La Tache hyptalmique
Nosotros - año 8, tomo 15 (extracto La Mancha hiptalmica), (p. 181-183).
La Tache hyptalmique
— Qu’est ce qu’il a ce mur ?
J’ai haussé le regard et j’ai regardé. Il n’y avait rien. Le mur était lisse, froid et totalement blanc. En haut seulement, près du toit, il était obscurci par le manque de lumière.
Une autre fois, il leva les yeux et les maintint un moment immobiles, et bien ouverts, comme lorsque l’on désire dire quelque chose que l’on se refuse à exprimer.
— Mmm.. mur ? — finit-il par prononcer.
C’est cela. Maladresse et somnambulisme des idées, quand c’est possible.
— Ce n’est rien — ai-je répondu — c’est la tache hyptalmique.
— La tache ?
— … hyptalmique. La tache hyptalmique. C’est ma chambre à coucher. Ma femme dormait de ce côté…. Quel mal de tête ! Bon. Nous étions mariés depuis sept mois, et elle est morte avant hier. Ce n’est pas cela ? C’est la tache hyptalmique. Une nuit, ma femme s’est réveillée en sursaut.
— Qu’est ce que tu dis ? — demandais-je inquiet.
— Quel rêve étrange ! me répondit-elle, presque angoissée.
— Qu’est ce que c’était ?
— Je ne le sais pas non plus.. je sais que c’était un drame.. une histoire de drame… quelque chose obscur et profond… quel dommage !
— Essaye de te souvenir, bon Dieu ! lui-demandais je avec insistance, vivement intéressé. Vous me connaissez comme un homme de théâtre…
Ma femme fit un effort.
— Je ne peux pas… Je ne me souviens plus que du titre : la tache télé.. hypo… hyptalmique ! et un mouchoir blanc noué sur le visage.
— Quoi…
— un mouchoir blanc sur le visage… la tache hyptalmique.
— Bizarre — murmurais-je sans m’arrêter une seconde de plus pour réfléchir sur le sujet.
Mais, quelques jours plus tard, ma femme est sortie un matin de la chambre à coucher avec un mouchoir sur la tête. Dès que je la vis, je me souvins brutalement et j’ai vu dans ses yeux qu’elle aussi, s’en était souvenue.
— Oui… Oui ! — riait-elle— . Et quand j’ai mis le mouchoir, je m’en suis rappelé…
— une dent ?
— Je ne sais pas. je crois que oui…
Durant la journée, nous avons même plaisanté sur le sujet, et la nuit, tandis que ma femme se déshabillait, tout d’un coup, je l’appelai en criant depuis la salle à manger. — Ah non…
— Oui ! La tache hyptalmique ! — me répondit-elle en riant. Je me suis mis à rire à mon tour, et durant quinze jours, nous avons vécu en pleine folie d’amour.
Après cette longue phase d’ahurissement survint une période d’inquiétude amoureuse, sourdement et mutuellement aux aguets d’un dégoût qui ne venait pas, et qui s’était noyé enfin dans des explosions de furieux et brillant amour.
Un soir, trois ou quatre heures après avoir déjeuné, ma femme, ne me trouvant pas, rentra dans sa chambre et resta surprise en trouvant les volets fermés. Elle me vit sur le lit, étendu comme un mort.
— Frédéric ! — cria-t-elle en courant vers moi.
Je n’ai par prononcé un mot, pas plus que je n’ai bougé. Et c’était elle, ma femme ! Vous comprenez ? !
— Laisse-moi — répondis-je avec rage, en revenant au mur.
Durant un instant, je n’ai rien entendu. Puis, oui : les sanglots de ma femme, le mouchoir enfoncé jusqu’à la moitié dans sa bouche.
Cette nuit-là, nous dînâmes en silence. Nous ne nous dîmes rien, jusqu’à ce qu’à dix heures, ma femme me surprenne accroupi devant l’armoire, en train de plier avec une soin extrême, pli après pli, un mouchoir blanc.
— Mais malheureux — s’exclama-t-elle désespérée, en levant ma tête — Qu’est ce que tu fais ! ?
C’était elle, ma femme ! je lui rendis l’embrassade, en plein dans l’intimité de sa bouche.
— Qu’est ce que je faisais ? — répondis-je — Je cherchais juste une explication à ce qui nous arrive.
— Frédéric… mon amour… — murmura-t-elle.
Et la vague de folie nous submergea à nouveau.
Depuis la salle à manger, j’entendis qu’elle se déshabillait sur place ici-même. J’hurlai avec amour :
— Pourquoi non ?…
— Hyptalmique, hyptalmique ! répondit-elle en se déshabillant à toute vitesse.
Quand je suis entré, j’ai été surpris par le silence considérable de cette chambre à coucher. Je me suis approché sans faire de bruit et j’ai regardé. Ma femme était couchée, le visage complètement enflé et blanc. Elle avait un mouchoir noué sur son visage. J’ai tiré doucement le couvre-lit sur les draps, je me suis couché au bord du lit, et j’ai croisé mes bras derrière ma nuque.
Il n’y avait pas un bruissement de vêtement, ni une trépidation lointaine. rien. La flamme de la bougie semblait comme aspirée par l’immense silence.
Les heures et les heures ont passé. Les murs, blancs et froids, s’obscurcissaient progressivement vers le toit… qu’est ce que cela ? je ne sais pas…
J’ai levé à nouveau mes yeux. Les autres ont fait de même et maintinrent leur regard sur le mur durant deux ou trois siècles. A la fin, je l’ai senti lourdement figé sur moi.
— Vous n’avez jamais été dans un asile de fous ? me dit-l’un.
— Pas que je sache… — répondis-je.
— Et à la présidence ?
— Non plus, jusqu’à présent.
— Alors faites attention, parce que vous allez finir dans l’un ou dans l’autre.
— c’est possible… parfaitement possible… — ajoutais-je en essayant de dominer la confusion de mes idées.
Ils sortirent.
Je suis certain qu’ils sont partis me dénoncer, je viens de finir de m’étendre sur le divan : Comme la migraine continue, j’ai noué un mouchoir blanc autour de ma tête.