La Suppression des Académies en 1793

La Suppression des Académies en 1793
Revue des Deux Mondes5e période, tome 40 (p. 721-751).
LA
SUPPRESSION DES ACADÉMIES
EN 1793[1]

Il y a quelques mois, M. Maurice Barres, au début de son discours de réception à l’Académie française, racontait que, comme il avait voulu que sa première démarche fût une démarche pieuse, il avait demandé d’abord qu’on lui ouvrît les archives de la Compagnie. « J’ai manié, disait-il à ses confrères, les huit volumes in-folio qui contiennent les Délibérations et les Listes de présence, et qui font connaître votre histoire officielle depuis votre établissement au Louvre jusqu’à votre suppression. Sur des registres en maroquin rouge, aux armes de France, j’ai vu avec vénération les traces et parfois la signature de Corneille et de Colbert, de Racine et de Bossu et, de La Fontaine et de Boileau, jusqu’à Voltaire. » Ce sont les Registres de l’Académie française, qui ont échappé par hasard aux désastres de la Révolution. Pour les empêcher de courir d’autres dangers, l’Académie les a publiés il y a dix ans, et ils forment trois volumes qui vont jusqu’à la séance du 5 août 1793, la dernière quelle ait tenue avant d’être supprimée[2].

Le quatrième volume, qui complète le recueil, s’est fait attendre longtemps, et vient seulement de paraître. Il contient surtout une table des matières sans laquelle les trois autres, remplis de noms propres et de petits faits accumulés, seraient d’un usage peu commode. On y a joint en appendice différentes pièces qui n’avaient pas trouvé place dans les volumes précédons, deux notamment qui concernent la suppression des Académies en 1793, le discours de Chamfort qui les attaque et la réponse de l’abbé Morellet qui les défend. Il m’a semblé, en les relisant, qu’il ne serait peut-être pas sans intérêt de reprendre cette ancienne histoire. Elle a été déjà racontée, et bien racontée[3] ; mais il est possible d’ajouter au récit qu’on en a fait quelques détails ignorés ou moins connus, et quoiqu’elle disparaisse un peu dans les grands événemens de la Révolution, il me semble qu’elle mérite de n’être pas tout à fait oubliée.


I

Il y avait, en 1789, trois grandes académies, qui siégeaient au Louvre, sous la protection du Roi : l’Académie française, celle des Inscriptions et Belles-Lettres, et l’Académie des Sciences. C’est d’elles que je m’occuperai uniquement dans ce travail ; quant à l’Académie royale de peinture et de sculpture, et à celle d’architecture, quoique, après une existence longtemps errante, elles eussent fini par obtenir elles aussi d’être logées au Louvre et qu’en 1793 elles aient partagé le sort commun, comme elles avaient des règlemens différens et un caractère particulier, je les laisserai de côté.

Des trois autres, l’Académie des Inscriptions était la moins connue du public. Enfermée dans des Études érudites, qui ne sont pas à l’usage de tout le monde, et supposent des connaissances spéciales pour être comprises, elle jouissait de plus de considération que de notoriété. Elle se glorifiait sans doute de savans très distingués, comme Fréret, dont le nom avait surnagé, mais de ceux-là mêmes on ne connaissait guère les ouvrages. C’était pour elle, par rapport aux deux autres, à la fois une infériorité et un avantage. Etant moins célèbre, elle pouvait espérer qu’on la laisserait plus tranquille ; il semblait que l’ombre dans laquelle elle se tenait aurait au moins ce résultat de lui susciter moins de jaloux, de faire oublier ses origines royales et les préventions soulevées par ce nom d’académie qu’elle portait. En effet on ne voit pas qu’elle ait été attaquée dans les premiers temps du XVIIIe siècle ; mais à mesure que la Révolution approche, elle devient à son tour suspecte. Sa constitution même la fait soupçonner d’aristocratie ; elle contient, en tête de ses listes, dix noms de membres honoraires, qui sont des grands personnages, en général étrangers à l’érudition, et qui n’ont d’autre raison d’y être que la protection qu’ils peuvent lui accorder[4]. On y trouve notamment les principaux ministres du Roi, le cardinal Dubois, le cardinal de Fleury, Pomponne, Daguesseau, Maurepas, etc. : c’était une mauvaise note à la veille de la Révolution. Vers la même époque, un reproche plus grave lui fut adressé, dont Chamfort, dans son Discours sur les Académies, s’est fait l’écho. On sait qu’elle avait été créée pour perpétuer la gloire de Louis XIV par des médailles, des devises, des inscriptions, et qu’elle se trouva un peu dépourvue à la fin du règne, quand les revers succédèrent aux victoires. Elle eut alors l’idée d’occuper son temps aux antiquités judaïques, grecques et romaines, dont elle fit l’objet de ses recherches. « Eh ! que ne s’y bornait-elle, dit Chamfort ; nous étions si reconnaissais d’avoir appris par elle ce qu’étaient, dans la Grèce, les dieux Cabires ; quels étaient les noms de tous les ustensiles composant la batterie de cuisine de Marc-Antoine ! Nous applaudissions à la découverte d’un vieux roi de Jérusalem, perdu, depuis dix-huit cents ans, dans un recoin de la chronologie ! » C’étaient au moins des travaux innocens. Malheureusement elle imagina d’y joindre l’étude des antiquités françaises, et ce fut « pour empoisonner les sources de notre histoire et mettre aux ordres du despotisme une érudition faussaire. » Dès lors ses membres les plus connus, Mabillon, Secousse, Foncemagne ne s’occupent qu’a glorifier la vieille royauté. C’est bien le moment ! Ne se sont-ils pas avisés de prétendre que c’était au Roi seul qu’appartenait le pouvoir législatif et de condamner d’avance l’Assemblée nationale, qui l’attribue à la nation. On voit bien que l’Académie à laquelle ils appartiennent est la II Ile de l’Académie française, « et une fille, ajoute Chamfort, digne de sa mère par le même esprit d’abjection. »

Au contraire, l’Académie des sciences jouissait partout d’une faveur incontestée et qui s’explique aisément. L’esprit scientifique, étant de sa nature ouvert aux nouveautés et tourné vers l’avenir, convenait à une époque qui voulait s’affranchir des traditions et s’était mise en révolte contre le passé. C’est sur cet esprit que s’appuient les novateurs, et l’on peut dire qu’il est lame même de l’Encyclopédie. L’engouement s’accrut encore, dans la seconde moitié du siècle, par de belles découvertes qui tenaient l’attention publique en haleine : celles de Franklin sur l’électricité, et, à la veille même de la Révolution, l’invention des aérostats. Ces découvertes avaient ce caractère qu’elles en faisaient prévoir d’autres, que les résultats en étant visibles et pratiques, elles ne demandaient aucun effort de réflexion et de raisonnement pour être comprises et admirées, et se trouvaient ainsi à la portée de tous. En même temps, les connaissances scientifiques, qui sont d’ordinaire l’apanage de quelques personnes, se répandirent dans des milieux où elles pénètrent rarement. Il se trouva que d’illustres savans, comme d’Alembert, qui étaient à la fois de grands géomètres et des littérateurs distingués, en donnèrent l’intelligence et le goût aux gens du monde. Les femmes se piquèrent de connaître Newton, et ce fut une mode de faire un peu partout des expériences de physique.

L’Académie des sciences était donc très populaire et, dans ces années de trouble et de confusion, elle ne perdit rien de sa popularité. Jusqu’à la fin, elle eut la fortune de se bien recruter ; c’est alors qu’elle s’associa Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet, etc. En face de la Révolution son attitude fut toujours honorable et ferme. Elle essaya de rester en dehors de la politique, strictement enfermée dans ses travaux ordinaires. Le 15 juillet 1789, le lendemain de la prise de la Bastille, elle se réunit au Louvre, comme d’habitude, et entendit un mémoire de Darcet sur la chimie. Plus tard, quand Fourcroy — le futur comte Fourcroy — entraîné par son zèle républicain, lui proposa de s’épurer elle-même, comme venait de le faire l’Académie de Médecine, et de rayer de sa liste ceux de ses membres suspects d’incivisme, elle refusa très énergiquement de le suivre, et il eut beau renouveler sa proposition et y insister, on ne l’écouta pas davantage. En ce moment, le gouvernement avait besoin d’elle. Il la consultait sur les innovations qu’on était en train de faire ; on lui demandait son avis sur la réforme monétaire, sur le nouveau système des poids et mesures, sur la façon d’accorder l’ère républicaine avec l’ancien calendrier, et, quand la guerre éclata, sur la fonte des canons, sur la meilleure manière de fabriquer la poudre, sur la conservation de l’eau potable dans les navires, etc. ; et à chaque réponse qu’elle donnait, on la comblait de remerciemens et de félicitations. Il semblait bien que les services qu’elle rendait assuraient son existence.

Elle aussi pourtant n’avait pas été tout à fait épargnée par l’orage. En 1791, il parut un pamphlet intitulé : Les charlatans modernes, ou Lettres sur le charlatanisme académique. Il était surtout dirigé contre l’Académie des sciences, et signé du nom terrible de Marat. On sait que Marat était médecin de son état, médecin des gardes du corps du Comte d’Artois, — car il était dit que presque tous ceux qui renversèrent la royauté avaient été nourris et entretenus de ses pensions et de ses places ! — il s’était beaucoup occupé de recherches scientifiques ; il avait fait, ou cru faire, des découvertes, et les avait soumises à l’Académie, qui paraît bien les avoir d’abord approuvées[5]. Mais il est probable que dans la suite elle lui fut moins favorable, et que leurs relations se gâtèrent. Il continua pourtant, sans se décourager, ses travaux sur le feu, la lumière, l’électricité, et en 1788, au moment où les États Généraux allaient s’ouvrir, il publiait des Mémoires académiques ou nouvelles découvertes sur la lumière, relatives aux plus importans points de l’optique ; mais, comme cet ouvrage et les précédens ne lui paraissaient pas obtenir le succès qu’ils méritaient, et qu’il accusait de l’indifférence du public les injustices de l’Académie, il résolut de se venger, et exhala contre elle toutes ses rancunes dans un pamphlet violent. J’en citerai quelques phrases pour faire connaître de quelle façon il la traite : « Elle a pris, dit-il, pour symbole un soleil radieux et pour devise cette modeste épigraphe : Invenit et perfecit, non qu’elle ait jamais fait aucune découverte ou qu’elle ait jamais rien perfectionné, car il n’est sorti de son sein qu’une lourde collection de mémoires avortés, qui servent quelquefois à remplir un vide dans les grandes bibliothèques. En revanche, elle s’est assemblée 11 409 fois, elle a publié 380 éloges, elle a donné 3 965 approbations, tant sur de nouvelles recettes de fard, de pommades pour les cheveux, d’emplâtres pour les cors, d’onguens pour les punaises, que sur la forme la plus avantageuse des faux toupets, des têtes à perruque, des canules de seringues, et sur mille autres objets de pareille importance ; travaux glorieux, bien faits pour nous consoler des sommes immenses qu’elle nous coûte annuellement[6]. Prise collectivement, elle doit être regardée comme une société d’hommes vains, très fiers de se rassembler deux fois par semaine, pour bavarder à l’aise sur les fleurs de lys, ou, si tu l’aimes mieux, comme une confrérie d’hommes médiocres, sachant fort peu de choses et croyant tout savoir, livrés machinalement aux sciences, jugeant sur parole, hors d’état de rien approfondir, attachés par amour-propre aux anciennes opinions et presque toujours brouillés avec le bon sens. »

Après ces attaques générales viennent les injures personnelles. Il prend à partie successivement Condorcet, Lagrange, Monge, Lavoisier surtout, qui semble être pour lui un ennemi particulier. Il raille leurs travaux, il nie leur science, il jette des doutes sur leur honnêteté. Il raconte que des sots « qui croient que le génie s’est réfugié à l’Académie des sciences, » lui ont confié 12 000 livres pour découvrir quoique moyen de diriger les ballons. « Qu’est devenu cet argent ? apprenez que ces savans en ont fait entre eux le partage, et qu’il a été mangé à la Rapée, à l’Opéra, et chez les filles. »

Comment le pamphlet de Marat fut-il reçu du public, et quelle influence a-t-il exercée sur les événemens qui ont suivi ? il est difficile de le savoir exactement. Au premier abord, on est tenté de croire que la popularité de l’Académie des sciences, qui était si solidement établie, n’a pas pu être ébranlée par ces sottises ineptes. Cependant, quand on regarde de près, il faut avouer que la conduite hésitante, embarrassée, de la Commission d’Instruction publique, que l’affaire regardait, donne à réfléchir. Assurément elle souhaitait sauver l’Académie des sciences, elle la respectait, elle l’honorait, elle la trouvait utile à la République, et sentait qu’on aurait quelque peine à se passer d’elle. Mais quand il s’agit de la défendre ouvertement, de proposer qu’elle soit exemptée des mesures qu’on prend contre les autres, on n’en a pas le courage, et l’on n’agit qu’en cachette. Nous voyons, par exemple, qu’en 1792 elle est comprise dans le décret qui leur interdit à toutes de remplacer les membres qu’elles ont perdus ; mais en même temps on lui fait savoir que ce décret, ne la concerne pas, qu’on lui permet de ne pas l’appliquer, et elle continue en effet à faire ses élections comme autrefois. Si la commission n’agit pas avec plus de franchise, si elle se contredit et se cache, c’est évidemment qu’elle se heurte à un courant d’opinion qui l’inquiète. Elle redoute ceux qu’on appelle les enragés, qui demandent qu’on ne laisse rien debout de l’ancienne société, les gens à principes qui n’approuvent pas les demi-mesures, et qui veulent toujours aller plus loin que tout le monde. Il est bien possible que sur ceux-là le pamphlet de Marat ait eu quelque prise. Les brutalités de l’Ami du peuple étaient avidement accueillies de la foule, et il n’y a pas de raison qu’elles aient eu cette fois moins de succès qu’à l’ordinaire.

La Commission d’Instruction publique persista jusqu’à la fin dans les mêmes procédés. Au dernier moment, quand les Académies furent définitivement supprimées, son rapporteur, Grégoire, commença par couvrir de fleurs l’Académie des sciences, ce qui ne l’empêcha pas de la comprendre dans le décret qui les atteignait toutes ; seulement on eut soin de la prévenir quelques jours après « que les membres de la ci-devant Académie des Sciences pourraient continuer de s’assembler dans le lieu ordinaire de leurs séances, que les scellés seraient ôtés et les traitemens rétablis. » Mais l’Académie refusa les offres qu’on lui faisait. Sur la proposition de Lavoisier, elle ne voulut pas séparer son sort de celui des autres, et cessa de se réunir[7].


II

Il me reste à parler de l’Académie française. J’aurais beaucoup à en dire, car c’est à elle qu’on en voulait surtout, et on ne les a toutes frappées que pour être sûr de l’atteindre. Il nous faut donc avant tout chercher les causes de cette malveillance qu’on avait pour elle.

Elle était la plus ancienne et la plus célèbre de toutes ; elle éclipsait les autres, et quand en causant, on disait : « l’Académie, » sans rien ajouter, tout le monde savait bien que c’est d’elle qu’on voulait parler. Cette situation qu’elle occupait dans l’opinion publique devait naturellement lui faire beaucoup de jaloux, elle en eut presque avant de naître, lorsqu’elle n’existait qu’en projet, elle n’avait pas encore obtenu l’approbation du Parlement, que les beaux esprits et les poètes de ruelle, dont elle n’avait pas voulu, la criblaient de leurs épigrammes. On écrivait contre elle, sans même savoir exactement son nom, des pamphlets et des comédies[8]. Elle avait eu le bon esprit de décider, dès le premier jour, qu’elle ne répondrait pas à ces attaques ; et, en parcourant ses Registres, je ne vois qu’une seule occasion où elle ait manqué à la sage résolution qu’elle avait prise[9]. En 1728, elle apprit qu’un candidat plusieurs fois malheureux, le poète Roy, connu surtout par des libelles haineux, en avait fait un contre l’Académie, « qui passait les autres par l’atrocité des calomnies, » où il diffamait la compagnie en général et prenait à partie plusieurs de ses membres, et que non seulement il l’avouait et le faisait courir, mais le lisait à tous ceux qui voulaient l’entendre. Elle perdit patience et adressa ses plaintes au cardinal de Fleury qui fit mettre Roy à Saint-Lazare. Il n’était pas corrigé quand il en sortit, car, à quelque temps de là, il s’en prit au comte de Clermont, un prince du sang, qui était aussi de l’Académie. Mais cette fois, l’affaire eut des suites plus graves. Le prince n’était pas endurant ; il chargea de sa vengeance un nègre, qui s’en acquitta si consciencieusement que le malheureux, roué de coups, ne survécut pas à la bastonnade ; — il est vrai qu’il avait quatre-vingt-un ans.

On pense bien que cette satisfaction que l’Académie se donna de punir l’un de ses ennemis n’a pas désarmé les autres, et, par malheur, c’étaient les railleurs les plus redoutés de l’époque, Piron, Linguet, Fréron, Palissot, Rivarol. Dans ce siècle, où l’on se moque de tout, l’Académie devient un sujet ordinaire de plaisanteries. Elle ne peut rien faire qu’on ne la tourne en ridicule. On blâme les sujets de prix qu’elle propose ; quand le prix est donné et qu’on réunit le public, à la Saint-Louis, pour lire l’ouvrage couronné, on ne manque pas de déclarer qu’il est pitoyable. On discute le mérite des candidats qui demandent les places vacantes, et, quand elle a fait son choix entre eux, on trouve toujours qu’elle a pris le plus médiocre. Ce qui cause quelque surprise, c’est que, malgré les railleries dont on la poursuit, elle ne paraît rien perdre de son importance. Les jeunes gens qui se croient ou se supposent quelque talent se jettent sur les prix qu’elle décerne. On regarde une couronne académique comme le début naturel d’une carrière d’homme de lettres ; et quelquefois même il se trouve, parmi les concurrens, des personnes d’âge et de réputation. Necker, un banquier opulent, un économiste renommé, est couronné pour son éloge de Colbert ; Bailly, qui appartient depuis six ans à l’Académie des sciences, dispute à Chamfort le prix sur l’éloge de Molière et n’obtient que l’accessit. A propos des réceptions de l’Académie française, il court une série de plaisanteries banales, que l’on répète agréablement dans les salons ; ce qui n’empêche pas qu’on s’arrache les places pour y assister, si bien qu’on est obligé de construire de nouvelles tribunes afin de satisfaire les solliciteurs. Il est vrai que. lorsque, un peu plus tard, le libraire de l’Académie a livré les discours au public, on ne se gêne pas pour les trouver mauvais et pour redire irrévérencieusement, après Grimm, que cette éloquence, dont on a beaucoup parlé la veille, ressemble, le lendemain, aux carcasses d’un feu d’artifice éteint.

Ce qui est tout à fait significatif, c’est ce qui se passe aux élections académiques : elles sont plus disputées que jamais et deviennent de véritables batailles. Aussitôt qu’un siège est vacant, on se met en campagne. Les gens de lettres qui malmenaient l’Académie, quand elle n’avait pas de place à leur donner, changent de ton dès qu’ils voient quelque espérance d’y être admis. Les candidats les plus acharnés sont souvent ceux qui semblaient ses plus âpres ennemis. Montesquieu l’avait raillée dans ses Lettres persanes, l’appelant « un établissement singulier et bizarre, qui n’a d’autre fonction que de jaser ; un corps composé de quarante têtes, toutes remplies de figures, de métaphores, d’antithèses ; » il disait « qu’elle s’était érigée en une espèce de tribunal, et qu’il n’y en avait pas de moins respecté dans le monde. » On sait pourtant qu’il alla jusqu’à commettre presque un faux pour y être reçu. On intrigue, on cabale, on sollicite les gens d’importance, on fait agir les ministres ; surtout on se met sous la protection des belles dames, — personne n’ignore qu’elles sont toutes-puissantes. Pendant un temps, les académiciens ont presque tous été de la façon de Mme de Lambert, de Mme de Tencin, de Mlle de Lespinasse. Cet exemple est contagieux ; il tente toutes celles qui se piquent de tenir un salon renommé. Elles ont toutes leurs beaux esprits attitrés qu’elles poussent vers l’Académie. Mme de Chaulnes fait les visites pour son ami, quelques-uns disent pour son amant, l’abbé de Boismont ; Mme de Luxembourg exige impérieusement qu’on choisisse M. de Boissy « pour décorer sa société. » Et quand par malheur on ne vote pas pour les protégés de ces dames, elles ne se possèdent plus de colère. La duchesse de Gontaut, qui tenait beaucoup à l’élection de Ramsay, l’ami de Fénelon, s’en prenait de son échec à d’Olivet, qui s’était engagé à le soutenir et qui avait manqué à sa parole. D’Olivet lui adressa, pour l’apaiser, des excuses assez pileuses, auxquelles la duchesse répondit par des impertinences. Les deux lettres coururent le monde qui en rit de bon cœur[10].

C’étaient assurément des intrigues fort mesquines, et l’on avait raison de s’en moquer. Elles ont pourtant l’avantage de nous montrer que toutes les railleries par lesquelles on essayait de déconsidérer l’Académie n’empêchaient pas qu’on souhaitât passionnément d’en être. L’empressement qu’on témoignait pour elle scandalisait ceux qui ne l’aimaient pas et ils éprouvaient quelque embarras à s’en rendre compte. Pour lui trouver un prétexte plausible, ils l’attribuaient aux caprices de la mode. La mode, « souveraine absolue chez une nation sans principes, » faisait un devoir aux gens de lettres un peu distingués de se faire admettre à l’Académie. C’était, disait-on[11], une manière d’avoir un état, et un homme sans état était presque alors un homme sans aveu, c’est-à-dire exposé à des vexations de toute sorte. On n’y pouvait échapper qu’à la condition de tenir à des corps, à des compagnies ; « car là où la société générale ne nous protège pas, il faut bien être protégé par des sociétés particulières ; là où l’on n’a pas de concitoyens, il faut bien avoir des confrères ; là où la force publique n’était souvent qu’une violence légale, il convenait de se mettre en force pour la repousser. Quand les voyageurs redoutent les grands chemins, ils se réunissent en caravanes. » Heureusement tout va changer. On se flatte que la Révolution qui s’approche assurera au génie le libre exercice et l’utile emploi de ses facultés. Elle va mettre l’homme de lettres en état de se protéger lui-même, ce qui vaut mieux que d’attendre la protection des autres. Que gagnerait-il désormais à se parquer dans des Académies ? « C’est aux moutons à s’attrouper, dit Rivarol ; les lions s’isolent. » La phrase est belle, mais c’est une phrase. Rien ne prouve que l’homme de lettres trouve toujours son intérêt à vivre seul. Chamfort a beau répéter d’un ton d’oracle : « Point d’intermédiaire ; personne entre le talent et la nation, » et en conclure comme une conséquence inévitable qu’il faut anéantir les académies[12], beaucoup de bons esprits pensent au contraire qu’entre le talent et la nation, un intermédiaire n’est pas toujours inutile. Les découvertes scientifiques s’imposent au public par leurs résultats immédiats ; on pourra les dépasser plus tard, mais il est impossible de les contester quand on en a vu les effets. Il n’en est pas de même des œuvres littéraires. Le public ne leur rend pas toujours justice du premier coup ; pour en découvrir le mérite et l’apprécier, il a souvent besoin d’être averti. L’écrivain sérieux et profond qui vit en dehors du monde et du bruit risque d’être méconnu ; il faut le chercher pour le découvrir. Une société littéraire, en l’adoptant, lui donnera la notoriété, sinon la gloire, il n’en demande pas plus, car, s’il a une valeur véritable, il suffit qu’il soit tiré de l’ombre ; il sera mis bientôt à sa place. Même pour les plus grands et qui se font connaître d’eux-mêmes, les honneurs académiques ne sont pas à dédaigner. Ils ont des rivaux dont ils veulent qu’on les distingue, ils connaissent les caprices de l’opinion, ils n’ignorent pas qu’il n’y a rien de plus difficile à constater que l’étendue et la solidité des réputations littéraires, que les succès du théâtre sont parfois une surprise, que la vogue d’un ouvrage, même quand elle se traduit par la vente de milliers d’exemplaires, ne dure souvent qu’une saison ; ils savent surtout qu’il est impossible de prévoir les jugemens de la postérité, et s’il en est, parmi les écrivains qui triomphent aujourd’hui, dont elle conservera quelque souvenir. Ces incertitudes, on le comprend bien, font le tourment d’une âme éprise de renommée ; elles expliquent le prix qu’elle attache au suffrage de quelques lettrés d’élite, qui lui paraît confirmer le succès de son œuvre dans le présent et lui permet de concevoir des espérances pour l’avenir. Il n’y a pas besoin de chercher ailleurs les raisons qui poussaient les écrivains vers l’Académie.

Quoi qu’il en soit de celles qu’allèguent Chamfort et ses amis, une chose est indubitable, c’est que les plaisanteries que l’on continuait à débiter sur elle n’en ont dégoûté personne. Jusqu’à la fin, on l’a regardée comme une distinction très désirable qui donnait à un écrivain un rang particulier parmi ses confrères. Il semble même qu’à mesure qu’on avance dans la seconde moitié du siècle, l’estime qu’on fait d’elle augmente. Elle s’était obstinée longtemps à s’opposer aux idées nouvelles, et sa popularité en avait souffert ; mais l’élection de Voltaire, en 1746, la raccommoda avec le parti philosophique, qui était en train de faire la conquête de la France. Dès lors, l’Académie semble prendre la tête du mouvement. Il y règne un esprit d’indépendance, presque de révolte, auquel les têtes les plus sages, et qui semblent à l’abri de toutes les témérités, ne résistent pas. Marmontel, un timide, qui manqua mourir de peur à la Révolution, se laisse aller à écrire le quinzième chapitre de Bélisaire, qui le met aux prises avec la Sorbonne ; Thomas, le plus doux des hommes, élève pieux d’un séminaire, trouve, dans son éloge de Sully, des accens révolutionnaires pour attaquer les gabelles, les corvées, la taille, tout le système financier du passé, et se fait applaudir d’un public enthousiaste. Les choses allèrent si loin qu’à la fin l’autorité se fâcha, et que le chancelier Maupeou, qui ne répugnait pas aux coups de force, fui, dit-on, sur le point de supprimer l’Académie, qu’il trouvait trop républicaine. Elle ne tint pas compte de ces menaces, que le sort des parlemens rendait redoutables, et ne devint pas plus réservée. Elle prit part à l’explosion de joie et d’espérance qu’amena l’avènement de Louis XVI. Son directeur, l’historien Gaillard, s’adressant au jeune roi, dans la cérémonie du sacre, lui traça presque un plan de gouvernement : « Votre cœur, lui disait-il, vous dira qu’une guerre nécessaire est un fléau, qu’une guerre inutile est un crime ; que les deux plus funestes ennemis de la religion, après l’impiété qui l’outrage, sont l’intolérance qui la ferait haïr, et la superstition qui la ferait mépriser ; qu’un roi doit à ses peuples la justice, et des juges dignes de la rendre, et des ministres nommés par la voix publique ; qu’enfin il doit aux Lettres une protection puissante, non seulement parce qu’elles font la gloire, ou même, selon Charles le Sage, la destinée des empires, mais surtout parce qu’elles fortifient les vertus en étendant les lumières. » C’est ce que souhaitait, à ce moment, ce qu’espérait toute la France, et l’Académie se faisait l’organe de l’opinion publique. Aussi n’a-t-elle jamais été plus à la mode ; toute l’Europe a les yeux sur elle. Les souverains qui viennent à Paris ne manquent pas de lui rendre visite. Ils assistent à ses séances à côté du directeur en exercice ; on lit devant eux des vers où leur éloge est finement inséré, et à la fin, quand se fait aux académiciens présens la distribution des jetons, on leur en offre un aussi, « comme marque de confraternité académique. » Cette popularité est à son apogée en 1782, à la réception de Condorcet. La philosophie à ce moment est maîtresse de l’opinion, et le discours de Condorcet n’est qu’une hymne à la gloire. « Nous pouvons nous écrier, dit-il d’un ton d’inspiré : La vérité a vaincu, le genre humain est sauvé ! » Et le public, qui l’applaudit avec transport, n’oublie pas que l’Académie a pris une part importante à cette victoire et semble disposé à lui en témoigner sa reconnaissance.

Il y avait donc chez nous, au début de la Révolution, deux courans contraires au sujet de l’Académie. Des gens d’esprit, qui appartenaient à tous les partis, avaient pris l’habitude de la tourner en ridicule, et non contens de se moquer d’elle, ce qui est toujours aisé, ils lui adressaient des reproches plus sérieux et lui trouvaient de graves défauts. Le grand public au contraire lui restait favorable ; on continuait à lui savoir gré de ce qu’elle avait fait pour le succès des idées nouvelles : mais tout d’un coup, au moment même où ces idées triomphent, un changement semble se faire dans l’opinion. On se détache de l’Académie, on oublie les services qu’elle a rendus, on lui devient si hostile que lorsqu’elle est attaquée, menacée de mort, elle n’a plus personne qui la défende ; finalement il arrive que, tandis que la monarchie avait songé à la détruire, l’accusant d’être trop républicaine, c’est la République qui la supprime, comme une institution monarchique. D’où a pu venir ce revirement inattendu ? Quels prétextes en a-t-on donnés et quelles en sont les causes réelles ? Il faut essayer de s’en rendre compte.


III

Je crois d’abord qu’il n’est guère douteux que l’Académie française n’ait été enveloppée dans la haine qu’on portait alors aux corporations. La démocratie d’aujourd’hui ne rêve que syndicats et associations. En 1789, on les avait eu horreur et la Révolution s’est faite en partie pour les détruire. Mais on aurait dû se demander avant tout si l’Académie était une corporation véritable, comme celles que proscrivait l’Assemblée constituante. Pouvait-on l’accuser d’exercer sur quoi que ce fût la moindre tyrannie ? Personne n’était forcé d’en être ; elle s’était imposé la loi de ne choisir que ceux qui se présentaient à ses suffrages. Elle n’empêchait aucune autre association d’exister ; toutes avaient le droit de faire ce qu’elle faisait elle-même ; et de le faire mieux qu’elle, quand elles y pouvaient réussir. Ceux qui se mêlaient d’écrire exerçaient librement leur métier en dehors d’elle. Le théâtre français recevait les pièces de Pradon comme celles de Racine ; Barbin, ce chien de Barbin, éditait les ouvrages dont il espérait tirer du profit, que l’auteur appartînt ou non à l’Académie. Ce qui caractérisait les corporations et les rendait odieuses, c’étaient les privilèges dont elles faisaient jouir certaines personnes, au détriment des autres ; l’Académie n’en avait aucun qui fût de quelque importance, et Pellisson, qui songeait au solide, s’en plaint un peu, dans son Histoire. Le seul que Richelieu ait accordé aux académiciens dans sa charte de fondation, c’est celui qu’on appelait le droit de committimus ; c’est-à-dire « la faculté pour eux d’évoquer à Paris toutes leurs causes personnelles, possessoires et hypothécaires, tant en demandeurs qu’en défendeurs, » ce qui les dispensait d’aller plaider devant les tribunaux de province. L’avantage était mince pour les pauvres gens de lettres, qui n’ont guère de « causes possessoires et hypothécaires » à défendre, et l’occasion d’en profiter ne doit pas s’être souvent présentée. On remarquera que, dans les mêmes lettres patentes qui instituent l’Académie, il n’est pas question d’un traitement attribué aux membres qui la composent. C’étaient des fonctions entièrement gratuites, et elles le sont restées jusqu’en 1683, où Colbert, pour encourager ses confrères à être assidus et à pousser avec plus de vigueur l’achèvement du Dictionnaire, créa le jeton de présence. Le jeton valait trente-deux sous et ne fut porté à trois francs que sous le ministère de M. de Calonne. Malgré cette libéralité extraordinaire, le budget de l’Académie, en y comprenant le prix des jetons, le salaire des hommes de peine qui balayent les salles, celui de l’horloger qui règle la pendule, et des commis du libraire qui gardent les portes les jours de séance publique, ne monte qu’à 25 217 livres. Chamfort est bien obligé d’avouer que cette dépense n’est pour rien dans le déficit, et il reconnaît que l’Académie « est la moins dispendieuse de toutes les inutilités. » Ce qui n’empêche pas Palissot, Dorat-Cubières et les autres de répéter dans leurs journaux qu’elle est une corporation scandaleusement privilégiée, riche, tyrannique, qui étouffe la littérature sous son ombre, et ne permet pas aux grands et libres esprits de se produire ; et à force de le dire, ils finissent par le faire croire.

À ce reproche que lui font surtout les gens de lettres, les politiques en ajoutent un autre : ils l’accusent d’Aire hostile au régime nouveau, et il faut avouer que, comme elle devait sa naissance et son éclat à la monarchie, elle pouvait être un peu suspecte de regretter le passé. Pour savoir si cette accusation est fondée il faut qu’on me permette d’entrer dans quelques détails. On ne pourra connaître l’esprit véritable vde la compagnie que si l’on sait comment elle était composée en 1789, au début de la Révolution.

Malgré les concessions qu’elle avait faites à l’esprit nouveau depuis quelques années, elle n’avait pas renoncé au vieil usage de s’annexer de temps en temps des prélats et des grands seigneurs. On le lui a beaucoup reproché ; mais était-elle tout à fait libre de faire autrement ; et d’ailleurs ces choix faits en dehors de la littérature avaient-ils été sans profit pour elle ? Ne pouvant pas y renoncer tout à fait, elle avait eu grand soin de bien choisir. Par exemple, on ne trouve plus sur ses listes de ces évêques comme le cardinal de Polignac, qui fut si dur pour ce pauvre abbé de Saint-Pierre, ou comme le théatin Boyer, que Voltaire appelait l’âne de Mirepoix, esprit étroit et borné, qui fit fermer les portes de l’Académie à Piron, l’auteur de la Métromanie, pour quelques vers licencieux, composés dans sa jeunesse, et qu’il regretta toute sa vie, tandis qu’on les ouvrait avec honneur à l’abbé de Voisenon, un prêtre scandaleux, qui fournissait Mme de Pompadour d’agréables ordures, dont la Cour faisait ses délices. Les membres du haut clergé qui, en 1789, faisaient partie de l’Académie, le cardinal de Bernis, qu’on avait surnommé pour ses petits vers galans Babet la bouquetière, le cardinal de Rohan, l’homme du collier, l’archevêque de Sens, Loménie de Brienne, n’avaient aucune raison d’être suspects d’un fanatisme gênant. Les hommes d’État et les grands seigneurs qu’elle avait admis n’étaient pas non plus de ceux dont la littérature eût rien à redouter. Je ne parle pas de Malesherbes, qui protégea l’Encyclopédie ; mais l’aimable duc de Nivernais, un descendant des Mancini, était en même temps un fort agréable lettré, qui aurait mérité l’Académie pour ses poésies, s’il ne l’avait obtenue pour sa naissance, et quant au prince de Beauvau, c’était l’un des plus beaux caractères de ce temps, un bon soldat, un citoyen éclairé, un riche généreux, qui inspirait un tel respect qu’on le laissa mourir tranquillement chez lui, en pleine Terreur. Parmi les choix faits en dehors de la littérature, le seul que l’Académie ait pu regretter est celui de l’avocat général Séguier. Il appartenait franchement au parti rétrograde, et ne le cachait pas. Comme il crut que Thomas, en recevant un nouvel académicien, avait fait contre lui une allusion malicieuse, il lui fit défendre par le chancelier de faire aucune lecture dans les séances publiques. Une autre fois, après un discours de Saint-Lambert, qui l’avait choqué, il se leva et le contredit devant toute l’assistance. Il avait raison au fond : Saint-Lambert s’était trompé ; mais ce démenti public infligé à un confrère parut une suprême impertinence. Quant aux membres de l’Académie française qui n’avaient d’autre titre d’y être admis que leurs ouvrages, outre ceux qu’elle prit à l’Académie des Inscriptions, l’historien Gaillard, Bréquigny, Chabanon, Barthélémy, l’auteur du Voyage d’Anacharsis, et ceux qui appartenaient déjà à l’Académie des Sciences, Condorcet, Bailly, Vicq d’Azir, on en comptait quinze, qui n’étaient que des hommes de lettres : Marmontel, Saint-Lambert, Delille, Suard, La Harpe, Ducis, Lemierre, Chamfort, Target, Morellet, Guibert, Sedaine, Rulhières, Florian et Boufflers[13]. Ce sont des noms honorables, rien de plus ; la liste ne contient ni un grand poète, ni un grand historien, ni un écrivain hors ligne. Mais où l’Académie les aurait-elle pris ? Par une singulière fortune, la fin de ce siècle a été aussi stérile en littérature que les premières années. Le seul homme qu’elle aurait pu s’adjoindre et qui aujourd’hui lui ferait honneur, c’est Beaumarchais. Mais je ne vois pas qu’alors personne ait songé à lui, ni qu’il ait songé lui-même à l’Académie. Il était très attaqué, fort contesté, et regardé presque par tout le monde comme un aventurier de lettres plus que comme un grand écrivain[14].

Non seulement les membres de l’Académie ne jetaient pas un grand éclat sur elle, mais ils ne se soutenaient pas les uns les autres, et avaient le tort de vivre mal ensemble. C’étaient des gens d’esprit, qui étaient fort aises qu’on le sût. Selon le mot de l’un d’eux, ils vivaient en état constant d’épigramme contre leur prochain, et ce prochain était le plus souvent leur confrère. Morellet jouissait d’une grande renommée pour la vigueur de ses reparties qui emportaient la pièce. On connaît le nom que lui donnait Voltaire. La méchanceté de La Harpe était célèbre ; non content de déchirer ses rivaux dans les salons, on savait qu’il les traitait sans pitié dans les lettres qu’il écrivait à de grands personnages de l’étranger dont il était le correspondant. Sa réception en 1776 donna lieu à une scène fort divertissante. Il remplaçait Colardeau, un poète assez médiocre, mais le meilleur des hommes. Marmontel, qui était chargé de le recevoir, et qui n’était pourtant pas son ennemi, affecta d’insister sur les qualités de douceur, de modestie, d’aménité de son prédécesseur, de façon que l’éloge du mort devenait la satire du vivant. Le public comprenait bien les allusions et les soulignait par ses applaudissemens, et quand Marmontel, en finissant, félicita Colardeau du soin qu’il avait pris « de ne pas rendre pénible aux autres l’opinion qu’il avait de lui-même, » ce fut une telle explosion d’hilarité que La Harpe exaspéré fut, dit-on, sur le point de s’adresser au public et de l’insulter. La plaisanterie de Rulhières, avec des formes moins rudes, ne faisait pas des blessures moins profondes. Il prétendait un jour qu’il n’avait fait qu’une seule malice dans sa vie : « Quand finira-t-elle ? » répondit Chamfort, qui n’épargnait personne[15]. Vers le même temps la querelle des Glückistes et des Piccinistes vint compliquer ces dissensions. L’Académie, qui aurait pu se désintéresser d’un débat qui n’était pas de sa compétence, s’en mêla pourtant avec ardeur. Marmontel, picciniste fervent, avait composé un poème où ses adversaires étaient fort malmenés et le colportait dans le monde. « Qu’il le publie, dit Suard, l’un des chefs du parti contraire, et je lui casserai la figure[16] ! »

Il faut remarquer pourtant que malgré les incompatibilités de tempérament, les jalousies de métier, les rivalités d’amour-propre, qui divisaient les hommes de lettres de l’Académie, pour l’essentiel, c’est-à-dire pour les opinions religieuses et politiques, il n’y avait pas entre eux de grandes diversités. Depuis le milieu du siècle, ils se recrutaient dans le même parti, celui qui demandait des réformes et appelait de ses vœux un gouvernement qui accordât aux citoyens plus de tolérance et de liberté. Aussi les regardait-on, dans un certain milieu, comme de dangereux révolutionnaires. Souvenons-nous que Suard et Delille ont paru un moment des séditieux, et que le roi Louis XV a refusé, pendant plusieurs mois, de confirmer leur élection. La plupart de leurs confrères avaient publié des ouvrages qui scandalisaient les personnes bien pensantes, et quelques-uns s’étaient fait de méchantes affaires avec la magistrature et la Sorbonne. Tous appartenaient à l’intimité de Voltaire ; ils avaient été chercher leur consécration à Ferney. Le patriarche les appelait ses enfans et leur écrivait des lettres flatteuses, où il les traitait sans façon comme des hommes de génie. L’Académie semblait s’être mise tout à fait sous son patronage. On le vit bien à la manière dont elle le reçut, lorsque, après une longue absence, il revint à Paris en 1778. On peut dire que, grâce aux honneurs dont elle entoura ses derniers jours, il y est mort dans une apothéose. Il semble que ce souvenir aurait dû la protéger ; on pouvait croire qu’au moment où les idées de Voltaire triomphent définitivement dans la société française et commencent à se traduire dans des institutions nouvelles, la compagnie qui les avait soutenues et propagées deviendrait plus populaire que jamais. C’est justement le contraire qui est arrivé, et je crois bien qu’en regardant de près on s’aperçoit avec quelque surprise que c’est peut-être à Voltaire qu’elle doit imputer en partie le discrédit où elle est si brusquement tombée.

La Révolution avait songé tout d’abord à témoigner sa reconnaissance à ses deux grands précurseurs, Voltaire et Rousseau, auxquels elle avait raison d’attribuer sa victoire. Elle commença par Voltaire, ce qui était juste. Des deux, il avait été le plus maltraité à sa mort. Les prêtres lui avaient refusé une sépulture ; il avait fallu l’emporter en toute hâte de Paris, et l’ensevelir pendant la nuit comme un criminel, dans une abbaye du voisinage. On lui devait une réparation. L’Assemblée nationale décida qu’on irait chercher ses restes à l’abbaye de Sellières pour les amener au Panthéon. Ce fut une belle fête, comme on les aimait alors. Le 11 juillet 1791[17], sur un char de forme antique, dessiné par David, qu’ombrageaient des branches de laurier et de chêne, entrelacées de roses, de myrtes et de fleurs des champs, Voltaire fut promené dans Paris, au chant des hymnes, au bruit des acclamations populaires. On pense bien que l’Académie française faisait partie du cortège. C’était, suivant l’expression même de nos Registres, « la famille littéraire de Voltaire ; » elle entourait le char, mêlée à sa famille véritable. C’est la dernière cérémonie publique à laquelle elle ait assisté. Le tour de Rousseau vint beaucoup plus tard. Il reposait à Ermenonville, dans l’île des peupliers, un site pittoresque, qui lui convenait à merveille et que les âmes sensibles aimaient à visiter ; d’ailleurs M. de Girardin, qui l’avait recueilli quand il était sans asile, tenait à garder son hôte. On résolut pourtant, vers le milieu de 1794, quelque temps avant le 9 thermidor, de le transférer lui aussi au Panthéon. La cérémonie eut lieu le 11 octobre. Dans le cortège figuraient des botanistes, portant des fleurs, des plantes, des fruits, qui symbolisaient l’amour de Jean-Jacques pour la nature, des ouvriers, avec leurs instrumens de travail, en souvenir de l’éducation d’Emile ; des mères, qui donnaient le sein à leurs nourrissons. Les deux grands hommes, de leur vivant, ne pouvaient pas se souffrir ; on espéra qu’on ferait cesser leurs dissentimens en les réunissant sous le même toit, dans des tombes voisines. C’est l’idée qu’exprime en beaux vers Marie-Joseph Chénier, le poète de la Révolution, lorsque, après avoir célébré Jean-Jacques, il ajoute :


O Voltaire ! ce nom n’a plus rien qui le blesse.
Divisés un moment par l’humaine faiblesse,
Vous recevez tous deux l’encens qui vous est dû.
Réunis désormais, vous avez entendu,
Sur les rives du fleuve où la haine s’oublie,
La voix du genre humain qui vous réconcilie.


Chénier se trompait ; le rapprochement n’amena pas une réconciliation. Les maîtres se taisant, le débat continue entre les disciples. Dans la lutte qui se poursuit, on s’aperçoit très vite que c’est Rousseau qui l’emporte ; à partir d’un certain moment, la Révolution lui appartient. Les orateurs imitent son style et le gâtent ; ils remplissent leurs discours de déclamations pompeuses et de fades sentimentalités. Les politiques s’inspirent du Contrat social, qui leur paraît, comme ils l’appellent, « le phare des législateurs. » Il est naturel que la passion pour Rousseau amène la haine de Voltaire, et quand on n’ose pas s’exprimer en liberté sur un aussi grand personnage dont le nom commande le respect, on s’en revanche en attaquant sans scrupule ceux qui se sont mis à son ombre : ils paient pour eux et pour lui. Et ce n’est pas seulement Robespierre et sa coterie, qui ne peuvent pas souffrir les Encyclopédistes et les philosophes, voici une attaque plus significative, qui vient d’un esprit plus large, moins étroitement systématique, de Danton. Un jour que Brissot, un peu en retard, comme tous les Girondins, sur les idées du moment, venait de louer les académiciens et les géomètres : « Je pourrais faire observer, lui répondit Danton, que la Révolution a rapetissé bien des grands hommes de l’ancien régime ; que, si les académiciens et les géomètres, que M. Brissot nous propose pour modèles, ont combattu et ridiculisé les prêtres, ils n’en ont pas moins courtisé les grands et adoré les rois, dont ils ont tiré un assez bon parti. Et qui ne sait avec quel acharnement ils ont persécuté la vertu et le génie de la liberté dans la personne de ce Jean-Jacques, qui seul, à mon avis, parmi les hommes célèbres de ce temps-là, mérita les honneurs publics prostitués depuis par l’intrigue à des charlatans politiques et à de misérables héros ! » On voit que la lutte entre les deux grands rivaux qui se sont disputé le siècle a duré jusqu’à la fin, et il n’est pas interdit de penser que la passion des Jacobins pour Rousseau les ait mal disposés pour l’Académie, qui leur semblait être, comme ils disaient « la séquelle de Voltaire. »

Quoi qu’il en soit des causes de ce revirement de l’opinion qui, après tant de marques d’estime et de reconnaissance prodiguées à l’Académie, se retourna contre elle, ce qui ne peut être contesté, ce qui cause une très grande surprise, c’est la rapidité avec laquelle il s’est accompli. Du reste, il en a été de même pour presque toutes les institutions anciennes ; elles ont succombé à la première attaque, sans s’être défendues, et il me semble que la raison n’en est pas difficile à trouver. Quoique le pays fût despotiquement gouverné, il y régnait en réalité une grande liberté d’opinions. Les sévérités dont la loi était armée, et dont elle usait par momens, n’empêchaient pas de dire ce qu’on pensait et même, avec quelques précautions, de l’écrire. L’autorité enfermait quelquefois les écrivains trop audacieux à la Bastille ; mais ils n’y restaient guère, et ils en sortaient avec une auréole. Les livres les plus hardis se vendaient ouvertement ou en cachette. Les efforts de la police pour empêcher les brochures de circuler ne servaient qu’à les faire payer plus cher. « Le premier jour, dit Grimm de l’une d’elles, elle fut vendue six sols ; le soir elle valait six francs ; le lendemain, on en donnait deux et trois louis. » Il est vrai que ces bruyantes discussions n’aboutissaient pas à des résultats pratiques et qu’elles n’amenèrent aucune réforme sérieuse. Mais il semble que l’opposition, loin d’en être découragée, n’en soit devenue que plus téméraire, voyait qu’elles n’avaient pas de conséquences immédiates. Ne peut-on pas dire aussi que, si elle a entraîné à sa suite tant de grands personnages qui jouissaient des privilèges et profitaient des abus dont on se plaignait le plus, c’est qu’ils savaient bien qu’ils pouvaient se donner impunément la réputation de les combattre et qu’ils ne risquaient pas de les voir supprimés ? Ce jeu pourtant était dangereux ; cette manie de railleries et de critique a déconsidéré tout l’ancien régime. Les assauts d’un siècle entier l’avaient tellement affaibli qu’à la première attaque sérieuse, tout a croulé à la fois. C’est grâce à cette lente préparation que la Révolution a pu si facilement réaliser son programme radical. Ce programme, qui ne laissait rien subsister du passé, qui entendait détruire une société et, à sa place, en établir une nouvelle, n’était pas une surprise ; on le connaissait d’avance. Rabaud Saint-Etienne, qui n’était pas pourtant tout à fait un fougueux révolutionnaire, l’avait proclamé sans ménagement, dès les premiers jours, quand il disait : « Tous les établissemens anciens nuisent au peuple. Il faut donner aux esprits une autre direction, changer les idées, détruire les usages, renouveler les hommes et les choses, enfin tout recomposer. »

L’Académie était comprise parmi ces « établissemens anciens » qui devaient disparaître. Elle ne se fit aucune illusion sur le sort qui l’attendait. Nous pouvons fixer d’une manière précise le moment où elle comprit et parut accepter ses destinées. Pendant les quelques années qui suivirent cette réception de Condorcet, où fut proclamée la victoire des idées philosophiques, sa popularité parut intacte. Malgré les préoccupations politiques, les réceptions de Guibert, de Florian, de Vicq d’Azyr furent très courues. A propos de celle de Boufflers, qui eut lieu en février 1789, Grimm fait cette remarque « que, quelque fréquentes que soient les séances de l’Académie, elles ne lassent pas l’attention publique. » Le 5 mars, au moment où les États généraux vont se réunir, on procède au remplacement du grammairien Beauzée. Les choses se passent comme à l’ordinaire, et l’abbé de Barthélémy est nommé. Mais tout va subitement changer. Le 18 avril, 15 académiciens en séance au Louvre « apprennent avec douleur, » c’est la formule, que leur confrère, l’abbé de Radonvilliers est mort. Selon l’usage de cette époque, un mois et demi ou deux mois après, c’est-à-dire vers le milieu de juin, l’élection de son successeur aurait dû se faire ; or nous sommes surpris de voir qu’il n’en est question ni alors, ni plus tard, et qu’à partir de ce jour l’Académie a cessé tout à fait de remplacer les membres qu’elle perdait.

Que s’était-il donc passé ? Obéissait-elle, comme on est tenté de le croire, à quelque ordre de l’autorité ? L’ordre, en effet, est venu ; mais seulement deux ans plus tard. L’Assemblée nationale, au mois de juin 1789, avait bien autre chose à faire que de s’occuper des Académies. Elle sortait à peine de sa lutte avec le clergé et la noblesse et achevait péniblement de se constituer. L’Académie s’est donc décidée d’elle-même, et pour qu’elle l’ait fait sans hésiter et si vite, il faut croire qu’elle ne pouvait avoir aucun doute sur les mauvaises dispositions de l’opinion envers elle. Ces dispositions se manifestaient tous les jours d’une manière significative. La Harpe raconte que, dans les premiers temps de la Révolution, il entendit un soir crier dans la rue la Suppression des Académies, comme on cria plus tard la Trahison du comte de Mirabeau, la Conspiration de La Fayette et autres nouvelles à sensation. C’était un faux décret de l’Assemblée constituante, fabriqué de toutes pièces, que les badauds s’empressaient d’acheter pour deux sous, et que tout le monde lisait. Ce genre de manifestation nous montre bien que c’étaient des journalistes qui s’étaient mis à la tête du mouvement. Le journal était alors, comme il est arrivé souvent dans la suite, le refuge des écrivains médiocres, quand ils n’étaient pas arrivés à se faire un nom dans la littérature. Ils pullulaient en ce moment et poursuivaient de leur haine les distinctions académiques qu’ils avaient tous sollicitées et qu’ils n’avaient pas obtenues. Ce qu’il y avait de grave dans ces attaques, c’est qu’elles paraissaient approuvées du public. Je n’ai vu nulle part, dans toutes les polémiques du temps, que personne ait franchement défendu l’Académie : quand on prend la parole pour elle, on commence par en demander pardon. Devant cette preuve manifeste du discrédit où elle était tombée, en présence de ces attaques violentes de quelques-uns, et de l’indifférence des autres, on comprend qu’elle se soit si brusquement déterminée à suspendre ses élections. On l’en a blâmée[18] ; il a paru à quelques historiens qu’elle avait perdu courage et rendu les armes trop tôt. Elle en jugea sans doute autrement, et il lui sembla plus convenable à sa dignité de prévenir des coups qu’elle jugeait inévitables, que de les attendre ;[19]. Du reste, elle ne les a pas attendus longtemps.


IV

C’est le 16 août 1790 qu’eut lieu, à l’Assemblée nationale, la première escarmouche contre les Académies. Lebrun, le futur duc de Plaisance, était rapporteur du budget de l’Instruction publique. Quand il en vint à l’Académie française, pour faire comme tout le monde, il crut devoir parler un peu légèrement de sa naissance, et plaisanter sur son fondateur : « En la créant, disait-il, Richelieu n’y cherchait peut-être que des panégyristes et des esclaves ; » mais il s’empressait d’ajouter qu’elle avait expié ses origines : « Elle s’est acquis des droits à la reconnaissance publique. On n’oubliera pas que plusieurs de ses membres ont été les apôtres de la liberté ; » et il proposait d’augmenter son budget ordinaire de l 200 livres pour récompenser un ouvrage sur un sujet utile.

On se préparait à voter, et ces conclusions allaient être probablement acceptées de tout le monde, lorsqu’un député parfaitement inconnu, Le Deist de Botidoux, s’avisa de dire : « Je demande l’ajournement jusqu’à ce que l’utilité de l’Académie française soit constatée. » Cette proposition était tellement conforme à l’opinion commune qu’elle fut adoptée sans débat. Quatre jours plus tard, le 20 août, Lebrun revient à la charge. Cette fois, il a préparé une défense plus longue des Académies[20], que Lanjuinais conteste avec vigueur, en invoquant l’exemple de l’Angleterre, alors fort à la mode. Mais l’abbé Grégoire répond à Lanjuinais et entraîne l’assemblée. Ce ne fut pas sans peine ; les Académies étaient si peu populaires qu’il fut bien entendu qu’on ne s’engageait à les subventionner que provisoirement pour l’année suivante, et à la condition qu’elles seraient tenues « de présenter dans les trois mois un projet de règlement qui fixât leur constitution. »

Il s’agissait donc d’accommoder aux temps nouveaux l’œuvre de Richelieu et de Louis XIV. L’Académie française ne perdit pas de temps[21] et se réunit en assemblée générale, le 28 août. Elle nomma une commission de cinq membres, qui choisit La Harpe comme rapporteur, et le 6 septembre suivant, à la rentrée des vacances, le rapport fut lu, discuté et finalement adopté par la compagnie. Il n’a malheureusement été conservé ni par les Registres, ni dans nos archives ; mais nous en connaissons, sinon les termes mêmes, au moins la substance. La Harpe rédigeait le Mercure de France, et n’y épargnait pas sa prose. Son rapport, sous une forme plus appropriée au goût de ses lecteurs ordinaires, lui fournit la matière de deux articles du mois d’octobre 1790. On y devine que l’Académie, loin de se montrer intransigeante et revêche, avait fait des concessions importantes pour désarmer ses ennemis. Elle supprimait ou modifiait ce qu’on attaquait avec le plus d’acharnement chez elle. On avait soutenu, par exemple, qu’un dictionnaire ne peut pas être l’œuvre d’une réunion nombreuse, surtout si cette réunion se compose de gens d’esprit qui retardent et embarrassent le travail par leurs observations subtiles ; l’Académie décida qu’il serait rédigé, pour l’essentiel, par un comité de quelques personnes et revu par les autres seulement dans les parties douteuses et controversées : c’est à peu près ce qui se fait depuis cette époque. On lui reprochait de choisir trop volontiers des grands seigneurs, des ministres, des gens du monde ; elle se résout à renoncer à ces choix dont elle s’est longtemps glorifiée, et déclare « qu’elle regardera désormais les talons et les ouvrages comme les seuls titres académiques. » Elle ne se croira plus obligée, comme autrefois, à s’abstenir des questions politiques et religieuses ; elle traitera librement tous les sujets, « pourvu que sa liberté soit compatible avec le respect de la loi. » Il est probable que sur toutes ces modifications on se mit assez vite d’accord : elles étaient conformes à l’esprit nouveau et imposées par l’opinion. Mais il en y avait une autre qui dut embarrasser davantage l’Académie. On exigeait d’elle qu’elle rompît les liens qui l’attachaient depuis plus d’un siècle à la royauté. Louis XIV s’était déclaré son protecteur ; il lui avait accordé le droit, quand elle venait d’élire un de ses membres, de s’adresser directement à lui, sans passer par l’intermédiaire des ministres, pour que l’élection fût confirmée. Elle s’en était longtemps félicitée comme d’un précieux privilège ; mais les idées étaient changées ; ce qu’on tenait pour un honneur ne paraissait plus à la délicatesse des patriotes qu’une honteuse servitude et on lui demandait impérieusement de s’en affranchir. Il faut lui savoir gré d’avoir hésité à le faire. Il paraît bien que, pour éviter le reproche d’ingratitude, elle eu l’idée de s’adresser directement au Roi et de lui faire part de l’embarras où elle se trouvait[22]. On peut supposer qu’elle se servit comme intermédiaire de l’un de ses membres, par exemple, du maréchal de Beauvau, qui venait d’être ministre de Louis XVI dans des circonstances graves et jouissait de toute sa confiance. En même temps qu’ami fidèle de son maître, le maréchal était resté un modèle d’académicien ; les Registres nous montrent qu’il ne manquait presque pas une séance. C’est donc probablement par lui que le Roi fit savoir qu’il renonçait de lui-même au droit de confirmer les élections académiques. Ce mauvais pas franchi, quand on eut achevé de se mettre d’accord, le secrétaire perpétuel adressa le projet du règlement nouveau au président de l’Assemblée nationale, qui, le 6 septembre, lui en accusa réception.

Malgré les concessions que l’Académie avait faites, il n’était guère probable que son projet fût accepté : on ne tenait pas à la réformer, on voulait la détruire. La commission chargée de préparer la loi sur l’Instruction publique, à laquelle le projet fut renvoyé, y était tout à fait décidée, et elle chargea Mirabeau, son rapporteur, de communiquer sa résolution à l’assemblée. Depuis quelques années, Mirabeau s’était étroitement lié avec Chamfort, qui lui rendait le service de corriger ses écrits et qui même assez souvent l’aidait à les composer. Les deux amis vivaient dans une grande intimité que Chamfort égayait de son esprit intarissable. C’était un causeur charmant, qui connaissait à fond la société de son temps et la traitait sans pitié. On pense bien que ses confrères de l’Académie n’étaient pas épargnés et que trois fois par semaine, au sortir des séances où il était fort assidu, il ne se gênait pas pour plaisanter de ce qu’il venait de voir et d’entendre. Il est naturel que Mirabeau, en l’écoutant, se soit convaincu que personne ne parlerait avec plus de compétence et ne dirait plus de mal de l’Académie que cet académicien malveillant, et, comme il n’avait aucun scrupule à se servir de la plume des autres, il eut l’idée de le charger d’écrire à sa place le discours qu’on lui demandait. Chamfort ne se fit pas prier, et le discours était prêt à être prononcé, quand Mirabeau mourut, après une courte maladie, le 21 avril 1791. Chamfort était content de son œuvre ; il tenait à satisfaire ses haines. Il s’empressa donc de reprendre son manuscrit, et, le mois suivant, sans plus attendre, il le publia sous son nom. L’ouvrage dut être bien accueilli du public, il était écrit avec agrément, spirituel et impertinent à souhait ; il répondait au sentiment général et contenait sous une forme piquante les reproches qu’on faisait d’ordinaire à l’Académie. Quel qu’en soit l’intérêt pour la question qui nous occupe, je ne puis songer à l’analyser en ce moment de près et en détail, ainsi que la réponse de Morellet, qui est en son genre un travail fort estimable. Je demande la permission d’y revenir plus tard, quand je pourrai leur donner le temps qu’ils méritent. J’y trouverai l’occasion d’étudier deux personnages curieux qu’il n’est pas inutile de connaître.

La mort de Mirabeau donna aux Académies un répit de plus d’une année ; elles ne furent plus inquiétées jusqu’à la fin de l’Assemblée législative. Les attaques recommencèrent avec la Convention. A peine siégeait-elle depuis deux mois qu’elle fut saisie d’une pétition de « quelques citoyens artistes » qui attaquaient l’Ecole de Rome et son directeur, et qui demandaient subsidiairement qu’on abolît les Académies de peinture et d’architecture. David les appuya chaudement et, devançant les décisions de l’Assemblée, il déposa d’avance sur le bureau son brevet d’académicien, « qu’il n’avait jamais regardé, dit-il, comme le brevet du génie. »

Quelques jours plus tard, le 25 novembre 1792, au nom de la Commission d’Instruction publique, la pétition des « citoyens artistes » fut rapportée par Romme, qui n’hésita pas à leur donner pleine satisfaction sur ce qui faisait l’objet principal de leur requête. « Aujourd’hui, disait-il, dans le style du temps, le masque est tombé ; les géans de l’orgueil sont renversés ; le génie rendu à ses propres conceptions ne fera plus respirer la toile et le marbre que pour la liberté et l’égalité. » Et il accordait aux jeunes gens que la charge de directeur de l’Académie de France à Rome serait supprimée. Quant aux académies de peinture et d’architecture, tout en proclamant solennellement « qu’elles insultent à la Révolution française en restant debout au milieu des décombres de toutes les créations royales, » il n’osait pas encore proposer de les détruire ; on se contenta à sa demande « de suspendre désormais chez elles toutes nominations et remplacemens. » C’était les condamner à une mort prochaine.

L’Académie française en avait bien le sentiment ; elle continuait néanmoins à se réunir au Louvre le lundi, le jeudi et le samedi, et au début de chaque trimestre, elle tirait au sort, selon l’usage, le directeur et le chancelier. Les assistans étaient peu nombreux. C’étaient en général des gens de lettres d’un caractère inoffensif, et qui ne s’étant pas mêlés à la politique semblaient n’avoir rien à craindre : l’érudit Bréquigny, qui avait toujours vécu dans l’étude des chartes du moyen âge et du vieux français, Ducis, l’abbé Delille, Sedaine, d’une origine fort peu aristocratique, puisqu’il avait commencé par être tailleur de pierres, le bon Florian, que tout le monde aimait, et auquel on ne reprochait que de n’avoir pas mis de loup dans ses bergeries, ce qui ne l’empêcha pas d’être enfermé à la Bourbe, qu’on appelait Port-libre, jusqu’au 9 thermidor, et d’y contracter une maladie qui l’emporta deux mois après qu’il en fut sorti ; c’étaient aussi quelquefois Saint-Lambert, La Harpe, Barthélémy et quelques autres. Que faisait-on dans ces réunions ? Les Registres n’en disent rien, mais on peut le supposer. D’abord, de temps en temps, par habitude, un peu de dictionnaire. La nouvelle édition, commencée en 1763, et à laquelle Duclos, d’Alembert, Beauzée avaient travaillé, était finie. On en revoyait les premières lettres et déjà l’impression en était commencée. Il est probable qu’on y revenait, quand on ne savait que faire. Mais on peut croire que d’ordinaire il était question de bien d’autres choses On devait s’occuper beaucoup des terribles événemens qu’on traversait. Je suppose qu’au commencement de l’année 1793 on suivait avec une poignante anxiété les péripéties du procès du Roi. Nous lisons, sur nos Registres, cette sinistre mention : « Nota : le 21 janvier, il ne s’est présenté personne. » De temps en temps on transcrit pieusement la mention de quelque perte que l’Académie a faite : celle de Séguier, qui meurt en émigration, celle de Lemierre, le poète tragique, celle du maréchal de Beauvau, qui n’a pas consenti à quitter la France et qui est le seul des grands seigneurs qui n’ait pas déserté l’Académie ; il y siégeait encore le 25 avril 1793, un mois avant de mourir au Val, près de Saint-Germain. Le 1er juillet, on renouvela le bureau, selon l’usage ; Morellet fut nommé directeur, Vicq d’Azyr chancelier. Vicq d’Azyr ne parut pas ; il redoutait les suites que pouvait avoir pour lui l’amitié de la Reine, dont il était le médecin, et l’on dit qu’il mourut de peur le mois suivant. Morellet au contraire donnait à tous l’exemple du courage. Il cumulait ses fonctions de directeur avec celles de secrétaire perpétuel, car Marmontel, qui avait remplacé d’Alembert, lui aussi avait pris peur. Abandonnant sa belle maison de Grignon et son logement du Louvre, il était parti un beau jour, avec sa femme et ses enfans, marchant devant lui, sans trop savoir où il s’arrêterait et avait fini par se cacher dans un petit hameau de Normandie.

Cependant le danger se rapprochait tous les jours. On devait, à l’anniversaire du 10 août, proclamer solennellement la Constitution de 1793, et le bruit courait qu’il fallait détruire définitivement les académies « pour que la république universelle, en faisant son entrée dans le monde, ne fût pas exposée à rencontrer des institutions contraires à ses principes. » Dans le courant de juillet, un décret de la Convention avait ordonné la destruction de tous les insignes de la royauté, couronnes, fleurs de lys, écussons, armoiries, etc. Les ouvriers, au Louvre, s’étaient mis à la besogne, et de la salle où siégeait l’Académie, on les entendait qui, dans les appartemens voisins, mutilaient les boiseries, barbouillaient les tableaux de Rigaud et de Lebrun, effaçaient les inscriptions, arrachaient les tentures. Elle n’avait donc pas un moment à perdre pour mettre ce qui lui appartenait à l’abri de ces profanations. Elle possédait une petite bibliothèque, des archives et une centaine de portraits de ses anciens membres. Elle abandonna la bibliothèque, qui pouvait toujours être remplacée. Quant aux portraits, comme elle ne pouvait pas songer à les enlever ouvertement du Louvre, on se contenta de les entasser dans une des tribunes réservées au public pour les réceptions, et Morellet garda la clé dans sa poche. La cachette était bonne, car ils y sont restés dix ans sans que personne songeât à les aller prendre[23]. Les archives avaient plus d’importance et couraient plus de risques. On en mit à part ce qui parut le plus précieux, entre autres les lettres patentes de la fondation, signées par Louis XIII et par Richelieu, les trois volumes des procès-verbaux, les cinq registres qui constataient les présences des membres de 1673 à 1793, et Morellet les emporta. C’était un acte d’audace qui pouvait lui coûter cher, mais il déclara qu’il prenait le danger pour lui. Cela fait, il ne leur restait plus qu’à se séparer. Le 5 août, ils se réunirent encore ; ils n’étaient plus que quatre : Morellet, Bréquigny, Ducis et La Harpe. Go fut la dernière séance de l’Académie française ; trois jours après, elle était supprimée avec toutes les autres.

La situation politique en ce moment était terrible ; une partie de la France venait de se soulever contre la Convention. Pendant que la Vendée victorieuse repousse les armées de la République, les étrangers s’avancent dans le Nord ; Mayence est forcée de capituler, Condé se rend aux Autrichiens, Valenciennes au duc d’York. À ces échecs, à ces dangers on répond par des provocations et des violences ; on jette en prison les généraux qui n’ont pas été heureux, on confisque les biens des gens qu’on a mis hors la loi, on installe la terreur à Paris. Le 1er août, les barrières sont fermées, pour que personne ne puisse sortir ; le soir, on cerne les théâtres, et l’on ne laisse passer que ceux qui peuvent exhiber une carte de civisme. On décide que le 10, les tombes des rois seront détruites à Saint-Denis et ailleurs et leurs cadavres jetés dans la fosse commune. C’est dans ces conditions et au milieu de cet affolement général que le jeudi, 8 août, se tient la séance de la Convention nationale. Elle débute par un désordre inexprimable : c’est une députation de toutes les assemblées primaires de la République qui vient pour acclamer la Constitution. Celui qui la mène, un vieillard de quatre-vingt-trois ans, lit une adresse enflammée, reçoit les félicitations de Robespierre, les embrassades du président de l’Assemblée, après quoi la députation défile aux cris de : Vive la Constitution ! Vive la Montagne ! en hurlant des chants patriotiques. Quand on fut devenu un peu plus calme, la véritable séance commença, et Grégoire prit la parole au nom de la Commission d’Instruction publique. On se souvient qu’en 1790 il avait défendu les Académies ; cette fois il venait demander qu’on les supprimât : les temps avaient marché. Il faisait sans doute quelques réserves en faveur de l’Académie des sciences, mais il n’allait pas jusqu’à proposer qu’elle fût conservée ; quant à l’Académie française, « qui est l’aînée, elle lui semble présenter tous les symptômes de la décrépitude ; » et il reproduit les reproches qu’on lui adresse d’ordinaire, sans y rien ajouter que quelques injures. Grégoire était au fond un modéré, mais, comme tous ses collègues du Marais, il avait peur. Pour échapper à la guillotine, il croyait devoir crier plus fort que les autres et cherchait à dépasser les plus violens par l’intempérance de son langage. « Le bon Fénelon, leur dit-il pour les égayer un moment, a fait un traité sur la Direction de la conscience d’un roi, comme si les rois avaient une conscience ! autant eût valu disserter sur la douceur des bêtes féroces. » On pense bien qu’il ne manque pas d’accuser toutes les sociétés littéraires et autres, qui ont précédé la Révolution, d’être « gangrenées d’une incurable aristocratie, » et, pour prouver qu’on ne perdra rien à les détruire, il ajoute : « Je le dirai crûment, presque toujours le véritable génie est sans-culotte. » Quand il eut fini son rapport, David, le stupide David comme l’appelle André Chénier, qui ne laissait jamais passer l’occasion de dire une sottise, crut devoir raconter quelques ridicules anecdotes d’atelier, et s’emporter brutalement « contre l’animal qu’on appelle académicien. » Ce fut toute la discussion et, sans que personne eût répondu, on décida « que toutes les académies et sociétés littéraires dotées et patentées par la nation étaient supprimées. »

La loi votée, les scellés furent apposés sur les salles du Louvre où les Académies siégeaient. L’Académie française y était établie depuis 1673. En remontant un peu plus haut, jusqu’à l’acte de sa fondation sous Louis XIII, elle avait vécu cent soixante-huit ans.


GASTON BOISSIER.

  1. Les Registres de l’Académie française, tome IV, Paris, Firmin-Didot, 1906.
  2. Ces trois volumes, quand ils ont paru, ont été l’objet d’une étude dans la Revue des Deux Mondes du 15 juin 1897.
  3. Mesnard, Histoire de l’Académie française, et Jules Simon, Une Académie sous le Directoire.
  4. Il avait été question d’établir aussi des membres honoraires à l’Académie française. Certains évêques et grands seigneurs le souhaitaient pour y siéger sans être confondus avec les gens de lettres. Louis XIV refusa. Il voulait qu’il y régnât la plus parfaite égalité.
  5. C’est au moins ce que semble prouver le titre d’un ouvrage qu’il a publié en 1779 : Découvertes sur le feu, l’électricité et la lumière constatées par une suite d’expériences nouvelles, vérifiées par les commissaires de l’Académie des Sciences.
  6. Le budget de l’Académie des Sciences, en 1790, montait à 83 458 livres.
  7. Seule, la Commission des poids et mesures poursuivit ses travaux, et la Convention continua à la consulter.
  8. Voyez la Comédie des académistes, de Saint-Evremond.
  9. Les Registres de l’Académie française, 11, 242.
  10. Les récits de ces intrigues électorales se retrouvent dans la Correspondance de Grimm et les Mémoires du temps. Je me suis beaucoup servi des Porte-feuilles du président Rouhier, qui ont été très bien publiés par le prince Emmanuel de Broglie.
  11. Je reproduis l’opinion de Chamfort, dans son Discours sur les Académies.
  12. « Range-toi de mon soleil, disait Diogène à Alexandre, et Alexandre se rangea. Les compagnies ne se rangent pas : il faut les anéantir. »
  13. Boufflers, qui était un grand seigneur, a été plutôt élu pour ses petits vers et ses contes libertins que pour sa naissance.
  14. Chamfort écrivait dans une lettre en 1784 : « On joue, avec un grand succès, malgré de grandes huées sur la scène et de grandes réclamations ou indignations à Paris et à Versailles, le Mariage de Figaro de Beaumarchais. C’est un ouvrage plein d’esprit, même de comique et de talent, mais qui n’en est pas moins monstrueux par le mélange des choses du plus mauvais ton et de trivialité. »
  15. Cette répartie est quelquefois attribuée à Rivarol.
  16. À propos de ce même poème, l’abbé Arnaud, qui était aussi de l’Académie, et l’un des chefs des glückistes, écrivit l’épigramme suivante :

    Ce Marmontel, si long, si lent, si lourd,
    Qui ne parle pas mais qui beugle,
    Juge la peinture en aveugle.
    Et la musique comme un sourd.

  17. La cérémonie devait avoir lieu le 10 juillet. On fut obligé de la renvoyer au lendemain à cause du mauvais temps. Royou raconte que, dans sa lettre à l’Assemblée nationale, pour lui annoncer ce retard, le procureur syndic du département « témoignait de son dépit contre la basse jalousie du ciel aristocrate, qui, pour retarder le triomphe du grand homme, rival et vainqueur de la divinité, versait des torrens de pluie. »
  18. Notamment Jules Simon dans son livre intitulé : Une Académie sous le Directoire.
  19. C’est ce que faisait entendre La Harpe, dans une lettre écrite à la mort de Rulhières, en 1791, c’est-à-dire un an avant que l’autorité eût interdit formellement de remplacer les académiciens défunts : « Voilà quatre places vacantes à l’Académie française, In sienne, celle de l’abbé de Radonvilliers, du maréchal de Duras et de M. de Guibert. On ne songe à en remplacer aucun, l’Académie avant de se recruter veut être sûre de son existence qui n’est encore que provisoirement confirmée par l’Assemblée nationale. »
  20. Lebrun avait soin de dire, dans son discours, que les académies « lui sont et lui seront toujours étrangères. » Est-ce cette sorte d’engagement qui, sous l’Empire, l’empêcha d’être de l’Académie française, où sa place semblait marquée ? Dans tous les cas, il appartenait à l’Académie des Inscriptions, et sa traduction d’Homère l’en rendait tout à fait digne.
  21. Je ne sais comment un des derniers écrivains qui se soient occupés de l’histoire de l’Académie française a dit qu’elle s’était abstenue de répondre à la demande de l’Assemblée nationale. Les Registres nous montrent au contraire qu’elle mit beaucoup d’empressement et de bonne grâce à rédiger ses règlemens et à les envoyer.
  22. C’est au moins ce qu’on peut conjecturer d’après le récit de La Harpe dans le Mercure de France.
  23. Ils sont aujourd’hui au musée de Versailles.