance régulière aux jours de sabbat ; mais, en l’honneur des fêtes des Tabernacles, ses membres se tenaient dans les parvis du Temple, désireux de vérifier par eux-mêmes si les dons des fidèles étaient nombreux.

Ils ordonnèrent que l’aveugle guéri leur fût amené. Celui-ci était assez ennuyé de ce qu’on cherchait garouille à Jésus de lui avoir rendu service ; il se rendit donc auprès des princes des prêtres en disant :

— Eh bien, en voilà des affaires pour une paire d’yeux qui ne voyaient pas et qui voient à présent !… Avec ça que j’allais m’amuser à attendre à demain pour me faire guérir ?

— Là n’est pas la question, répliquèrent les curés juifs tatillons. On prétend que ce Jésus a employé des remèdes ; par conséquent, il a exercé un métier, il a travaillé, et cela un jour de chômage.

— Mais il ne m’a pas demandé un sou pour sa peine !

— Peu importe. Oui ou non, s’est-il servi d’un onguent quelconque pour vous guérir !

— Un onguent !… Si de la boue, c’est un onguent, alors !…

— Sans aucun doute.

— Ça va bien, je ne dis plus rien… Et mon caniche, qui s’est baigné avec moi dans la piscine, n’allez-vous pas lui trouver à redire, à lui aussi ?

Les sanhédrites se consultèrent.

— Ce Jésus n’est pas envoyé par Dieu, firent les uns, puisqu’il n’observe pas le sabbat, qui a été institué par Moïse au nom de Dieu.

— Mais si son onction était un péché, répliquaient les autres, il serait un pécheur, et Dieu permettrait-il à un pécheur d’opérer des prodiges ?

Voyant qu’ils n’étaient pas d’accord entre eux, les sanhédrites posèrent à l’aveugle une nouvelle question :

— Quel est ton avis sur celui qui t’a ouvert les yeux ?

— S’il vous plaît ?

— On te demande ce que tu penses de cet homme qui t’a ouvert les yeux ?

— Pardon, je vous prie de ne pas me tutoyer, d’abord. Quant à mon opinion sur mon guérisseur, c’est, primo, que j’ai eu affaire à un homme charmant, et, secondo, que c’est un prophète. Là, êtes-vous contents ?

— Ta, ta, ta, l’ami, objecta un vieux du conseil, vous causez avec trop d’aplomb pour ne pas être un compère de votre soi-disant prophète.

Il y eut un murmure d’approbation parmi la majorité des sanhédrites.

— Et cela pourrait bien être, fit-on à la ronde.

Le vieux qui se méfiait ordonna :

— Nous allons garder ici ce prétendu miraculé jusqu’à ce que nous ayons entendu ses parents, et nous verrons bien ce qu’ils vont nous dire.

Marthe, jalouse de Madeleine, est envoyée à l’ours (chap. XLIX).
Marthe, jalouse de Madeleine, est envoyée à l’ours (chap. XLIX).
Marthe, jalouse de Madeleine, est envoyée à l’ours (chap. xlix).
 

L’ex-aveugle haussa les épaules.

— C’est idiot de faire tant de manières, dit-il. Vous agiriez bien plus sagement en me croyant sur parole ; vous ne réussirez, avec toutes vos histoires, qu’à rendre plus manifeste ma guérison merveilleuse. Si c’est cela que vous cherchez, vous n’êtes pas au bout de vos surprises.

Et il donna l’adresse de sa famille. Quatre gardes partirent pour se rendre à l’endroit indiqué. Une heure après, ils ramenaient deux vieux cassés qui tremblaient comme des feuilles, heureux d’apprendre que leur fils avait été guéri, mais profondément mortifiés d’être traduits devant les princes des prêtres. Ces deux pauvres vieux, le père et la mère de l’aveugle, se faisaient un sang de peste. Allait-on les fourrer en prison parce que leur fils n’était plus aveugle ?

— Approchez, dit le président du conseil, d’une voix grave.

— Grâce, grâce, mon bon monsieur, firent les deux vieillards en se jetant à genoux, nous n’avons causé de mal à personne ! Ce n’est pas notre faute si notre fils n’est plus aveugle. Pardonnez-lui, il n’y reviendra plus, ne nous envoyez pas à l’échafaud !

On les releva ; mais on eut beaucoup de peine à leur donner un peu de confiance.

— Il s’agit simplement de donner un témoignage, reprit le président ; on vous laissera tranquilles, si vous dites bien la vérité. Ainsi, éclairez-nous et n’ayez aucune crainte.

— La vérité, notre juge ?… Mais nous préférerions mourir mille fois que de dire un seul mensonge !…

Les sanhédrites examinèrent les deux vieux ; ils avaient de bonnes têtes ; ce n’étaient certes pas des têtes comme les leurs qui pouvaient mentir.

— Est-ce bien là votre fils ? interrogea le président.

— À qui le demandez-vous ! répondit la vieille maman. Un enfant que j’ai fait moi-même ! que j’ai nourri de mon lait ! que j’ai sevré à dix-huit mois ! que j’ai…

— Bien, bien, cela suffit ; et est-il réellement né aveugle ?

— Hélas ! notre juge, dit le vieux papa, il n’a jamais vu goutte ; ç’a toujours été un bien grand malheur pour nous et pour lui… Et notez que nous n’avons jamais su d’où ça venait… Mon bisaïeul, à moi, était manchot ; mais, dans notre famille, il n’y avait jamais eu d’aveugle.

— Vous jurez que vous venez de dire la vérité ?

Les deux vieux éclatèrent :

— Si nous le jurons !… mais par tout ce que nous avons de plus sacré !… Par la Bible ! par les cendres de nos parents qui sont morts ! par nos têtes ! par le respect que nous portons à notre sainte religion !…

— C’est bien. Un dernier mot : comment votre fils a-t-il été guéri de sa cécité ?

— Ah ! notre juge, pour cela, nous en avons reçu tout à l’heure la première nouvelle par vos gardes que vous nous avez envoyés. On nous a dit : « Votre fils n’est plus aveugle ». Nous avons sauté de joie. Mais le caporal a ajouté : « On l’a arrêté pour ça. » Alors, nous avons pleuré de douleur… Notre fils arrêté !… Quelle honte pour la famille !… notre fils mélangé aux malfaiteurs !… Ah ! nous en mourrons de chagrin… Dites, mon bon monsieur, relâchez-le… Il est innocent, nous vous le jurons… Il ne savait pas, le pauvre chéri, qu’il lui était défendu de ne plus être aveugle !…

Les sanhédrites étaient bien embarrassés. Tout attestait que Jésus avait accompli un miracle, et, pour tout l’or du monde, ils ne voulaient pas en convenir. Les deux vieux, naïfs et honnêtes, ne pouvaient être accusés de faux témoignage. On les laissa partir ; mais le conseil retint encore un instant l’aveugle.

— Allons, avouez que vous avez trompé votre famille, lui dirent les princes des prêtres ; avouez que vous vous êtes moqué du monde jusqu’à aujourd’hui. Nous vous pardonnerons. Rendez grâces à Dieu ; mais ne cherchez pas à nous en imposer plus longtemps, car nous savons très bien que ce Jésus est un pécheur et que, par conséquent, il ne peut opérer des prodiges.

La moutarde commençait à monter au nez de l’ex-aveugle.

— Si c’est un pécheur, répliqua-t-il, je n’en sais rien ; tout ce que je sais, c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois.

Alors, eux, les sanhédrites, de recommencer à l’interroger :

— Enfin que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ?

— Mon Dieu, êtes-vous donc têtus ! et faut-il que j’ai de la patience !… Ce n’est pas avec un couteau, pardine ! qu’il m’a ouvert les yeux, comme on ouvre une huître !… Ce que ce Jésus m’a fait, je vous l’ai dit, je vous l’ai expliqué et vous l’avez entendu. Pourquoi voulez-vous l’entendre encore ? Est-ce que vous avez envie de devenir ses disciples ?

— Le drôle nous raille ! firent les princes des prêtres.

« Et ils s’emportèrent et ils le chargèrent d’injures. »

— Sois toi-même son disciple, espèce de pignouf ! Pour nous, nous sommes les disciples de Moïse ; mais quant à ton Jésus, nous ne savons pas d’où il vient !…

— Ça ne prouve pas que vous soyez bien malins, répliqua l’ex-aveugle qui s’enhardissait. Vous prétendez avoir la science infuse, et vous ne comprenez pas que cet homme qui m’a ouvert les yeux est un prophète envoyé de Dieu. Pour moi, je n’ai pas mis longtemps à le deviner, et cependant je n’ai pas fait ma rhétorique !

À ces mots, les sanhédrites se levèrent furieux : un mendiant osait tenir tête aux maîtres d’Israël !

— Tu n’es pétri que de péché, lui dirent-ils, et tu voudrais nous donner des leçons !

Ils se jetèrent sur lui et le chassèrent de la synagogue.

Et voilà que, juste au bas des degrés du Temple, il rencontra Jésus. Il ne l’avait jamais vu (puisqu’il était aveugle au moment où le Verbe lui avait enduit les yeux de sa boue saliveuse) ; mais il le reconnut tout de même.

— Oh ! monsieur, fit-il, que je suis heureux de vous voir !

— Croyez-vous au Fils de Dieu ? demanda Jésus.

— Cela m’est égal, je croirai à tout ce que vous voudrez.

— Eh bien, le Fils de Dieu, c’est moi.

— Je m’en doutais… Nom d’un chien ! je crois en vous.

Et lui et son caniche se prosternèrent devant le Christ.

Du haut de l’escalier du Temple, les sanhédrites avaient assisté à cette scène. On pense si leur rage s’en accrut. Quelques-uns descendirent, et, s’adressant à Jésus :

— Dites donc, firent-ils, guérisseur d’aveugles, est-ce que par hasard vous ne nous prendriez pas pour des sans-yeux, nous aussi ?

— Vous croyez voir, c’est votre affaire, répondit le fils du pigeon ; grand bien vous fasse !

Puis, se retournant vers l’ex-aveugle il lui dit :

— Ils vous ont flanqué à la porte de leur synagogue ; moi aussi. Au cas où cette mésaventure vous chagrinerait, consolez-vous en écoutant la petite parabole que voici :

Supposez une bergerie ; dans une bergerie, il y a des brebis, et, pour mener paître les brebis, il y a un berger. Que fait le berger quand il entre dans la bergerie pour aller chercher ses brebis ? Il entre par la porte. Au contraire, quand un voleur veut pénétrer dans une bergerie, ce n’est pas par la porte qu’il entre ; il sait très bien que le portier ne lui ouvrirait pas. Ce n’est pas fini ! Lorsque le berger veut mener paître ses brebis, il marche et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. En revanche, si c’est un étranger qui veut les mener paître, toutes les brebis fichent le champ, vu que sa voix leur est totalement inconnue. Maintenant, voici ce que signifie ma parabole : Je suis la porte et la bergerie ; tous ceux qui pour pénétrer dans la bergerie n’y entrent pas en me traversant, tous ceux-là sont des voleurs ; en outre, tout en étant une porte de bergerie, je suis aussi un bon pasteur, celui qui n’a pas peur du loup, celui qui donne sa vie pour ses brebis.

L’ex-aveugle était dans le ravissement. Les gens qui étaient là, et qui avaient écouté l’apologue, causaient entre eux de tout ce qu’ils venaient de voir et d’entendre. Et les avis n’étaient pas unanimes. « Il est possédé du démon, il a perdu la boule, » disaient les uns ; et les autres répondaient : « Mais non ! ce n’est pas mal, ce qu’il dit ce bonhomme, il n’est pas si fou que ça ! et, s’il était possédé du démon, il n’ouvrirait pas si facilement les yeux aux aveugles de naissance. »

Mais Jésus, qui se souciait peu d’assister à la discussion dont il était l’objet, s’esquiva et même quitta Jérusalem, non sans avoir donné une bonne poignée de main à son ami l’ex-aveugle.

Comme je serais désolé si mes aimables lecteurs et mes charmantes lectrices pensaient, une minute, qu’en écrivant ce chapitre je me suis laissé aller aux caprices de mon imagination, je termine en indiquant la citation qui prouvera que je n’ai rien inventé. Lisez l’évangile de saint Jean, chapitre IX tout entier, et chapitre X, du verset 1 au verset 21. Quant au fait de la boue saliveuse, cause de tout le miracle, je citerai textuellement le passage qui y a trait, afin qu’il n’y ait aucun doute dans les esprits : « Après avoir dit cela, il cracha à terre ; et ayant fait de la boue avec sa salive, il oignit de cette boue les yeux de l’aveugle. » (Chap. IX, verset 6.) Pas une virgule de changée.

Hein ! était-il assez propre, le Seigneur Jésus !