La Suite de l’Adolescence Clémentine/Le Cymetiere

Les Œuvres de Clément Marot
Texte établi par Georges Guiffrey,  (p. 327-333).
De l’Abbé de Beaulieu la Marche, qui osa tenir contre le Roy

Qui pour Beaulieu le presumptueux Moyne
Vouldra dresser Tombeau propre, et ydoine,
Dessus convient au vif graver, ou paindre

Les grands Geans, qui s’empeschent d’attaindre
Jusques aux Cieulx, pour nuyre à Juppiter,
Qui promptement les faict precipiter.

Semblablement la Fable il fauldra mettre
De Phaeton, soy voulant entremettre
A gouverner le Char du cler Phebus,
Dont sa jeunesse en fin luy feit abuz.
Aussi fauldra paindre sur ce Tombel
L’antique Histoire au beau Luciabel,
Et ses Consors s’eslevans contre Dieu,
Dont en Enfer tresbuchent d’ung beau lieu.
Puis à l’entour de la Tombe ainsi paincte
Sera au long ceste Escripture empraincte :
Seigneurs passans, qui voyez tel’ Paincture,
Celluy qui gist soubz ceste Sepulture,
Voulut en faict ressembler à ceulx cy,
Et comme à eulx luy en est prins, aussi.


Du Cheval de Vuyart

Grison fuz Hedart,
Qui Garrot, et Dart
Passay de vistesse :
En servant Vuyart
Aux Champs fuz criart,
L’ostant de tristesse.
Bucephal en gresse
Eut ung Maistre en Grece
Mis entre les Dieux :
Mais mon Maistre, qu’est ce ?
Plus que luy sans cesse
Il est glorieux.
J’allay curieux
En Chocs furieux,
Sans craindre Astrapade :
Mal rabotez lieux
Passay à cloz yeux
Sans faire Chopade.
La viste Virade,
Pompante Pennade,
Le Saulx soubzlevant,
La roide Ruadde
Prompte Petarade
Je mis en avant.
Escume bavant,
Au Manger sçavant,
Au pencer tresdoulx :
Relevé devant,

Jusqu’au bout servant
J’ay esté sur tous.
Mourant bien secoux
Senty par deux coups
Mon Maistre venir,
Et d’ung foible poulx
Disant à Dieu vous
Me prins à hannyr.
Sur ce souvenir
Voicy advenir
La Mort, sans hucher :
Mon Œil feit ternir,
Mon Ame finir,
Mon Corps tresbucher.
Mais mon Maistre cher
N’a permis seicher
Mon os, bruit et famé :
Car jadis plus cher
M’ayma chevaucher
Que fille, ne femme.


De Ortis le More du Roy

Soubz ceste Tumbe gist, et qui ?
Ung, qui chantoit Lacouchiqui.

Cy gist, qui dure Mort picqua,
Ung, qui chantoit Lacouchiqua :
C’est Ortis : ô quelles douleurs !
Nous le vismes de trois couleurs
Tout mort, il m’en souvient encore.
Premierement il estoit More :
Puis en habit de Cordelier
Fut enterré soubz ce Pilier :
Et avant qu’eust l’Esprit rendu,
Tout son bien avoit despendu.
Par ainsi mourut le Follastre
Aussi Blanc comme ung Sac de Plastre,
Aussi Gris qu’ung Foyer cendreux,
Et Noir comme ung beau Diable, ou deux.


D’Alix

Cy gist (qui est une grand perte)
En Culetis la plus experte,
Qu’on sceut jamais trouver en France :
C’est Alix, qui des son enfance,
Quand sa Nourrice l’alectoit,
Dedans le Berceau culetoit :
Et de trois jusques à neuf ans
Avec Garsons petitz enfans
Alloit tousjours en quelque coing
Culeter au Grenier au Foing.
Et à dix ans tant fut culée,
Qu’en culant fut depucelée.
Depuis grosse Garce devint,
Et lors culetoit plus que vingt.

En apres devint toute Femme,
Et inventa la bonne Dame
Mille tourdions advenans
Pour culeter à tous venans.
Vray est, quand plus n’eut Dent en gueulle,
Elle culeta toute seulle :
Mais affin que le Monde vist
Son grand Sçavoir, elle escrivit
Ung beau Livre de Culetage
Pour ceulx, qui estoient de grand aage :
Et ung aultre de Culetis
Pour ceulx, qui estoient plus petis.
Ces Livres feit en s’esbatant,
Et puis mourut en culetant.
Encor dit on par grand merveille,
Que si on veult mettre l’Oreille
Contre la Tumbe, et s’arrester,
On oirra ses Os culeter.


De la royne Claude

Cy gist envers Claude Royne de France,
Laquelle avant que Mort luy feit oultrance
Dit à son Ame (en gettant larmes d’Œil)
Esprit lassé de vivre en peine, et dueil,
Que veulx tu plus faire en ces basses Terres ?
Assez y as vescu en pleurs, et Guerres,
Va vivre en paix au Ciel resplendissant,
Si complairas à ce corps languissant.
Sur ce fina par Mort, qui tout termine,
Le Lys tout blanc, la toute noire Hermine,
Noire d’ennuy, et blanche d’innocence.
Or vueille Dieu la mettre en haulte essence,
Et tant de Paix au Ciel luy impartir,
Que sur la Terre en puisse departir.

De messire Charles de Bourbon

Dedans le clos de ce seul Tombeau cy

Gyst ung vainqueur, et ung vaincu aussi,

Et si n’y a qu’ung Corps tant seulement.
Or esbahyr ne s’en fault nullement ;
Car ce Corps mort, du temps qu’il a vescu,
Vainquit pour aultre, et pour soy fut vaincu.


De Monsieur de Precy

Le Chevalier gisant dessoubz ce Marbre cy
Francoys d’Alegre fut, et Seigneur de Precy,

Qui soubz Charles huitiesme à Naples se trouva
Là où sa force en Guerre à vingt ans esprouva :

Et y demoura chef (pour son premier merite)
De trois mil combatans Suisses, gens d’eslite :
Avec lesquelz deffit par deux fois en Campagne
Plus gros nombre de ceulx de Naples, et d’Espaigne.
Grand Senechal estoit au Royaulme susdit,
Mais trop tost cest Office, et son Maistre perdit :
Ce nonobstant Loys, qu’apres on couronna,
D’estat de Chambellan le Defunct guerdonna,
En luy donnant Maistrie, et suprême puissance
Dessus les cleres Eaulx, et grands Forestz de France :
Et en tous les perilz, et grands Gueres d’adoncques
Alla, et retourna, sans reproches quelzconques.
Loys Douziesme mort, Françoys Roy couronné
Iceulx mesmes Estatz, et mieulx luy a donné.
Premier, il espousa de Chartres la Vidame :
Dont n’eut aulcuns Enfans : mais la seconde Dame
Contesse de Joigny, et luy deux Filles eurent,
Qui tout le reconfort de leur Vieillesse furent.
Or mourut aagé d’Ans Soixantecinq, et dix,
Regretté de chascun Dieu luy doint Paradis.


De messire Iean Cotereau cheualier, seigneur de maintenon

Celluy qui gist cy dessoubz consommé,
Chevalier fut Jan Coterau nommé :

Qui en jeunesse eut ung si grand bon heur,
Qu’il deceda plein de biens, et d’honneur.

En ce bon heur Fortune favorable
Le feit servir soubz estat honnorable
Ung noble Duc, qui apres grand’souffrance
Au chef porta la couronne de France :
Ce fut Loys de ce nom le douziesme,
Que le Defunct suyvit en peine extrême
Par tout au pis de ses adversitez,
Puis se sentit, de ses prosperitez :
Car estant Roy (en bonne, et voluntaire
Recongnoissance) il le feit Secretaire,
Et Tresorier des finances Royalles
Pour le loyer de ses vertus loyalles.
Le Maistre mort, le servant souspira,
Et pour repos deslors se retira
Ici chez luy : ou par devote emprise
Fonda, bastit, et doua ceste Eglise.
Ses bons Subjectz il voulut frequenter,
Et leur apprint à semer, et enter
Commodement, et à rendre fertile
Ce, que estoit desert, et inutile,
En leur faisant apporter de maint lieu
Arbres divers. Puis mourant dit Adieu
A ses Enfans, qui sur luy ont posée
Ceste Epitaphe, et la Tombe arrosée
De larmes d’œil par naturel devoir.
Devant sa mort des ans pouvoit avoir

Soixante, et douze. O longue vie, et belle,
Ta longueur soit devenue eternelle.


De luy mesmes

Icy gist mort, vivant par bon renom
Jan Cotereau, Seigneur de Maintenon.
Je dy celluy Chevalier estimé,
Du Roy Loys douziesme tant aymé,
Qu’en ses Tresors pouvoir luy assigna,
Et au secretz des Finances signa.
Je dy celluy de Vertu amateur,

Qui de ce Temple a esté Fondateur.
Des ans vesquit pres de Soixante, et douze.
Chez luy mourut. Puis Enfans, et Espouse
L’ont mys au Chœur de sa Fondation,
Où il attend Resuscitation.


De luy encores

Je fuz Jan Cotereau, qui quatre roys servy,
Desquelz (en bien servant) la grâce desservy,
Et dont fut le dernier Françoys premier du nom
Soubz qui je trepassay, Seigneur de Maintenon :
Ayant jà servy France en son privé secret,
Et en ses grands tresors, que laissay sans regret,
Pour venir attendre (en paix) de Mort le jour,
Où ce Temple fonday pour mon dernier sejour.


Des Allemans de Bourges récité par la deesse memoire

Qui veult sçavoir grands accords differents,
Les plus nouveaulx, qu’on veit entre Parens

Long temps y a, vienne en cest Oratoire
Des Allemans lire la courte Histoire
Memoire suis, qui avecques leurs Corps
Ne veulx souffrir enterrer leurs accords :
Ains d’en escrire il me prend appetit.
Jan l’Allemant, et Marie Petit

Deux aultres Jans en mariage acquirent,
Qui en commun en ung logis vesquirent :
Et ces deux Jans, deux Jannes espouserent,

Qui dix Enfans sur la Terre poserent.
Janne Gaillard espousa Jan l’aisné,
Une aultre Janne eut l’autre Jan puisné,
Laquelle avoit le surnom de Champanges.
Ainsi en noms conformitez estranges
[Furent] tous cinq en amitié confictz : [Eurent]
Et qui plus est, le bon Pere, et ses Filz,
Comme de noms, d’Estatz furent esgaulx,
Estant tous troys Recepveurs Generaulx.
Le Pere au faict des Normans travailla :
Puis ceste charge au Filz aisné bailla :
Et le puisné receut charge semblable
En Languedoc. O Peuple venerable,
Les Corps humains, que j’ay cy declairez,
De mesme estat, et mesme honneur parez,
De mesme nom, de mesme nourriture,
Son enterrez soubz mesme Sepulture.
Faictes à Dieu de bon cueur oraison,
Qu’au Ciel leur doint une mesme Maison.

De Alexandre, président de Barrois

Soubz ceste Tumbe est gisant Alexandre,
Non pas celluy, qui son nom feit espandre
Par l’Univers : non pas celluy de Troye,
Qui par l’Amour mist son Pais en proye :
Alexandre est cestuy cy de Barroys,
Qui à bon droit faict le nombre des Troys.
A l’ung Juno feit present de ses biens :
Venus à l’autre a eslargy des siens :
A cestuy cy Pallas noble Deesse
De ses Tresors a faict grande largesse.
Le Grec conquist le Monde à force, et peine :
Par estre beau le Troyen eut Helene
Cil de Barroys par prudence, et sçavoir,
Los immortel a merité d’avoir.


De maistre Iaques Charmolue

Cy gist envers la Chair de Charmolue,
De Terre vint, la Terre l’a voulue.

Quant à l’Esprit, qui du Ciel est venu,
Seigneurs passans croyez, qu’il n’a tenu,
A estre bon, et de Vertus orné,
Que, dont il vint, il ne soit retourné.


De damoyselle Anne de Marle

Vous qui aymez amytié nuptiale,
Vous qui prisez Charité cordiale,

Et qui louez en ung Corps femenin
Ung Cueur entier, gracieux, et begnin ;
Arrestez vous. Cy gist la Damoyselle,
Qui tout cela (et mieulx) avoit en elle.
Anne est le nom de celle, dont je parle,
Fille jadis de Hierosme de Marle,
Du noble lieu de Luzancy Seigneur,
Et sa Mere est Damoyselle d’honneur,
Qui porte nom de Philippe Laurens,
Laquelle avec Pere, Freres, et Parents
Feit la Defuncte estre premiere Femme
Du General des Finances, Spisame,

Gaillard de nom, et Seigneur de Bisseaulx,
Qui d’ung tel Arbre a eu neuf Arbrisseaux.
Or a vescu tresvertueusement
Avecques luy dix ans tant seulement.
Fascheuse Mort par son cruel oultrage
N’a pas voulu, qu’elle y fust d’advantage :
Mais (comme ayant sur sa bonté envie)
Luy annonça le depart de sa Vie
L’an de son aage (à peine) huict, et vingt.
Lors sans viser au lieu, dont elle vint,
Et desprisant la gloire, que l’on a
En ce bas Monde, icelle Anne ordonna,
Que son corps fust entre les pauvres mis
En ceste Fosse. Or prions chers Amys,
Que l’Ame soit entre les pauvres mise,
Qui bien heureux sont chantez en l’Eglise.


De maistre Guillaume Créti, poète françoys

Seigneurs passans, comment pourrez vous croyre
De ce Tombeau la grand pompe, et la gloire ?

Il n’est ne painct, ne polly, ne doré,
Et si se dit haultement honnoré,
Tant seulement pour estre couverture
D’ung Corps Humain cy mis en sepulture :
C’est de Cretin, Cretin qui tant sçavoit.
Regardez donc, si ce Tombeau avoit
De ce Cretin les faictz laborieux,
Comme il devroit estre bien glorieux ;
Veu qu’il prend gloire au pauvre Corps tout mort,
Lequel (par tout) vermine mine, et mord.
O dur Tombeau, de ce que tu en cœuvres,
Contente toy, avoir n’en peuz les Œuvres :
Chose eternelle en Mort jamais ne tombe :
Et qui ne meurt, n’a que faire de Tombe.

De Loys Iagoyneau

Cy gist Loys Jagoyneau surnommé :
Tresorier fut en charges renommé :
Et de Pecune onc ne thesaurisa,
Ains de Vertu, que plus qu’Argent prisa.
Je ne sçay pas, de quel’race estoit il :
Mais je sçay bien, que son Cueur fut gentil,
Hardy, courtois, de tresnoble nature,
Et trop plus grand, que du Corps la stature.
Il est certain, que Chasteaudun son estre
Soubz liberal Planete le feit naistre.
Recepveur feut de Soissons : et de faict,
France le feit, l’Itale l’a deffaict.
Italiens en ont le Corps icy,
Et les Françoys le dueil, et le soucy :
Avec lequel dessus luy ont posé
Ce dur Tombeau de leurs pleurs arrosé.
Or de l’avoir si tost mort estendu,
Mort le trompa : car tout bien entendu,
Son vif Esprit à grands biens pretendoit :
Monté soit il plus hault, qu’il ne tendoit.

De Madame la Régente, mère du roy

Telle qui trauailla pour le repos de maints,
Repose maintenant ; pourquoy criez, Humains?
Gardez bien le repos qu'elle uous a donné,
Sans luy rompre le sien, puis qu'il est ordonné.


De Florimont de Champeverne

Le Roy, la Mort aymerent Florimond
De Champeverne en son florissant aage :
Le Roy (par temps) le poulsa vers le mont

D’honneur, et biens, en suffisant estage :
Mais Mort voulant le traicter d’advantage,
En ung moment le poulsa jusque aux Cieulx,
Et feit tresbien : car des bons l’heritage
N’est point assis en ce Val vicieux.


De Iehan de Montdoulcet

Apres avoir servi autour de la personne
Du Roy Loys douziesme, avant que sa Couronne
Ornast son noble Chef, et apres l’avoir prise,
Je Jan de Montdoulcet esprouvay la surprise

De l’incertaine Mort, car ung esclat de Lance
En ung plaisant Tourné dedans mon corps se lance
Si vigoreusement, et par fortune telle,
Qu’au meillieu de plaisir senty douleur mortelle,
Qui au Lict me jecta saisy de fiebvre grosse,
De mon Lict au Cercueil, du Cercueil en la Fosse,
Non pas sans grand regret du Maistre, et des Amys.
Les Amys m’ont ploré : et le bon Maistre a mis
Mes Enfans aux Estatz de moy lors retenuz,
Entre aultres que j’avoys de sa grâce obtenuz,
Et donna pension à la mienne Espousée,
C’est Janne Cotereau, qui est icy posée.

Si tant d’honneur, et bien ne vint de mon merite,
Il vint d’amour de Roy, envers moy non petite.
Mais la source du tout fut la bonté de Dieu.
Priez pour moy, Passans, priez qu’en cestuy lieu
Je puisse en Jesuchrist tellement sommeiller,
Qu’avec les siens me fasse au grand Jour resveiller.


De Guillaume Chantereau, homme de guerre

Cy gist Guillaume en Terre
Chantereau surnommé,
Entre les gens de Guerre
Jadis tres renommé.
Bien vivant estimé,
Sans noyse, sans offense :
S’on l’avoit animé,
Rude estoit en deffense.
A plaisir, et oultrance
Si adextre on le vit,
Que le Daulphin de France
Finablement servit.
Mais la Mort le ravit
En sa jeunesse meure.
A maint homme qui vit,
Grand regret en demeure.
Puis qu’il fault, que tout meure,
S’en fault il estonner ?
Eternelle demeure
Dieu luy vueille donner.

De troys Enfans freres

D’ung mesme dard, soubz une mesme année,
Et en troys jours de mesme destinée
Mal pestilent soubz ceste dure Pierre
Mist Jan de Bray, Bonaventure, et Pierre,
Freres tous troys, dont le plus vieil dix ans
A peine avoit. Qu’en dictes vous Lisans ?
Cruelle Mort, Mort plus froide que Marbre,
N’a elle tort de faire cheoir de l’Arbre
Ung fruict tant jeune, ung fruict sans meureté,
Dont la verdeur donnoit grand seureté
De bien futur ? Qu’a elle encores faict ?
Elle a (pour vray) du mesme coup deffaict
De Pere, et Mere esperance, et lyesse,
Qui s’attendoient resjouyr leur Vieillesse
Avec leurs Filz : desquelz la mort soubdaine
Nous est tesmoing, que la vie mondaine
Aultant Enfans, que Vieillardz abandonne.
Il nous doibt plaire, puis que Dieu l’ordonne.


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De Françoys Daulphin de France

Cy gist Françoys Daulphin de grand renom,
Filz de Françoys le premier de ce nom :

Duquel il tint la Prison en Espaigne.
Cy gist Françoys, qui la Lice, et Campaigne,
Glaives tranchans, et Harnoys bien fourbis
Ayma trop plus, que sumptueux Habitz.
Formé de corps, ce qu’est possible d’estre,
Le feit Nature encores plus adextre.
Et en ce Corps hault, et droit composé
Le Ciel transmist ung Esprit bien posé :
Puis le reprint, quand par griefve achoison
Ung Ferraroys luy donna la Poison

Au vueil d’aultruy, qui en craincte regnoit
Voyant Françoys, qui Cesar devenoit.

Ce Daulphin dy, qui par Terre, et par Mer
Fustes, et gens eust prins plaisir d’armer,
Et la grandeur de Terre dominée,
Si rompre eust peu sa dure destinée :
Mais ses vertus luy causerent envie,

Dont il perdit sur les vingt ans la vie,
Avec l’actente, helas, de la Couronne,
Qui le cler Chef de son Pere environne.
Qu’as tu, Passant ? complaindre on ne s’en doibt :
Il a trop mieulx, que ce, qu’il attendoit.


De Anne de Beauregard, qui mourut à Ferrare

De Beauregard Anne suis, qui d’enfance
Laissay Parentz, Pays, Amys, et France
Pour suivre icy la Duchesse Renée,
Laquelle j’ay depuis abandonnée,
Futur Espoux, beaulté, florissant aage
Pour aller veoir au Ciel mon Heritage,
Laissant le Monde avec moindre soucy,
Qu’en laissant France, alors que vins icy.


'
De Helene de Boisy

Ne sçay, où gist Helene, en qui beaulté gisoit,
Mais icy gist Helene, où bonté reluisoyt,

Et qui la grand’beaulté de l’autre eust bien ternie
Par les grâces, et dons, dont elle estoit garnie.
Doncques (ô toy Passant) qui cest Escript liras,
Va, et dy hardiment en tous lieux, où iras,

Helene Grecque a faict, que Troye est deplorée :
Helene de Boisy la France a decorée.


De Monsieur de Tour Maistre Robert Gedoyn

Sçais tu, Passant, de qui est ce Tombeau ?
D’ung, qui jadis en cheminant tout beau
Monta plus hault, que tous ceulx, qui se hastent.
C’est le Tombeau, là où les Verms se pastent
Du bon Vieillard agreable, et heureux,
Dont tu as veu tout le Monde amoureux.
Cy gist, helas, plus je ne le puis taire,
Robert Gedoyn excellent Secretaire,
Qui quatre Roys servit sans desarroy.
Maintenant est avecques le grand Roy,
Où il repose apres travail, et peine.
Or a vescu personne d’aage pleine,
Pleine de Biens, et Vertu honnorable :
Puis a laissé ce Monde miserable,
Sans le regret, qui l’homme souvent mord.
O Vie heureuse, ô bien heureuse Mort.


De Jan L’Huilier Conseillier

Incontinent que Loyse le Maistre
Congneut, qu’aux verms le corps on faisoit paistre
De son Espoux le prudent Jan L’Huillier,
Helas (dit elle) Amy tressingulier,

Vostre prudence au Senat honnorée
Eust mieulx porté, que moy lasse esplorée,
Le dueil de Mort. Inutile je vy,
Et vous eussiez encores bien servy :
Car vous estiez vertueux, et sçavant.
Las pourquoy doncq ne suis je morte avant ?
En ce regret demoura des Moys douze
La bonne, belle, et vertueuse Espouse :
Puis trespassa, et en mourant va dire :
C’est trop d’un an, sans veoir ce qu’on desire.
Mon esprit va le sien, là hault chercher :
Vueillez le Corps aupres du sien coucher.
Ce qui fut faict, et n’a sceu Mort tant poindre,
Qu’elle ayt desjoinct, ce qu’Amour voulut joindre.


De Madame de Chateaubriant

Soubz ce Tombeau gist Françoyse de Foix,
De qui tout bien tous chascun souloit dire,
Et le disant oncq une seule voix

Ne s’avança d’y vouloir contredire.
De grand Beaulté, de Grâce, qui attire,
De bon Sçavoir, d’Intelligence prompte,
De Biens, d’Honneurs, et mieulx que ne racompte,
Dieu eternel richement l’estoffa.
O Viateur, pour t’abreger le Compte,
Cy gist ung rien, là où tout triumpha.