La Transformation de Rome en capitale moderne

LA TRANSFORMATION DE ROME
EN CAPITALE MODERNE[1]


I

Les Italiens réussiront-ils à faire de Rome une des grandes capitales modernes ? Ils y sont résolus et se sont mis à l’œuvre. Presque aussitôt après leur prise de possession, le pic des démolisseurs a commencé son œuvre, et de nombreuses constructions se sont élevées avec une rapidité fiévreuse. Il n’est plus temps de revoir la même Rome que les trois ou quatre dernières générations ont connue. Cependant les nouveaux maîtres de Rome se trouvent aux prises avec des difficultés diverses qu’ils ont dû prévoir. Ils paraissent ne pas compter la question politique et religieuse ; du parti qui continue de réclamer contre la chute du pouvoir temporel des papes, ils croient n’avoir plus rien à redouter ; le groupe des modérés, qui considérait l’établissement à Rome comme prématuré, s’incline devant le fait accompli et déclare, lui aussi, qu’une fois à Rome on n’en peut plus sortir : la protestation vivante n’en subsiste pas moins devant eux, mais ils attendent. « Le Saint-Père ne peut rien maintenant pour l’Italie, disait naguère un de leurs plus sages hommes d’Etat, et l’Italie ne peut rien pour le Saint-Père : il faut laisser faire au temps son œuvre. »

Mais, si les Italiens espèrent être délivrés des obstacles purement politiques, ils ont affaire à un ennemi d’une autre sorte, la Malaria. Autour de Rome s’étend un désert redoutable. Combien d’années et combien de millions faudra-t-il pour triompher de ce fléau ? Imagine-t-on une capitale moderne placée au centre d’une région qui engendre la mort ? Cette menace ne les arrête pas. Intrépidement ils entreprennent d’assainir l’agro romano ; et qui ne ferait des vœux sincères pour leur succès ! On peut craindre seulement qu’il ne soit pas l’œuvre d’un jour. Et tous ceux qui admirent l’unique beauté, la sombre et émouvante grandeur de la campagne de Rome ont encore longtemps à en jouir.

Ce n’est pas tout. A côté de ceux qui prétendent, ou qui admettent, que Rome devrait, ou pourrait, appartenir aux papes, ses anciens maîtres légitimes ; il y a ceux qui soutiennent qu’en un certain sens une pareille ville appartient au monde et non pas à un État particulier, ni à un municipe, siégeât-il au Capitole. Par une contradiction curieuse les premiers qui ont élevé ces clameurs n’étaient pas les adversaires de l’ordre politique. Ils avaient applaudi à la chute du pouvoir temporel des papes, à l’unité italienne, à Rome capitale. C’est de Munich que Gregorovius jeta le cri d’alarme et lança les vives objurgations que répétèrent les journaux allemands, sous ce titre fatidique : « La destruction de Rome » : Die Vernichtung Roms. Gregorovius, dont notre Ampère a si bien aidé jadis les heureux commencemens, avait bien mérité de Rome, cela est certain, par sa remarquable histoire de la Ville éternelle pendant le moyen âge. Une traduction italienne a popularisé ce livre au-delà des Alpes et, — quelques circonstances y aidant, — l’auteur s’était vu décerner au Capitole le titre de citoyen romain. Il avait donc assurément qualité pour élever la voix au nom de sa ville, s’il a eu lieu de croire qu’on lui fît injure. De Dresde, M. Hermann Grimm a fait écho. Auteur d’une vie de Michel-Ange bien étudiée et spirituellement écrite, M. Hermann Grimm a longtemps habité l’Italie et se réclame du droit de tout étranger d’apprécier et de contrôler devant le public européen ce qui se fait à Rome. Les appels de ces deux critiques ont suscité de nouvelles doléances et des réponses en sens divers, soit en Allemagne, soit en Italie. Il s’en est suivi une polémique digne d’attention, non pas seulement pour le talent de quelques-uns de ceux qui y ont pris part, mais pour l’importance du débat. Il s’agit en effet d’une nouvelle transformation de Rome après celles dont elle a déjà donné le spectacle au monde.

Il est évident que Rome n’est point une ville comme une autre, qu’une certaine esthétique supérieure y a ses droits et impose de ne pas détruire ou amoindrir par des changemens barbares la beauté supérieure qui émane de ses anciens monumens. Les Italiens disent volontiers qu’elle est à eux et qu’ils le feront bien voir ; mais voici les Allemands qui y veulent à côté d’eux droit de cité, par une sorte de souvenir inconscient du Saint-Empire romain germanique, ou bien encore, — M. Curtius l’a dit autrefois dans un éloquent discours, — au nom d’une science érudite qui se vante d’avoir rendu ses titres à l’Italie. De leur côté les Anglais prétendent faire respecter en elle une de leurs stations familières, et les Français ne consentent pas à y être étrangers, au double titre de la communauté de race et du lien religieux. Rome pour tous est une seconde patrie : elle n’a que le dépôt et la garde des grandes œuvres de l’art, patrimoine commun de l’humanité civilisée. Ses monumens sont les témoins de souvenirs qui n’appartiennent pas seulement à elle.

Quand de maladroites réparations, il y a seulement quelques années, parurent devoir compromettre ou déshonorer Saint-Marc de Venise, on vit les Anglais réclamer, faire une agitation par l’organe du Times ; puis leur gouvernement lui-même, par voie diplomatique, interpréta et transmit les griefs, et obtint gain de cause. C’est une doctrine analogue, après tout, à celle que les Chambres italiennes n’ont pas hésité à proclamer lorsqu’elles ont tenté de faire une loi sur la propriété des objets d’art, et la même qui s’exprimait déjà dans l’édit du cardinal Pacca, toujours en vigueur, et en vertu duquel la conservation, la vente, l’exportation des chefs-d’œuvre sont soumises à des règles rigoureuses. Il a été posé en principe que les statues, les tableaux des maîtres, possédés par les particuliers, par les grandes familles romaines par exemple, depuis plusieurs générations, n’étaient pas entre leurs mains au titre d’une entière et pleine propriété. Il a été déclaré, non sans raison, qu’il n’était pas permis au possesseur d’une œuvre historique, d’une statue grecque, d’une toile célèbre, de la modifier à sa fantaisie ou de la détruire. Les antiques contenues dans les galeries du Vatican, les chefs-d’œuvre conservés dans les églises ou dans les collections privées, ont été déclarés n’appartenir entièrement ni au pape, ni au clergé, ni aux détenteurs actuels ; doctrine glissante il est vrai, et avec laquelle il est difficile de faire une loi moderne, mais qu’on ne craint pas d’appliquer en infligeant à la vente et à l’exportation des objets d’art des conditions draconiennes fort restrictives du droit de propriété.


II

La cause de la transformation de Rome ne peut évidemment se plaider que devant le tribunal de l’opinion ; n’est-ce pas une raison de plus pour qu’il soit permis d’exposer librement les griefs de ceux qui disent au municipe romain : Sous prétexte de faire de Rome une capitale digne du nouveau royaume d’Italie, vous défigurez la plus magnifique des cités historiques, qui en un certain sens, appartient aux autres peuples autant qu’à vous ?

Il y avait jadis, dans l’enceinte formée par les murs d’Aurélien, de vastes espaces non bâtis qui donnaient à Rome de poétiques solitudes, des oasis de verdure où se dressaient çà et là des ruines protégées par la solitude et le silence. C’étaient pour la plupart les lieux les plus habités de l’antique Rome devenus les plus déserts. Vous ne voulez plus de ces grandes beautés. A peine étiez-vous entrés dans Rome, vous songiez à faire un quartier nouveau dans cette admirable partie de la ville où s’élèvent, à côté du mont Testaccio, à l’ombre des cyprès du cimetière protestant, la pyramide de Cestius et la porte Saint-Paul. Au lieu des pittoresques chemins qui, au milieu des arbres, des cultures, conduisaient à quelque ruine, à quelque vieille église pleine de grands souvenirs, il n’y a plus que des terrains nus, des rues, des places tracées au cordeau : peut-on du moins justifier ce déplorable changement par une raison d’utilité publique ? Non ; de loin en loin s’élèvent quelques maisons misérablement habitées, d’autres inachevées, abandonnées, attestant l’inutilité de ces constructions et la ruine des spéculateurs qui les ont élevées.

Vous avez agi de même à travers tout le plateau de l’Esquilin, et voilà que les trophées de Marius, l’auditorium de Mécène, Saint-Eusèbe, sont confondus pêle-mêle dans les bâtisses modernes. Vous élevez des casernes jusqu’au pied du Colisée. L’amphithéâtre flavien n’a plus, ni ses autels ni sa croix, consacrant les souvenirs des martyrs, ni sa flore spéciale !

Les plus malheureuses constructions sont probablement celles des Prati. Cette vaste plaine comprend le nord-ouest de la ville sur la rive droite du Tibre, entre le château Saint-Ange, Saint-Pierre, la porte Angelica et le fleuve. On y accédait jadis du port de Ripelta. Descendant l’escalier de marbre circulaire, traversant le Tibre dans un bac, on abordait la rive ombragée, d’où un chemin se dirigeait vers Saint-Pierre qu’on atteignait à travers champs. C’était dans les beaux jours d’octobre une des plus douces promenades pour qui connaissait bien Rome, et savait en jouir. Tout ce vaste espace des Prati a été livré à la plus vulgaire spéculation, et, comme ailleurs, elle n’y a trouvé que la ruine. On parvient aujourd’hui aux Prati par un pont aux piles tubulaires d’une singulière et incontestable laideur, dont les hauts parapets interceptent la vue. Elle n’existe plus cette perspective si habilement ménagée à l’extrémité de la galerie du palais Borghèse et que connaissaient bien tous les voyageurs. Dans la plaine on a construit quelques palazzi, d’immenses casernes, des maisons à cinq ou six étages de la plus médiocre apparence ; une énorme construction, destinée au palais de justice et située du côté du Vatican, avance lentement ; de grands espaces vides et pierreux, des bâtisses commencées, abandonnées, inachevées, offensent et attristent les regards. Toute verdure a disparu.

De la terrasse du Pincio comme de la villa Médicis, on avait naguère un de ces aspects merveilleux tels que Rome en offrait jadis un si grand nombre aux yeux et à l’âme. Le regard s’étendait par-dessus la place du Peuple, les Prati déserts et verdoyans jusqu’au Vatican et à Saint-Pierre. Le palais et la basilique paraissaient isolés dans leur splendeur et c’était justice : « Là, dit expressément M. Hermann Grimm, l’humanité moderne a pris naissance ; sans le travail séculaire qui a rayonné des limina apostolorum où serait, se demande-t-il, notre protestantisme ? Le souvenir de Saint-Pierre nous reporte par la pensée à ces temps de l’Eglise primitive qui précédèrent tout partage de secte, toute lutte contre un clergé. De ces lieux sont partis ces ouvriers énergiques qui ont su transformer en un peuple capable et digne de civilisation ces mêmes Germains dont l’empire, avec toute son habileté, n’avait pu faire que des soldats. Allemagne, France, Angleterre, nous devons à Rome et au christianisme notre développement spirituel, et ce ne sont donc pas les seuls Romains qui, en présence de tels monumens, ont le droit d’élever leurs esprits et leurs cœurs. L’Italie, si elle veut transformer sa capitale, doit tenir compte de tous ceux qui savent estimer à son prix le rôle qu’a joué Rome dans l’évolution historique et religieuse, de tous ceux qui voient dans ses édifices autant de symboles à la conservation desquels c’est leur droit de veiller. Les lieux qui ont servi de berceau aux grandes idées et aux grands hommes sont des lieux sacrés. » Ainsi parle le protestant ; et ainsi parleraient, peu s’en faut, et le catholique et le philosophe.

Que si, descendant de ces hautes considérations, on envisage seulement l’agrément qu’on pouvait souhaiter à la ville moderne, on se demande comment on a laissé détruire la villa Ludovisi. Tous ceux qui jadis s’y sont promenés dans les beaux jours d’hiver, ont gardé le souvenir de son charme doux et sévère : ses allées ensoleillées, son bois de chênes verts et de pins parasols, sa célèbre avenue de cyprès. Les marbres de sa galerie rappelaient la Grèce, les vieux murs de la ville auxquels s’adossaient ses jardins parlaient de la grandeur romaine ; le casino avec ses fresques était un dernier écho de la Renaissance. La villa Ludovisi n’existe plus ; les terrains en ont été vendus et morcelés, les bandes noires s’en sont emparées et y ont construit des maisons de rapport. Sans doute, quelques palais somptueux ont été élevés, les marbres célèbres ont été replacés avec honneur dans des salles bien éclairées. Mais là non plus la spéculation n’a pas réussi, de grands espaces poussiéreux restent non bâtis ; des constructions commencées et abandonnées deviennent des repaires dangereux et infects. Si elle était à vendre ne fallait-il pas en profiter ? Qui donnera des parcs, des jardins à la nouvelle capitale ? Compte-t-elle garder longtemps l’usage de la villa Borghèse et de la villa Pamphili ? Est-elle assurée qu’on lui fera de tels présens, ou sera-t-elle assez riche pour de telles acquisitions ? La villa Ludovisi, beaucoup moins vaste, mais encore enviable, ne pouvait-elle devenir l’ornement et le refuge des nouveaux quartiers de la gare ?

Une atteinte plus grave est cependant reprochée de toutes parts, et dans Rome même, au gouvernement italien. Malgré le sentiment public, malgré les avis contraires de l’édilité romaine et de l’académie de Saint-Luc, on a résolu d’ériger sur le mont Capitolin une statue équestre de Victor-Emmanuel. Il faut que cette statue domine la ville et soit aperçue du Corso. On a fait table rase, pour élever le monument à étages qui doit la supporter, de toute la partie nord de la colline ; le couvent de l’Ara cœli avec son beau cloître a déjà disparu ; et dans les expropriations et les énormes travaux de terrassement plusieurs millions sont déjà enfouis. Que deviendra cependant l’incomparable tableau qu’offrait de la place du Capitole l’immense escalier en plaques de marbre sillonnées encore çà et là d’inscriptions antiques, et que surmonte la façade de l’église, aux chaudes couleurs de briques, se détachant sur le ciel ? Le mont Capitolin est occupé de nos jours par le municipe romain, ce qui est de toute justice ; par les célèbres collections d’antiques dont c’est bien la place ; par cette église de l’Ara cœli, en laquelle s’est transformé le temple où, selon la légende, la sibylle apparut à Octave Auguste ; l’ambassade allemande y occupe l’ancien palais Cafarelli sur l’emplacement du temple de Jupiter. Est-ce une raison de placer à l’autre extrémité de la colline, comme pendant, un monument italien ? Combien ne sera-t-il pas singulièrement entouré, voisin du célèbre Marc-Aurèle de bronze, comparaison redoutable ! Où était la nécessité de reléguer ainsi, et de livrer aux étonnemens de l’avenir le fondateur de l’unité italienne ? Pourquoi gâter pour lui la ville dont on veut qu’il ait renouvelé l’éclat ? Le gouvernement a refusé pour l’y placer le vaste espace resté vide en face de la grande gare, en vue de la rue nationale, au centre du plus beau et du mieux réussi des quartiers nouveaux. Et le bizarre dessein s’achève, au nom de la raison d’Etat.

Les travaux accomplis pour régulariser le cours du Tibre et garnir de quais ses rives dans toute l’étendue de la ville auront coûté à l’Etat plus de cent millions. C’est une œuvre considérable : nous l’avons vu commencer, elle s’achève en moins de vingt ans. Si, par un meilleur et plus rapide écoulement des eaux, ces travaux préviennent des désastres comme ceux du XVIe siècle, comme celui de 1870 où les eaux envahirent le Corso et atteignirent sur la place de la Minerve deux fois la hauteur d’un homme, ce sera certes un bienfait et on pourrait laisser les amis du pittoresque regretter les plages infectes et splendides d’autrefois. Mais était-il nécessaire d’enfermer le fleuve entre deux murailles régulières et rapprochées, où ses eaux jaunâtres coulent tristement, sans refléter ni arbres ni verdure ? Deux ponts nouveaux sont d’une laideur haïssable, on peut espérer du moins qu’ils sont provisoires, tandis que le pont Garibaldi, tout battant neuf, restera.

Sera-ce encore le Tibre, ce fleuve que vos quais encaissent entre deux murs uniformes et qui a perdu soit ses plages alternant avec les maisons baignant dans ses eaux, soit son ouverture en aval sur tant de débris subsistans de l’ancienne Rome ? C’était le double spectacle qui s’offrait du pont Sixte par exemple à qui se rendait de la rive gauche vers le Janicule. A sa droite, la belle courbe du fleuve reflétait le splendide bois de lauriers de la Farnesine, que vous avez détruit ; il voyait à sa gauche l’île Tibérine avec sa poupe sculptée en souvenir d’Esculape, et les Quattro-Capi et la tour de l’Anguillara et le temple de Vesta et l’Aventin. Presque tout cela a disparu[2].

Et si un des bras du Tibre, le long de l’île Tibérine, doit demeurer ensablé, comme cela semble inévitable, c’est un vrai malheur pour l’aspect général : Rome aura perdu une de ses grandes beautés. On avait pu souhaiter, tout au contraire, que cette île célèbre dans les fastes romains devînt, et c’était facile, un joyau archéologique et pittoresque au milieu de la cité. Là, selon la légende païenne, le dieu Esculape vint, sous la forme d’un serpent, de Pessinunte s’établir en Italie. Les anciens Romains avaient donné à l’île la forme du navire qui apporta le dieu ; un obélisque figurait le grand mât ; à la proue s’enroulait le serpent. Les antiquaires de la Renaissance s’étaient plu à reconstituer l’état primitif détruit par le temps ; on aurait pu à leur exemple renouveler cette restitution (le serpent se voyait encore), sans sacrifier la petite basilique Saint-Barthelemi, ni l’hospice des bene fate fratelli[3], touchant legs du moyen âge, qui continuait d’une curieuse façon la tradition du temple d’Esculape. Aujourd’hui, le bras droit du fleuve est ensablé, et une odieuse construction masque les rives de l’île : de l’asile d’Esculape, on a fait une morgue !

Il avait été beaucoup question, même dans le parlement, de ce qu’on appelait « la promenade archéologique » : on aurait rejoint ensemble par des avenues bien ouvertes les principaux monumens qui subsistent de l’ancienne Rome dégagés de tout obstacle… Rien de mieux[4], mais ne fallait-il pas commencer par interdire dans le prochain voisinage d’édifices tels que le Colisée la construction d’immenses maisons à six ou sept étages, avec dix ou douze fenêtres de façade, qu’une fièvre de spéculation a multipliées et qui, hâtivement bâties, misérablement habitées, ou se ruinant avant d’être achevées, offrent le témoignage d’une ambitieuse impuissance, dont le contraste avec les monumens antiques est trop choquant. Le plan régulateur, sous le contrôle de l’Etat, pouvait facilement réserver les entourages. Et, si les champs d’artichauts mêlés de buissons de grenadiers et de lauriers-roses, qui jadis s’avançaient innocemment jusqu’aux arcades de l’amphithéâtre flavien, choquaient une municipalité qui se respecte, on pouvait au moins laisser les arbres en les entourant de quelque verdure.

Heureusement du moins elle fut abandonnée, cette proposition d’une Exposition universelle à Rome en 1895. On avait eu la funeste pensée de la placer dans l’espace compris entre la porte Capène et thermes de Caracalla. C’était presque la seule partie de Rome qui fût demeurée à peu près respectée. Encore le grand cirque qui en est comme l’entrée est-il devenu l’usine à gaz. On aurait infailliblement détruit cette courbe de l’auberge de la Moletta qui retrace encore l’inflexion du cirque à son extrémité. Qu’eût-on pu faire du cirque de Maxence ? On aurait vu un champ de foire, une rue du Caire, des fontaines lumineuses, une galerie des machines, servir de préambule à la voie Appienne, à l’entrée des catacombes, à tant de sanctuaires dispersés dans cette région de la ville. Cela sans parler des obstacles du climat de Rome, ou de l’opinion qu’on s’en fait au dehors. Il faut rendre du moins cette justice au bon sens italien, jamais l’opinion publique ne fut favorable à un tel projet. Après un moment de faveur qu’avait su mériter l’ardeur des premiers apôtres, les objections arrivèrent en grand nombre ; mais la plupart de ces objections étaient, tirées du péril financier, très grave assurément. On put s’étonner que fort peu de voix se fussent élevées pour représenter quelle profanation nouvelle, si l’entreprise était arrivée seulement à un commencement d’exécution, aurait achevé de ruiner ce qui fait l’originalité de Rome, la grandeur de son aspect et de ses souvenirs.


II

Avec beaucoup de raison, l’administration romaine prend à sa charge et sous sa direction exclusive les fouilles qu’il y a lieu d’entreprendre dans l’enceinte de la ville, mais j’ai vu des visiteurs — des plus intelligens et des plus respectueux de Rome — prendre en dépit, malgré le grand intérêt scientifique auquel ils étaient fort sensibles, le triste état d’apparente dévastation dans lequel restaient, après l’achèvement des fouilles, les lieux explorés. Quelques-unes des dernières excavations pratiquées dans le forum ou son voisinage, n’ont mis à jour que de médiocres et indifférentes constructions du moyen âge, et tout l’espace entre le temple de Castor et Pollux, l’église de Sainte-Françoise Romaine et la Meta sudans n’offre plus qu’un squelette poussiéreux et décharné peu digne des grands et admirables débris qui l’entourent. Ceux qui ont vu le Forum il y a quelque trente ans, seraient parfois tentés de regretter l’allée d’arbres qui le traversait et y répandait un peu d’ombrage. On est reconnaissant des fouilles puisqu’elles ont mis au jour tant de documens d’un intérêt supérieur, tout au moins au point de vue de la topographie antique ; mais pourquoi bannir le lierre, la verdure et les arbres amis des ruines qu’ils protègent et conservent si on sait les diriger ? L’ancienne Rome était parsemée d’arbres auxquels s’attachaient des légendes populaires et qui servaient, les inscriptions nous l’attestent, de points de repère et comme d’adresse. Il y avait le célèbre figuier ruminal au forum, le labyrinthe du Vatican. Pline témoigne que de son temps les balcons de Rome étaient garnis de feuillage et de fleurs. Ce n’est pas le goût public qui bannit la douce et élégante verdure[5], bien que subsiste en quelque mesure, à vrai dire au point de vue hygiénique, une crainte traditionnelle de l’ombre et de l’épais rideau des grands arbres.

Les travaux opérés au Palatin n’ont pas tous, il faut en convenir, profité non plus au pittoresque. Il est difficile de ne pas regretter l’ancienne entrée de la colline, entrée aujourd’hui détruite. On peut voir à la bibliothèque de l’Institut, à Paris, une série de volumes in-folio contenant les dessins que Percier, l’architecte, a recueillis de son séjour à Rome comme pensionnaire de l’Académie de France. Ils ne sont pas seulement d’un crayon singulièrement délicat et fin, ils révèlent un homme de goût épris des suprêmes élégances de Rome. Percier paraît s’être plus particulièrement plu à dessiner l’entrée des jardins qui occupaient près de l’arc de Titus la partie orientale du mont Palatin. C’était un bel ensemble (que nous avons encore dans le souvenir) d’étages et de terrasses, avec une admirable frondaison de lauriers, d’orangers, de palmiers. Tout cela a été détruit il y a quinze ans à peine : il ne reste que la fontaine ornée de rocailles, qui, isolée, a perdu sa valeur. Toute la parure dont l’art ingénieux de la Renaissance avait revêtu ce penchant de la montagne n’existe plus. Ce regret ne doit pas rendre injuste pour tout ce qu’ont donné les fouilles pratiquées au Palatin depuis trente ans, depuis M. Pietro Rosa, alors que le Palatin était la propriété de l’empereur Napoléon III, jusqu’à la dernière exploration faite en l’honneur de la visite de l’empereur d’Allemagne en avril 1893. Elles se continueront dans la partie du stade quand la villa Mills disparaissant enfin, on pourra, par des fouilles profondes, avoir le dernier mot des incertitudes qui planent sur la maison d’Auguste. Puisse seulement, alors, le dernier groupe d’admirables cyprès qui domine toute la colline et on peut dire toute la perspective de Rome dans cette région, être épargné ! Il faut en attendant jouir de ce qui nous est offert, et il n’est point de lieu dans Rome, plus propre que le Palatin à faire comprendre la joie, l’enivrement d’errer parmi les ruines, sous le ciel bleu. Dans la divine lumière, le moindre épisode prend une valeur imprévue : c’est, au milieu d’un vaste pan de mur rougi par les chauds rayons, une ouverture sur la campagne lointaine ; une blanche colonne élancée, une voûte qui à une hauteur prodigieuse s’arrondit et offre de délicats caissons. Toute la ville s’étend sous les regards qui vont du dôme Saint-Pierre aux monts albains. Au ravissement des yeux se joint le ravissement de l’esprit, hanté par tant de grands souvenirs. L’histoire presque entière de l’ancienne Rome est encore inscrite en vestiges visibles sur la colline autour de laquelle Romulus traça l’enceinte de la Roma quadrata.

Certes, les sujets d’étude et d’admiration, encore maintenant ne manquent pas, et ceux qui n’ont pas connu le passé ont peut-être quelque impatience à nous suivre dans nos récriminations ; et cependant combien en pourrions-nous encore ajouter ! Et l’admirable vue qu’on avait du portique de Saint-Jean de Latran ? Nous en savons qui, arrivant à Rome, courant à ce lieu béni pour y renouveler leurs anciennes admirations, et se trouvant en face d’horribles baraques qui ont à jamais gâté, déshonoré ce sublime tableau, un des plus beaux non pas seulement de Rome, mais du monde, ont senti les larmes leur monter aux yeux et la malédiction aux lèvres. — Et la villa Wolkonsky avec son aqueduc enveloppé de lierre ? éventrée, dépouillée. — Et cette paisible route ombragée sur les bords du Tibre, sortant de la porte Angelica au pied de la villa Madama ? L’ancienne promenade des cardinaux est maintenant effondrée par les trains d’artillerie qui se rendent au fort dominant la colline déboisée !


III

Il faut s’arrêter, et savoir écouter ce que disent ceux qui veulent justifier ou excuser les changemens actuels, nous bornant toujours ici à les considérer au point de vue purement extérieur et esthétique. Constatons d’abord que les Italiens y sont beaucoup plus indifférens que les étrangers. Même parmi les plus ardens pour l’unité politique représentée par Rome capitale, le patriotisme local conserve tout son empire ; un Florentin, un Napolitain, encore mieux un Piémontais venu à la suite du gouvernement nouveau, n’a ni cure, ni soucis de la beauté de la ville des Papes. Puis, dira-t-on, il s’agit d’une de ces transformations profondes qui ne peuvent s’achever sans sacrifices. Ce n’est pas la première fois, ajoute-t-on, que Rome voit s’accomplir une de ces métamorphoses qui signalent l’ouverture des âges nouveaux. Rome n’est pas morte à la fin de l’empire romain, comme ces villes d’Orient que l’antiquaire a le plaisir de fouiller méthodiquement. Elle a continué de vivre non seulement de sa vie propre mais de cette vie générale qui est la trame variée de l’histoire. Elle a subi plusieurs renouvellemens, au début du moyen âge, au seuil des temps modernes ; et chaque fois on a vu la période naissante infliger à celle qui la précédait quelqu’un de ces dommages que les contemporains attachés à la tradition sont tentés de regarder comme des sacrilèges, en attendant que d’autres monumens et d’autres souvenirs acquièrent eux aussi la dignité de l’âge et tombent finalement à leur tour sous les atteintes des générations ultérieures.

C’est la loi de la vie. Cela est vrai, mais ce qu’il faut souhaiter et conseiller, c’est que chaque génération puissante au moment où s’inaugure une ère nouvelle respecte les ancêtres, et conserve autant qu’il est possible les témoignages subsistans du passé. Il y a les droits de la science ; il y a ceux aussi de l’art et de la beauté qui n’ont pas une moins grande part à cette éducation de l’humanité que le passé lègue à l’avenir. Jamais les droits de la science n’ont été mieux compris que de notre temps, et nous conviendrons volontiers que dans les circonstances qui nous occupent les savans les plus compétens n’ont pas manqué pour les faire respecter. Les richesses archéologiques de Rome se sont singulièrement accrues. Il n’est que juste de le rappeler. On ne saurait faire un grand mérite à l’édilité de la quantité de trouvailles qui ont été faites, puisqu’on ne peut toucher le sol de Rome sans en faire sortir quelques débris intéressans ; mais on peut être reconnaissant du soin avec lequel tout a été recueilli et offert à l’étude.

La première grande voie tracée et heureusement comprise, la via nazionale actuelle, met en rapport le nouveau quartier de l’Esquilin où aboutissent les voies ferrées du nord et du sud, avec le reste de la ville et en particulier avec la colline du Quirinal. Ce fut un travail énorme, il fallut combler une vallée, percer une colline, laisser des palais et des jardins suspendus à une notable hauteur grâce à des substructions considérables. Chaque jour, pendant ces importans travaux, on voyait sortir de terre quelque objet antique, des restes de riches demeures contenant des sculptures et des mosaïques. Romains et étrangers venaient en foule, chaque après-midi à l’heure de la promenade, assister, si la bonne chance les favorisait, à quelque trouvaille. L’ensemble des travaux accomplis depuis 1875 sur l’Esquilin a fait découvrir un si grand nombre de morceaux : statues, bas-reliefs, mosaïques, etc., que l’administration italienne en a formé tout un nouveau musée au palais des Conservateurs au Capitole. Ajoutons encore que l’Esquilin a été fécond pendant ces dernières années en découvertes préhistoriques, ou intéressant le lointain passé de la campagne romaine.

Un jour, pendant ces travaux, M. le sénateur Tommasi Crudeli, bien connu par ses études sur la malaria[6], nous manda de venir vite le joindre ; il voulait nous faire visiter un de ces tunnels antiques de drainage qui sont si nombreux dans la campagne et dans Rome même. La pioche des ouvriers venait de mettre à jour, sur un des côtés de la via nazionale, une de ces galeries souterraines. Nous touchons ici à un très curieux sujet d’observation. Il n’y a guère que vingt ou vingt-cinq ans qu’on a remarqué comme il le mérite le vaste système de drainage dont on retrouve des traces à travers toute la campagne de Rome. Le sol y est transpercé quelquefois à double étage par des galeries creusées dans le tuf, ayant la hauteur et la largeur d’un homme et destinées à entraîner vers quelque abreuvoir ou vers le fleuve les eaux superficielles. Le mérite de ces vastes constructions revient certainement à ces populations italiques qui habitaient ces campagnes avant la domination romaine. On a cru remarquer que les pauvres habitans de la Sabine actuelle, ceux qu’on appelle dans Rome les ciociari, du nom qui désigne leurs chaussures, ceux qui ont conservé leur costume pittoresque et viennent s’engager aux artistes comme modèles, possèdent encore une singulière aptitude à trouver les niveaux sous terre. On a conjecturé que le bienfait de ce puissant drainage pouvait expliquer la prospérité et la nombreuse population du Latium primitif. Les Romains auraient profité longtemps de cet héritage dans les pays conquis ; ils l’auraient toutefois négligé ou mal compris et ce serait la cause de l’extension de la malaria. Qu’on nettoie aujourd’hui de nouveau ces conduits, presque aussitôt ils reprennent leur office et l’eau qui y parvient s’écoule en assainissant le sol supérieur. Il est clair que les brillantes villas éparses sur la surface de la campagne au temps de l’empire, alors que la prospérité de Rome y avait condensé une population nombreuse, étaient munies de tels appareils. Il paraît évident aussi qu’une réfection de tout ce système serait un des moyens du risanamento de l’agro romano. Mais combien d’années et de millions une pareille opération demanderait-elle ? Et puis ne suppose-t-elle pas la présence d’une population nombreuse pour l’accomplir et l’entretenir ? C’est l’éternel cercle vicieux : la campagne romaine continue d’être malsaine parce qu’elle n’est pas habitée, elle est déserte parce qu’elle est malsaine. La terrible énigme enserre Rome capitale enveloppée de vastes solitudes.

Les travaux des quais, soit qu’on dût élargir ou rectifier les rives du fleuve, ont été l’occasion de nombreuses découvertes, en même temps qu’un autre genre de fouilles se pratiquaient par les dragues creusant le lit pour enlever ce qui pouvait faire obstacle au libre cours des eaux. Le trésor artistique de Rome s’est accru, par exemple, d’un brillant joyau par la découverte d’une maison romaine située en avant de la Farnésine. Les deux rives étaient là encombrées depuis des siècles par des amas de limon sablonneux. Quelques désignations locales, sur la rive gauche, tout près du palais Farnèse, rappellent cet ancien fléau : il y a encore la via del polverone. Au côté droit, un éperon de la rive s’avançait et obstruait le cours du fleuve. Quand on voulut le faire disparaître, on fut fort surpris de trouver, à peu de profondeur dans un sol tout pénétré des eaux qui tombent du Janicule, cette riante et élégante demeure de la première période impériale. Les stucs des plafonds égalent ou surpassent en élégance ceux des célèbres tombeaux de la voie latine, et les parois offrent une série de peintures d’un grand charme et d’un vif éclat. L’artiste grec qui a inscrit sa signature, encore très lisible, sur ces pages brillantes, n’était pas un simple décorateur de l’école pompéienne ou de celle de Ludius ; les peintures de la maison de Livie à Prima Porta n’atteignent pas cette finesse ; celles du Palatin, dans leur forte majesté, conviennent à une demeure impériale, — et celles-ci à une belle villa de plaisance.

Si le fond du fleuve ne s’est pas trouvé, comme le disaient les légendes du moyen âge, pavé de lames d’or, si, comme le voulait la tradition, on n’y a pas rencontré le chandelier à sept branches et les dépouilles du temple de Jérusalem, les dragues ont recueilli une infinité de petits objets : pierres gravées, médailles, monnaies, instrumens et outils de toutes sortes. Enfin d’importantes statues de marbre, de bronze, un Apollon, deux gladiateurs, etc., ont été ramenés au jour. Il fallait trouver un asile à tant de richesses auxquelles se joignaient d’autres trouvailles faites au Palatin, et une admirable statue grecque venant de la villa de Néron à Subiaco. Un nouveau musée s’est ouvert ; l’ancien couvent des Chartreux, construit lui-même au milieu des ruines des thermes de Dioclétien, avec les galeries de son cloître dont Michel-Ange fut l’architecte, s’est prêté admirablement à recevoir tous ces trésors.

On le voit, la science archéologique, celle au moins qui s’enferme dans des musées et se résume dans des catalogues, n’aurait qu’à se louer de l’administration italienne. Comment se fait-il que ce soit parmi les savans italiens, et certes on en compte d’illustres, que les plaintes des étrangers et des artistes aient trouvé le plus d’échos ? C’est que ce qu’on a donné ne console pas de ce qu’on a perdu ; c’est qu’une large science historique regrette de grandes impressions fécondes pour la divination du passé. C’est enfin qu’en Italie le culte de la beauté avait ses droits : nous croyons avoir résumé ici, dans un bien rapide et incomplet aperçu, les sentimens de ceux qui, sans hostilité et sans méconnaître la difficulté du problème, croient que ces droits ont été à Rome, en ces derniers temps, singulièrement méconnus ; de ceux qui voudraient que, là où il en est temps encore, on s’arrêtât dans cette voie. Florence avait donné un bel exemple : au temps de l’administration du syndic Peruzzi, quand elle était le siège du gouvernement italien, des quartiers nouveaux avaient été créés, une ville nouvelle s’était élevée sans que l’ancienne Florence, le joyau de la renaissance, ait été touchée. Une harmonie discrète avait présidé aux nouvelles constructions. L’exemple n’a pas été suivi, et c’est au contraire Florence qui semble menacée d’une contagion déplorable : le Marché vieux, théâtre de tant d’aventures tragiques ou plaisantes dans les récits des vieux chroniqueurs, vient de disparaître, de larges rues, de vastes et lourdes bâtisses d’un style fâcheusement moderne en occupent l’espace.

On a mené grand bruit à Rome dans les salons et dans la presse à propos de la disparition de quelques tableaux célèbres transportés et vendus à l’étranger. Leur possesseur, un grand seigneur ruiné, comme plusieurs autres, dans la fièvre de spéculation qu’avait enfantée l’espoir de voir l’antique Rome s’étendre subitement à la façon d’une ville d’Amérique, était tenu, selon cette loi draconienne à laquelle nous avons déjà fait allusion, de conserver et même de montrer au public sa riche galerie. Une telle loi, restrictive de la propriété, ne se peut justifier que par une crainte jalouse de voir dépouiller Rome de ses trésors artistiques. Encore pouvait-on objecter que, transportés ailleurs, ils subsistent et même contribuent à la gloire italienne. Les mêmes Italiens qui font preuve d’une susceptibilité si farouche quand ils redoutent que l’étranger s’enrichisse à leurs dépens, se montreront-ils donc indifférens à l’irréparable destruction des merveilleuses beautés de la ville éternelle ? Et ne voudront-ils pas enfin songer que le monde entier serait en droit de le leur reprocher ?


A. GEFFROY.

  1. Ce travail a été rédigé, voilà deux ou trois ans, par notre ancien et regretté collaborateur, M. A. Geffroy, dont nous n’avons besoin que de rappeler le nom aux lecteurs de cette Revue. Il nous a semblé que ces pages n’avaient rien perdu de leur intérêt, et qu’on y retrouvait, dans une question qui n’est pas seulement italienne, la compétence unique du maître éminent qui a dirigé pendant tant d’années l’École française de Rome.
  2. La tour de l’Anguillara a été conservée (et même réparée) : mais, séparée du fleuve, entourée de constructions, elle a perdu sa pittoresque beauté. Il en est presque de même du temple de Vesta qu’une pente verdoyante, semée de vieux débris, unissait jadis au fleuve et à la cloaca maxima. — Les photographies d’il y a dix ans donnent encore ce ravissant tableau. — Une froide muraille l’enserre maintenant, toute verdure a disparu, tout cet ensemble est défiguré.
  3. On sait que ces mots bene fate fratelli. mes frères faites le bien, dans lesquels saint Jean de Dieu, dans sa vieillesse, résumait ses exhortations, sont devenus le nom populaire à Rome des frères hospitaliers.
  4. Ce projet, qui avait été soutenu avec ardeur par le regretté Donghi, n’a point été pris sérieusement en considération.
  5. Une société privée s’est, dit-on, formée pour protéger les arbres, en replanter et ensemencer les ruines. Les amis du pittoresque souhaitent son succès.
  6. Tommasi Crudeli, Il clima di Roma, Rome, 1886. — Voir aussi De Lucii. Dell’antico e presente stato delle campagne romane in rapporto alla salubrita dell’aria… — De la Blanchère, La Malaria à Rome et le drainage antique. Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française, t. II.