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La Tripolitaine
Revue des Deux Mondes5e période, tome 13 (p. 557-579).
LA TRIPOLITAINE

Sur tout le pourtour de la Méditerranée, l’Islam, lentement, recule devant l’offensive des peuples chrétiens ; il refait, pas à pas, en sens inverse, la route que les Arabes, au temps des premiers khalifes, ont franchie d’un seul élan, dans l’ivresse de leur foi, au galop frénétique de leurs chevaux. C’est, depuis un siècle, le fait qui domine l’histoire de la grande Mer intérieure. L’Algérie et la Tunisie devenues françaises, l’Egypte occupée par les Anglais, seuls, sur la côte africaine, le Maroc et la Tripolitaine restent encore les citadelles inviolées de l’Islamisme. Sommes-nous à la veille de voir surgir une « question tripolitaine, » comme il y a une « question marocaine ? » Pressée de trouver, dans le monde africain déjà partagé, une terre de colonisation et d’expansion économique, l’Italie a jeté les yeux sur ces côtes, où les deux Syrtes creusent, en face de l’Adriatique, leur double sinuosité ; elle les a, pour ainsi dire, marquées pour être, lors d’une dislocation, toujours possible quoique toujours reculée, de l’empire ottoman, sa part d’héritage. Si médiocre que puisse être la valeur économique intrinsèque et l’importance politique de la Tripolitaine, le maintien, dans la Méditerranée, de l’équilibre actuel des forces, en dépend en quelque mesure, et rien de ce qui se passe dans ce bassin, où tant d’intérêts et d’ambitions s’entre-croisent, ne saurait nous laisser indifférens. D’autre part, la Tripolitaine, si elle est méditerranéenne par ses côtes, est aussi saharienne, et même, par les routes qui en partent, presque soudanaise, et, par là encore, elle confine à notre empire colonial. — Ce qu’est la Tripolitaine, ce qu’elle vaut par elle-même, par sa position dans la Méditerranée et au seuil du continent noir ; comment se présente la « question tripolitaine » et dans quelle mesure elle intéresse notre situation de puissance africaine, c’est ce qu’il, peut sembler, actuellement, utile de rechercher.


I

S’il est vrai, comme de savans géographes le pensent, que l’un des grands cataclysmes qui, dans les temps très lointains, ont remanié la face de la terre, en creusant la dépression de la Méditerranée, ait bouleversé du même coup les conditions atmosphériques de l’Afrique du Nord et engendré la sécheresse et la désolation sahariennes, il faut reconnaître que la Mer intérieure est elle-même punie de ce « gigantesque méfait[1]. » Le désert vient plonger jusque dans les flots ses sables brûlans et frapper de stérilité de longues étendues de côtes ; parfois aussi, du fond des areg[2] lointains, des souffles étouffans s’élèvent et, attirés vers le Nord, s’abattent sur les eaux et sur les plages de la Méditerranée ; c’est le simoun, c’est le khamsyn, c’est, sous les divers noms que lui prête l’effroi des peuples riverains, le vent du désert, qui trouble de ses poussières impalpables l’azur limpide du ciel, aspire la sève des plantes, brise l’énergie des hommes.

Il me souvient d’avoir eu, un matin, en naviguant entre Malte et Syracuse, l’angoissante impression du voisinage tout proche de cette désolation, le sentiment très vif de cette menace perpétuelle du Sahara à la Méditerranée. Le soleil était déjà haut sur l’horizon, mais ses rayons ne parvenaient pas à percer les nuages qui couraient vers le Nord et où passaient comme des reflets d’un lointain incendie. Le ciel, la mer, les coteaux de la Sicile, apparaissaient noyés dans une sorte de brume rougeâtre ; l’air était suffocant, la chaleur lourde, et, malgré la faiblesse de la brise, une houle, que l’on sentait venue de très loin, balançait le bateau. Il pleuvait, non pas de l’eau, mais des gouttes de boue qui marbraient le pont de taches sanguinolentes. La direction du vent, et, en y regardant de près, la composition de cette boue, toute chargée de minuscules grains de sable, mettaient hors de cause l’Etna, que le voisinage nous avait d’abord fait accuser ; ce n’était pas le volcan, c’était le Sahara qui révélait sa présence et qui, par la large échancrure des Syrtes, envoyait jusqu’à la Sicile, soulevés dans les airs par quelque lointaine tornade, les sables de ses dunes. Toute la journée, le ciel resta rouge et triste, et il continua de tomber, de temps à autre, de ces étranges gouttes. Les journaux nous apprirent ensuite que les observatoires avaient signalé jusqu’en Allemagne le vol de ces nuages et la chute de cette pluie de sang. C’était bien, en effet, ce phénomène, si redouté dans l’antiquité et au moyen âge, auquel nous venions d’assister ; et, si nous savions qu’il n’y avait là ni un miracle, ni l’annonce de quelque effroyable catastrophe, cette brusque apparition du Sahara, en face des plus verdoyans rivages du monde méditerranéen, n’en était pas moins saisissante ; elle évoquait devant nos yeux l’éternel conflit des élémens de destruction et des forces de vie, et l’évolution fatale qui, à la fin des temps, sur notre globe desséché et glacé, amènera le triomphe des puissances de la mort.

La Tripolitaine est précisément, sur la côte septentrionale de l’Afrique, la région où les étendues arides du grand désert sont en contact immédiat avec les flots de la Méditerranée, où, pour emprunter une expression à la géométrie, la Méditerranée et le Sahara sont tangens l’un à l’autre, tandis que partout ailleurs la nature a interposé entre eux un écran bienfaisant de hautes montagnes et de larges plateaux. C’est l’Atlas qui donne aux pays du Maghreb leur aspect riant et leur heureuse fécondité ; c’est lui qui repousse les assauts du désert et attire les pluies vivifiantes ; mais il n’étend pas sa protection sur toute l’Afrique du Nord ; au cap Carthage et au cap Bon, il plonge sous les flots pour aller rejoindre Malte et la Sicile, et la côte, brusquement déviée vers le Sud, se creuse en un immense golfe, terminé par un double cul-de-sac, les deux Syrtes. De ce golfe, la Tunisie occupe la côte Ouest, et le plateau de Barka, l’ancienne Cyrénaïque, la côte Est ; au fond, s’étend la rive déserte et brûlée de la Tripolitaine, où, sauf en de rares oasis, aucune zone de végétation ne s’interpose entre la stérilité des sables et la stérilité des eaux marines. La Tripolitaine est donc, avant tout, saharienne : c’est là son caractère géographique dominant. De tout l’immense territoire qui obéit au Sultan de Constantinople, le désert inhabité occupe la partie de beaucoup la plus grande. Quelques plaines d’alfa, comparables à celles de l’Oranie, couvrent les premières terrasses des plateaux ; de belles oasis, les unes au bord de la mer, les autres perdues dans l’intérieur des terres, comme celles du Fezzan, de Rhadamès, de Rhât, jalonnent les pistes du désert Libyque. La Cyrénaïque, avec ses sources et ses cultures verdoyantes, se rapproche davantage des pays méditerranéens, de la Sicile et de la Grèce, par qui jadis elle fut colonisée ; elle mérite d’être décrite à part.

Dans l’Afrique massive, ce double golfe des Syrtes, si peu accentué soit-il, était un point d’où l’on pouvait tenter de pénétrer l’énorme continent ; il était comme une fenêtre ouverte sur le monde saharien et même, au-delà, jusque sur le Soudan et le centre mystérieux de la grande terre inconnue. C’est pourquoi ses côtes inhospitalières ont toujours vu s’élever quelque ville relativement importante et pourquoi elles ont attiré l’attention des peuples méditerranéens. Ainsi, la Tripolitaine a une valeur intrinsèque et une valeur de relation ; nous l’étudierons successivement à ce double point de vue.

Un port levantin dans une oasis saharienne, telle est Tripoli. L’antique Tarabolos-el-Rharb, Tripoli de l’Occident, s’est élevée là parce qu’elle y trouvait les belles eaux des puits de Méchya, et elle a prospéré parce qu’elle est devenue à la fois un port de mer, en rapport avec le monde méditerranéen, et un port du désert, en relations par caravanes avec les lointains royaumes du Soudan. Toute la Tripolitaine se résume, pour qui arrive d’Europe, dans la seule ville de Tripoli.

Se détachant, toute blanche, sur le fond vert sombre des palmeraies, ceinturée d’ocre par ses vieux remparts, Tripoli, avec ses sept minarets, sveltes et minces comme des aiguilles, et les mâts de pavillon des consulats dominant l’entassement des toits plats et des terrasses, a la physionomie générale de toutes les villes de l’Orient musulman et du Maghreb. La baie, assez profonde, mais peu sûre, n’a été améliorée par aucun travail d’art ; une langue de terre, qui s’avance à l’Ouest, forme une jetée naturelle et protège une rade en forme de croissant ; elle porte des fortifications anciennes et se termine par un fort moderne. L’énorme château des anciens pachas Karamanlis fait face à cette digue et ferme la rade vers l’Est. La ville, — avec ses souks si animés, avec son arc de triomphe romain dédié à Marc-Aurèle et à Lucius Verus, étrange souvenir classique, à moitié enfoui dans le sable, et qui détonne au milieu du grouillement d’un marché d’Orient, avec ses rues étroites où les maisons se touchent par le haut, avec son ghetto sordide, — est resserrée jusqu’à étouffer entre ses vieilles murailles croulantes, qui dominent la mer et séparent la cité des jardins. L’activité commerciale est concentrée dans les boutiques des souks : là viennent s’entasser les produits du Soudan, les dattes du désert, pêle-mêle avec les articles indigènes et les importations d’Europe. Le souk des plumes, où sont apprêtées, triées et vendues les dépouilles des autruches du Soudan, est le plus pittoresque. D’autres boutiques travaillent et débitent ces cuirs ouvragés, décorés d’arabesques, qui ont été de tout temps la spécialité de l’industrie mauresque. Voici les ivoires du Soudan, les peaux de chèvres et de moutons, les tapis que tissent et vendent des Tunisiens de l’île de Djerba. La fameuse poudre d’or, que l’on ne manque guère de citer parmi : les articles du commerce saharien, comme si les chameaux l’apportaient à pleines charges, n’arrive à Tripoli qu’en quantités très faibles et chaque année décroissantes. La vente des esclaves noirs ne se pratique plus au grand jour, mais, sous les ombrages épais de quelque jardin des faubourgs, les trafiquans de chair humaine exposent leur marchandise. Le bazar de Tripoli est une sorte de Babel où l’on rencontre des échantillons de toutes les races de la Méditerranée et de tous les peuples de l’Afrique du Nord et du Soudan : chrétiens de toutes les nations européennes ; fonctionnaires et soldats turcs ; Maures et Kourouglis, issus du mélange des Ottomans avec les indigènes ; Arabes des tribus nomades ; Berbères du Djebel Nefousa et des villages troglodytes ; Djerbis habiles au négoce ; Juifs de Tunisie, du Maroc et du Levant, reconnaissables à leurs costumes et maîtres de presque tout le grand commerce ; gens du Fezzan, croisés de sang noir ; Touareg de Rhadamès et de Rhât ; caravaniers et chameliers des lointaines tribus du désert ; nègres du Bornou, du Ouadaï ou du Baghirmi ; esclaves venus des régions du Tchad, du Chari et de la Bénoué et jusque des profondeurs immenses de l’Afrique tropicale. La population sédentaire est d’environ 30 000 individus, dont 4 000 chrétiens, la plupart Maltais ou Italiens, vivant, les premiers surtout, dans une curieuse promiscuité avec les indigènes, partageant leur vie et s’enrichissant à leurs dépens. Tout ce monde se coudoie, trafique, s’agite sous l’œil débonnaire des fonctionnaires, de la police et des soldats du Sultan.

Tout autour des murailles de la vieille cité s’étend, vers l’Ouest et vers le Sud, la florissante oasis de Méchya. Une riche nappe d’eau souterraine permet de suppléer à l’extrême rareté des pluies et d’irriguer de magnifiques jardins où poussent toute une forêt de palmiers et d’arbres fruitiers. L’oasis s’étend sur plus de huit kilomètres le long de la mer et sur deux à trois kilomètres de largeur ; il n’en est guère de plus riante et de plus féconde dans tout le Sahara ; elle le doit à l’industrie des nègres, soudanais d’origine et descendans d’esclaves, qui, sans se lasser jamais, font monter l’eau du fond des puits et la font glisser dans le lacis compliqué des canaux et des rigoles d’arrosage[3]. Tous les arbres à fruits de la zone méditerranéenne, orangers, citronniers, figuiers, pêchers, grenadiers, caroubiers, abricotiers, pruniers s’entrelacent en un véritable bois que dominent les fûts élancés et sveltes de plus d’un million de palmiers ; sous leur ombre poussent les légumes d’Europe et mûrissent des champs de blé, d’orge, de maïs, de sorgho. Les cabanes des noirs se cachent sous le feuillage ; les Européens y habitent de charmantes et fraîches villas ; les fonctionnaires et les officiers turcs dissimulent, sous le discret abri des palmiers et des orangers, leurs sérails, où, parmi les roses et les jasmins, s’ébattent les belles filles de la Circassie ou de Galata.

Toute une ville de toile et de bois échelonne ses baraques croulantes et ses tentes délabrées à côté de la ville de pierre : ce sont les camps turcs, où des milliers de soldats attendent, sans se plaindre, que le Sultan soit assez riche pour leur faire bâtir des casernes. Fantassins, cavaliers, artilleurs, presque tout le corps d’armée ottoman de la Tripolitaine est concentré là ou dans les environs ; il ne détache que quelques bataillons au Fezzan, à Rhadamès, à Rhât, vers la frontière tunisienne et en Cyrénaïque. Les soldats, à peine nourris, vêtus souvent de guenilles, et rarement payés, n’ont pas, à première vue, un aspect très martial ni une mine très fière ; les garnisons tripolitaines sont redoutées des officiers et réservées à ceux qui encourent la disgrâce du maître ; mais, si les uniformes sont rapiécés et les ceinturons rattachés avec des ficelles, les fusils sont bons et les canons modernes ; et surtout, il y a, chez le Turc, l’instinct du soldat, la tradition militaire. Ces hommes qui se livrent à toute sorte de métiers pour augmenter leur maigre pitance ont cependant cette vertu militaire essentielle sans laquelle il n’est pas d’armée : ils savent mourir ; ils défendraient jusqu’au dernier, comme les héros de Plewna, le poste que le Commandeur des croyans confie à leur fidélité et à leur ferveur musulmane. L’armée turque de Tripoli est une force.

La ville n’a pas, pour le moment, à repousser une invasion étrangère ; mais l’oasis a, en revanche, à refouler sans cesse l’assaut toujours renouvelé des sables soulevés par le vent du désert. La poussière, peu à peu, gagne sur la verdure, et c’est, entre les cultures et la marche irrésistible des dunes, une lutte de tous les jours, où l’industrie de l’homme n’est pas toujours victorieuse. Dès que l’on a quitté l’ombrage des derniers palmiers, on est, sans transition, dans le désert, qui s’étend indéfiniment, le long du littoral, vers l’Est et vers l’Ouest, sur plus de 1 500 kilomètres de côtes, et, vers le Sud, à des centaines de lieues, jusqu’aux confins du Soudan. Tripoli est la seule grande ville, le seul port fréquenté des Syrtes ; de là, jusqu’à Zarzis, le premier poste tunisien, c’est à peine si quelques pauvres oasis interrompent la monotonie des solitudes. Parallèlement à la côte, à une centaine de kilomètres, s’allonge la falaise qui forme le rebord du plateau saharien ; de très curieux villages, creusés dans le rocher, habités par des troglodytes, descendans directs, selon toute vraisemblance, de ces Garamantes si bien décrits par Hérodote, se blottissent dans les replis du Djebel Nefousa et du Djebel Rharian. Vers l’Est, la côte n’est ni plus fertile, ni plus peuplée : de mauvais petits ports, comme Lebda, l’ancienne Leptis major, si célèbre autrefois et qui vit naître Septime-Sévère, Mesrata, Khoms, reçoivent parfois la visite de quelque bateau anglais, qui y charge de l’alfa ; une population misérable et clairsemée y vit de la pêche et des médiocres profits d’un commerce languissant.

Ainsi Tripoli n’est pas le centre de quelque riche terroir ; l’oasis qui l’entoure est loin de suffire à la nourriture de ses habitans ; elle ne doit sa prospérité relative qu’à ses privilèges de capitale ottomane et à sa situation, qui fait d’elle un port de la Méditerranée, et le point d’aboutissement des caravanes du désert. Pour trouver quelques cantons bien arrosés et fertiles, il faut aller jusque dans le vilayet de Cyrénaïque.


II

Tout le long des rivages des deux Syrtes, la stérilité et la mort résultent de l’impuissance naturelle de ces terres, sans eau et sans humidité, à nourrir les plantes et les animaux. Au contraire, dès qu’en longeant les côtes, on a aperçu les blanches murailles de Benghazi et le plateau de Barka, l’aspect du pays change ; si les ports sont peu fréquentés et les terres peu productives, c’est que l’activité de l’homme, sur ces bords où s’élevèrent les « cinq villes » de la Cyrénaïque, ne répond plus aux faveurs du climat et à la fertilité du sol ; si les campagnes et les villes ; semblent plongées dans une profonde léthargie, c’est le régime politique et religieux qu’il en faut accuser ; la nature, ici, est spontanément féconde. Les sommets élevés, comme le Zeus d’Homère, sont « assembleurs de nuages, » et, comme dans le mythe si poétique de Danaé, la nuée, lorsqu’elle vient rafraîchir le sein brûlant de ces terres sahariennes, laisse tomber une pluie d’or, génératrice de vie.

La côte, sèche, bordée d’une falaise crayeuse, blanchâtre, est redoutée des marins et peu hospitalière. Les Grecs de Théra, lorsqu’ils y abordèrent, au VIIe siècle avant notre ère, s’établirent d’abord dans une île et n’y trouvèrent pas les riches pâturages promis par l’oracle de Delphes ; après deux ans d’efforts inutiles, Battos, leur chef, alla porter ses plaintes au dieu ; mais Phébus, apparemment bien renseigné, lui reprocha son peu de foi et son manque d’énergie : « Tu veux, répondit la Pythie, connaître le pays, sans y être allé, mieux que moi qui y suis allé. » Les colons comprirent qu’ils avaient manqué de persévérance et qu’ils n’avaient pas su découvrir les trésors promis par l’oracle ; revenus en Afrique, ils s’installèrent, cette fois, sur le plateau, auprès d’une magnifique source jaillissante, que les Arabes, encore aujourd’hui, nomment « la Mère de la verdure, » et fondèrent Cyrène, qui fut la capitale de la Pentapole et resta, durant toute l’antiquité, l’une des plus prospères parmi les cités helléniques. Des croisemens avec les Libyens y donnèrent naissance à une race rustique, bien acclimatée, qui prit une part très active à la vie économique, politique, artistique et philosophique du monde gréco-romain. Les doctrines sceptiques et relâchées d’Aristippe et de l’école cynique naquirent dans la molle et douce Cyrénaïque. Biche du commerce avec le Soudan, de la récolte de ses fruits, de l’élevage de ses chevaux, si souvent vainqueurs dans les courses panhelléniques, et dont Pindare a célébré les hauts faits, fière de posséder seule le fameux sylphium, une plante médicinale qui passait pour une panacée universelle, et dont elle mettait l’image sur ses monnaies, Cyrène était la plus belle et la plus industrieuse des « cinq villes ; » elle fut la rivale de Carthage, puis, englobée dans une province romaine et réunie à la Crète, elle resta encore une cité importante jusqu’à la conquête musulmane. Aujourd’hui, les ruines de ses temples et de ses portiques jonchent le sol sur de vastes espaces, et les chèvres y broutent parmi les arcs des voûtes effondrées et les fûts gisans des colonnes de marbre.

Dans la stérilité de l’Afrique tripolitaine, la Cyrénaïque est une verdoyante exception : les géographes la définissent une oasis de montagne au bord de la mer, et les Arabes la nomment le Djebel Akhdar, la Montagne verte. Selon Hérodote, les anciens Libyens disaient qu’au-dessus de Cyrène, « le ciel est percé ; » il laisse couler, en effet, vers la terre altérée, d’abondantes pluies d’hiver, et, l’été, la rosée, ce bienfait inconnu aux steppes sahariennes, vient rafraîchir les plantes. On a comparé le plateau de Barka au Sahel d’Alger ; mais, au lieu d’être entouré par une Mitidja, il est resserré, comme une île, entre le désert et la mer ; il domine, de ses pentes rapides, des régions beaucoup plus basses : à l’Est, les terrasses de la Marmarique, qui ne dépassent pas 300 mètres, et, au Sud, la longue dépression du Barka-el-Beida (Barka-le-blanc), inférieure, par endroits, de 10 à 70 mètres, au niveau de la mer, et qui limite, comme un fossé, la forteresse du plateau.

C’est, semble-t-il, sur le « Plateau vert » que les légendes antiques plaçaient le fameux jardin des Hespérides. Tous les arbres fruitiers de la zone méditerranéenne s’y mêlent, en effet, aux palmiers et aux bananiers africains, et il suffirait de refaire les travaux d’irrigation que les anciens avaient exécutés avec un art si admirable, et dont on trouve partout les vestiges, pour obtenir des vergers splendides, des champs de roses, de safran, de céréales et de légumes. Le blé pousse très bien sur le « Plateau rouge[4] » et, malgré les procédés rudimentaires des indigènes, il donne des rendemens supérieurs à ceux de nos Campagnes. Les pâturages nourrissent des troupeaux nombreux, mais, faute de soins, les races sont dégénérées ; les bœufs sont petits, les chevaux manquent de finesse et d’élégance. L’olivier sauvage pousse partout, sur les coteaux, en dépit de la dent des chèvres. Des forêts de thuyas, de pistachiers, de cyprès, s’étagent sur les collines les plus hautes, et les lauriers-roses tapissent le fond des ravins et des ouadi. Ainsi, un climat doux et tempéré, malgré le ghebli qui souffle de temps à autre et qui apporte l’haleine brûlante du désert ; une atmosphère salubre, malgré la malaria qui sévit dans quelques plaines mal drainées : telle est la Cyrénaïque ; de toutes les parties de la Tripolitaine soumises à l’empire ottoman, elle est la seule où puisse prospérer une population européenne. Elle retrouvera sans doute un jour la prospérité qu’elle connut dans l’antiquité, mais, pour le moment, elle est à peine habitée : un vali turc, secondé par cinq caïmacans et gardé par quelques bataillons, est chargé, nous dirions de l’administration, si le mot n’était pas trop ambitieux quand il s’agit du gouvernement turc. L’influence politique et religieuse appartient surtout aux Senoussites ; presque tous les habitans sont affiliés à la secte et obéissent aux mots d’ordre transmis, du fond du Ouadaï, par le Mahdi vénéré.

Le commerce de Benghazi est très faible ; elle n’exporte qu’un peu de blé et quelques moutons qu’elle envoie à Malte, un peu d’alfa, de laine brute, quelques éponges, et cependant c’est, après Tripoli, le premier port des deux vilayets. Une piste transsaharienne, qui fut jadis assez fréquentée, part de la petite ville, et, par les oasis d’Aoudjila[5] et de Koufra, les caravanes, après un terrible voyage, atteignent le Ouadaï ou le Darfour. Sous la protection des Senoussites, le trafic, par cette voie, s’est quelque peu développé, mais il est encore et il restera toujours d’une importance médiocre.

Le plateau de Barka occupe, dans le bassin oriental de la Méditerranée, une position très avantageuse. Il se dresse, comme un château fort, en face du cap Matapan et des trois pointes de la Grèce, dont il est séparé par 600 kilomètres de mer, coupés à mi-chemin par la Crète ; à égale distance de Malte et de l’Egypte, ses ports commandent la route de Suez et des Indes ; une station de torpilleurs, qui y aurait son point d’appui, maîtriserait la navigation dans toute la Méditerranée orientale. La côte, avec ses falaises abruptes, offre peu de bons refuges ; mais, vers l’Ouest, Benghazi, qui n’est actuellement qu’une rade foraine, pourrait devenir très sûre si on la fermait par deux jetées. A l’Est, se creusent plusieurs baies magnifiques : Ras-el-Halal, l’ancien Nausathmos, offre un abri même aux bâtimens de fort tonnage. Le golfe de Bomba pénètre au loin dans les terres ; protégé des vents du Nord et de l’Ouest par de hautes collines, il présente un très bon et très profond mouillage, que l’amiral Gantheaume utilisa en 1808 ; Rohlfs, qui l’a visité, déclare qu’il pourrait devenir le meilleur port de guerre de toute l’Afrique septentrionale. Plus à l’Est encore, cachée derrière un promontoire rocheux, et garantie de tous les vents par le rebord du plateau de Marmarique, la baie de Tobrouk enfonce dans le littoral ses profondes indentations ; Schweinfürth, qui l’a vue en 1883, la déclare vaste, sûre, profonde et la compare à celle de La Val-lette et au lac de Bizerte. Une puissance militaire européenne, qui serait maîtresse de la Cyrénaïque, n’aurait donc que le choix pour établir, dans une position excellente, entre Bizerte, Malte, Messine et, d’autre part, l’Egypte et les échelles du Levant, un port de guerre de premier ordre. La nation qui le posséderait serait en mesure d’exercer une influence décisive sur les destinées de la Méditerranée orientale.


III

Où finissent les espaces déserts que les cartes attribuent à la Tripolitaine et que les traités reconnaissent à la Sublime Porte, il est difficile de le dire avec précision ; vers l’Est, les Turcs occupent effectivement l’oasis d’Aoudjila ; vers l’Ouest, entre le Sahara tripolitain et « l’arrière-pays » tunisien, aucune frontière n’a été tracée. Des garnisons ottomanes ont pris possession des oasis du Fezzan, de Rhadamès, Sinaoun, Derdj, et, plus au Sud, de Rhât ; « mais le pays ouvert, les points d’eau, les routes et les pâturages sont restés le domaine indivis de nos tribus tunisiennes, des Touareg et des bergers de Rhadamès et de Sinaoun, sans que jamais les Turcs aient pensé à y faire acte d’autorité[6]. » Au Sud du tropique du Cancer, la convention franco-anglaise du 21 mars 1899 détermine les limites de « l’hinterland » tripolitain et du Soudan français.

Mourzouk, Rhadamès, Rhât, sont célèbres dans l’histoire des explorations africaines ; leurs noms sont familiers à nos oreilles ; ce ne sont cependant ni de grandes villes, ni des centres de production et de culture, mais tout simplement des oasis où les caravanes font séjour et où se croisent les pistes du désert ; la circulation transsaharienne est leur seule raison d’exister. Les hommes qui les habitent vivent tous du passage des caravanes, soit qu’ils les conduisent, soit qu’ils en exigent un tribut, soit qu’ils les pillent ; chameliers et coupeurs de routes, avec quelques noirs qui cultivent les jardins et veillent aux irrigations, voilà toute la population de ces « métropoles du désert. »

Dès que l’on sort de Tripoli, avant d’avoir perdu de vue la mer, on est dans le Sahara, et, si l’on se dirige vers le Ouadaï ou le Bornou, l’on ne cesse d’y rester pendant au moins 2 300 kilomètres[7] ; si c’est vers Tombouctou et le Niger, la distance est encore plus longue. Et cependant, c’est entre Tripoli et le Tchad que le Sahara offre la moindre largeur : l’échancrure des Syrtes mord sur le désert, et la courbe parallèle, que dessine la bordure montagneuse des plateaux sahariens, recule la limite de l’absolue stérilité ; un chapelet d’oasis et de points d’eau facilite, dans une certaine mesure, la redoutable traversée. C’est pourquoi, de toute antiquité, des caravanes sont venues du Soudan à Tripoli, apportant jusqu’à la Méditerranée les produits de l’Afrique centrale. Les Romains ont connu cette route, et probablement les Phéniciens avant eux ; ils ont exploré et occupé le pays des Garamantes ; l’on retrouve, au Fezzan, la trace de leurs travaux autour des sources et des puits ; à Rhadamès, tenait garnison un détachement de la légion IIIe Augusta, qui resta chargée de la défense de l’Afrique pendant presque toute la durée de l’Empire ; une inscription a perpétué jusqu’à nous le souvenir de son séjour.

Depuis l’antiquité, les routes du désert sont restées les mêmes : de Tripoli, deux pistes se dirigent l’une, au Sud, vers le Fezzan, l’autre, oblique, au Sud-Ouest, vers Rhadamès.

La première traverse le Sahara presque en ligne droite, du Nord au Sud, et aboutit au lac Tchad. Sorties de Tripoli, les caravanes contournent le Djebel Rharian, puis s’élèvent sur les pentes du plateau crayeux qui étend ses champs de cailloux et ses rochers dénudés jusque près de Mourzouk. Quelques puits, çà et là, jalonnent la route et, dans cette première partie de leur course, hommes et bêtes ne restent que quatre jours sans trouver d’eau. Mourzouk, que nos géographies appellent pompeusement « la capitale du Fezzan, » n’est qu’une pauvre bourgade, et le Fezzan lui-même n’est qu’une série d’oasis de médiocre valeur ; mais de là rayonnent dans tous les sens, les pistes sahariennes : vers le Kouar et le Ouadaï, au Sud ; au Nord, vers Tripoli et la mer ; à l’Est, vers Benghazi, Djalo et l’Egypte ; à l’Ouest, vers Rhadamès et In-Salah. Le Fezzan est un carrefour, comme le Touât. Il n’y faut pas chercher un centre politique important ; le point où séjournent les caravanes et où s’opèrent les échanges a varié selon le caprice des nomades, tantôt Djerma, tantôt Zouila ou Trâghen, aujourd’hui Mourzouk. La ville, où, sauf quelques averses de printemps, il ne pleut jamais, n’a qu’une eau de mauvaise qualité, qui s’épand autour d’elle en marécages croupissans, et en fait un séjour malsain pour les Européens et infesté de malaria. Une longue rue, où s’ouvrent des boutiques, avec quelques ruelles perpendiculaires, constituent la triste « capitale » où réside un mutasserif turc et où campe une petite garnison. Quelques bœufs chétifs et de médiocre qualité, des moutons sans laine, des dattes, sont à peu près les seules ressources de ce pauvre pays.

Les caravanes, reposées et ravitaillées à Mourzouk, reprennent leur marche vers le Sud, s’arrêtent à Ghâtroun et entament la partie la plus pénible de leur voyage. « Des pierres, rien que des pierres[8], » voilà ce que l’on trouve de Mechrou aux oasis du Kouar. La longue traînée de ces oasis, dont Bilma est la principale, permet enfin aux hommes et aux bêtes de se refaire pendant quelques jours. Encore 120 kilomètres de dunes et l’on arrive à Agadem, où les pluies soudaniennes commencent à faire sentir leur bienfaisante influence ; il ne reste plus à traverser que la Tintoumma, une steppe désolée et très fatigante, et l’on arrive aux bords du Tchad. De Tripoli à Kouka, sur le lac, le voyage a duré quatre longs mois ; hommes et bêtes sont épuisés : les chameaux sont à bout de forces ; leurs bosses, où la nature leur permet d’emmagasiner une réserve de vivres, sont presque fondues ; beaucoup ont péri et leurs carcasses blanchies jalonnent les routes du désert. Cette voie n’a été parcourue, en ces dernières années, que par une seule mission européenne, celle du capitaine Monteil, au retour de sa mémorable traversée du Soudan ; elle conduit de Tripoli au Tchad et à tous les pays qui l’entourent, le Kanem, le Ouadaï, le Bornou, et, jusqu’au-delà du puits de Mechrou, elle est nominalement sous l’autorité des Turcs.

De Tripoli, une autre route s’enfonce dans les profondeurs du Sahara. 520 kilomètres, que l’on franchit en quinze ou vingt étapes, et l’on est à Rhadamès, l’antique Cydamus, vieille ville liby-phénicienne, presque aussi célèbre dans l’histoire et dans les légendes du désert qu’In-Salah et Tombouctou. Rhadamès, c’est, comme Mourzouk, une oasis où se croisent, à égale distance de Tripoli et de Gabès, plusieurs routes du désert. La ville doit son existence à une belle source qui jaillit à la limite de l’Erg et des plateaux pierreux, dans un étranglement où la Hamada-el-Homrâ s’enfonce et se prolonge, vers l’Ouest, comme un isthme, entre deux mers de sable. C’est le chemin d’In-Salah et du Touât, la voie qui coupe le désert dans le sens de sa plus grande longueur, d’Est en Ouest, et qui conduit, de Tripoli, du Fezzan et même d’Egypte, vers le Tidikelt et, de là, vers le Maroc au Nord et vers Tombouctou et le Sénégal au Sud. Entre Rhadamès et Tombouctou, les relations, par In-Salah, sont relativement fréquentes, ou du moins l’étaient avant la conquête du Tidikelt et du Touât par les Français ; à Tombouctou, les gens de Rhadamès occupent tout un quartier ; à Kano, dans le Bornou, ils possédaient aussi, avant le passage dévastateur de Rabah, les plus belles maisons. Les Touareg sont les maîtres du commerce et les propriétaires des jardins ; ils sont les vrais seigneurs de Rhadamès, et, s’ils acceptent une garnison turque, c’est pour qu’elle les protège contre une attaque des Français ; des noirs, qui cultivent l’oasis, vivent, dans une sorte de servage, sous l’autorité de l’aristocratie targui. Rhadamès est peut-être le centre commercial le plus important et la ville la plus influente de tout le Sahara central, surtout depuis qu’In-Salah, qui, à 800 kilomètres plus à l’Ouest, fait, pour ainsi dire, pendant à la vieille cité phénicienne, est tombée aux mains des chrétiens.

En piquant droit au Sud, une vingtaine d’étapes conduisent à Rhât, la mystérieuse métropole des Touareg Azdjer, l’un des carrefours du commerce saharien, l’étape obligatoire des caravanes en route pour le Soudan. Duveyrier, qui a campé sous ses murs sans y pénétrer, la décrit comme une ville d’environ 4 000 habitans, ceinte de murailles et entourée de palmeraies et d’oasis[9]. Mais le naïb Mohammed-el-Taïeb, le chef qui est allé chercher à Rhât les assassins du marquis de Mores, a pénétré dans la ville en 1898 et, d’après lui, elle ne renfermerait plus que 300 habitans sédentaires. Quelque erroné que puisse être un chiffre aussi faible, il n’en semble pas moins très probable que la prospérité de l’oasis a dû pâtir de la présence des Turcs et subir le contre-coup des troubles du Bornou et des ravages de Rabah[10].

Le principe des « arrière-pays » (hinterland), défini par la conférence de Berlin, s’il était rigoureusement appliqué à Rhadamès et à Rhât, les placerait sans conteste parmi les dépendances de notre Protectorat tunisien ; la frontière, indiquée à travers le désert par la convention du 21 mars 1899, semble aussi les englober dans le Sahara français. Mais, par crainte de la venue des chrétiens, les deux oasis ont accepté des garnisons turques. En 1862, la mission française de MM. Mircher et de Polignac, qui séjourna à Rhadamès et signa un traité d’amitié et de commerce avec les chefs touareg, n’y trouva qu’un gouverneur ottoman sans autorité ; deux ans après, un fort était construit et des troupes installées. Le même fait s’est produit à Rhât. Vers 1880, les Turcs, pour la première fois, y entrèrent par trahison ; mais, en 1886, les Touareg reprenaient la ville de vive force et massacraient la garnison. Les soldats du Sultan, depuis lors, s’y sont de nouveau établis ; haïs des nomades, qui ne sont ni de la même race ni de la même secte, ils y sont tolérés pour protéger l’oasis contre un coup de main des Français.

Ainsi, à Rhadamès et à Rhât, nous nous heurtons à des droits acquis ; mais, le jour où la Porte viendrait à cesser d’exercer son autorité dans l’Afrique du Nord, nous aurions le droit strict, en vertu du principe des hinterland et de l’ancienneté de nos relations avec les chefs touareg, de revendiquer les deux oasis ; et, si nous consentions à les abandonner aux successeurs des Turcs, ce ne pourrait être que moyennant des compensations et, en tout cas, à la condition expresse que nous y conserverions le droit de passage, soit pour les caravanes de nos indigènes, soit pour le télégraphe, voire pour le chemin de fer, que nous voudrions, plus tard, y faire passer.

De Rhât, dernier poste occupé par les Turcs, les caravanes qui vont au Soudan continuent leur route au sud, s’élèvent sur les hauteurs du Tassili, longent le pied de l’Ahagyar, parviennent au massif de l’Aïr et, de là, en six jours, atteignent la steppe, c’est-à-dire sortent du désert. Zinder, que commande actuellement un poste français, le fort Cazemajou, est le point d’aboutissement de cette grande voie du désert, la ville où s’échangent les produits du Nord contre ceux du Soudan ; M. Foureau témoigne y avoir rencontré une douzaine de négocians tripolitains qui trafiquent avec le Bornou et les riches régions de la vallée de la Bénoué[11].

Telles sont les principales routes du désert qui conduisent à Tripoli ; si l’on y joint celle qui, de Benghazi, mène au Darfour et au Ouadaï, l’on aura énuméré toutes les voies par où le commerce africain peut parvenir aux ports des Syrtes.

En dépit des voyageurs, nous craignons qu’il ne subsiste encore beaucoup d’illusions sur la richesse des royaumes qui entourent le Tchad et sur l’importance des échanges qu’ils peuvent faire avec la Tripolitaine ou le Maghreb. La magie des légendes exerce son charme sur nos imaginations européennes ; les caravanes nous apparaissent multipliées, les ballots de marchandises prennent des proportions fantastiques ; l’éloignement produit dans nos esprits un phénomène de mirage comparable à celui qui, dans les plaines arides du désert, grandit les objets en les réfractant et qui donne à la moindre touffe d’herbe l’aspect d’un grand arbre et à la moindre pierre les dimensions d’un palais. La réalité paraît moins brillante. Tout le commerce transsaharien ne dépasserait pas, selon M. Schirmer, 9 millions de francs par an, et il ne se fait pas tout entier par la Tripolitaine. Le dernier rapport de M. Rais, consul de France, constate qu’en 1900, les échanges de Tripoli avec l’Afrique centrale ont été de 3 millions aux exportations de l’intérieur et de 2 millions et demi aux importations. Presque chaque année, le trafic transsaharien aboutissant aux ports tripolitains va en décroissant. Comment en serait-il autrement d’un mouvement d’échanges qui s’opèrent à plus de 2 000 kilomètres de distance, à travers le plus redoutable des déserts ? Jamais pareil commerce ne pourra prendre un grand développement, quand même la sécurité viendrait à régner dans tous les pays que traversent les caravanes. Des voyages qui durent de dix-huit mois à deux ans ne peuvent être accomplis que par un nombre restreint d’individus. La voie de Tripoli au Tchad, par Mourzouk et Bilma, n’est guère fréquentée chaque année, selon le lieutenant-colonel Monteil, qui l’a parcourue, que par deux caravanes. La route de Rhadamès est plus sûre ; les Azdjer du Tassili et les Kel-Oui de l’Aïr, moyennant une taxe fixe, dirigent et protègent les caravanes ; les Kel-Oui vont les chercher en janvier à Kano ou à Zinder, où ils possèdent un village, et les conduisent jusqu’à Bir-Assiou, entre Rhât et l’Aïr, où les Azdjer viennent les prendre pour les mener jusqu’à Rhadamès. Malgré ces conditions relativement favorables, l’importance du trafic par Rhât et Rhadamès est très restreinte ; comme tous ceux du Sahara et du Soudan septentrional, ces deux marchés sont en décadence.

Le commerce transsaharien de Tripoli est, dirions-nous volontiers, plus pittoresque que productif. Le départ ou l’arrivée d’une caravane, le déballage des marchandises, le chargement des chameaux sont des incidens qui saisissent l’attention des voyageurs ; mais, si un pareil trafic peut enrichir des traitans maures ou juifs, des convoyeurs touareg, gens qui se contentent de peu et qui ont l’habitude séculaire de ce genre d’affaires, il ne saurait suffire à attirer sur le pays des convoitises étrangères. Des plumes, dont la valeur a baissé depuis que les autrucheries du Cap font concurrence aux articles du Soudan, un peu d’ivoire, quelques kilogrammes de paillettes d’or, des cornes de gazelles, des gommes, des peaux brutes, un peu de natron, d’encens, de myrrhe, voilà à peu près tout ce qu’apportent les caravanes ; au départ, elles emportent des cotonnades, des armes, de la poudre, du sel, des objets fabriqués, tout cela en faibles quantités.

La ruine de ce trafic transsaharien tient à une cause générale, l’occupation, par les puissances chrétiennes, de toutes les côtes de l’Afrique du Nord et de tout le pourtour, du grand désert. Dans notre siècle, où le commerce universel tend à devenir toujours plus rapide et toujours plus spécialisé, les caravanes sont un anachronisme, une survivance d’un passé disparu. Au temps des Phéniciens, des Grecs et des Romains, traverser le Sahara était le seul moyen d’arriver à la Méditerranée et d’y apporter les marchandises de l’Afrique tropicale, et surtout les esclaves ; les bateaux du temps ne permettaient pas d’aller par mer au Congo ou au Niger, dont on ignorait jusqu’à l’existence, et les routes du désert de Libye étaient les seules voies connues et praticables. La pénétration européenne modifie chaque jour les conditions de la vie économique dans l’Afrique du Nord ; en restreignant l’esclavage, elle supprime l’article le plus recherché sur les marchés du Maghreb et du Levant. Malgré nos efforts, les caravanes ne se dirigent plus guère que vers les pays restés musulmans, le Maroc et Tripoli, ou, transversalement, de Tombouctou en Égypte. La prise d’In-Salah par nos soldats a profondément troublé les habitudes des trafiquans musulmans ; l’occupation de Tripoli, de Mourzouk, de Rhadamès et de Rhât par les chrétiens aurait des conséquences plus graves encore ; loin d’aider au relèvement du commerce saharien, elle en précipiterait le déclin. A mesure que les colonies françaises, anglaises, allemandes du Congo et du Soudan seront mises en valeur et exploitées, à mesure que les voies fluviales seront améliorées et des chemins de fer de pénétration construits, les produits de l’Afrique centrale seront dirigés directement vers le golfe de Guinée, d’où ils arriveront en Europe, par bateaux, bien plus vite qu’à dos de chameaux ils ne parviendraient à Tripoli. Ainsi il ne subsistera qu’un faible mouvement d’échanges, rendu nécessaire par le ravitaillement des oasis et des tribus nomades et l’exportation de quelques produits spéciaux, propres aux oasis, comme les dattes. Quant au commerce transsaharien par caravanes, à moins que l’on ne découvre dans le désert d’importantes richesses minérales, l’avenir qui l’attend, c’est une diminution graduelle et finalement une disparition presque totale. Comme port du Sahara, comme point d’aboutissement des caravanes, les destinées futures de Tripoli sont donc loin de s’annoncer brillantes ; elle cessera de plus en plus d’être un emporium du Soudan ; c’est vers le monde méditerranéen qu’elle devra tourner ses regards et orienter son activité.


IV

C’est bien aussi comme un pays riverain de la Méditerranée, plus encore que comme un État africain, qu’en Italie la Tripolitaine passionne l’opinion publique et préoccupe les hommes d’État. Que les côtes de Tripoli et de Cyrène ne doivent cesser d’être turques que pour devenir italiennes, c’est ce que personne ne met en doute dans la péninsule, et le gouvernement a réussi à faire admettre tacitement qu’il possède, sur les deux vilayets de Tripoli et de Barka, une sorte de droit de préemption. Ce droit, les Italiens ont-ils quelques raisons de le revendiquer, sont-ils sur le point de le faire valoir, c’est ce que nous nous demanderons maintenant.

La Tripolitaine est aujourd’hui trop connue pour que nos voisins espèrent y trouver, le jour où elle tomberait entre leurs mains, la clé du Soudan ou le débouché d’un très grand commerce. Il y a beau temps que la fameuse prédiction de Rohlfs a perdu tout crédit : « Celui qui possédera Tripoli, écrivait-il sera le maître du Soudan ; la possession de Tunis ne vaut pas la dixième partie de celle de Tripoli. » En dépit de la formule plus frappante que vraie du célèbre voyageur allemand, nous serions imprudens d’offrir aux maîtres, quels qu’ils soient, de la Tripolitaine, d’échanger, contre leur lot, notre Tunisie.

C’est d’abord un pays de colonisation et d’expansion que les Italiens, n’ayant plus le choix dans l’Afrique partagée, espèrent acquérir sur les rivages des Syrtes. Ils n’ignorent pas cependant que toute la Tripolitaine, si l’on en excepte de rares oasis, est et sera toujours rebelle à la culture ; quelques puits qui pourraient être creusés, quelques oasis artésiennes qui pourraient être créées, ne suffiraient pas à transformer le désert en un jardin ou la steppe en un champ de blé. Mais, en Cyrénaïque, quoique l’étendue cultivable ne dépasse pas les limites du plateau de Barka, les paysans de l’Italie du Sud trouveraient une terre où un certain nombre d’entre eux pourraient vivre plus à l’aise que dans les Pouilles ou les Calabres. C’est pour cette raison que plusieurs députés socialistes au parlement de Montecitorio, comme le fameux agitateur sicilien de Felice, se montrent partisans d’une expédition prochaine, tandis que d’autres, comme M. Enrico Ferri, plus préoccupés de leurs passions antimilitaristes que de la détresse des paysans du royaume de Naples et de la Sicile, sont opposés à toute intervention. Le député Morgari, récemment envoyé à Tripoli par le journal socialiste l’Avanti, en est revenu avec des conclusions optimistes ; il paraît croire à l’avenir de la colonisation en Tripolitaine et à la facilité de la conquête. Ainsi semble s’établir, parmi les hommes de tous les partis, un courant d’opinion qui pousse à une politique d’annexion et d’expansion.

Mais d’autres mobiles, plus impérieusement quoique peut-être plus inconsciemment, agissent sur l’opinion publique. Les peuples, et les latins en particulier, cèdent plus volontiers encore aux entraînemens de leurs passions qu’aux suggestions de leurs intérêts. Plus haut que partout ailleurs, sur le sol de la grande péninsule historique, la voix des générations disparues crie aux vivans la gloire d’autrefois. L’Italie, depuis qu’elle a réalisé son unité politique, a retrouvé, dans la poussière de l’histoire, des formules de domination et des traditions de grandeur : elle s’est souvenue que les Romains d’autrefois, en regardant, des deux côtés de la péninsule, les flots de la Méditerranée qui en viennent battre les rivages, disaient : « Mare nostrum, » et que, plus tard, les Vénitiens appelaient l’Adriatique « le golfe de Venise » et couvraient de leurs comptoirs toutes les côtes de l’Orient musulman. Il est impossible, quand on est l’Italie, de n’avoir pas une politique méditerranéenne et des prétentions à faire valoir dans l’un et l’autre bassin de la Mer intérieure. L’Italie, dès qu’elle fut devenue un royaume, connut ces ambitions. C’est comme acheminement à la domination de la Méditerranée, que la possession de la Tripolitaine excite, dans la Péninsule, l’enthousiasme des foules et stimule l’activité des politiques.

L’occupation de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque se lie d’ailleurs, dans les conceptions du parti que l’on appellerait impérialiste, si le mot n’était pas trop gros, à tout un programme d’expansion politique et économique dans la Méditerranée orientale. La Cyrénaïque, avec ses terres ouvertes à la colonisation, avec ses belles rades de Bomba et de Tobrouk, serait, pour la puissance italienne, une position de premier ordre d’où, pour ainsi dire, elle couperait en deux la Méditerranée. Depuis longtemps déjà, les Italiens ont cherché à prendre des hypothèques sur la Tripolitaine, mais c’est surtout depuis la proclamation du Protectorat français en Tunisie, que des missions scientifiques pénétrèrent ou tentèrent de pénétrer en Tripolitaine et en Cyrénaïque, et qu’un grand effort fut fait pour développer le commerce italien dans les ports de l’ancienne régence. Le duc de Gênes lui-même, avec l’aide de quelques capitalistes, organisa, pour l’exploration et la colonisation de la Tripolitaine, une société qui envoya le capitaine Camperio dans le pays de Barka pour y créer des stations agricoles et commerciales. Ces tentatives échouèrent devant l’hostilité des indigènes et le peu d’activité des affaires ; mais les progrès du commerce italien, surtout en ces dernières années, ont été considérables : depuis que l’Italie du Nord a pris un grand essor industriel, le gouvernement a cherché, avec plus d’ardeur, des débouchés nouveaux pour la production grandissante des manufactures nationales ; la Tripolitaine, quelque faible que soit son pouvoir d’absorption, lui a semblé convenir à ce rôle. En 1898, les importations italiennes en Tripolitaine ne venaient qu’au quatrième rang après celles de l’Angleterre (avec Malte), de la Turquie de la France (avec l’Algérie-Tunisie) et elles ne montaient qu’à 768 000 francs. Depuis lors, l’Italie a augmenté le chiffre de ses échanges, grâce à l’amélioration et à la multiplication des services de navigation. Au commencement de 1900, la compagnie Florio Rubattino, aidée par une forte subvention du gouvernement, a établi une ligne dont les bateaux, tous les quinze jours, touchent à Malte, Tripoli, Mesrata, Benghazi, Derna, la Canée et s’arrêtent encore, au retour, à Benghazi, Tripoli et Malte. En même temps, pour des motifs restés inexpliqués, la compagnie anglaise Knott-Prince suspendait ses voyages, tandis qu’un armateur de Malte, M. Pace, consentait à élever ses tarifs pour les rendre égaux à ceux de la ligne italienne ; en sorte qu’aujourd’hui, les « Rubattino » font la plus grosse part du trafic, au vif désappointement des autorités ottomanes, qui, effrayées devoir grandir, dans les deux Syrtes, l’influence italienne et augmenter le nombre des nationaux du roi Victor-Emmanuel III, s’efforcent de créer une ligne de navigation turque. La compagnie française Touache fait, chaque semaine, le service de la côte tunisienne et de Tripoli, où elle apporte surtout des farines, mais elle ne touche pas à Benghazi et néglige la Cyrénaïque, où décidément l’influence italienne l’emporte. Elle s’y est affirmée avec éclat, à la fin de l’année 1901, quand les Italiens, qui sollicitaient depuis longtemps l’autorisation d’établir un bureau de poste à Benghazi, lassés des réponses dilatoires du vali ottoman, débarquèrent les agens et les sacs de dépêches et installèrent de force le bureau, sous la protection de deux cuirassés et d’un croiseur qui stationnaient en rade.

Cet incident et d’autres de même nature, l’apparition de plus en plus fréquente du pavillon de Savoie sur les côtes des Syrtes, l’augmentation du commerce italien, de fréquentes missions d’officiers ou de voyageurs, enfin les déclarations de M. Delcassé et de M. Prinetti au sujet de la Tripolitaine, tout contribuait donc, à l’automne 1901, à alarmer la Sublime Porte. Mais la Tripolitaine, — bien qu’on paraisse parfois n’y plus songer, — n’est pas une terre sans maître ; elle n’est pas non plus le domaine de quelque roitelet africain ; c’est une province de l’empire ottoman, et sa situation ne peut être en aucune façon assimilée à celle de la Régence de Tunis avant 1881, ou à celle du Maroc indépendant. A Tripoli, en Cyrénaïque, dans le Fezzan, et même à Rhadamès et à Rhât, l’autorité du Sultan est solidement établie ; elle s’appuie sur toute une administration, sur une nombreuse et solide armée que le gouvernement turc a, depuis quelques mois, considérablement renforcée. Bien qu’il soit difficile de le savoir exactement, le corps d’armée d’occupation semble compter plus de 15000 hommes ; il est pourvu d’une bonne cavalerie, d’une artillerie qu’un colonel allemand au service de la Porte vient de réorganiser ; de pareilles troupes pourraient tenir longtemps autour de Tripoli. De plus, le Sultan, inquiet des ambitions avouées de l’Italie, a récemment institué, dans ses provinces africaines, une sorte de conscription ; cette réforme n’a pas été appliquée sans quelque résistance de la part des tribus, et des troubles ont éclaté à l’automne 1901 ; mais, actuellement, l’organisation des contingens indigènes est en bonne voie et l’on) estime qu’ils fourniraient, en cas de guerre contre l’infidèle, 1 200 cavaliers réguliers et 3 000 Hamidié, 8 000 fantassins réguliers et 12000 Hamidié. Un envahisseur, parvenu à se rendre maître de Tripoli et du plateau de Barka, devrait encore s’enfoncer dans le désert, jusqu’au Fezzan, et peut-être plus loin encore, et y consumer ses forces dans une lutte sans gloire et sans profit. 50 000 hommes et 100 millions suffiraient à peine pour mener à bien une pareille entreprise. C’est sans doute assez pour qu’il ne semble pas, dans les circonstances actuelles, que l’Italie soit à la veille de rompre la paix en portant le premier coup à l’édifice encore solide de l’empire ottoman et en débarquant ses troupes sur les côtes des Syrtes.

D’autre part, la valeur propre des vilayets africains, nous l’avons montré, est médiocre, et la France pourrait, sans grand dommage, se désintéresser de leur sort, si le « problème tripolitain » n’était pas de nature à amener des complications jusqu’au Soudan ; s’il n’impliquait pas un changement de l’équilibre actuel des forces dans la Méditerranée et si, enfin, il ne risquait de réveiller la question toujours brûlante de l’intégrité de l’empire ottoman. L’attitude que le gouvernement français a paru prendre vis-à-vis de la Sublime Porte, en se mêlant de traiter, sans elle, de l’avenir de l’une de ses provinces, a déjà eu, les faits permettent de le constater en Afrique même, des conséquences graves. Des soldats turcs, partis du Fezzan, sont allés occuper, dans la zone saharienne nettement reconnue à la France par les traités, les oasis de Kouar et de Bilma, et, s’ils se sont retirés, peu de temps après, sur les injonctions de nos officiers, leur tentative pour se rapprocher du Kanem et du Ouadaï, au moment où des difficultés surgissaient, à l’Est du Tchad, entre nous et la puissance senoussite, était néanmoins significative : elle révélait un accord entre le Sultan de Constantinople et les chefs de la plus puissante des confréries musulmanes de l’Afrique du Nord ; un mot d’ordre semblait partir de Stamboul pour exciter contre nous des résistances dans ce monde musulman, où nous comptons tant de sujets et que nous nous efforçons, depuis si longtemps, de gagner à notre cause. Tout récemment, sur un autre point de leur empire, les Turcs ont envoyé des troupes prendre possession, à l’entrée de la Mer-Rouge, du territoire de Cheik-Saïd, que, malgré nos droits incontestables, nous avons toujours négligé d’occuper. Ainsi se manifeste, sans sortir de notre domaine colonial, une solidarité étroite entre les divers problèmes qui intéressent dans le monde notre situation de grande puissance : d’une question, purement méditerranéenne en apparence, naissent des difficultés inattendues au cœur de l’Afrique et jusqu’en Asie. Et ces difficultés, avec les répercussions imprévues qu’elles risquent d’entraîner, ne révèlent que trop la cohésion toujours redoutable qui, en face de l’Europe divisée, peut, à certaines heures, réunir le faisceau des forces de l’Islam.


RENE PINON.

  1. Voyez le livre, devenu classique, de M. H Schirmer, le Sahara (Hachette).
  2. Erg, au pluriel areg, désigne les grands espaces couverts de dunes de sable. La Hamada, au contraire, est le désert pierreux.
  3. Sur les procédés d’arrosage, sur le régime des eaux et les formes de la propriété dans les régions désertiques de l’Afrique du Nord, voyez le récent livre de M. Jean Brunhes : L’Irrigation ; 1 vol. in-8o illustré ; Carré et Naud.
  4. Barka-el-Homra : ce sont les parties du plateau où un humus chargé de sels de fer recouvre le sol, lui donne une teinte rougeâtre, et augmente sa fertilité.
  5. A 350 kilomètres au sud de Benghazi.
  6. Commandant Rebillet, les Relations commerciales de la Tunisie avec le Sahara et le Soudan (1896). Nous avons réussi, en ces dernières années, à attirer de nouveau vers les marchés de la Tunisie quelques caravanes de Rhadamès, qui, depuis l’établissement de notre Protectorat, en avaient désappris le chemin.
  7. C’est la distance de Tripoli à Barroua, sur le Tchad.
  8. De Saint-Louis à Tripoli par le Tchad, par le capitaine Monteil. Préface de M. E. -M. De Vogué. 1 vol. in-4o illustré ; Alcan.
  9. Duveyrier, les Touareg du Nord. Paris, 1864, in-8o.
  10. Sur Rabah et les pays du Tchad, voyez le beau livre de M. Emile Gentil : la Chute de l’Empire de Rabah. 1 vol. in-8o illustré ; Hachette, 1902.
  11. Sur Zinder, voyez le chapitre XI du livre de M. F. Foureau : D’Alger au Congo par le Tchad. 1 vol. in-8o illustré ; Masson, 1902.