La Vérité sur l’Algérie/06/08

Librairie Universelle (p. 179-182).


CHAPITRE VIII

Sur la vaillance des Algériens en 1870-1871.


Un peuple qui se montre ainsi vaillant quand il achète des masques doit, dans les circonstances critiques où les autres hommes montrent seulement de la vaillance, devenir un peuple de héros.

Et 1870-1871, la guerre, l’insurrection, bien certainement, causèrent là-bas des explosions d’héroïsme.

En effet.

L’Algérie décréta la lutte à outrance et par les moyens les plus violents.

Un comité de Constantine, considérant :


« … Que les Prussiens sont une horde de pillards et d’assassins et que tout sentiment d’humanité et de pitié, à leur égard, ne serait que faiblesse. »


écrivait aux citoyens de la Défense nationale à Bordeaux pour leur demander :


« D’employer sans retard à l’anéantissement des Prussiens les moyens de destruction les plus violents et les plus rapides » (10 janvier 1871).


C’est les exaltés des comités qui écrivaient cela… Voici ce que publiait un médecin, le Dr  Maurin (L’Humoriste) :


« … Alerte ! la patrie râle. Paris va s’allumer comme Saragosse ; le peuple va périr pour s’ensevelir sous les lambeaux déchirés de l’honneur national… Partez ! Alerte ! Le tocsin sonne pour la patrie en danger. »


Les patriotes algériens savaient merveilleusement dire : « Partez ! »

M. Rouanet a joué au patriote Marchal le mauvais tour de lire à la tribune un article écrit par ledit Marchal sur ce thème : « Partez ! » Ou plutôt : « Vous êtes partis ». C’est, en effet :


« La phalange algérienne, nos amis, sont partis.

« Qu’ils reçoivent encore une fois les adieux de ceux que des liens trop étroits retiennent sur ce rivage…

« … Nous les envions parce qu’ils vont, sans nous, défendre, venger et sauver la patrie.

« Deux dangers se disputaient notre courage ; l’un nous appelait là-bas, l’autre nous appelait en Algérie. Le cœur navré nous les avons laissés courir au plus grand. Nous avons à combattre ici d’autres ennemis, traîtres à la République, qui se dissimulent dans l’ombre, qui se cachent derrière leur lâcheté pour frapper dans le dos.

« … Que la réaction et les réactionnaires tremblent et rentrent sous terre devant notre front de bataille et devant notre attitude énergique et résolue.

« Comme nos amis, jurons de vaincre ou mourir, et nous vaincrons. »


M. Marchal voulait bien risquer la mort en votant, mais pas en combattant les Prussiens. Il y avait, comme cela, des quantités d’Algériens, car la proportion de ceux qui s’engagèrent fut lamentable. On peut en juger au nombre connu de ceux qui restaient… pour voter… car ils ne sauraient alléguer le prétexte de l’insurrection indigène. Personne ne croyait à un soulèvement arabe.

Quand le gouvernement voulut envoyer en Algérie les soldats laissés en liberté par les Prussiens sous promesse de ne plus servir dans la guerre, les Algériens protestèrent violemment, affirmant qu’il n’y avait pas besoin de troupes en Algérie.

Les patriotes, style Marchal, demeurèrent en Algérie parce qu’ils avaient peur des coups. Tout simplement.

On ne peut savoir leur nombre en consultant les listes d’enrôlement, car ces listes n’existent plus. Gênant témoignage, elles ont disparu des archives. Mais on sait le nombre des votants. Et cela suffit à nous donner la certitude que le patriotisme à la Marchal n’était point un sentiment d’exception chez les Algériens de cette époque… Au fait, c’est hier. Et je crois que M. Marchal vit encore… Algérien notoire et notable.

Cependant ces patriotes détestaient bien les Prussiens. On eut toutes les peines à les empêcher de massacrer l’équipage d’un navire de commerce allemand entré dans le port de Bône sous la foi d’un sauf-conduit (rapport La Sicotière). Il est vrai qu’à Alger, nous le verrons plus loin, c’est contre la personne du gouverneur que leur patriotisme et leur vaillance manifestaient.

Mais dans l’insurrection indigène, quand leurs personnes, quand leurs biens furent menacés, que le danger prit forme tangible… N’y a-t-il point toute une grandiose et superbe et magnifique suite de hauts faits où éclate la vaillance algérienne ?

Oui.

Cependant les gens qui parlent, qui écrivent de cela, généralement oublient ceci :


« Ordre de la division.
« Au quartier général à Constantine le 29 mai 1871.

« Les mobilisés de Philippeville reçoivent l’ordre de rentrer dans leurs foyers.

« Avant de les rendre à la vie civile, le général commandant la division tient à leur faire savoir qu’il les avait chargés d’assurer la sécurité de la route de Sétif en occupant les postes de Saint-Amaud et de Saint-Douot.

« Il avait compté sur le dévouement d’hommes qui, ayant tous leurs intérêts dans le pays, devaient être, les premiers à les protéger.

« Au mépris de tous leurs devoirs de soldats et de citoyens, une partie des miliciens de Philippeville, de l’aveu même de leur chef, loin d’assurer la sécurité du pays ont au contraire jeté le trouble et presque amené une révolte dans la tribu des Eulma. Ils ont poussé l’oubli de l’honneur militaire jusqu’à abandonner leurs officiers et à déserter le poste qui leur avait été confié.

« Le général doit flétrir par la voie de l’ordre une semblable conduite.

» Augeraud. »


La défaillance de quelques-uns ne saurait entacher l’honneur de tous.

D’accord.

Aussi voyons une autre crise de l’histoire algérienne où le nouveau peuple eut l’occasion, en se comptant, de nous affirmer et sa vaillance et comment il comprend, approuve la vaillance : la crise de l’antisémitisme.