La Situation de la viticulture en 1884

Revue des Deux Mondes tome 64, 1884
E. Vidal

La situation de la viticulture en 1884


LA
SITUATION DE LA VITICULTURE
EN 1884

On peut aisément caractériser notre situation financière en disant que, depuis déjà trop longtemps, à mesure que les dépenses augmentent, les ressources diminuent, et sans que rien fasse malheureusement entrevoir le terme de cette série d’années difficiles. Il suffit, en effet, de jeter un coup d’œil sur les documens publiés par les soins de MM. les ministres des finances et du commerce pour concevoir de bien légitimes appréhensions. Nous voyons d’un côté les importations étrangères atteindre pour bien des articles des chiffres plus élevés que nos exportations, et les droits perçus par l’état sur les mutations foncières rester en dessous des évaluations fondées sur une marche normale des affaires. La France s’appauvrit donc : telle est, en quatre mots, la situation générale, et si nous descendons dans les détails, les documens comparatifs émanés du ministère du commerce nous permettent de constater un écart considérable entre les importations et les exportations des matières alimentaires.

Parmi ces matières alimentaires que nous exportions jadis, et que nous sommes aujourd’hui réduits à importer, nous voyons le vin tenir le premier rang. Ne s’agit-il ici que d’une série de mauvaises récoltes ? Malheureusement non, et s’il nous restait des illusions à ce sujet, les statistiques du ministère de l’agriculture seraient là pour nous les enlever. Nous y trouvons, en effet, que sur une superficie totale de 2,415,896 hectares, plantés en vignes avant l’invasion du phylloxéra, 763,799 hectares de vignobles ont disparu et que 642,978 hectares sont fortement atteints. Il nous reste donc à cette heure à peine un peu plus de 1 million d’hectares de vignes. Pour comble de malheur, ce sont les départemens producteurs de grandes quantités de vins à bon marché qui ont été le plus cruellement éprouvés : l’Hérault, pour n’en citer qu’un seul, après avoir fourni le sixièmes de toute la production française, a vu disparaître la presque totalité de ses vignes. Aussi, malgré l’amélioration des procédés de culture, l’emploi des insecticides, la submersion, la plantation de cépages américains, etc., la production, qui diminue chaque année depuis 1870, est-elle descendue de 62 millions d’hectolitres à une moyenne de 30 millions. C’est à partir de cette année funeste que nous voyons la France devenir tributaire de ses voisins épargnés par le fléau et leur demander après chaque récolte le complément de vins nécessaires à son alimentation.

Le chiffre total des importations depuis quatorze ans n’est pas de moins de 35,597,378 hectolitres, dont 29,029,646 hectolitres pour l’Espagne et 6,567,732 hectolitres pour l’Italie. Nous avons voulu nous rendre compte des sommes dépensées pour solder à nos voisins cette énorme quantité de vins, dont l’hectolitre, d’après les chiffres officiels, vaut en moyenne 41 fr. 75 ; et nous sommes arrivés au chiffre énorme de 1 milliard 486,191,531 francs dont 4 milliard 211,987,720 fr. pour l’Espagne et 274,203,811 fr. pour l’Italie. Les quatre dernières années à elles seules nous ont coûté 1 milliard 183,350,894 francs. A côté de cette prodigieuse consommation, il ne faut pas négliger de signaler les importations de raisins secs destinés à la fabrication du vin. Nous en achetons en moyenne depuis ces trois dernières années plus de 60 millions de kilogrammes. Voilà donc encore 25 millions de francs qui viennent s’ajouter au déficit que nous indiquions plus haut. À ce compte, L’Espagne, l’Italie, la Grèce n’ont plus qu’à profiter de la position qui leur a été faite par des traitée de commerce devant lesquels ne pouvons que nous incliner.

Ce drainage annuel de plus de 300 millions est bien fait à lui seul pour légitimer les plus sérieuses appréhensions. Aussi croyons-nous accomplir un devoir en demandant instamment à nos chambres de venir, dans un bref délai, au secours de la viticulture. En dehors de cette perte annuelle de plus de 300 millions il y a bien des raisons d’ailleurs à faire valoir pour démontrer l’urgence d’une prochaine intervention. Laisserait-on accomplir le désastre ? Attendra-t-on pour agir que les viticulteurs aient vu disparaître leurs dernières ressources et que les consommateurs aient employé toutes leurs économies à l’achat des vins étrangers ? Laissera-t-on le phylloxéra dévaster le million d’hectares de vignes qui nous reste avant de songer d’une manière sérieuse à reconstituer les quatorze cent mille hectares déjà disparus ? Il serait alors un peu tard, trop tard même, car la France ne serait plus assez riche pour supporter un aussi colossal effort. Les vignobles sont en général situés sur des terres impropres à toute autre culture, et toute plantation nouvelle exige une mise de fonds aussi considérable que la valeur intrinsèque du sol. Il faut remuer profondément la terre, arracher tous les arbres, et attendre plusieurs années avant de porter les premiers raisins à la cuve. Dans certaines parties de la France, dans le Sud-Est surtout, où depuis des siècles on avait l’habitude des plantations d’arbres intercalaires, il va falloir arracher les oliviers et se priver du même coup de cette seconde récolte. Comment pourra-t-on faire face à tant de dépenses dans quelques années, alors que les propriétaires seront réduits à, la plus grande misère, et que les revenus de l’état auront diminué dans des proportions que les derniers exercices permettent maintenant de prévoir ?

Est-il actuellement possible d’empêcher une de nos principales ressources financières de disparaître ? Nous le pensons ; et ce résultat peut encore être obtenu, suivant nous, par l’adoption d’une série de mesures dont les unes auront pour objectif la reconstitution des vignobles détruits, ainsi que la conservation de ceux qui existent encore, et les autres l’accroissement de la production actuelle. Les premières demandent des secours effectifs et directs, les deuxièmes, des secours indirects ; nous allons les passer successivement en revue.


I

La question du phylloxéra a été mal comprise dès le début, cela est certain ; mais, pendant la première période, une erreur de ce genre était très excusable. Gouvernans et gouvernés se trouvaient en présence d’une situation nouvelle dont personne ne pouvait prévoir les funestes conséquences. Beaucoup se refusaient à croire au danger, et les récens succès obtenus dans la lutte contre l’oïdium donnaient à tous le droit d’espérer dans la découverte d’un nouveau moyen scientifique. De tous côtés, donc, les savans se sont mis à la recherche du meilleur insecticide, et l’état, hésitant, s’est contenté de distribuer quelques millions pour les aider dans leurs recherches, ou pour encourager les propriétaires qui consentaient à faire l’épreuve de ces divers remèdes. Nous ne saurions l’en blâmer ; nous approuvons même sa conduite jusqu’au jour où il a été prouvé que les insecticides les plus puissans ne peuvent réussir que dans certaines conditions exceptionnelles et que le phylloxéra, poursuivant malgré leur emploi sa marche dévastatrice, est devenu un véritable fléau national. C’est sous ce nouveau point de vue qu’il faut le considérer désormais et proportionner nos efforts à l’immensité des ravages causés par la présence de notre microscopique ennemi.

Le rôle de l’état nous semble dès lors parfaitement défini et identique à celui qui lui est imposé par les menaces d’un voisin puissant ou par les grandes crises commerciales et industrielles. Que fait-il en pareille occurrence ? Se contente-t-il de prélever quelques millions sur son budget ordinaire ? Non, bien certainement ; il signale le danger ; et le patriotisme des chambres ne lui marchande jamais les subsides dont il peut avoir besoin. Nous avons, dans ces derniers temps, emprunté chaque année, pour refaire notre matériel militaire, élever des écoles, creuser des canaux, endiguer des rivières, assurer la sécurité de nos ports, compléter le réseau de nos chemins de fer, subventionner des lignes de paquebots, primer les navires construits sur les chantiers français. Nous ne saurions hésiter davantage à consacrer quelques centaines de millions au relèvement de notre industrie viticole, — dont les pertes actuelles dépassent bien certainement 5 milliards.

Nos représentans des deux chambres ne connaissent certainement pas la gravité de la situation. Il appartient à M. le ministre de l’agriculture de la leur exposer sans réticences, de leur dépeindre les misères des viticulteurs, de leur montrer le danger causé, non point par une série de mauvaises récoltes, mais par la destruction du fonds et de les inviter à voter l’emprunt de la viticulture. Les mêmes hommes qui ont accepté le programme de M. de Freycinet pour conjurer une crise fatale à notre industrie comprendront sans doute que la richesse de la France doit fatalement s’engloutir sous un déficit annuel de plus de 300 millions.

Il leur faut donc sans hésiter rouvrir le grand livre de la dette publique et mettre des annuités suffisantes à la disposition du ministre de l’agriculture, dont la compétence et la bonne volonté ne peuvent être mises en doute, mais qui jusqu’à ce jour n’a pu distribuer que des secours dérisoires aux viticulteurs assimilés par bienveillance aux victimes des incendies ou des inondations. Jamais emprunt n’aura été plus légitime, comme aussi mieux accueilli par l’opinion publique, et nos représentans aimeront mieux voter cette dépense extraordinaire que de consentir à voir distraire des sommes beaucoup moins importantes d’un budget ordinaire déjà fort surchargé. C’est pour cette cause, sans doute, que la chambre des députés et le gouvernement lui-même ont pris jusqu’à ce jour des mesures tellement insignifiantes qu’on serait presque en droit de les qualifier de dérisoires. Telle a été aussi la raison de l’échec subi par la proposition de loi présentée par M. Maurel, député du Var. Sa demande était pourtant bien modeste, mais elle s’adressait au budget ordinaire et devait, par conséquent, échouer. Nous partageons trop les idées de M. Maurel sur cette question, nous lui sommes trop reconnaissant d’avoir tenté la première démarche sérieuse, pour ne pas donner quelques détails sur son projet, qui contient le germe des mesures que nous demandons.

Voici d’abord en quels termes M. le député Lalande, rapporteur de la 16e commission d’initiative, a cru devoir apprécier la proposition de M. Maurel. Les limites de ce travail ne nous permettent pas, à notre grand regret, de citer le rapport tout entier. Après avoir fait la peinture attristée de la situation de la viticulture française, M. Lalande continue en ces termes :

« Qu’il y ait là un élément perturbateur dans la fortune publique qui se fasse sentir sous diverses formes, notamment dans l’élasticité amoindrie des recettes du trésor, personne ne saurait en être surpris. Il y aurait plutôt lieu de s’étonner que ces résultats ne se soient pas fait sentir plus tôt ni plus gravement.

« Mais en présence d’une telle situation, on ne doit pas se laisser aller à des regrets stériles. Il faut réagir avec énergie pour combattre le mal, pour remédier à ses conséquences. L’intérêt des populations frappées et celui du pays tout entier en font un patriotique devoir.

« Or, des expériences faites depuis plusieurs années sur une vaste échelle donnent non-seulement l’espoir, mais la confiance la plus fondée que les vignobles détruits pourront être reconstitués au moyen des vignes américaines, soit en vue de la production directe, soit surtout comme porte-greffes de nos meilleurs cépages français.

« Les résultats obtenus depuis quelques années, de magnifiques et vastes vignobles entièrement reconstitués et donnant une production considérable, ont relevé les courages à ce point qu’on évalue à 20,000 hectares le chiffre des vignobles replantés cette année en vignes américaines.

« Mais beaucoup de propriétaires privés de revenu depuis bien longtemps n’ont plus d’autres ressources que leur terre, souvent grevée d’hypothèque, et se trouvent placés dans une position bien difficile pour effectuer les replantations. Ils sont forcés de recourir au crédit et il leur est trop souvent impossible de l’obtenir.

« Leur en faciliter les moyens, tel a été l’objet de la proposition de loi de M. Maurel et de fies collègues, dont nous rappellerons ici l’article 1er.

« Une somme de 1 million est inscrite au budget de 1884 comme garantie d’intérêt des sommes à prêter aux viticulteurs pour planter leurs vignobles en cépages américains,

« Le ministre des finances, interrogé par la commission d’initiative, a déclaré ne pouvoir donner son assentiment à cette proposition, sans doute à cause des difficultés que son application pourrait présenter et des sacrifices trop grands qu’elle pourrait entraîner pour le trésor public.

« La commission d’initiative a partagé ces craintes dans une très large mesure.

« Elle ne pense pas que la proposition telle qu’elle est formulée par ses auteurs doive être adaptée par le parlement. Mais si votre commission ne croit pas devoir approuver les termes mêmes de la proposition, elle s’associe chaleureusement aux sentimens et à la pensée qui l’ont inspirée, elle en adopte l’esprit. Elle juge qu’il y a lieu de venir en aide à des populations si cruellement éprouvées, elle croit que la justice le commande non moins que les intérêts d’état, et elle a la confiance que l’étude approfondie de cette importante question permettra de trouver les moyens pratiques d’atteindre le but que se sont proposé nos honorables collègues par la proposition soumise à notre examen, tout en sauvegardait avec soin et prudence les intérêts du trésor. »

En résumé, la commission d’initiative constate l’exceptionnelle gravité de la situation, elle pense qu’il faut venir sans retard au secours des viticulteurs en leur procurant les moyens de replanter leurs champs en cépages américains, elle adopte l’esprit de la proposition de loi de M. Maurel, mais elle attend, pour en proposer la réalisation, que l’état de nos finances le permette. A ce compte, nous avons bien peur qu’elle attende longtemps ; et les viticulteurs aussi. Cependant, nous l’avons déjà fait remarquer, la proposition de M. Maurel était bien modeste, elle ne demandait au budget de 1884 qu’une somme de 1 million à titre de garantie des intérêts de sommes plus importantes qu’une compagnie pourrait avancer aux viticulteurs désirons de replanter leurs vignes en cépages américains. M. Maurel faisait remarquer avec raison que l’assimilation des planteurs de vignes exotiques aux syndicats constitués pour l’emploi du sulfure de carbone mettrait entre les mains des propriétaires déjà ruinés des ressources bien insuffisantes, s’élevant à peine à 125 francs par hectare, et qu’il était bien préférable de leur fournir les moyens d’emprunter tout l’argent nécessaire à un taux peu élevé. Ce résultat pouvait être facilement obtenu en offrant aux prêteurs, en sus de la garantie des intérêts à 4 pour 100 par l’état, leur privilège sur le fonds et sur les récoltes. Pour éviter d’ailleurs tout mauvais emploi de l’argent prêté, M. Maurel jugeait nécessaire le concours d’un agent spécial chargé dans chaque département, de faire une enquête préalable, sur toutes les demandes, de déterminer les zones dans lesquelles les plantations pourraient avoir lieu, d’indiquer le choix des cépages et de surveiller les plantations ainsi que les cultures. Bien des écoles pourraient ainsi être évitées et, dans peu de temps, l’argent remboursé par les propriétaires aurait constitué un fonds de roulement qui serait aussitôt employé à reconstituer une nouvelle série de plantations.

Il est évident que la proposition du député de Toulon aurait facilité la création d’une caisse de crédit viticole ; les secours auraient été immédiats, auraient-ils été suffisans ? Nous ne le pensons point, car les capitaux engagés dans cette opération se seraient tenus dans les limites de la garantie d’intérêt assurée par le texte même de la loi, et, en admettant que chaque année la même somme eût été votée par le parlement, il aurait toujours fallu quatre ans pour qu’une somme de 100 millions fût mise à la disposition des viticulteurs. Or nous ne devons point perdre de vue que la somme dont ils ont besoin en ce moment dépasse 1,500 millions, que la tache phylloxérique s’étend de plus en plus, et qu’enfin les ressources de l’état et des particuliers diminuent chaque jour. C’est peut-être pour cela que la commission d’initiative a cru prudent de réserver la solution de la question et qu’elle a craint, par un vote de principe, d’engager outre mesure les ressources du budget ordinaire.

Nous ne saurions donc trop conseiller à M. Maurel de reprendre sa proposition et de lui donner toute l’ampleur que comporte le désastre qu’elle est appelée à réparer. Si le budget ordinaire ne peut rien lui donner, qu’il propose un emprunt. Car il faut promptement se résoudre à d’importans sacrifices, si l’on veut provoquer en temps utile la replantation avec des cépages américains des 1,500,000 hectares déjà détruits.

Conformément à l’idée première émise par M. Maurel, une partie de l’emprunt serait consacrée à faire aux viticulteurs des avances remboursables, avec ou sans intérêts, dans le délai de six ans. L’état pourrait même ne pas donner l’argent lui-même et se contenter d’en garantir les intérêts, soit au Crédit foncier, soit à toute autre compagnie financière dont les risques quant aux sommes avancées seraient nuls, puisqu’elles représenteraient à peine le prix du sol, et que les plantations effectuées sous un contrôle sérieux doubleraient ou tripleraient la valeur du fonds. Après cette période de six années, les vignobles reconstitués étant en plein rapport, la garantie de l’état deviendrait inutile, et les propriétaires se libéreraient graduellement au moyen d’annuités fixées d’avance, suivant le système adopté par le Crédit foncier. La seconde partie de l’emprunt serait affectée à payer : 1° des primes annuellement accordées pendant quatre ans à toutes les plantations de vignes américaines, sur le pied de 125 francs par hectare. Ces primes, représentant à peu près la valeur des frais de culture, seraient délivrées sur le rapport d’agens spéciaux chargés de constater le bon état d’entretien des jeunes vignes ; elles seraient refusées à tout propriétaire n’ayant pas donné à son vignoble les soins nécessaires ; 2° à primer également les propriétés sur lesquelles on chercherait à conserver les plantations de vignes françaises, soit au moyen des insecticides, soit au moyen de la submersion, soit enfin par d’autres procédés que le hasard ou la science peuvent faire découvrir. Ces subventions ne devraient pas être accordées pendant plus de trois ans aux mêmes terrains, parce qu’au bout de ce laps de temps on sait si la vigne peut être garantie contre le phylloxéra, ou si elle doit succomber. On pourrait ainsi élargir de beaucoup le cercle des expériences et, dans tous les cas, on ne verrait plus primer à perpétuité des vignobles chargés de plantureuses récoltes ; 3° à primer les vignobles reconstitués par la greffe du pied français phylloxéré au moyen de cépages américains et par le provignement de ces derniers ; 4° à mettre entre les mains du ministre de l’agriculture des sommes importantes destinées à l’achat de boutures américaines, bien enracinées et greffées depuis un an avec des sarmens français. Ces boutures, exclusivement fournies par l’industrie privée, seraient distribuées gratuitement aux propriétaires ayant déjà profité des avances affectées sur la première partie de l’emprunt par le représentant de l’administration centrale ; ce dernier serait aussi chargé de choisir les porte-greffes s’adaptant le mieux aux terrains. Procéder autrement, ce serait retomber fatalement dans les erreurs du passé, mettre des viticulteurs inexpérimentés en présence des coûteuses difficultés de l’enracinement et de la soudure des greffons ; ce serait aussi recommencer les écoles de l’adaptation qui se traduisent toujours par une perte de temps et d’argent.

En résumé, les propriétaires des vignobles déjà détruits recevraient à titre de prêt les sommes nécessaires à la préparation des terres, et, à titre gratuit, les vignes indispensables à leurs premières plantations ainsi que les moyens de faire face aux frais de culture, Quant aux autres propriétaires, ils auraient, après trois années d’expérience, à renoncer à toute subvention ou à se ranger dans la première catégorie.

Nous n’avons pas eu la prétention, dans ce rapide exposé, d’entrer dans tous les détails que comporte une aussi vaste organisation, mais nous croyons en avoir indiqué les lignes essentielles et montré au prix de quels sacrifices il est encore possible de reconstituer le vignoble national. Cette tâche difficile ne sera pas, espérons-le, au-dessus de l’énergie de nos chambres ; la solution par l’emprunt s’impose à leur patriotisme par la logique des choses : qui veut la fin veut les moyens. — Que penser, en effet, du propriétaire d’une vieille masure, située dans un beau quartier, qui préférerait n’en tirer aucun revenu et s’ensevelir sous ses ruines plutôt que de contracter un emprunt pour la reconstruire et y trouver à la fois sécurité et profit ?


II

Après avoir énuméré dans la première partie de cette étude la série des mesures à prendre pour venir directement au secours de la viticulture, il nous reste à développer nos idées sur d’autres moyens, tout aussi nécessaires, tout aussi bienfaisans que les premiers, mais dont l’emploi peut se faire sans rien demander au budget et sans diminuer les recettes des contributions indirectes ; ce sont : 1° l’abaissement des droits sur les alcools destinés au vinage ; 2° le dégrèvement absolu des sucres à mélanger aux vendanges pour élever le titre alcoolique des vins de première et de deuxième cuvée. Ces deux opérations, ayant pour but l’augmentation de la production indigène, nous paraissent devoir être également favorisées pendant toute la durée de la crise. Elles pourront présenter plus tard certains inconvéniens ; aussi ne les proposons-nous (le vinage surtout) qu’à titre de mesures transitoires.

Pour le moment, ce sont les seuls moyens qui permettent encore au gouvernement de rétablir l’équilibre rompu au détriment de nos nationaux et de réagir contre l’injuste situation dans laquelle ils ne trouvent par suite des traités de commerce actuellement en vigueur. Ces traités ont été conclus dans la très louable intention de favoriser les consommateurs en attirant sur nos marchés une grande quantité de vins étrangers ; ils nous engagent encore pour quelques années ; ce n’est donc pas l’heure de les discuter. Mais les libre-échangistes les plus convaincus ne peuvent trouver mauvais que les producteurs français réclament contre une législation intérieure qui les met dans l’impossibilité la plus absolue de lutter contre leurs rivaux étrangers. Nous irons même plus loin, et nous soutiendrons qu’en signant les traités actuels, en abaissant les droits de douane de 2 francs par hectolitre de vin, en élevant à 15°,9 le titre alcoolique de ces liquides d’importation, le gouvernement a eu la pensée de faire ce que nous demandons vainement depuis plusieurs années ; il eût été sans cela d’une imprévoyance déplorable. Ainsi, pour ne parler que des dernières tentatives en faveur du vinage, avons-nous vu que M. Léon Say, ministre des finances, après avoir obtenu par la loi du 19 juillet 1880 un abaissement considérable des droits perçus sur les sucres, présenta à la chambre des députés, le 23 février 1882, un projet de dégrèvement des alcools destinés au vinage. Sa proposition n’a pas rencontré, il est vrai, auprès de la majorité l’accueil qu’elle méritait ; elle a échoué ; non point qu’elle fût prématurée, mais plutôt par suite de l’inexpérience de nos mandataires dans les questions de cet ordre économique.

Une grande discussion a été soulevée depuis sur ce sujet par la proposition de M, Bernard-Lavergne, et le doute n’est maintenant plus permis : ce n’est plus contre les alcools rectifiés du Nord que le Midi doit prendre des garanties, c’est l’envahissement de la France tout entière par les alcools allemands qu’il s’agit d’éviter[1]. Du moment qu’il n’est point considéré comme une falsification et poursuivi comme tel, le vinage en lui-même n’a plus qu’une importance secondaire. Il est ouvertement pratiqué en dehors des frontières, et, par suite de nos traités de commerce, nous sommes obligés de le supporter pour tous les vins d’importation étrangère, a dit M. Salis. — Lors de la discussion de ces traités, a rappelé M. Maurice Rouvier, le gouvernement a très explicitement prévenu la chambre qu’ils auraient pour conséquence le vinage des vins français. — On vine et on vinera en fraude dans l’intérieur du territoire tant que l’on n’abaissera pas dans de fortes proportions les droits sur les alcools français destinés à cet usage. C’est donc une perte considérable pour le trésor, a déclaré M. Tirard, ministre des finances. — Puisqu’on vine en dehors, a conclu M. Courmeaux, pourquoi empêcher, par l’élévation de nos tarifs, de viner en dedans et enrichir des étrangers au détriment des producteurs français ? Voilà pour nous le dernier mot de la question et le point de vue sous lequel la chambre aurait dû l’envisager, au lieu de se laisser influencer par des considérations d’un ordre plus élevé sans doute, mais contraire, pour le moment, à l’intérêt général du pays.

Les plus sérieux argumens n’ont certes pas manqué aux adversaires du projet présenté par M. Bernard-Lavergne ; ils les ont développés avec une éloquente conviction à la tribune de la chambre des députés. Nous admettrons volontiers avec eux que le vinage est en lui-même une mauvaise opération ; que les vins relevés par ce procédé, alors même qu’ils ont été vinés avec de l’alcool de vin, au lieu d’être une combinaison, ne sont plus qu’un mélange, dans lequel l’alcool ne tarde pas à gagner les couches supérieures ; qu’ils perdent leur bouquet ; qu’ils provoquent une ivresse redoutable ; qu’ils présentent des dangers sérieux pour la santé publique quand ils contiennent des alcools impurs. Nous admettons aussi avec eux que le vinage, poussé au-delà de certaines limités, est un acte délictueux, dont les auteurs devraient être passibles des peines correctionnelles réservées à ceux qui sophistiquent les matières alimentaires ou qui trompent sur la nature de la chose vendue. Mais nous leur répondrons que le vinage détruisant le bouquet ne pourra jamais être pratiqué sur des vins ayant quelque valeur ; qu’il ne pourra, par conséquent, pas nuire à la réputation si justement établie de nos vins d’exportation ; qu’il sera presque exclusivement employé à empêcher les vins faibles de tourner ou à relever de quelques degrés le titre alcoolique des vins indigènes grossiers et fortement colorés qui remplaceront avantageusement ceux qui nous arrivent de l’Espagne ou de l’Italie après avoir subi la même manipulation ; que, loin de nuire aux viticulteurs, cette mesure leur permettra d’utiliser les mauvaises récoltes, et qu’enfin il est bien facile de ne la voter que pour un certain nombre d’années déterminé par la durée de nos traités de commerce.


III

Le vin doit-il être considéré comme un produit naturel ? Cette question paraît fort simple à résoudre ; on peut cependant y répondre de deux façons différentes : affirmativement, si l’on considère que le fruit de la vigne contient tous les élémens de ce bienfaisant liquide ; négativement, si l’on tient compte des changemens survenus dans les moûts sous l’influence de la fermentation. Après qu’elle s’est effectuée, les deux liquides ne se ressemblent plus. Le vin n’est donc pas un produit naturel dans le sens littéral du mot, c’est plutôt un produit secondaire obtenu par la fermentation et par la combinaison des divers élémens contenus dans le raisin. Si ces élémens se trouvent en quantité suffisante, si leur transformation est complète, les vins seront de bonne qualité ; sinon, la dégustation ou l’analyse nous indiquera les principes qui leur ont fait défaut.

Le facteur principal de la vinification est sans contredit la glycose ou sucre de raisin ; sans glycose, point d’alcool, et par conséquent point de vin. On comprendra, dès lors, combien les vignerons sont intéressés à le remplacer par des substances équivalentes lorsqu’il se trouve en trop faible quantité dans les moûts. Les glycoses bien épurées, les sucres de canne ou de betterave, dont la composition chimique est identique à celle du sucre de raisin, peuvent servir à cet usage ; et leur emploi judicieux ; permet, avant toute fermentation, de doser, dans des proportions mathématiques, le titre alcoolique des cuvées jusqu’à 15 degrés centigrades inclusivement. C’est assez dire quels services peut rendre le sucrage des vendanges, non-seulement pour préserver de la destruction les vins trop faibles naturellement, mais encore pour augmenter les qualités des gros vins ordinaires et leur permettre de lutter sans désavantage contre les mêmes produits vinés à l’étranger.

Notre législation intérieure apporte malheureusement encore un obstacle sérieux à la généralisation de cette pratique si simple, dont l’emploi n’a jamais soulevé d’objection : elle maintient les matières premières à des prix beaucoup trop élevés, sans profit pour le trésor public. A la vérité, nous avons obtenu dans ces dernières années, grâce à M. Léon Say, une légère diminution dans les tarifs des impôts qui frappaient les sucres en général. Les vignerons en ont profité d’une manière indirecte, mais nous sommes encore bien loin de ce dégrèvement absolu des matières saccharines destinées aux vendanges. Et pourtant, nous aurions presque le droit d’y voir une mesure de salut public, comme nos lecteurs peuvent en juger par le tableau suivant :

TARIF DE 1877 POUR 100 KILOGRAMMES.

Sucres bruts au-dessous du type 13, 66 fr., 63 fr., 66 fr., suivant provenance.

Sucres bruts du type du au type 20, 69, fr., 66 fr., 69 fr., suivant provenance.

TARIF DE 1882 POUR 100 KILOGRAMMES.

Sucre brut en poudre de 98 pour 100 au moins, 40 francs.

— de plus de 98 pour 100, 52 fr. 50.

DIFFÉRENCES.


66 francs 63 francs 69 francs
40 » 40 » 52 fr. 50
26 francs 23 francs 16 fr. 50

Les propriétaires qui veulent ajouter du sucre à leurs vendanges ont donc encore à payer au moins 40 francs d’impôt par 100 kilogrammes, somme qui, ajoutée aux frais de transport des raffineries à la ferme et à d’autres menues dépenses, arrive presque à doubler le prix d’achat. Si, avec cela, on tient compte de l’ignorance, de l’apathie générale, et surtout de la diminution considérable des ressources disponibles des propriétaires terriens depuis ces dernières années, on ne s’étonnera pas de voir un si petit nombre de vignerons pratiquer le sucrage.

Les producteurs du Tarn et autres départemens limitrophes, dont les vins sont trop faibles, auraient dû peser leurs moûts et ajouter du sucre à leurs cuvées, ont dit à la tribune les adversaires du projet de vinage présenté par M. Bernard-Lavergne. Nous ne demandons pas mieux que de suivre les précieuses indications du glucomètre de Baume, répondent les intéressés ; vous nous donnez un excellent conseil ; et nous nous empresserons de le suivre aussitôt que vous nous en aurez fourni les moyens en dégrevant les sucres qui nous sont indispensables. Le vinage présente, dites-vous, certains inconvéniens, vous le repoussez même à titre exceptionnel ; facilitez au moins le sucrage, dont les avantages sont reconnus par tout le monde ; nous pourrons alors sauver nos vins faibles de la destruction et donner à nos gros vins les qualités sans lesquelles ils seront toujours primés par les vins étrangers, dont le titre alcoolique a été élevé par le vinage avant de traverser la frontière.

Ces observations sont fort justes. La France produit surtout des vins modérément chargés d’alcool, qui varient, dans les meilleures années, entre 8 et 10 degrés ; sauf quelques crus exceptionnels, les pins chargés marquent à peine 12 degrés à l’appareil de Salleron. Notre climat le veut ainsi, et les négocians le savent si bien qu’ils achètent de préférence, au-delà des frontières, des liquides vinés jusqu’à 15° 9. Pendant longtemps encore, ils useront de la latitude qui leur est accordée par la loi ; la chambre ne peut l’ignorer. Aussi avons-nous la ferme espérance qu’elle ne se refusera pas à voter le dégrèvement absolu des sucres destinés aux vendanges, le jour très prochain, peut-être, où cette mesure sera présentée à la tribune comme un palliatif de nos désastreux traités de commerce.

Malgré la compétence des hommes chargés de les élaborer, ces traités, destinés à régler les conditions de nos échanges internationaux, ont-ils produit les résultats attendus ? Maintenant qu’ils ont été soumis à la sanction d’une expérience de plusieurs années, la preuve qu’ils nous sont funestes n’est, hélas ! plus à faire ; il s’agit donc, pour nous, d’en atténuer la portée dans les limites du possible. Un physiologiste, après avoir absorbé une substance toxique pour étudier ses effets, hésite t-il à vider le verre qui contient le contre-poison ? Le libre échange nous ruine ; nous sommes envahis par les produits étrangers ; au lieu de gémir et de courber la tête, commençons d’abord par écarter résolument toutes les causas intérieures de notre infériorité relative. Il ne suffit pas, en effet, de développer les qualités commerciales de nos vins, il faut aussi tirer parti de toutes nos ressources pour augmenter la production nationale. Après le soutirage du vin, il reste au fond des eus es des marcs qu’une première fermentation n’a pu épuiser complètement ; ils contiennent peu d’alcool, il est vrai, mais ils sont encore fort riches en tannin, en matière colorante, etc. Pourquoi les livrer à la distillation ou en faire de la piquette, alors qu’ils peuvent nous donner encore des vins de bonne qualité en quantité suffisante pour assurer la consommation sur place et faire rentrer dans la circulation commerciale plusieurs millions d’hectolitres de vins des premières cuvées ? Le dégrèvement des sucres nous permettrait de provoquer économiquement cette seconde fermentation ; c’est donc une raison de plus pour nous l’accorder.

On nous a objecté que le dégrèvement étendu jusqu’aux sucres destinés à la fermentation des marcs provoquerait à l’intérieur du territoire une concurrence redoutable pour les propriétaires de vignobles, et qu’il ne tarderait pas à s’établir un peu partout des usines qui feraient métier de renouveler les cuvées jusqu’à l’épuisement complet des marcs. Ces craintes nous paraissent chimériques, d’abord parce que les propriétaires, pouvant faire à bon marché des vins de deuxième cuvée, ne vendront plus leurs marcs, et ensuite, parce que les bénéfices du dégrèvement ne seront accordés qu’à ceux d’entre eux qui auront justifié de l’emploi de leurs sucres. Bien loin de leur nuire, le dégrèvement servira donc leurs intérêts en faisant disparaître les usines qui fonctionnent maintenant grâce à notre législation actuelle. Et puis, les vins de deuxième cuvée, nous l’avons déjà dit, serviront surtout à la consommation intérieur e des exploitations agricoles ; il est peu probable qu’ils entreront en notables quantités dans la circulation commerciale. Mais quand ils se présenteraient sur les marchés, ils n’y pourront jamais entrer < n concurrence avec les vins des premières cuvées, dont il est si facile de les distinguer. Ils prendraient plutôt la place de ces dilutions industrielles fabriquées soit en France, soit à l’étranger, avec des marcs ou avec des raisins secs, et vinées avec des alcools de grains, au grand détriment de la santé publique. Grâce à leur bon marché, ces produits… chimiques font une concurrence sérieuse à nos vins ordinaires sur tout le littoral du sud-est de la France.

Ce commerce se fait au grand jour, sous les yeux des agens du gouvernement, qui ne peuvent s’y opposer. Pourquoi donc hésiter à prendre des mesures de compensation ? Nous comprendrions cette manière d’agir si nos lignes de douane ne laissaient pénétrer que des vins naturels après les avoir sérieusement contrôlés ; mais du moment que les étrangers peuvent nous inonder de vins artificiels du moment qu’ils usent et abusent de cette latitude, n’est-il pas logique de favoriser, de provoquer même chez nous la fabrication de produits analogues ? Cela diminuerait d’autant les charges de nos viticulteurs pendant les longues et pénibles périodes qu’ils doivent encore traverser avant d’avoir achevé la reconstitution de leurs vignobles. Pour atteindre ce résultat, l’état doit-il s’imposer de nouvelles charges ? doit-il abandonner quelques-unes de ces recettes si nécessaires à l’équilibre de son budget ? Heureusement non. Ou plutôt, nous sommes en droit d’affirmer que le dégrèvement absolu des sucres et glycoses destinés aux vendanges produira immédiatement un accroissement des revenus de l’état.

Cette affirmation de notre part peut, au premier abord, sembler paradoxale ; il suffit pourtant d’un instant de réflexion pour admettre que, dans les conditions de la législation actuelle, le sucrage des vendanges est entravé par le prix des matières saccharines, et qu’il ne saurait être pratiqué dans de bonnes conditions économiques. Le sucre n’étant pas dégrevé n’est donc pas consommé, et l’état ne perçoit rien de ce côté. On en consommerait, au contraire, plusieurs millions de kilogrammes s’il était dégrevé, et l’état retirerait un bénéfice certain en percevant des droits de consommation sur les boissons obtenues par la fermentation. La mesure que nous demandons n’est donc qu’une fiction quant à l’abandon des droits actuels, mais elle devient une réalité au point de vue de l’augmentation des impôts sur les liquides alcooliques. Est-il admissible, du reste, est-il juste que l’état perçoive deux droits, l’un sur le sucre ou le glucose, l’autre sur ces mêmes substances transformées par la fermentation ? Les autres mesures que nous avons proposées plus haut, l’emprunt de la viticulture, le vinage, etc., peuvent froisser certains intérêts régionaux et trouver des contradicteurs, mais le dégrèvement des sucres destinés à la cuve recueillera certainement l’unanimité des suffrages, car elle réunira, pour la première fois peut-être, dans une communauté d’intérêts, les groupes si souvent opposés des producteurs du vin, du sucre, des fécules et de l’amidon.

De tous les argumens que nous avons développés dans le cours de cette étude, quelques-uns frapperont peut-être l’esprit des hommes qui tiennent dans leurs mains les destinées du pays ; nous espérons, en tout cas, avoir démontré que l’heure des hésitations est passée. Depuis le début de la crise phylloxérique, qu’avons-nous fait ? Presque rien. L’abîme dans lequel nous laissons engloutir la meilleure partie de l’épargne nationale est devenu plus profond, le mal sera bientôt irréparable, la viticulture se meurt, et nous allons voir disparaître, si nous n’y prenons garde, cette branche jadis si prospère à notre agriculture. Que deviendront alors les quinze cent mille familles de vignerons et les deux millions d’intermédiaires qui ont vécu jusqu’ici des produits de la vigne ? Ce n’est point sans tristesse que nous voyons leur avenir aussi gravement compromis.


E. VIDAL.


  1. Le vinage, peu de personnes l’ignorent, est une opération qui consiste à élever le titre alcoolique des vins déjà sortis de la cuve dans laquelle s’est opérée la fermentation des raisins. Il est pratiqué avec des alcools de toutes provenances, soit pour assurer la conservation des vins faibles, soit pour diminuer les droits à payer en rendant possible le dédoublement des vins aussitôt qu’ils ont franchi les lignes de la douane et les barrières des octrois.