La Thébaïde en Amérique/Chapitre VI

Méridier (p. 25-37).

CHAPITRE SIXIÈME.

Séparateur
Séparateur


DE LA VIRGINITÉ ET DE LA CHASTETÉ.



En faisant l’éloge de la virginité, nous ne prétendons pas parler contre le mariage, qui est un sacrement ; nous ne prétendons pas en diminuer la sainteté ; nous voulons seulement faire voir la prééminence, les privilèges de la virginité sur le mariage.

Écoutons d’abord ce que dit le Saint-Esprit par l’organe de l’Église :

« Si quelqu’un prétend que le mariage soit préférable à la virginité ou au célibat, et qu’il ne soit pas plus parfait et plus heureux pour l’homme de garder la virginité ou de vivre dans le célibat, que d’entrer dans l’état du mariage, qu’il soit anathème ».

Autrefois, Saint-Ambroise prêchait sur la virginité aux fidèles de son temps, à son auditoire habituel ; la virginité était le sujet ordinaire et préféré de ses magnifiques sermons, de ses lettres et de ses traités éloquents. — Et alors, non seulement des milliers de vierges, colombes mystiques, se consacraient au Seigneur par un vœu solennel, en se retirant dans la solitude ; mais des milliers de vierges, courageuses martyres, se consacraient au Seigneur, en restant au milieu du monde. — Et alors, dans la seule ville d’Oxirinque, on comptait plus de vingt mille vierges, chastement éprises de l’Époux divin, et qui vivaient, dans des corps mortels, comme des anges sur la terre. Aujourd’hui, la sainte virginité, la virginité consacrée est devenue une rare exception ; une vertu incompréhensible, inadmissible ; une chose anti-sociale, contre nature ; — un mystère ou une folie ! Et c’est au protestantisme que nous devons d’avoir dépopularisé cette vertu.

Nous semblons avoir perdu le secret de la sainte virginité, comme nous avons perdu celui de ces parfums précieux dont la mystérieuse Égypte embaumait les corps, et qui communiquait l’incorruptibilité à la chair, aux tissus de pourpre, aux bandelettes de fin lin et de soie. — De même, cependant, que la foi n’est pas contre la raison, mais au dessus d’elle, la virginité n’est pas contre, mais au dessus de la nature : elle est un don de Dieu, un fruit de la grâce ; elle est le triomphe de l’esprit sur la chair, par un motif et avec un secours surnaturels.

« Les esprits et les corps, dit Bossuet, voilà les extrémités opposées ; la virginité, voilà le milieu qui participe de l’une et de l’autre : elle est une perfection des hommes, mais elle est aussi un écoulement de la vie des Anges. »

« La virginité, dit Saint-Jérôme, soutient toutes les vertus, elle les embellit et les protège. Et Saint-Cyprien : la virginité est l’ornement des mœurs, la gloire de l’un et de l’autre sexe ; vénérable à ses ennemis, irréprochable à leurs yeux, lors même qu’ils l’outragent, ils ne peuvent l’accuser ; c’est elle qui les force à rougir, et à se condamner eux-mêmes. »

La virginité rend l’esprit plus libre et plus propre à s’appliquer aux choses célestes, à contempler Dieu, à goûter la vérité ; elle affranchit le cœur des affections de la créature, de ces affections toujours si pleines de trouble et d’amertume, et qui sont plutôt des supplices que des satisfactions ; elle conserve au corps la santé, la jeunesse et la beauté ; et quand nous disons la santé, nous n’entendons pas des formes athlétiques, une force physique de géant, mais nous entendons l’intégrité, la vitalité accumulée, l’exaltable et exquise sensibilité d’une chair angélisée, caro angelificata, selon l’énergique expression de Tertullien.

Mais ce n’est pas par un effort ordinaire que l’on arrive à surmonter la nature corrompue, à soumettre la chair rebelle, et à s’élever à la condition des Anges, à la dignité des Esprits célestes ! Aussi, Jésus-Christ nous dit-il : « Tous ne sont capables de cette résolution, mais ceux-là seulement à qui il a été donné d’en haut. » Non, la masse n’est pas disposée à accomplir le conseil de la perfection évangélique ; elle observe tout au plus le précepte obligatoire, et encore elle l’observe très mal. — C’est le sort de tout ce qui n’est pas vulgaire de paraître extravagant aux yeux du vulgaire : une résolution généreuse, héroïque n’est jamais suivie par la masse ; elle va son TRAIN ORDINAIRE ; elle s’inquiète peu ou se défie des sublimes exceptions. Aussi, on peut lui dire aujourd’hui, en parlant de la chasteté, et surtout de la chasteté virginale, ce que Jésus-Christ disait autrefois : « Comprenne, qui pourra comprendre ! »

Qu’est-ce donc que la chasteté ? — C’est une fille du ciel, un ange de la terre, une sœur de la sagesse ; et elle peut dire comme sa sœur : « j’ai poussé des fleurs d’une agréable odeur, et mes fleurs sont des fruits d’abondance. Je suis la mire du pur amour, de la crainte, de la science et de l’espérance sainte. Venez à moi, vous tous qui me désirez : mon esprit est plus doux que le miel ! » (Eccl. 24.) C’est en parlant de la beauté de la chasteté que le Psalmiste s’écrie : Écoutez, vierges ; ouvrez les yeux et prêtez l’oreille : le Roi est épris de votre beauté ! (Ps. 44.)

À chaque page de l’Écriture Sainte, nous lisons l’éloge de la pureté, de la chasteté : « l’incorruption, nous dit-elle, nous fait approcher de Dieu. — Celui qui aime la pureté du cœur aura le Roi pour ami. — Heureux les cœurs purs ; car ils verront Dieu. — Ceux qui ne sont pas purs n’entreront pas dans le royaume des cieux. — Les vierges dans le ciel suivent l’Agneau sans tache partout où il va, et chantent à sa gloire un cantique nouveau. — Oh ! quelle est belle et rayonnante de gloire la génération des hommes chastes ! »

Les Saints Pères ont épuisé toutes les richesses de l’éloquence et de la poésie pour louer la chasteté, pour la faire connaître et aimer des hommes et des femmes, afin qu’ils devinssent des anges ! — Mais, ô vertu divine, ô fille du ciel, tu surpasses toute éloquence, toute poésie humaine ! Qui pourrait te concevoir, te comprendre, t’admirer et te louer comme tu mérites de l’être ? — Quel homme, quel ange, qui pourrait dire ta beauté, ta grâce, ton empire, la splendeur de la gloire qui environne ton front, comme un mystique diadème ? Ô chasteté, ta dignité égale celle de l’ange ; tu rapproches l’homme de Dieu ; tu le rends semblable à l’éternelle et vierge Trinité : prima Trias Virgo est ! (St. Greg. Naz.) Par toi, le corps mortel et corruptible participe de l’immortalité et de l’incorruptibilité des Esprits, la chair se spiritualise, l’homme devient un ange ! Tu as dompté la nature, soumis la chair, et dédaigné le mariage ; tu nous fais aimer la vie solitaire et contemplative ; et tu as compris, que la plus grande volupté, c’est de se priver de toutes les voluptés matérielles ! — Ô chasteté, tu es plus blanche que la neige, plus radieuse et plus pure que la lumière des étoiles ! Rien, dans la nature, non rien, n’est assez beau pour te servir d’image, pour nous donner une idée de ton excellence : parmi toutes les vertus chrétiennes, tu es ce que paraît le lys parmi les fleurs, l’or parmi les métaux, le diamant parmi toutes les pierres précieuses ! Tu es comme la colombe, qui est humble, douce et solitaire ; comme l’aigle, qui aime les hauts lieux, et qui plane au-dessus des montagnes ; tu es enfin sur la terre ce qu’est l’ange dans le ciel !

Ô vous qui êtes vierges, ô vous qui êtes chastes, vous vivez dans le monde sans être du monde ; vous vivez dans un corps comme si vous n’en aviez pas ; quoiqu’enveloppés de chair, vous êtes comme de purs esprits ; votre âme est une couche embaumée où repose le Saint-Esprit ; votre âme est un ciel vivant, un Éden fleuri, un temple consacré, un tabernacle d’or, un lieu secret et mystique, fermé aux profanes, et scellé du sceau de l’Époux divin ! Ô vous qui êtes vierges, ô vous qui êtes chastes, vous êtes de la famille des anges ; vous êtes les anges de la terre, comme les anges sont les vierges du ciel !

Sainte virginité, sainte chasteté, c’est toi qui es la source divine du véritable enthousiasme ; et l’enthousiasme est le ressort puissant de la vertu et de la science, de la sainteté et du génie. La double fleur, la double couronne de la virginité et du génie a brillé sur le front de Saint-Jean l’Évangéliste, de Saint-Grégoire de Nazianze, de Saint-Thomas d’Aquin et de Sainte-Catherine de Sienne ; ils ont eu la plus haute intelligence, unie au cœur le plus aimant, dans le corps le plus pur ! Chez l’homme vierge ou chaste, la vitalité est tout entière au cerveau et dans le cœur ; la pensée illumine son front ; l’amour embrase, dilate son cœur ; tout ce qui est bon, tout ce qui est beau, tout ce qui est généreux, héroïque, sublime, c’est ce qui l’attire, l’exalte ; c’est ce qui excite, allume en lui la sainte ardeur de l’enthousiasme ; l’homme chaste est fait pour étonner le monde, qui ne le comprend pas, et pour marcher de conquête en conquête jusqu’au séjour glorieux où les anges doivent le couronner d’une brillante auréole, ornée de diamants et de pierres mystiques.

Une vierge est reine ; elle est reine, parce qu’elle se commande à elle-même, parce qu’elle commande à la nature, à la chair, aux hommes ; elle est reine parce qu’elle est l’épouse de Jésus-Christ, le Roi des rois ; elle est admirée des hommes et des anges, sur la terre et dans le ciel : Ah ! ne prononcez jamais le nom d’une vierge, sans penser à un ange, sans penser à Dieu !

L’homme chaste est comme enivré et exalté par la surabondance de vie qui abreuve son cœur et circule dans ses veines ; il sent brûler en lui-même le feu sacré de l’amour divin ; son cœur généreux ne s’éveille et ne bat que pour les grandes choses ; il est fait pour la lutte et la victoire ; il a l’attitude et la démarche d’un homme habitué à vaincre les autres, parce qu’il est habitué à se vaincre lui-même : — Et lui aussi, il est roi ! Ah ! ne prononcez jamais le nom d’un homme chaste, sans penser à un ange, sans penser à Dieu !

Mais c’est le prêtre surtout, le prêtre de la loi nouvelle, de la loi de perfection évangélique, c’est le prêtre qui est chaste ! Il touche chaque jour les vases sacrés, il monte à l’autel, il tient dans ses mains le Roi des vierges, il le reçoit dans son sein, il s’unit à lui, il se transforme en lui : — Ah ! c’est le prêtre surtout qui est chaste, et divinement chaste !

Ô chasteté, austère et ravissante vertu, tu es le sel mystique, la myrrhe odoriférante, tu es le baume précieux, de suave et céleste odeur, le baume de vertu divine, qui communique l’incorruptibilité au corps ! Tu es la robe éclatante de fin lin, sans tache et sans couture ; tu es le manteau royal et magnifique, aux franges d’or ; tu es le vêtement de lumière et de gloire dont l’âme triomphante enveloppe et pare le corps, spiritualisé par elle, et comme elle devenu incorruptible !

La raison, l’Écriture Sainte, la tradition, l’Église, l’histoire universelle, tout nous dit, ô chasteté, que tu as toujours été regardée par les hommes comme une vertu divine : partout et toujours on t’a confié le sacerdoce, accordé le don de prophétie, et réservé la science des choses cachées ; partout et toujours, on a cru que tu avais une communication plus intime avec la divinité, et un plus grand pouvoir pour l’implorer et la fléchir. Autrefois, les sacrificateurs, les prêtresses, les sybilles, les vestales étaient vierges ou chastes. Mais, quels que soient l’excellence, les privilèges et le pouvoir que le paganisme ait reconnus et admirés en toi, ô chasteté, ce n’est que dans le Christianisme que tu as atteint toute ta perfection, et que tu es devenue une vertu surnaturelle, angélique, divine. — C’est que la chasteté du chrétien n’est pas une vertu de tempérament ou de philosophie, une vertu de raison ou de nécessité, qui consiste à s’abstenir des plaisirs de la chair, parce qu’ils blessent la pudeur, parce qu’ils empêchent l’esprit de se livrer avec liberté à la contemplation tranquille de la vérité ; non, le chrétien, qui est chaste, est animé de motifs plus élevés ; s’il est chaste, c’est pour plaire à Dieu ; c’est pour se rapprocher de lui, s’unir à lui plus intimement ; oui, c’est par amour, et par excès d’amour, qu’il fait le sacrifice de sa chair et de son cœur, et qu’il est saint de corps et d’esprit.

Aussi, dès ce monde, Dieu récompense au centuple ce sacrifice héroïque de l’homme ; dès ce monde, il l’enivre de joie et de paix ; il lui dit tous ses secrets ; il lui parle cœur à cœur, dans la solitude. Ô Saint-Jean, Sainte-Catherine de Sienne, Sainte-Thérèse, vous l’avez éprouvé ; vous savez quel fleuve de lumière et de voluptés célestes inonde un cœur vierge et consacré ; un cœur qui ne s’est ravi à toutes les créatures, que pour se donner tout entier au seul créateur ! Vous savez que ce cœur est vraiment un ciel sur la terre, puisque Dieu y habite, puisqu’il y repose avec délice ; que ce cœur a un avant-goût de la béatitude éternelle, puisqu’il voit Dieu, puisqu’il le possède et jouit de lui avec une sainte familiarité ; vous le savez ; — car vous l’avez appris dans l’extase de l’amour !

Nous avons dit que l’Antiquité païenne, malgré ses fables et ses erreurs, avait compris, admiré, et honoré d’un culte spécial la virginité et la chasteté ; nous rapporterons quelques faits à l’appui de cette assertion.

Les poètes et les philosophes du paganisme n’ont pu s’affranchir tout-à-fait de cet impérissable instinct de pudeur qui nous est naturel, et ils ont été les défenseurs constants et les chantres sublimes de la chasteté et de la virginité. Dans le 1er livre des métamorphoses d’Ovide, Daphné demande à son père la liberté de demeurer vierge aussi, puisque Jupiter avait accordé cette même grâce à Diane. Elle obtint sa demande, et se voyant vivement poursuivie, elle obtint encore de perdre la beauté, qui était un si grand obstacle à l’accomplissement de son vœu. La garde de la virginité était une excellente manière d’honorer la chaste Diane,


The silver-shafted queen, for ever chaste ;


(Milton.)

et elle vengeait très sévèrement tout acte contraire à cette vertu.

Pallas, à qui les poètes donnent le nom et la majesté de la Sagesse, est vierge aussi. Les sacrifices et les fêtes de Cérès se célébraient avec une solennité extraordinaire ; et pour y assister, toutes les femmes étaient obligées à neuf jours de continence.

Callisto et Attis payèrent la peine de leur faute, ni Diane ni Cybèle n’ayant pu souffrir qu’on eût violé la virginité qui leur était promise. C’est pour garder le temple de Cybèle que la chasteté avait été prescrite à Attis.

Les principales purifications se prenaient de la déesse Vesta, qui était vierge et qui était servie par les vierges Vestales.

Le temple de celle que l’on appelait à Rome la Bonne Déesse était inaccessible aux hommes, et ce fut une vierge qui en fit la dédicace. Les Vestales étaient obligées de garder une inviolable virginité, parce que Vesta, fille d’Ops, était demeurée vierge ; ou plutôt, parce que c’était le Feu Éternel que l’on appelait du nom de Vesta, et que pour garder et entretenir ce feu il fallait des ministres très-purs, des vierges.

Il est évident, d’après ces exemples, que la chasteté et la virginité étaient en vénération parmi les idolâtres, qu’elles avaient une liaison étroite avec le sacerdoce, surtout avec celui de Vesta, ou du Feu Éternel, qui était le symbole le plus parfait de la divinité véritable. Cet usage pouvait venir de la lumière naturelle de la raison, qui faisait connaître aux payens mêmes, que la pureté du corps et le dégagement du mariage et de tous ses embarras étaient des dispositions très convenables au sacerdoce, et très agréables à Dieu ; — ou plutôt de la Providence divine, qui voulait semer dans le paganisme même des connaissances et des commencements de vertu qui disposassent insensiblement les esprits à recevoir la pureté de la doctrine évangélique.

Lucien, dans les dialogues des dieux, fait avouer à Cupidon, que ses traits n’ont aucun pouvoir sur Minerve, parce qu’elle est toujours fière et armée ; ni sur les Muses, parce qu’elles sont toujours occupées de l’idéal ; ni sur Diane, parce qu’elle est dominée par l’amour de la chasse, des bois et de la solitude. La Sagesse et la Chasteté sont sœurs. La chasteté est l’ornement, la splendeur de la sagesse. Ceux-là sont frères des Muses vierges qui conservent une perpétuelle virginité. Le plus grand remède à la volupté et le moyen le plus puissant pour conserver la chasteté, c’est l’étude de la sagesse et des lettres, c’est surtout la pratique de la religion et l’amour de la solitude. Voilà ce que pensait l’antiquité païenne.

Voyons maintenant l’opinion du plus grand poète dissident, l’auteur du Paradis perdu, le Dante de l’Angleterre.

Les vers que nous citons sont tirés de la pièce intitulée, Comus :

— Elder brother.
My sister is not so defenceless left
As you imagine ; she has a hidden strength
Which you remember not.

— Second brother.
What hidden strength,
Unless the strength of Heaven, if you mean that ?

— Elder brother.
I mean that too, but yet a hidden strength,
Which, if Heaven gave it, may be termed her own ;
T is chastity, my brother, chastity ;
SHE THAT HAS THAT, IS CLAD IN COMPLETE STEEL ;
And, like a quivered Nymph with arrows keen,
May trace huge forest, and unharboured heaths,
Infamous hills, and sandy perilous wilds,
Where, through the sacred rays of chastity,
No savage fierce, bandit, or mountaineer,
Will dare to soil her virgin purity ;
Yea there, where very desolation dwells,
By grots, and caverns shagged with horrid shades
She may pass on with unblenched majesty,
Be it not done in pride, or in presumption.
Some say, no evil thing that walks by night
In fog or fire, by lake or moorish fen,
Blue meagre hag, or stubborn unlaid ghost
That breaks his magic chains at curfew time,
No goblin, or swart fairy of the mine,
Hath hurtful power o’er true virginity.
Do ye believe me yet, or shall I call
Antiquity from the old schools of Greece
To testify the arms of chastity ?
Hence had the huntress Dian her dread bow,
Fair silver-shafted queen, for ever chaste,
Wherewith she tam’d the brinded lioness
And spotted mountain-pard, but set at nought
The frivolous bolt of Cupid : god and men
Fear’d her stern frown, and she was queen o’the woods.
What was that snaky-headed Gorgon shield,
That wise Minerva wore, unconquered virgin,
Wherewith she freezed her foes to congealed stone,
But rigid looks of chaste austerity,
And noble grace, that dashed brute violence
With sudden adoration and blank awe ?
SO DEAR TO HEAVEN IS SAINTLY CHASTITY,
That, when a soul is found sincerely so,
A thousand liveried Angels lakey her,
Driving far off each thing of sin and guilt ;
And in clear dream and solemn vision,
Tell her of things that no gross ear can hear,
Till oft converse with heavenly habitants
Regin to cast a beam on the outward shape,
The unpolluted temple of the mind ;
And turns it by degrees to the soul’s essence,
Till all be made immortal : but when lust,
By unchaste looks, gestures, and foul talk,
But most by lewd and lavish act of sin,
Lets in defilement to the inward parts,
The soul grows clotted by contagion,
Imbodies, and imbrutes, till she quite lose
The divine property of her first being.
Such are those thick and gloomy shadows damp,
Oft seen in charnel vaults and sepulchres
Lingering, and, sitting by a new-made grave,
As loath to leave the body that it loved,
And link’d itself by carnal sensuality
To a degenerate and degraded state.

— Second brother.
How charming is divine philosophy !
Not harsh, and crabbed, as dull fools suppose,
But musical as is Apollo’s lute ;
And a perpetual feast of nectared sweets,
Where no crude surfeit reigns.

Après ces témoignages éclatants de l’antiquité païenne et du plus grand poète anglais, nous ne pouvons mieux faire que de citer quelques pages de Blanc Saint-Bonnet :

« Le grand moyen de s’élever à la vertu, c’est l’enthousiasme.

« Mais l’enthousiasme, comment l’obtenir ? Il ne faut pas l’obtenir, il faut le conserver ; car vous êtes tous nés enthousiastes. Mais hélas ! tous les jours, vous travaillez à éteindre en vous cette flamme sacrée. Croyez-vous que les héros, que les Saints et les poètes, tous ces rois de l’enthousiasme, soient d’une autre race que la vôtre ? L’enthousiasme naît de la double vigueur de l’âme et du corps. C’est une impulsion presque physique et spirituelle tout à la fois ; il s’allume dans l’esprit et bouillonne dans le sang. L’enthousiasme vient de la plénitude du cœur et de l’intégrité du corps. Aussi, est-il un moyen infaillible d’être pénétré d’enthousiasme, un moyen sûr, positif, que tout homme peut de suite mettre en pratique, c’est la chasteté. Dans la chasteté, l’homme sent tellement son courage grandir et ses facultés prendre une énergie inaccoutumée, qu’il ne se reconnaît plus… Il faut que l’âme, ainsi que les organes, soient enivrés de virginité, pour être embrasés d’enthousiasme.

« Le chaste seul est libre. Lui seul possède toute la puissance du bien, et la vertu ne lui coûte plus rien. Il trouve dans la force de son corps, dans le courage de sa volonté, et dans l’abondance de son cœur, une vie inouïe ; en lui tout déborde ; et l’amour de Dieu est presque une conséquence de sa vitalité. La chasteté nous tient dans une telle plénitude d’existence, elle nous pénètre de tant d’ardeur et d’enthousiasme, que nous sommes presque toujours hors de nous-mêmes et prêts à tout. L’homme chaste est dans un état continuel d’héroïsme ; les grandes et belles actions ne lui coûtent pas plus qu’à tout autre les plus simples devoirs de la vie. Cette vertu fut le secret de tous les grands hommes. Newton, Leibnitz et Kant moururent vierges.

« Mais, qui pourra dire les joies de la chasteté ? La chasteté conserve l’âme dans une éternelle jeunesse. Aussi, rien n’est doux à voir comme l’homme chaste. On le reconnaît, autant à l’énergie paisible de son caractère qu’à l’aménité incomparable de ses mœurs et au sentiment exquis de politesse dont il entoure ses semblables. Il semble qu’il s’est formé de la nature humaine une estime si relevée que cela devient pour lui un besoin de la manifester à tous ceux qui l’entourent. Rien n’est plus gracieux que l’homme chaste ; la paix de sa conscience et la suavité de son cœur se peignent à la fois dans son sourire. Si ses pensées paraissent sévères, les sentiments qui s’élèvent de ce cœur encore plein de mystère sont empreints d’une rêverie qui répand sur toutes ses idées un grand charme de poésie.

« Mais, ce qui surtout distingue l’homme chaste, c’est l’enthousiasme. Bien loin du ton et des manières de ces hommes froids, en qui cette flamme entièrement éteinte annonce déjà la décrépitude du cœur, on le distingue au milieu de tous par l’ardente vivacité de ses émotions. Son admiration pour les grandes choses ne risque point d’être déconcertée par la plaisanterie ; jamais il n’a ri des sentiments élevés et des fortes convictions ; tout ce qui tient au devoir lui est sérieux, et pour lui la générosité est un devoir. Les hommes de ce siècle parlent avec complaisance de leur prudence froide, de leurs calculs d’intérêt bien entendu, de leur peu de disposition à céder aux sentiments : il faut les en féliciter ! Nous savons ce qu’il leur en coûte pour se réduire à cet état de castors civilisés. L’aveu des tristes conseils qu’ils arrachent à la médecine nous révélerait au besoin leur affreux secret. Aussi, j’attribue absolument à l’absence de chasteté tout l’égoïsme, toute l’indifférence, et ce peu d’enthousiasme pour les grandes choses, qui dans notre siècle signalent surtout les hommes d’une certaine classe. Le vice les amoindrit tous les jours, et les ramène insensiblement aux chétives proportions où nous trouvons leur intelligence et leur caractère. Il est impossible de se sentir longtemps entraîné vers les choses nobles et généreuses, il est impossible de brûler du feu sacré, du feu de l’artiste, du héros, de l’homme de bien, lorsqu’on n’a pas la chasteté pour soi. En perdant la chasteté, l’homme perd cette surabondance de vie qui le porte, ainsi que Dieu, à sortir de lui-même ; et il ne lui reste plus de vie que pour prendre soin de sa médiocre personnalité. Il se trouve bien renfermé par force dans l’égoïsme ; son cœur ne peut pas aller plus loin ! L’incontinence amène la faiblesse, la faiblesse amène la crainte, la crainte amène l’avarice et le reste de l’égoïsme, qui n’est, après tout, que le rétrécissement du cœur. Or, si le comble de la joie et de l’enivrement est le partage de l’amour, le comble de la tristesse et de la sécheresse intérieure, devient le partage de l’égoïsme. Pour lui, plus de tendres émotions, plus de consolations divines, plus de douceurs spirituelles : l’égoïste est l’eunuque de la cité de Dieu.

« La virginité, c’est la virilité ! La virginité remplit les artères de sang ; elle gonfle l’âme de puissance. À la moindre pensée, au moindre acte, toute la vie se précipite vers le cœur ; du cœur elle s’élance au cerveau, et l’on sent dans tout son être un courage prodigieux qui vous dévore. Le vierge marche avec l’attitude d’un homme qui a l’habitude de vaincre, et qui jouit paisiblement de sa victoire. Mais montrez-lui une belle action à faire, il tressaille comme un homme qui ne peut croire à ce bonheur inattendu ; puis, il se fait dans son âme un mouvement plus impétueux que s’il s’agissait pour tout autre de se venger d’un outrage. « Demandez-lui s’il connaît l’indépendance à celui qui tient la nature sous ses pieds ! Mais surtout demandez-lui s’il connaît le bonheur, à celui dont le sein déborde d’un amour intact ! Les émotions sillonnent son âme, son sang circule avec mille vies ; et ses organes, sans cesse abreuvés, éprouvent plus de délire à la fois à chaque battement de son cœur, que le lâche n’en a jamais perdu dans toutes ses voluptés. Où est-il celui qui cherche des émotions brûlantes, qu’il vienne ; il ne sait rien, s’il ne connaît les flammes dont perce la chasteté. Homme qui poursuis quelque passion qui puisse étancher ton désir, combien tu te trompes en t’éloignant de la virginité !  ! La virginité est la plus ardente des émotions. La virginité, c’est la vie élevée à sa plus haute puissance ; et sa passion, à elle, c’est l’amour du sacrifice : elle ne se laisse séduire que par la charité.

« Ah ! si vous saviez ce que c’est que la chasteté, comme vous quitteriez toutes ces pauvres passions que vous croyez si fécondes en douceur ! Car, il faut bien le dire, s’il vous était possible de découvrir une passion qui vous promît de plus grandes voluptés que les vôtres, c’est à elle que vous vous adresseriez. Eh ! bien, il en est une qui ne vieillit jamais ; avec l’âge elle ne fait que prendre le temps d’embraser jusqu’aux extrémités de notre être ; puis, lorsque nous prions, ou que nous pensons à Dieu, elle frappe notre âme d’un tel torrent de feu, qu’il lui semble qu’elle va éclore à la vie éternelle. Vraiment, mon Dieu, il y a des moments où l’on ne peut penser à vous sans mourir de délices ! et quelquefois par prudence, il faut nous refuser de vous aimer autant que notre cœur le voudrait, de peur d’y succomber. Je vois bien que nous n’avons pas été faits pour posséder le bonheur dans ce monde ; car, lorsque vous nous envoyez votre joie un peu trop pure, nous sommes obligés de vous demander grâce. Cependant, celui à qui vous avez fait sentir combien vous êtes doux à aimer, ne veut plus que vous aimer ; il tombe dans une sorte de folie, il perd le sens de tous les autres biens, il ne veut que vous, et rien que vous, et il vous conjure de lui retenir une partie de ces joies spirituelles, dans la crainte qu’il vienne à penser que ce soit pour elles qu’il vous aime. »

Après Blanc Saint-Bonnet, écoutons Jacques Balmès sur cette angélique vertu :

« Le catholicisme couronne d’une brillante auréole l’abstinence complète des plaisirs sensuels, la virginité. Les esprits frivoles, principalement ceux qui reçoivent les inspirations d’un cœur voluptueux, ne comprendront certainement pas jusqu’à quel point le catholicisme a contribué par là à relever la femme ; mais il n’en sera pas de même des esprits solides, capables de reconnaître que tout ce qui tend à élever au plus haut degré de délicatesse le sentiment de la pudeur, tout ce qui fortifie la moralité, tout ce qui contribue à faire d’un nombre considérable d’hommes, un modèle de la plus héroïque vertu, a également pour résultat de placer la femme au-dessus de l’atmosphère des passions grossières. La femme cesse dès lors de se présenter aux yeux de l’homme comme un simple instrument de plaisir ; elle ne perd, elle ne voit diminuer aucun des attraits dont l’a pourvue la nature, et elle n’a plus à craindre de devenir, de triste victime du libertinage, un objet de mépris et de dégoût. L’Église catholique avait connu profondément ces vérités ; aussi, tandis qu’elle veillait sur la sainteté des rapports conjugaux, tandis qu’elle créait au sein de la famille l’admirable dignité de la matrone, elle couvrait d’un voile mystérieux le visage de la vierge chrétienne ; et les épouses du Seigneur étaient gardées par elle comme un dépôt dans les ombres du sanctuaire. Il était réservé à Luther, au grossier profanateur de Catherine de Bore, de méconnaître aussi sur ce point la profonde et délicate sagesse de la religion catholique. Après que le moine apostat eût mis en pièces l’auguste sceau dont la religion marquait le lit nuptial, sa main impudique venait déchirer le voile sacré des vierges consacrées au Seigneur ; il était digne de ses dures entrailles d’exciter la cupidité des princes, de les faire se précipiter sur les biens de ces vierges privées de tout appui, pour les expulser de leurs demeures. Voyez le perturbateur attiser partout le feu de la sensualité, briser toutes les barrières. — Que deviendront les vierges consacrées du sceau du sanctuaire ? Semblables à de timides volées de colombes, ne tomberont-elles pas dans les pièges du libertinage ? Eh quoi ! Est-ce ainsi qu’on augmentait le respect dû au beau sexe ? Est-ce ainsi qu’on perfectionnait le sentiment de la pudeur et que l’on faisait progresser l’humanité ? Luther donnait-il par là une généreuse impulsion aux générations futures, de l’essor à l’esprit humain, de la vigueur et de l’éclat à la culture et à la civilisation ? Quel est l’homme au cœur délicat et sensible qui pourra supporter les déclamations déhontées de Luther, surtout s’il a lu les pages des Cyprien, des Ambroise, des Jérôme, et des autres flambeaux de l’Église catholique, sur le sublime honneur d’une vierge chrétienne ? Qui trouvera mauvais de rencontrer, dans ces siècles où la barbarie la plus féroce régnait sans frein, ces demeures solitaires où les épouses du Seigneur s’abritaient contre la corruption du monde, incessamment occupées d’élever leurs mains au ciel, pour en faire descendre sur la terre la rosée de la divine miséricorde ? Et dans les temps, dans les pays les plus civilisés, quel est donc le fâcheux contraste que l’on pourra trouver entre l’asile de la vertu la plus pure, la plus sublime, et un océan de dissipation et de libertinage ? Ces demeures étaient-elles aussi un legs funeste de l’ignorance, un monument de fanatisme, dont il était digne des coryphées de la Réforme de débarrasser la terre ? Ah ! s’il en est ainsi, protestons contre tout ce qu’il y a d’intéressant et de beau, étouffons dans notre cœur tout enthousiasme pour la vertu ; le monde est tout entier dans le cercle des sensations les plus grossières ; que le peintre jette son pinceau, le poète sa lyre ; oublions notre grandeur et notre dignité ; plongeons-nous dans l’abrutissement, en répétant : mangeons et buvons, car nous mourrons demain !

« Non, la vraie civilisation ne pardonnera jamais au protestantisme cette œuvre immorale et impie ; la vraie civilisation ne pourra lui pardonner d’avoir violé le sanctuaire de la pudeur et de l’innocence, d’avoir employé toutes ses forces à faire disparaître le respect pour la virginité, foulant ainsi aux pieds un dogme professé par tout le genre humain. Il n’a point respecté ce que les Grecs vénéraient dans leurs prêtresse de Cérès, les Romains dans leurs vestales, les Gaulois dans leurs druidesses, les Germains dans leurs devineresses. Il a porté l’impudeur plus loin que ne le firent jamais les peuples dissolus de l’Asie et les barbares du Nouveau Continent. C’est certainement une honte pour l’Europe d’avoir attaqué ce qui a été respecté dans toutes les parties du monde, d’avoir traité de préjugé méprisable une croyance universelle du genre humain, sanctionnée d’ailleurs par le christianisme. Où a-t-on vu une irruption de Barbares comparable à ce débordement du protestantisme contre ce qu’il doit y avoir de plus inviolable parmi les hommes ? Que l’on voie, au milieu des fureurs d’une guerre, la barbarie des vainqueurs ôter tout frein à une soldatesque brutale, la déchaîner contre les demeures des vierges consacrées au Seigneur, c’est là une chose qui peut se concevoir. Mais qu’on persécute ces saintes institutions par système, qu’on excite contre elles les passions de la populace, en attaquant grossièrement ces pieux instituts dans leur origine et dans leur objet, cela est plus que brutal et inhumain. C’est une chose qu’on ne peut plus qualifier, lorsque ceux-là mêmes qui s’en rendent coupables se vantent d’être des réformateurs, des sectateurs de l’Évangile pur, et se proclament les disciples de Celui qui, dans ses sublimes conseils, a signalé la virginité comme l’une des plus belles vertus qui puissent orner la couronne du chrétien. Or, qui ignore que ce fut là une des œuvres auxquelles le protestantisme s’attacha avec le plus d’ardeur. La femme sans pudeur offrira un appât à la sensualité, mais n’attirera jamais l’âme par le mystérieux sentiment qu’on appelle l’amour. Chose remarquable ! Le désir le plus impérieux du cœur de la femme est celui de plaire ; mais aussitôt qu’elle oublie la pudeur, elle déplaît et repousse ; ainsi, il est sagement ordonné que ce qui blesse le plus vivement son cœur sera le châtiment de sa faute. C’est pourquoi, tout ce qui contribue à relever dans les femmes ce sentiment délicat de la pudeur les relève elles-mêmes, les embellit, leur assure un plus grand ascendant sur le cœur des hommes, et leur marque une place plus distinguée dans l’ordre social. Ces vérités ne furent pas comprises du protestantisme, lorsqu’il condamna la virginité. Sans doute, cette vertu n’est pas une condition nécessaire pour la pudeur ; mais elle en est le beau idéal et le type de perfection ; et certainement on ne pouvait faire disparaître ce modèle, en nier la beauté, en condamner l’imitation comme nuisible, sans porter une grave atteinte à la pudeur elle-même, qui, continuellement en lutte contre la passion la plus puissante du cœur humain, ne se conserve que difficilement dans sa pureté, si elle n’est accompagnée des précautions les plus exquises……

« Dans le monde physique, tout est disposé avec nombre, poids et mesure ; les lois de l’univers montrent, pour ainsi dire, un calcul infini, une géométrie infinie ; mais gardons-nous de nous imaginer que nous pouvons tout exprimer par nos signes mesquins, et réduire tout à nos étroites combinaisons ; gardons-nous surtout de la prétention insensée d’assimiler trop le monde moral au monde physique, d’appliquer sans distinction au premier ce qui est uniquement propre à l’autre, et de bouleverser par notre orgueil la mystérieuse harmonie de l’univers. L’homme n’est pas né seulement pour procréer ; ce n’est pas une simple roue attachée en son lieu pour fonctionner dans la grande machine de l’univers. C’est un être à l’image et à la ressemblance de Dieu, un être qui a sa destinée propre, destinée supérieure à celle de tout ce qui l’environne sur la terre. Ne rabaissez point sa hauteur, ne courbez pas son front vers le sol, en lui inspirant uniquement des pensées terrestres ; ne comprimez pas son cœur, en le privant de sentiments vertueux et élevés, en ne lui laissant d’autre goût que celui des jouissances matérielles. »

Ayant cité le témoignage d’un philosophe-poète et celui d’un philosophe-théologien, nous citerons encore celui d’un médecin déiste, Virey :

« Par la chasteté, toute l’organisation est affermie ; notre âme conserve le feu sacré de la pudeur, comme celui de Vesta ; un ardent enthousiasme pour les mâles pensées, comme pour des actions vives, étincelantes : tant que nous préférons l’honneur à l’utilité, en faisant taire les ignobles intérêts devant l’amour de la gloire, alors elle brille de l’éclat de la jeunesse ; jusque sous les glaces de l’âge, elle cultive l’énergie vitale ; elle est riche d’espérance, et se flatte, dans l’avenir même, d’affections romanesques. Tels sont particulièrement les caractères qui ont conservé l’innocence dans leurs amours. Leurs longues années ne sont point désormais dépouillées de verdure et de fraîcheur ; une sève abondante circule encore dans l’économie, malgré leurs vieux jours ; ils tiennent de la nature immortelle.

« Considérez, au contraire, ces hommes que le monde appelle souvent sages et expérimentés, parce qu’ils ne voient plus la société que dans sa dégradation, ou dépouillée de toutes ses qualités honorables et généreuses. C’est là, dit-on, le positif et la réalité ; ils placent avant tout le gain et l’argent. Calculant froidement et le bien et le mal, ils savent au juste ce que rapportent le crime et la vertu. Ils se plient parfaitement aux temps, aux circonstances ; ils ne sourient qu’à la puissance matérielle des jouissances et de la fortune. Indifférents à tout comme les vieillards, ils n’éprouvent plus qu’avec tiédeur et dégoût toute volupté qui ne rapporte aucun profit direct ; pesant tout au poids de l’or, ils marchandent le cœur humain et l’innocence, comme si la vertu était à prix, tant les sordides intérêts se sont incrustés dans ces entrailles énervées et abâtardies.

« Certes, nous n’ignorons pas combien le siècle, dans sa décrépitude, appelle romanesques et ridicules les héroïques sentiments, la magnanimité du jeune âge. Nulle franchise, ni cette naïve fraîcheur d’imagination, ni cette pudeur, cette virginité de l’âme, n’éclatent en eux désormais. N’est-ce pas déjà revêtir, avant le temps, toutes les livrées de la caducité, de ces âges de dégoût, de mécontentement, d’aversion pour les plus saintes affections qui puissent enchanter la vie ? Comment cette âme défaillante soutiendra-t-elle longtemps et avec énergie une organisation délabrée, quoique jeune encore, mais gangrenée par les jouissances ! Semblable à ces arbres encore verts, dont l’intérieur du tronc est pourri, qui ne tardent pas à se couronner de branches mortes et desséchées, ainsi l’homme corrompu étale en vain les décorations de son corps, ou plutôt sa parure extérieure ; c’est un brillant sépulcre qui ne renferme qu’un cadavre.

« Oh ! que l’homme pourrait subsister sain et heureux, pendant de longues années, s’il savait épargner sur son corps pour agrandir son âme ! Il resterait toujours jeune, par la pensée du moins ; il descendrait, immortel d’espérance, dans la tombe, après avoir dignement rempli sa destinée et honoré sa carrière sur la terre.

Minerve se couvre de son égide contre les traits de l’amour, disent les philosophes et les poètes. Les Muses sont aussi chastes. La plupart des hommes de génie sont peu portés aux voluptés ; au contraire les individus les moins intelligents s’adonnent à la luxure : ainsi à mesure que les cerveaux se rétrécissent la volupté s’agrandit. »

« J’ai déjà vu, dans ma vie, dit le P. Lacordaire, bien des jeunes gens ; et je vous le déclare, je n’ai jamais rencontré de tendresse de cœur dans un jeune homme débauché ; je n’ai jamais rencontré d’âmes aimantes que les âmes qui ignoraient le mal ou qui luttaient contre lui »

Arrivons maintenant à la chasteté du Prêtre, et c’est Michelet que nous ferons parler ; Michelet qui, dans ces derniers temps, a essayé en vain de détruire, par des attaques passionnées, le magnifique et sincère témoignage qu’il avait rendu au célibat, à la chasteté du Prêtre :

« Certes, ce n’est pas moi, dit-il, qui parlerai contre le mariage ; cette vie a aussi sa sainteté. Toutefois, ce virginal hymen du prêtre et de l’Église, n’est-il pas quelque peu troublé par un hymen moins pur ? Se souviendra-t-il du peuple qu’il a adopté selon l’esprit, celui à qui la nature donne des enfants selon la chair ? La paternité mystique tiendra-t-elle contre l’autre ? Le Prêtre saurait se priver pour donner aux pauvres, mais il ne pourra priver ses enfants ! Et quand il résisterait, quand le Prêtre vaincrait le père, quand il accomplirait toutes les œuvres du sacerdoce, je craindrais encore qu’il n’en conservât pas l’esprit. Non, il y a dans le plus saint mariage, il y a dans la femme et dans la famille, quelque chose d’énervant, qui brise le fer et fléchit l’acier. Le plus ferme cœur y perd quelque chose de soi. Le Prêtre était plus qu’un homme ; marié, ce n’est plus qu’un homme… Et cette poésie de la solitude, ces mâles voluptés de l’abstinence, cette plénitude de charité et de vie, où l’âme chrétienne embrasse Dieu et le monde, ne croyez pas qu’elle puisse subsister entière au lit conjugal… Et que deviennent ces méditations solitaires où l’âme se retrempe devant un crucifix, les rêves mystérieux et les sublimes orages ou combattent en nous Dieu et l’homme ? C’était fait du christianisme, si l’Église, amollie et prosaïsée dans le mariage, se matérialisait dans les soins de la famille. Dès-lors, plus de force intérieure ni d’élan vers le ciel. Jamais une église à Prêtres mariés n’aurait enfanté les prodiges de l’art religieux, ni l’âme de Saint-Bernard, de Saint-Vincent-de-Paul ou d’un Saint-François de Sales, ni le génie de Saint-Thomas, ni tous ces ordres religieux, ni les savants et profonds Bénédictins. À de tels hommes il faut le revueillement solitaire, ou le monde entier pour famille. Car voilà le chef-d’œuvre du christianisme ; l’individu et les petites affections disparaissent devant les besoins spirituels et corporels de tous les hommes. Jésus-Christ a presque abandonné sa mère pour embrasser le genre humain ; en mourant il la remet à Saint Jean, pour ne penser qu’à une seule chose, le salut du monde entier ; il a vécu vierge, il est mort vierge ; dès là, la grande consécration du célibat des prêtres. Mais le temps seul pouvait amener cette belle pensée à toute sa perfection, qui date de l’organisation complète de l’Église. » (Histoire de France, vol., 1. p. 168.)

Enfin, concluons par l’irréfragable argument du célèbre Dominicain :

« La doctrine catholique a fait un sacerdoce chaste… La foi des générations attentives ne s’y méprend pas : elle croit à une vertu qu’elle a trop éprouvée ; elle amène à nos pieds des enfants de seize ans, des cœurs de seize ans, des aveux de seize ans ; elle les y amène à la face de l’univers et de l’étonnement de l’impie ; elle y amène la mère avec la fille, les chagrins précoces avec les chagrins vieillis, ce que l’oreille de l’époux n’entend pas, ce que l’oreille du frère ne sait pas, ce que l’oreille de l’ami n’a jamais soupçonné. L’humanité proclame par cette confiance miraculeuse la sainteté du sacerdoce catholique ; et la fureur de ses ennemis viendra se briser toujours contre cette arche qu’il porte toujours avec lui. Ils la poursuivront, comme l’armée de Pharaon, jusque dans les eaux profondes ; mais le mur, le cristal de la chasteté, s’élèvera toujours entre eux et nous ; ils maudiront ce fruit divin qui naît en nous et qui nous protège ; ils le maudiront vainement, parce que la malédiction qui tombe sur la vertu est comme celle qui tombait sur la croix de Jésus-Christ l’avant-veille de la Résurrection. » (22e conf. 1847.)

Et voilà cette vertu si peu comprise des incrédules et des protestants ; cette vertu qu’ils nient dans les autres, parce qu’ils ne la pratiquent pas ; cette vertu, qui est si odieuse à nos chers frères dissidents, qu’il n’en peuvent pas même souffrir le nom sacré, — the very name is hateful to them, nous dit l’auteur des Fifty Reasons. Oui, voilà cette vertu, qui fait de l’homme un ange ; qui est la gloire de l’humanité, l’ornement de l’Église et du ciel ; mais qu’eux, ils nient et ne possèdent pas ; qu’ils ne peuvent ni concevoir ni admettre comme un avantage et une perfection, comme un don surnaturel et un angélique privilège ; voilà cette vertu, que l’Église accueille, encourage toujours, et qu’elle consacre souvent par des vœux irrévocables, accompagnés de cérémonies aussi touchantes que solennelles.

Cependant, qu’il soit permis à notre charité, malgré leur aveugle aversion, de les exhorter, au nom de la raison et de la révélation, à réfléchir avec calme et à juger sans passion, après qu’ils auront lu et ce qui précède et ce qui suit ; car c’est pour eux un devoir, aussi bien que c’est leur intérêt capital.

« I remember that in my youth I heard two Lutheran ministers discoursing, concerning a young man of an admirable disposition, with whom I was very well acquainted. If I am not mistaken, said one of the ministers to the other, this young man will never marry. The other made answer : He will do very well ; for continency and celibacy is a great gift and a singular grace of God. I, who was then very young and a Lutheran too, being amazed at this answer, I began thus to reason the matter with myself. Since our ministers style themselves reformers of the church, and preachers of the pure gospel, and own that continency is a great gift and a singular grace of God, how comes it to pass, that God bestows not this singular grâce on them ; for you will seldom or never find that the ministers live unmarried ? And how chances it, that this gift and grace is bestowed on so many Papists, whom we call idolators ; for among them there are infinite numbers of religious men and women and ecclesiastics, that pass their lives in the strict observance of continency and chastity. Their religion must certainly be more acceptable to God, because no man can be chaste unless God give the grace, (Wisdom, 8. v. 21.) When I came to riper years, I frequently had this in my thoughts ; and it was one of the motives that inclined me to the Roman Catholic faith. » (Fifty Reasons.)

{{t|« St. Paul declares, that he who giveth his virgin in marriage doth well, but he that giveth her not, doth better ; and can there be any thing wrong in following this advice of the Apostle, in vowing and preserving that brightest of all virtueschastity ? Christ declares, that we must deny ourselves, take up our cross, and follow him ; can there then be any thing wrong in those, who, finding that they cannot do this well in the midst of this world’s temptations, retire from it into the cloister, and there practise the counsels of Christ in obedience to, and under the guidance of, the great masters of religious life, always to be found in every religious establishment ? » (Doctrinal Catechism, by the Rev. Stephen Keenan.)

« The Papist, truly represented, is taught to have a high esteem for those of his communion, who undertake that sort of life, which, according to Christ’s own direction, and his Apostles, is pointed out as best. A sort of people who endeavour to perform all that God has commanded, and also what he has counselled as the better, and in order to more perfection. They hear Christ declaring the dangers of riches ; they therefore embrace a voluntary poverty, and lay aside all titles to wealth and possessions. St. Paul preaches, that he that giveth not his virgin in marriage, doth better than he that does ; and she that is unmarried, cares for the things of the Lord, how she may be holy both in body and in spirit ; they therefore choose a single state, consecrating their virginity to God ; that so they may be wholly intent on his service, and be careful how to please him ; while she that is married, cares for the things of the world, how she may please her husband. (Cor. vii, 32,34, 38.) The gospel proclaims that those that will follow Christ, must deny themselves ; they therefore renounce their own wills, and without respect to their own proper inclinations, pass their lives in a perpetual obedience. And because the world is corrupt — so that to a pious soul every business is a distraction, every diversion a temptation, and more frequently provocations to evil than examples to good ; they therefore retire from it as much as possible, and confining themselves to a little corner or cell, apply themselves wholly to devotion, making prayer their business, the service of God their whole employ, and the salvation of their souls their only design…… It is an undeniable truth, that to embrace a life exempt, as much as can be, from the turmoils of the world, and in a quiet retirement dedicate one’s self to the service of God, and spend one’s days in prayer and contemplation, is a most commendable undertaking, and very becoming a christian. »

(The Papist misrepresented and truly represented, by the Rev. John Gother.)


Séparateur
Séparateur