La Troisième République française et ce qu’elle vaut/29

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CHAPITRE XXIX.

Et maintenant, supposez de nouveau ces personnages à la tête de la situation qu’ils amènent de tous leurs efforts ; ils ont été fort maladroits, ils ont été fort impuissants, ils vont l’être davantage. Ils ont derrière eux leurs amis prêts à leur demander compte de tous les marchandages de temps et de minutes entre leur avidité et le pillage et quelle que puisse être la bonne volonté des chefs, elle est toujours moins rapide que ne le souhaite et ne l’exige la rapacité des soldats. Je ne suis pas surpris que M. Gambetta et ses conseillers passent auprès de certaines gens pour des praticiens plus calmes que leurs théories. C’est le propre de la région gouvernementale de réfrigérer sensiblement les emportements contractés au-dessous de ses nuages. Mais ici se présente précisément la nécessité pour un chef de posséder la vertu suprême du pouvoir, qui est le commandement.

Ce n’est rien ou peu de chose que de marcher contre les ennemis ; la grande épreuve est de savoir faire trembler ses amis. Les chefs démocratiques, je le suppose avec les optimistes, n’aspirent modestement qu’à dépouiller peu à peu, sans violence, légalement, le clergé de ses aubes, de ses dentelles, de ses brocards, de ses argenteries, de ses séminaires et de ses églises ; mais cela sans faire de bruit à moins que le clergé n’en fasse.

Dans ce cas, il en aurait seul la responsabilité, ce qui est de toute justice, et la partagerait avec les propriétaires, industriels, usiniers, négociants et autres qui, atteints par la loi d’une manière aussi douce, mais non moins péremptoire, seraient trop disposés, comme il est à craindre, à se montrer peu raisonnables. Les chefs démocratiques ne veulent rien qu’être les maîtres et pas de scandale. Mais les zélateurs de la Commune ont mangé de l’archevêque, du moine, du soldat, du magistrat, ils ont savouré la vie effrénée, ils se sont gorgés de tous les alcools et ils en veulent encore et, par-dessus le marché, ce qu’ils veulent boire à longs traits, c’est la vengeance des égorgements qu’ils avaient provoqués et qu’ils ont subis. Aucun d’eux n’a oublié ce qu’ils appellent leurs martyrs, qui sont tombés dans tous les coins de Paris, à l’angle de tous les murs, hommes et femmes, filles et garçons, sous les balles des soldats exaspérés. Il n’est que de regarder et d’écouter pour savoir au juste ce qui se prépare, non pas dans l’ombre, mais sous le crépuscule d’une vilaine aurore et je me soucie peu de ce que la faconde d’un avocat peut étendre de phrases et de promesses sur les intentions réelles, et l’inhabileté qui les accompagne, et parce que je ne m’en soucie pas, il est clair que moi, propriétaire, magistrat, soldat, prêtre, fonctionnaire qui veut de l’avancement pour seul but de la vie, mais qui ne veut pas être fouillé, savant ou artiste aspirant à l’Institut, mais pas du tout à la guillotine, les bons, les mauvais, les tièdes, les indifférents, tout le monde enfin, tout le monde absolument touche au moment où ce qui le remplira de foi, d’espérance et de charité en ce sens que ce dernier mot indique la plus haute ardeur de l’amour, ce sera un général dans son uniforme.