La Vérité sur l’Algérie/06/06

Librairie Universelle (p. 175-176).


CHAPITRE VI

Faut-il, pour exposer les résultats, d’une étude de psychologie sociale, employer la forme du roman à la mode, ou bien se contenter philosophiquement de la vieille, classique et simple analyse documentaire ?


Sous le prétexte que Balzac eut génie, Zola puissance et quelques autres succès, nous serions, paraît-il, condamnés au roman, toujours et encore, sous peine de pouvoir intéresser le public à l’étude des mœurs, de l’esprit, de la vie, d’une société. J’avoue que je ne comprends point cela. Même que sur ce propos je suis mis en défiance par les fictions romanesques.

Les anciens m’ont dit que la vérité n’est bien vraie que nue. Je ne vois point la nécessité d’habiller de littérature une vérité sociale. Est-ce pilule à sucrer ? Non. Viande crue à cuisiner ? La sauce fait trop oublier le morceau. Chat de gouttière devient trop facilement lièvre…

Et ce n’est pas le roman qui doit nous montrer la crise du Français transplanté en Algérie…

Il est inutile de chercher à le faire vivre, agir, parler, dans une action romanesque, pour le présenter vrai. Nous le verrons beaucoup plus vrai si nous l’étudions dans sa vie vécue, si, au lieu de le faire agir, nous le regardons agir, si, au lieu de le faire parler, nous l’écoutons parler. Il suffit de l’interroger en enquêteur, par analyse, avec méthode.

Le livre aura moins de lecteurs, moins de succès. Même pas du tout. Mais qu’importe !