La Suite du Menteur/Acte V
ACTE V.
Scène première.
Nous voici bien logés, Lyse, et sans raillerie,
Je ne souhaitois pas meilleure hôtellerie.
Enfin nous voyons clair à ce que nous faisons,
Et je puis à loisir te conter mes raisons.
Tes raisons, c’est-à-dire autant d’extravagances.
Tu me connois déjà !
Bien mieux que tu ne penses.
J’en débite beaucoup.
[1].
Tu sais les prodiguerMais sais-tu que l’amour me fait extravaguer ?
En tiens-tu donc pour moi ?
J’en tiens, je le confesse.
Autant comme ton maître en tient pour ma maîtresse ?
Non pas encore si fort, mais dès ce même instant
Il ne tiendra qu’à toi que je n’en tienne autant :
Tu n’as qu’à l’imiter pour être autant aimée.
Si son âme est en feu, la mienne est enflammée ;
Et je crois jusqu’ici ne l’imiter pas mal.
Tu manques, à vrai dire, encore au principal.
Ton secret est obscur.
Vois quelle est sa méthode, et tâche de la prendre[2].
Ses attraits tout-puissants ont des avant-coureurs
Encore plus souverains à lui gagner les cœurs :
Mon maître se rendit à ton premier message.
Ce n’est pas qu’en effet je n’aime ton visage ;
Mais l’amour aujourd’hui dans les cœurs les plus vains
Entre moins par les yeux qu’il ne fait par les mains ;
Et quand l’objet aimé voit les siennes garnies,
Il voit en l’autre objet des grâces infinies.
Pourrois-tu te résoudre à m’attaquer ainsi ?
J’en voudrois être quitte à moins d’un grand merci.
Écoute : je n’ai pas une âme intéressée,
Et je te veux ouvrir le fond de ma pensée.
Aimons-nous but à but[3], sans soupçon, sans rigueur :
Donnons âme pour âme et rendons cœur pour cœur.
J’en veux bien à ce prix.
Tu veux bien m’en donner quelques baisers pour gage ?
[4] ;
Mais pour le bout du doigt, ne le demande pas :
Un amour délicat hait ces faveurs grossières,
Et je t’ai bien donné des preuves plus entières.
Pourquoi me demander des gages superflus ?
Ayant l’âme et le cœur, que te faut-il de plus ?
J’ai le goût fort grossier en matière de flamme :
Je sais que c’est beaucoup qu’avoir le cœur et l’âme ;
Mais je ne sais pas moins qu’on a fort peu de fruit
Et de l’âme et du cœur, si le reste ne suit.
Qu’il faut suivre l’humeur de celle qu’on adore,
Se rendre complaisant, vouloir ce qu’elle veut ?
Si tu n’en veux changer, c’est ce qui ne se peut.
De quoi me guériroient ces gages invisibles ?
Comme j’ai l’esprit lourd, je les veux plus sensibles :
Autrement, marché nul.
Chaque chose a son ordre, et tout vient à son point ;
Peut-être avec le temps nous pourrons-nous connoître.
Apprends-moi cependant qu’est devenu ton maître.
Ceux que pour son affaire il a voulu prier.
Je crois qu’il est ravi de voir que sa maîtresse
Est la sœur de Cléandre et devient son hôtesse ?
Il a raison de l’être et de tout espérer.
[5] :
Autant comme la sœur le frère le souhaite ;
Et s’il l’aime en effet, je tiens la chose faite.
Ne doute point s’il l’aime après qu’il meurt d’amour.
Il semble toutefois fort triste à son retour.
Scène II.
Tout est perdu, Cliton, il faut ployer bagage.
Je fais ici, Monsieur, l’amour de bon courage ;
Au lieu de m’y troubler, allez en faire autant.
N’en parlons plus.
Entrez, vous dis-je, on vous attend.
Que m’importe ?
On vous aime.
Hélas !
On vous adore.
Je le sais.
D’où vient donc l’ennui qui vous dévore ?
Que je te trouve heureux !
Que vous avez sujet d’en être fort jaloux :
Alors qu’on vous caresse à grands coups de pistoles,
J’obtiens tout doucement paroles pour paroles.
L’avantage est fort rare et me rend fort heureux.
Il faut partir, te dis-je.
Oui, dans un an ou deux.
Sans tarder un moment.
À donner quelquefois de pareilles alarmes.
Lyse, c’est tout de bon.
Vous n’en avez pas lieu.
Ta maîtresse survient, il faut lui dire adieu
Puisse en ses belles mains ma douleur immortelle
Laisser toute mon âme en prenant congé d’elle !
Scène III.
Au bruit de vos soupirs, tremblante et sans couleur,
Je viens savoir de vous mon crime ou mon malheur ;
Si j’en suis le sujet, si j’en suis le remède,
Si je puis le guérir, ou s’il faut que j’y cède[7] ;
Si je dois ou vous plaindre ou me justifier,
Et de quels ennemis il faut me défier[8].
De mon mauvais destin, qui seul me persécute.
[9] ?
À ses injustes lois que faut-il que j’imputeLe coup le plus mortel dont il m’eût pu frapper.
Est-ce un mal que mes yeux ne puissent dissiper ?
Votre amour le fait naître, et vos yeux le redoublent.
Si je ne puis calmer les soucis qui vous troublent,
Mon amour avec vous saura les partager[10].
Ah ! vous les aigrissez, les voulant soulager
Puis-je voir tant d’amour avec tant de mérite,
Et dire sans mourir qu’il faut que je vous quitte ?
Vous me quittez ! ô ciel ! Mais, Lyse, soutenez :
Je sens manquer la force à mes sens étonnés.
Ne croissez point ma plaie, elle est assez ouverte[11] :
Vous me montrez en vain la grandeur de ma perte.
Ce grand excès d’amour que font voir vos douleurs
Triomphe de mon cœur sans vaincre mes malheurs.
On ne m’arrête pas pour redoubler mes chaînes,
On redouble ma flamme, on redouble mes peines ;
Mais tous ces nouveaux feux qui viennent m’embraser
Me donnent seulement plus de fers à briser.
Donc à m’abandonner votre âme est résolue ?
Je cède à la rigueur d’une force absolue.
Votre manque d’amour vous y fait consentir.
Traitez-moi de volage, et me laissez partir :
Vous me serez plus douce en m’étant plus cruelle.
Je ne pars toutefois que pour être fidèle ;
À quelques lois par là qu’il me faille obéir[12],
Je m’en révolterois, si je pouvois trahir.
Sachez-en le sujet ; et peut-être, Madame,
Que vous-même avouerez, en lisant dans mon âme,
Qu’il faut plaindre Dorante, au lieu de l’accuser ;
Que plus il quitte en vous, plus il est à priser,
Et que tant de faveurs dessus lui répandues
Sur un indigne objet ne sont pas descendues.
Je ne vous redis point combien il m’étoit doux
De vous connoître enfin et de loger chez vous,
Ni comme avec transport je vous ai rencontrée :
Par cette porte, hélas ! mes maux ont pris entrée,
Par ce dernier bonheur mon bonheur s’est détruit ;
Ce funeste départ en est l’unique fruit,
Et ma bonne fortune, à moi-même contraire,
Me fait perdre la sœur par la faveur du frère.
Le cœur enflé d’amour et de ravissement,
J’allois rendre à Philiste un mot de compliment ;
Mais lui tout aussitôt, sans le vouloir entendre :
« Cher ami, m’a-t-il dit, vous logez chez Cléandre,
Vous aurez vu sa sœur : je l’aime, et vous pouvez
Me rendre beaucoup plus que vous ne me devez :
En faveur de mes feux parlez à cette belle ;
Et comme mon amour a peu d’accès chez elle,
Faites l’occasion quand je vous irai voir. »
À ces mots j’ai frémi sous l’horreur du devoir.
Par ce que je lui dois jugez de ma misère[13] :
Voyez ce que je puis et ce que je dois faire.
Ce cœur qui le trahit, s’il vous aime aujourd’hui,
Ne vous trahit pas moins s’il vous parle pour lui.
Ainsi, pour n’offenser son amour ni le vôtre,
Ainsi, pour n’être ingrat ni vers l’un ni vers l’autre,
J’ôte de votre vue un amant malheureux,
Qui ne peut plus vous voir sans vous trahir tous deux[14] :
Lui, puisqu’à son amour j’oppose ma présence ;
Vous, puisqu’en sa faveur je m’impose silence.
C’est à Philiste donc que vous m’abandonnez ?
Ou plutôt c’est Philiste à qui vous me donnez ?
Votre amitié trop ferme, ou votre amour trop lâche,
M’ôtant ce qui me plaît, me rend ce qui me fâche ?
Que c’est à contre-temps faire l’amant discret,
Qu’en ces occasions conserver un secret !
Il falloit découvrir… mais simple ! je m’abuse :
Un amour si léger eût mal servi d’excuse ;
Un bien acquis sans peine est un trésor en l’air ;
Ce qui coûte si peu ne vaut pas en parler :
La garde en importune et la perte en console,
Et pour le retenir, c’est trop qu’une parole.
Quelle excuse, Madame, et quel remercîment !
Et quel compte eût-il fait d’un amour d’un moment,
Allumé d’un coup d’œil ? car lui dire autre chose,
Lui conter de vos feux la véritable cause,
Que je vous sauve un frère et qu’il me doit le jour,
Que la reconnoissance a produit votre amour,
C’étoit mettre en sa main le destin de Cléandre,
C’étoit trahir ce frère en voulant vous défendre,
C’étoit me repentir de l’avoir conservé,
C’étoit l’assassiner après l’avoir sauvé,
C’étoit désavouer ce généreux silence
Qu’au péril de mon sang garda mon innocence,
Et perdre, en vous forçant à ne plus m’estimer,
Toutes les qualités qui vous firent m’aimer.
Hélas ! tout ce discours ne sert qu’à me confondre.
Je n’y puis consentir, et ne sais qu’y répondre[15].
Mais je découvre enfin l’adresse de vos coups :
Vous parlez pour Philiste, et vous faites pour vous ;
Vos dames de Paris vous rappellent vers elles[16] ;
Nos provinces pour vous n’en ont point d’assez belles.
Si dans votre prison vous avez fait l’amant,
Je ne vous y servois que d’un amusement.
À peine en sortez-vous que vous changez de style :
Pour quitter la maîtresse il faut quitter la ville.
Je ne vous retiens plus, allez.
M’écraser à l’instant la colère des cieux,
Si j’adore autre objet que celui de Mélisse,
Si je conçois des vœux que pour votre service,
Et si pour d’autres yeux on m’entend soupirer,
Tant que je pourrai voir quelque lieu d’espérer !
Oui, Madame, souffrez que cette amour persiste
Tant que l’hymen engage ou Mélisse ou Philiste.
Jusque-là les douceurs de votre souvenir
Avec un peu d’espoir sauront m’entretenir :
J’en jure par vous-même, et ne suis pas capable
D’un serment ni plus saint ni plus inviolable.
Mais j’offense Philiste avec un tel serment ;
Pour guérir vos soupçons je nuis à votre amant.
J’effacerai ce crime avec cette prière :
Si vous devez le cœur à qui vous sauve un frère,
Vous ne devez pas moins au généreux secours
Dont tient le jour celui qui conserva ses jours.
Aimez en ma faveur un ami qui vous aime,
Et possédez Dorante en un autre lui-même.
Adieu : contre vos yeux c’est assez combattu ;
Je sens à leurs regards chanceler ma vertu ;
Et dans le triste état où mon âme est réduite,
Pour sauver mon honneur, je n’ai plus que la fuite.
Scène IV.
Ami, je vous rencontre assez heureusement.
Vous sortiez ?
Entrez, Mélisse est seule, et je pourrois vous nuire.
Ne m’échappez donc point avant que m’introduire[17] ;
Après, sur le discours vous prendrez votre temps ;
Et nous serons ainsi l’un et l’autre contents[18].
Vous me semblez troublé.
Adieu.
De Mélisse ou de vous je saurai vos malheurs.
Madame, puis-je… Ô ciel ! elle-même est en pleurs !
Je ne vois des deux parts que des sujets d’alarmes !
D’où viennent ses soupirs ? et d’où naissent vos larmes ?
Quel accident vous fâche, et le fait retirer ?
Qu’ai-je à craindre pour vous, ou qu’ai-je à déplorer ?
Sa présence au secret est la plus importante.
Vous me perdez, Madame.
Pour un bien qu’autrement je ne puis plus garder.
Cléandre entre.
Le ciel à propos nous l’envoie.
Scène V.
En si bon entretien qui vous peut attrister ?
J’en contois le sujet, vous pouvez l’écouter.
Vous m’aimez, je l’ai su de votre propre bouche[19],
Je l’ai su de Dorante, et votre amour me touche,
Si trop peu pour vous rendre un amour tout pareil,
Assez pour vous donner un fidèle conseil.
Ne vous obstinez plus à chérir une ingrate :
J’aime ailleurs ; c’est en vain qu’un faux espoir vous flatte.
J’aime, et je suis aimée, et mon frère y consent ;
Mon choix est aussi beau que mon amour puissant ;
Vous l’auriez fait pour moi, si vous étiez mon frère :
C’est Dorante, en un mot, qui seul a pu me plaire.
Ne me demandez point ni quelle occasion,
Ni quel temps entre nous a fait cette union ;
S’il la faut appeler ou surprise, ou constance :
Je ne vous en puis dire aucune circonstance ;
Contentez-vous de voir que mon frère aujourd’hui
L’estime et l’aime assez pour le loger chez lui,
Et d’apprendre de moi que mon cœur se propose
Le change et le tombeau pour une même chose.
Lorsque notre destin nous sembloit le plus doux,
Vous l’avez obligé de me parler pour vous ;
Il l’a fait, et s’en va pour vous quitter la place :
Jugez par ce discours quel malheur nous menace[20].
Voilà cet accident qui le fait retirer ;
Voilà ce qui le trouble, et qui me fait pleurer ;
Voilà ce que je crains ; et voilà les alarmes
D’où viennent ses soupirs, et d’où naissent mes larmes.
Ce n’est pas là, Dorante, agir en cavalier.
Sur ma parole encore vos êtes prisonnier ;
Votre liberté n’est qu’une prison plus large ;
Et je réponds de vous s’il survient quelque charge.
Vous partez cependant, et sans m’en avertir !
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir.
Plus digne de pitié qu’elle n’étoit d’envie ;
Mais après le bonheur que je vous ai cédé,
Je méritois peut-être un plus doux procédé.
Un ami tel que vous n’en mérite point d’autre :
Je vous dis mon secret, vous me cachez le vôtre,
Et vous ne craignez point d’irriter mon courroux,
Lorsque vous me jugez moins généreux que vous !
Vous pouvez me céder un objet qui vous aime ;
Et j’ai le cœur trop bas pour vous traiter de même,
Pour vous en céder un à qui l’amour me rend,
Sinon trop mal voulu, du moins indifférent.
Si vous avez pu naître et noble et magnanime,
Vous ne me deviez pas tenir en moindre estime ;
Malgré notre amitié, je m’en dois ressentir :
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir.
Vous prenez pour mépris son trop de déférence,
Dont il ne faut tirer qu’une pleine assurance
Qu’un ami si parfait, que vous osez blâmer,
Vous aime plus que lui, sans vous moins estimer.
Si pour lui votre foi sert aux juges d’otage,
Permettez qu’auprès d’eux la mienne la dégage,
Et sortant du péril d’en être inquiété,
Remettez-lui, Monsieur, toute sa liberté ;
Ou si mon mauvais sort vous rend inexorable,
Au lieu de l’innocent arrêtez le coupable :
C’est moi qui me sus hier sauver sur son cheval,
Après avoir donné la mort à mon rival.
Ce duel fut l’effet de l’amour de Climène,
Et Dorante sans vous se fût tiré de peine,
Si devant le prévôt son cœur trop généreux
N’eût voulu méconnoître un homme malheureux.
Je ne demande plus quel secret a pu faire
Et l’amour de la sœur et l’amitié du frère :
Ce qu’il a fait pour vous est digne de vos soins.
D’un plus haut sentiment la vertu n’est capable,
Et puisque ce duel vous avoit fait coupable,
Vous ne pouviez jamais envers un innocent
Être plus obligé ni plus reconnoissant.
Je ne m’oppose point à votre gratitude ;
Et si je vous ai mis en quelque inquiétude,
Si d’un si prompt départ j’ai paru me piquer[21],
Vous ne m’entendiez pas, et je vais m’expliquer.
On nomme une prison le nœud de l’hyménée ;
L’amour même a des fers dont l’âme est enchaînée ;
Vous les rompiez pour moi, je n’y puis consentir[22] :
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir[23].
Ami, c’est là le but qu’avoit votre colère ?
Ami, je fais bien moins que vous ne vouliez faire.
Comme à lui je vous dois et la vie et l’honneur.
Vous m’avez fait trembler pour croître mon bonheur.
J’ai voulu voir vos pleurs pour mieux voir votre flamme,
Et la crainte a trahi les secrets de votre âme.
Mais quittons désormais des compliments si vains.
Votre secret, Monsieur, est sûr entre mes mains ;
Recevez-moi pour tiers d’une amitié si belle,
Et croyez qu’à l’envi je vous serai fidèle[25].
Ceux qui sont las debout se peuvent aller seoir,
Je vous donne en passant cet avis, et bonsoir.
- ↑ Var. Tu les sais prodiguer. (1645-56)
- ↑ Var. Vois quelle est sa méthode, et tâche de l’apprendre. (1652-56)
- ↑ But à but, c’est-à-dire d’une manière égale, sans nous faire réciproquement aucun avantage. C’est un terme de jeu.
- ↑ Var. Pour l’âme et pour le cœur, autant que tu voudras. (1645-56)
- ↑ Var. Avec toute assurance il se peut déclarer. (1645-56)
- ↑ Var. DORANTE, MÉLISSE, CLITON, LYSE. (1645-52)
- ↑ Var. Si je le puis guérir, ou s’il faut que j’y cède (1645-56)
- ↑ Var. Et de quel ennemi je me dois défier. (1645-56)
Var. Et de quel ennemi je dois me défier. (1660) - ↑ Var. À son injuste loi que faut-il que j’impute ? (1645-56)
- ↑ Var. Du moins avecque vous je puis les partager. (1645-56)
- ↑ Var. N’aigrissez point ma plaie, elle est assez ouverte. (1645-56)
- ↑ Var. Et je me résoudrois à lui désobéir,
Si je pouvois aussi me résoudre à trahir (1645-56) - ↑ Var. Par ce que je lui dois jugez, dans ma misère,
Ce que j’ai dû promettre et ce que je dois faire. (1645-56) - ↑ Var. Puisque même à vous voir je vous trahis tous deux :
Lui, soutenant vos feux, avecque ma présence ;
Vous, parlant pour Philiste, avecque mon silence. (1645-56) - ↑ Var. Je n’y puis consentir, et n’y sais que répondre. (1645-64)
- ↑ Var. Vos dames de Paris vous appellent vers elles. (1645-56)
- ↑ Var. Vous ne m’échappez point, à moins que m’introduire. (1645-56)
- ↑ Var. [Et nous serons ainsi l’un et l’autre contents.]
Je voudrois toutefois vous dire une nouvelle,
Et vous en faire rire en sortant d’avec elle :
Chez un de mes amis je viens de rencontrer
Certain livre nouveau que je vous veux montrer.
[Vous me semblez troublé.] (1645-56). - ↑ Var. Vous m’aimez, je l’ai su, Monsieur, de votre bouche. (1645-56)
- ↑ Var. Jugez par là, Monsieur, quel malheur nous menace. (1645-56)
- ↑ Var. Si de votre départ j’ai paru me piquer. (1645-56)
- ↑ Var. Vous les quittiez pour moi, je n’y puis consentir. (1645-56)
- ↑ Au sujet de ce refrain, critiqué par Voltaire :
Rentrez dans la prison dont vous vouliez sortir,
voyez ci-après l’Appendice, p. 394. - ↑ Les mots à Mélisse, et, avant le vers 1900, à Cléandre, manquent dans l’édition originale.
- ↑ Var. [Et croyez qu’à l’envi je vous serai fidèle.]
Cher ami, cependant connoissez-vous ceci (a) ?
(Il lui montre le Menteur imprimé.)
DOR. Oui, je sais ce que c’est ; vous en êtes aussi :
Un peu moins que le mien votre nom s’y fait lire ;
Et si Cliton dit vrai (b), nous aurons de quoi rire.
C’est une comédie, où, pour parler sans fard,
Philiste, ainsi que moi, doit avoir quelque part ;
Au sortir d’écolier, j’eus certaine aventure
Qui me met là dedans en fort bonne posture ;
On la joue au Marais, sous le nom du Menteur.
CLIT. Gardez que celle-ci n’aille jusqu’à l’auteur,
Et que pour une suite il n’y trouve matière ;
La seconde, à mon gré, vaudroit bien la première.
DOR. Fais-en ample mémoire, et va le lui porter ;
Nous prendrons du plaisir à la représenter :
Entre les gens d’honneur on fait de ces parties,
Et je tiens celle-ci pour des mieux assorties.
PHIL. Le sujet seroit beau. DOR. Vous n’en savez pas tout.
MÉL. Quoi ? jouer nos amours ainsi de bout en bout |
CLÉAND. La majesté des rois, que leur cour idolâtre,
Sans perdre son éclat, monte sur le théâtre :
C’est gloire, et non pas honte ; et pour moi, j’y consens.
PHIL. S’il vous en faut encor des motifs plus puissants,
Vous pouvez effacer avec cette seconde
Les bruits que la première a laissés dans le monde,
Et ce cœur généreux n’a que trop d’intérêt
Qu’elle fasse partout connoître ce qu’il est.
CLIT. Mais peut-on l’ajuster dans les vingt et quatre heures ?
DOR. Qu’importe ? CLIT. À mon avis, ce sont bien les meilleures ;
Car, grâces au bon Dieu, nous nous y connoissons ;
Les poëtes au parterre en font tant de leçons,
Et là cette science est si bien éclaircie,
Que nous savons que c’est que de péripétie,
Catastase, épisode, unité, dénoûment,
Et quand nous en parlons, nous parlons congrûment.
Donc, en termes de l’art, je crains que votre histoire
Soit peu juste au théâtre, et la preuve est notoire :
Si le sujet est rare, il est irrégulier ;
Car vous êtes le seul qu’on y voit marier (c).
DOR. L’auteur y peut mettre ordre avec fort peu de peine :
Cléandre en même temps épousera Climène ;
Et pour Philiste, il n’a qu’à me faire une sœur
Dont il recevra l’offre avec joie et douceur ;
Il te pourra toi-même assortir avec Lyse.
CLIT. L’invention est juste, et me semble de mise,
Ne reste plus qu’un point touchant votre cheval :
Si l’auteur n’en rend compte, elle finira mal ;
Les esprits délicats y trouveront à dire,
Et feront de la pièce entre eux une satire.
Si de quoi qu’on y parle, autant gros que menu,
La fin ne leur apprend ce qu’il est devenu.
CLÉAND. De peur que dans la ville il me fît reconnoître,
Je le laissai bientôt libre de chercher maître ;
Mais pour mettre la pièce à sa perfection,
L’auteur, à ce défaut, jouera d’invention.
DOR. Nous perdons trop de temps autour de sa doctrine ;
Qu’à son choix, comme lui, tout le monde y raffine ;
Allons voir comme ici l’auteur m’a figuré,
Et rire à mes dépens après avoir pleuré.
CLITON, seul. Tout change, et de la joie on passe à la tristesse ;
Aux plus grands déplaisirs succède l’allégresse.
[Ceux qui sont las debout se peuvent aller seoir.] (1645-56)
(a) Les éditions de 1648-56 portent avant ce vers : « À Dorante. »
(b) Voyez vers 269 et suivants.
(c) Ceci pourrait bien être une allusion au triple mariage qui termine la pièce espagnole. Voyez l’Appendice, p. 394 et 395.