La Science positive des langues

LA SCIENCE POSITIVE
des
LANGUES INDO-EUROPÉENNES
SON PRÉSENT, SON AVENIR

Pour tout penseur habitué à tenir compte de l’influence des grandes découvertes scientifiques sur le progrès des idées, il n’est peut-être pas d’étude plus attachante que celle du mouvement imprimé aux branches les plus élevées du savoir humain par les développements actuels de la science des langues.

Et pourtant, elles ne sont nées que d’hier, cette linguistique positive et cette philologie comparée qui, à elles deux, viennent de transformer l’histoire !

On avait bien, durant de longs siècles, philosophé sur les langues et le langage ; mais ici, comme dans les autres sciences naturelles, on voulait toujours partir de concepts a priori, jamais de l’observation comparative des faits.

Il y a cinquante ans que parut à Francfort-sur-le-Mein l’ouvrage où, pour la première fois, fut appliquée la méthode qui élève à la dignité de science positive la connaissance des organismes syllabiques de la pensée. Ce livre de M. Franz Bopp est intitulé : Du système de conjugaison de la langue sanskrite, comparé avec celui des langues grecque, latine, persane et germanique. Il fut le prodrome d’une œuvre plus vaste et qui acheva de faire de tous les linguistes contemporains autant de disciples enthousiastes du célèbre professeur. Entrant résolûment dans les voies que Jacques Grimm avait ouvertes à la constatation des lois qui régissent les variations phoniques, M. Bopp publia, de 1883 à 1837, sa Grammaire comparative du sanskrit, du zend, du grec, du latin, du lithuanien, de l’esclavon, du gothique et du tudesque (ancien-haut-allemand).

Avant l’apparition de ces ouvrages, on connaissait déjà l’affinité de la langue sacrée des Brahmanes avec le zend, le grec, le latin, le gothique et les autres langues que l’on appela successivement indo-germaniques et indo-européennes. Après un examen comparatif de leurs idiomes, le P. Cœurdoux, en 1767, avait conclu à la parenté originaire des Hindous, des Grecs et des Latins. En parlant des variétés d’une même langue commune à ces trois peuples, William Jones avait dit en 1786 : « Aucun philologue, après avoir examiné ces trois idiomes, ne pourra s’empêcher de reconnaître qu’ils sont dérivés de quelque source commune qui peut-être n’existe plus. » En 1798 et 1802, Jean-Philippe Wesdin, en religion Fra Paolino da San Bartolomeo, avait publié deux traités sur l’affinité du sanskrit, du zend, du germanique et du latin. Enfin, l’Europe lettrée avait lu, en 1808, le livre de Frédéric Schlegel Sur la langue et la sagesse des Hindous, œuvre remarquable que domine cette grande et féconde idée de l’unité originaire des langues de l’Europe et de l’Inde.

Démontrer l’identité primitive des langues indo-européennes n’était donc pas le but de M. Bopp. Il partait au contraire du fait évident de leur unité radicale pour arriver, à force de rapprochements et d’inductions, à la découverte des lois qui présidèrent au devenir de chacun des idiomes congénères. Le premier, il comprit que chaque langue est un tout vivant, doué d’un développement continu, et dont chaque mode d’être successif est inexplicable sans la connaissance des phases ou des états antérieurs traversés déjà par le même organisme.

Bientôt la linguistique indo-européenne prêta la rigueur de ses procédés historico-comparatifs à l’étude des langues dites sémitiques, et nous assistâmes à la naissance d’une phonologie et d’une lexiologie syro-arabe avec l’hébreu pour clef de voûte, j’allais dire pour sanskrit.

En 1836, et mieux encore en 1849, les travaux de M. Schott fondèrent la linguistique finno-tartare.

Je m’arrête car ce n’est pas ici le lieu d’esquisser l’histoire de chaque linguistique spéciale, ni de montrer comment elle concourt, pour sa part, à la formation de la science des langues ou de la linguistique générale. Je me hâte donc de rentrer dans le sujet déjà trop vaste de cet article.

Ce qui frappe tout d’abord, dans la linguistique indo-européenne, c’est l’état d’admirable conservation où nous est parvenu le sanskrit, celui des épopées comme celui des Védas. Son frère de l’ancienne Bactriane, le zend, le suit de très près sous ce rapport. Le grec vient ensuite, surtout par son dialecte éolien. Le latin, lui, semble tenir le milieu entre le grec et le gaélique. Aux derniers confins des langues celtiques et sur les limites du germanisme, se trouve placé le kymrique (gallois et bas-breton). Voici maintenant les langues germaniques ou teuto-scandinaves, confinant elles-mêmes, par plus d’un côté, aux idiomes lithuano-slavons, si rapprochés à leur tour du sanskrit par la richesse et la pureté de leurs formes.

Toutes ces langues ont perdu çà et là quelque chose de leur intégrité organique primordiale ; mais ces altérations sont loin d’atteindre toujours le même vocable de la même manière dans chaque élément du vaste parallèle. Ici c’est le sanskrit qui, ayant le moins souffert des exigences d’une prononciation facile et rapide, est resté le plus complet ; là c’est le latin, le gothique ou le lithuanien qui prouve que le sanskrit lui-même, d’habitude si bien conservé, a, dans telle ou telle forme, perdu l’un ou l’autre de leurs éléments essentiels.

Lorsque, possédant bien les lois des variations phoniques qui régissent le devenir de chaque langue sœur, on avance d’un pas ferme dans ce vaste système de comparaison, on se trouve forcément conduit à un ensemble de formes organiques premières et communes constituant le fonds commun du parler des tribus aryennes avant leur séparation pour la colonisation de l’Inde et de l’Europe.

Par leur contrôle mutuel, et en se complétant ainsi l’une par l’autre, les langues sœurs permettent à la science de reconstituer la langue mère dont elle ne sont que des modes variés de devenir.

À ce parler primordial de notre race indo-européenne les Allemands donnent d’ordinaire le nom de langue indo-germanique primitive (indo-germanische Ursprache). Pour plus de concision, et peut-être aussi pour plus de justesse, nous l’appellerons la plupart du temps aryen primitif ou aryaque tout court. Le nom de ârya, vénérable, excellent, noble, a très probablement représenté les diverses tribus de la race indo-européenne avant toute séparation. Les Védas, les Lois de Manou, toute la tradition brahmanique nous montrent la dénomination d’ârya comme la plus ancienne appellation de la race conquérante de l’Inde entière. Sa forme corrélative en Zend est airya, respectable, vénérable, et cette épithète y est donnée aussi bien au pays (Αρια) qu’au peuple (Αριοι).

Le dérivé airyana nous est surtout connu par sa forme moderne Iran, pour Éran, et par sa forme grecque Αριανα. Mais, en dehors des Aryo-Hindous et des Aryo-Persans, nous avons encore les Aryo-Celtes ; car, comme l’a fort bien montré M. Adolphe Pictet, les Eri de l’Espagne, les Ir-landais, ou les habitants de la verte Erin ou Eirin, portent encore, sous une forme qu’explique leur phonologie spéciale, le vieux nom d’ârya venu du berceau commun. Il n’en faut certes pas davantage pour justifier une appellation que motiveraient d’ailleurs suffisamment les convenances du discours.

Que l’idée de cette langue aryaque se retrouve au fond de tous les travaux non-seulement de M. Bopp, mais encore de ses premiers disciples, cela est incontestable. Ce qui n’est pas moins sûr, c’est que, par suite d’un vice habituel de méthode, ces grands maîtres de la linguistique indo-européenne ont induit l’Europe entière en erreur. Qui de nous n’a entendu répéter « le grec vient du sanskrit ; le sanskrit est la langue mère des langues indo-européennes ; nos langues viennent de l’Inde, etc. ? » À force d’être répétées sans contradiction, ces grosses balourdises passèrent bientôt pour d’augustes vérités. On vit, par exemple, en 1852, un érudit fort distingué, traduisant en français le livre de M. Auguste Schleicher sur Les langues de l’Europe (Bonn, 1850), trouver moyen de glisser dans sa traduction l’erreur qu’il avait dans la tête, la mettant ainsi sur le compte de l’auteur qui n’en pouvait mais. M. H. Ewerbeck (p. 310) traduit ainsi les lignes 12-19 de la page 237 de Die Sprachen Europas : « La branche indo-germanique qui porte le nom des Celtes a évidemment la première entrepris le long voyage depuis les montagnes Himalaya. Sa langue aussi s’est éloignée, plus que celle des autres branches, de la grandiose langue sanskrite, de cette mère commune, de ce prototype qui se reflète plus ou moins dans l’organisme de chacune de ses filles[1]. »

Que voulez-vous ? cette erreur-là courait les écoles et les salons. Elle se glissa même au Collége de France où le jeune savant chargé du cours de grammaire comparée disait en 1864, dans son discours d’ouverture (lignes 15-19 de la page 17, édition Germer-Baillère) : « La langue indo-européenne primitive, autant que nous en pouvons juger par le monument le plus ancien qui nous en est resté, c’est-à-dire par les Védas, n’est pas, comme on pourrait être tenté de le croire, une langue pauvre et grossière. » Or les Védas sont écrits en sanskrit, en vieux sanskrit sans doute, mais enfin c’est toujours du sanskrit. Et, dans ce sanskrit védique, il y a une foule d’aphérèses et d’altérations syllabiques dont n’eut jamais à souffrir son frère et non son fils du Latium. Un seul exemple : La science rétablissant, à l’aide du parallèle général des langues sœurs et des lois de variation phonique qui les régissent, le singulier et le pluriel du présent de l’indicatif du verbe AS, être, nous donne :

Aryaque.
Sanskrit.
ASmi, je suis, asmi.
ASsi, tu es, asi.
ASti, il est, asti.
ASmasi, nous sommes, smas.
AStasi, vous êtes, stha.
ASanti, ils sont, santi.

Or, devant la forme organique ou aryaque AStasi, vous êtes (EStes), lequel est le plus complet, le mieux conservé du sanskrit Stha ou du latin EStis ? Et comment, je vous prie, l’incomplet, l’inorganique stha, pour astasi, aurait-il pu donner ce qu’il n’avait pas, c’est-à-dire les éléments organiques du latin estis ? Ceci, bien entendu, n’empêche pas le sanskrit de jeter à lui seul beaucoup plus de lumière sur ses frères qu’il n’en reçoit d’eux tous réunis.

Au demeurant, je me fais un plaisir et un devoir de constater que, dans le premier volume de son excellente traduction de la Grammaire comparée, de M. Bopp (Introduction, p. xliii), M. Bréal, citant des paroles écrites en 1820 par l’illustre linguiste dans les Annales de littérature orientale, les accompagne de commentaires qui équivalent à un retrait de l’opinion professée par le traducteur au Collége de France en 1864. Voici ces paroles : « Je ne crois pas, dit M. Bopp, qu’il faille considérer comme issus du sanskrit le grec, le latin et les autres langues de l’Europe….. Je suis plutôt porté à regarder tous ces idiomes sans exception comme les modifications graduelles d’une seule et même langue primitive. Le sanskrit s’en est tenu plus près que les dialectes congénères… Mais il y a des exemples de formes grammaticales perdues en sanskrit et qui se sont conservées en grec et en latin. »

Voilà qui est fort bien dit et, si j’avais connu en 1848 ces lignes quelque peu cachées de l’illustre professeur berlinois, je n’aurais certes pas alors attaché tant d’importance à la déclaration suivante : « On comprend assez par ce que nous venons de dire que, pour nous, le sanskrit n’est, pas plus que le Zend, etc., la langue mère des autres langues de l’Inde et de l’Europe. Seulement ces langues sanskrite, grecque, latine, esclavonne, gothique, etc., sont autant de sœurs plus ou moins savamment développées, plus ou moins intégralement conservées, issues les unes et les autres d’une mère commune qui ne vit plus que dans ses filles, et dont la science seule peut nous retracer le portrait[2]. »

Si j’ai tant insisté, si j’insiste encore sur la réalité aujourd’hui incontestable du fait paléontologique d’une langue aryaque, c’est que la reconstruction aussi complète que possible du parler des Aryas primitifs doit être le but immédiat de la science positive des langues indo-européennes.

Mais quel sera donc le but réel ou définitif du rétablissement scientifique des formes orales composant la langue commune des tribus aryennes, avant toute séparation ? Ce sera l’anatomie physiologique de cette langue et, par suite, l’histoire naturelle de ses développements successifs. Exécutée sur un organisme sain, cette dissection ne courra pas le risque de prendre pour un organe simple l’ankylose née de la contraction de deux membres différents. Elle ne confondra pas une monstruosité avec une forme normale, un accident avec la règle.

Elle ne demandera pas les lois de la santé à un organisme malade plus ou moins mutilé. Elle pourra, sans crainte de se tromper, retrouver et isoler les organes divers absorbés dans les formes supérieures d’un appareil plus ou moins complexe. Elle verra comment ces organes monosyllabiques, — verbes simples ou pronoms simples[3], — ont pu suffire à la race aryenne dans la première période de son développement intellectuel.

Succédant alors aux investigations analytiques, le travail de synthèse ou de réorganisation partira de ce monosyllabisme primitif, accusé partout dans l’aryaque comme un moment de sa vie première, pour refaire en quelque sorte toutes les combinaisons successives de ces monosyllabes verbaux et pronominaux, soumis dès lors aux lois bien connues de la dérivation et de la composition.

En somme, reconstruire l’aryaque pour rendre possible la physiologie et la pathologie des langues de notre race, tel est l’objet de la linguistique indo-européenne.

Déjà, dans cette science de la vie et des maladies de la parole aryenne, il est une foule de données certaines du plus haut intérêt. Je voudrais les résumer ici. Pour plus de concision ou, ce qui est la même chose, pour plus de clarté, je demande la permission de remplacer la méthode inventive des chercheurs par la méthode didactique qui, voyant de haut les résultats obtenus et les applications heureuses et fécondes des lois déjà découvertes, les coordonne et les soumet à une pensée qui en domine l’ensemble.

Ce sera donc dans l’unité de l’aryaque et de sa physiologie que nous étudierons les principaux faits relatifs :

1o À la phonologie et à la morphologie des syllabes ;

2o À la lexiologie, c’est-à-dire à la formation et aux développements des vocables ;

3o À la phraséologie, c’est-à-dire à la syntaxe et à la grammaire qui n’en est que l’instrument.

I


phonologie et morphologie.


La phonologie est la connaissance des sons et des bruits de la parole considérés en eux-mêmes et dans leurs variations.

Qu’elle soit faite d’un ou de plusieurs sons, accompagnée ou non d’un ou de plusieurs bruits, la syllabe, abstraction faite de toute signification, est l’objet de la morphologie. La morphologie tue donc cet être vivant qu’on appelle mot, pour n’étudier que son corps syllabique sous le rapport de sa forme (μορφη) et de la disposition des éléments phonétiques absorbés par cette forme alors qu’elle est complexe (sa, sar, sarp), au lieu d’être constituée par une voyelle simple (a, i, u).

Nés des proportions variables du tube vocal et des divers moulages exécutés par le pharynx, la bouche et les fosses nasales, les sons du langage peuvent être considérés comme les couleurs de la voix, ce produit du larynx indifférent par soi aux modulations que lui imprime la parole humaine a, i, u (prononcez toujours ou), ê, é, o, etc. Le nom de voyelles (vocales de vox, voix) leur convient parfaitement.

Explosions, souffles, mugissements ou roulements produits à l’aide de l’air expulsé des poumons, les bruits de la parole ont une existence propre et constituent par eux-mêmes autant de fonctions physiologiques distinctes. Soufflez longuement f, s ou ch, bourdonnez durant quelques secondes et d’un seul trait v, z ou j : tant que durera le bruit, sifflement ou bourdonnement, il vous sera de toute impossibilité de prononcer aucun son, aucune voyelle. Fort mal définis d’ailleurs par nos grammaires, ces bruits fonctionnels de l’appareil oral ont reçu le nom de consonnes.

1. — Voyelles.


Pour peindre aux yeux les sons des langues indo-européennes, il est indispensable de partir du connu, c’est-à-dire des voyelles françaises et de leurs représentations graphiques. Or, nous savons tous que notre langue possède vingt voyelles. Ce que tous ne savent peut-être pas aussi bien, c’est le classement naturel de ces couleurs de la voix. On y distingue :

1o Sept paires de voyelles contrastées ou bi-sexuelles, soumises qu’elles sont à la loi de polarité. Le pôle femelle ou mineur est faible, doux, long et chantant ; le pôle mâle ou majeur est fort, rude, sec et bref. En faisant suivre, pour chaque couple, le pôle doux et chantant du pôle rude et sèchement articulé, nous aurons :

1. La paire â-a (âme, dame),

2. La paire î-i (île, il),

3. La paire oû-ou (roue, roux),

4. La paire ê-è (tête, tes),

5. La paire ô-o (côte, cotte),

6. La paire œû-e (sœur, seul),

7. La paire û-u (flûte, flux).

Vous reconnaîtrez aisément le procédé physiologique de production de ces voyelles en les prolongeant chacune durant quelques secondes. En émettant, par exemple, devant un miroir, le son â prolongé, vous n’observerez pas seulement l’ouverture la plus grande de la bouche, l’immobilité de la langue et des lèvres ; vous remarquerez bientôt que cette voyelle, moulée par le pharynx ou gosier, parcourt librement le reste de la trompe vocale. En comparant coup sur coup le pôle majeur (a bref et sec) avec le pôle mineur (â long et chantant), en répétant cette comparaison pour les six autres paires, il vous sera toujours facile de sentir où la force et le bruit l’emportent sur la grâce et le son pur.

2o Après les quatorze voyelles contrastées, les deux voyelles neutres, é et eu ;

3o Et, enfin, les quatre voyelles nasales : an, in, on, un.

De ces vingt voyelles, l’aryaque en avait six. Il possédait seulement :

1o La paire gutturale â-a,

2o La paire palatale î-i,

3o La paire labiale û-u[4].

Mais il avait en outre la voyelle de la force par excellence, une voyelle que garde le sanskrit, mais que nous n’avons plus en Europe, la voyelle Ṛ, née de l’union de la voix indififérente ou laryngienne, avec les vibrations précipitées et indéfiniment prolongeables de la langue. Assez souvent ce Ṛ se change, soit en a, soit en u, même sur le terrain de la langue mère ; et c’est ainsi que BHṚG, fléchir, rompre, devient BHAG et BHUG. Mais le plus souvent, au lieu de s’affaiblir ainsi, le Ṛ se renforce en R demi-consonne dans les groupes ra, ri, ru (rou), ar, ir, ur. Vous trouverez, par exemple, à côté de Ṛdh, s’étendre fortement, croître, s’élever non-seulement ARDH et URDH, mais encore RUDH, avec la même origine et la même signification.

À son tour, la demi-consonne R s’affaiblit parfois en Ṛ vocal.

Aux sept voyelles que nous venons de voir l’aryaque ajoute quatre diphthongues, ou voyelles doubles : ai et âi, au et âu (prononcez partout les deux voyelles composantes : aï, aou, etc).

La diphthongue ai est d’ordinaire un renforcement de i, comme dans la prononciation de l’i anglais terminant une syllabe ou la constituant à lui seul, tandis que âi est souvent une pure augmentation de ai, équivalant à a+ai. Du monosyllabe verbal i, aller, par exemple, l’aryaque fait ai-mi, je vais.

La diphthongue au (prononcez toujours aou avec un a très rapide) est à u (ou), comme ai () est à i : c’est un renforcement de cet u par l’appoggiature vocale a.

Ici encore l’augmentation de durée amène le chant de la voyelle et par conséquent le changement de pôle : a + au = âu, comme a + à = â, comme a + â = â. Ainsi le verbe BHUG, fléchir, rompre, fera, par renforcement de u en au, bhaug-â-mi, je fléchis (première pers. sing. du prés. de l’indicatif), tandis qu’il oflfrira, au parfait, une augmentation de cet au dans bu-bhâug-ma, j’ai fléchi.

Dans la combinaison des syllabes, les voyelles i et u, placées devant une autre voyelle, ne sauraient faire hiatus : elles adoucissent le passage en se dédoublant en quelque sorte et en donnant ainsi naissance, i à un y furtif (ia, par exemple, se prononçant i-ya), u à w furtif (ua équivalent à u — wa). Ainsi su, arroser, féconder, engendrer, uni à -t, suffixe du participe présent actif, à l’aide de l’a de la conjugaison vocale, donna la forme aryaque su-a-t, le fécondant, le générateur (le ciel lumineux), devenu successivement su-a-s et su-a-r. Parfois ce w (prononcez toujours ce w aryaque à la manière du w anglais), au lieu de se cacher pour ainsi dire, s’installe franchement dans l’articulation et donne, par exemple, suw-a-ti pour su-a-ti, il lance il jette, de SU ; duv-as pour du-as, devoir religieux, de DU, serrer, lier.

Très souvent la voyelle extrême tout entière se change en y ou en w devant une autre voyelle : de là ya pour ia, yu pour iu, wa pour ua. Vous trouverez ainsi swar pour suar, tvam pour tuam, etc. Cette métamorphose de la voyelle extrême du palais en la demi-consonne y et de la voyelle extrême des lèvres en la demi-consonne w a lieu coup sur coup après le renforcement de i en ou et de u en au lorsqu’une autre voyelle suit ces diphthongues. Le groupe ai + a devient aya, comme le groupe au + a devient awa : je citerai seulement pray-a-ti, il réjouit, il rend gai, de pri, contenter, satisfaire, réjouir, aimer, se renforçant en prai ; saw-a-ti, il féconde, il procrée, de su, arroser, féconder, engendrer, devenant d’abord sau par le renforcement, puis saw devant a-ti.

Telles sont les grandes lignes du tableau des voyelles aryaques.

Et maintenant, que sont devenues, à travers les temps et les lieux, les sept voyelles et les quatre diphthongues de la langue aryenne primordiale ? Que devinrent-elles dans le sanskrit ? Comment se modifièrent-elles dans leur passage au zend ? Quelles variations ont-elles subies en se faisant latines, grecques, gothiques, etc., etc. ?

Grâce aux recherches phonologiques de Jacques Grimm sur le terrain des langues germaniques[5] et de M. Pott, sur le domaine des langues indo-européennes[6], recherches poursuivies et contrôlées par les études de MM. Bopp, Benfey[7], Ebel, Ahrens, Léo Meyer, Curtius, Kuhn, Diefenbach, Spiegel, Pictet, Ascoli[8] et d’autres encore ; grâce, dis-je, à tous ces travaux si bien résumés et parfois si heureusement complétés par M. Schleicher[9], la science peut aujourd’hui répondre à cette importante question de l’histoire naturelle du langage dans la race supérieure de l’humanité.

Elle prouve, entre autres choses, que, si le sanskrit a bien conservé les sept voyelles aryaques et les deux diphthongues allongées (âi et âu), il a changé la diphthongue ai en ê et la diphthongue au en ô, mieux représentées en zend par et ao, en grec par ει, (αι) et ευ (αυ), etc. Elle montre que, dans les autres langues du système, la voyelle a s’est tantôt rapprochée de i en devenant e, comme elle s’est souvent rapprochée de u en devenant o : de là, en grec et en latin, par exemple, α, ε, ο, a, e, o pour représenter le seul a du vocalisme aryaque. Souvent même cet a, de la langue mère, s’obscurcit en υ, u ou s’affaiblit en ι, i. Ainsi l’aryaque gan-as, genre, race, en sanskrit jan-as, devient en grec γεν-ος, et en latin gen-us ; nawa-s, nawa-m, neuf, nouveau, devient en grec νεϝο-ς, νεϝο-ν, et en latin novu-s, novu-m ; mais les deux a se conservent dans le sanskrit nav-as, nava-m. Le génitif pad-as, du pied, sanskrit pad-as se fait ποδ-ος en grec et ped-is en latin.

Mais j’ai hâte de rentrer dans les proportions de mon esquisse générale de la science positive des langues indo-européenne.

2. — Consonnes.

La consonne est une fonction physiologique par laquelle l’homme, dans un but de signification directe ou indirecte, arrête au passage l’air expulsé des poumons pour lui imprimer, à l’aide des organes du pharynx, de la bouche et des fosses nasales, un bruit caractéristique de soufflement, d’explosion, de mugissement ou de vibration.

Afin de mieux préciser les limites du système consonnantique de l’aryaque, jetons un coup d’œil rapide sur l’ensemble des consonnes françaises.

Nous possédons trois paires de soufflantes, composées chacune d’une sifflante (pôle fort ou majeur, élément mâle) et d’une bourdonnante (pôle faible ou mineur, élément féminin).

La paire des soufflantes labiales a pour bourdonnante v et pour sifflante f[10].

La paire des soufflantes dentales a pour faible ou bourdonnante z et pour forte ou sifflante s.

Dans la paire des soufflantes palatales, j (ou g devant e et i) est le bourdonnement doux et faible ; ch est le sifflement âpre et fort. Nos six soufflantes sont donc :

Paire labiale v—f,

Paire dentale z—s,

Paire palatale j—ch.

Nous avons de même six consonnes explosives formant trois paires nouvelles où le pôle mineur s’accompagne d’un doux murmure vocal (b, d, gue), tandis que le pôle mâle est dur et complètement muet (p, t, k). Ces trois paires de bruits instantanés se distribuent ainsi :

Paire labiale b—p,

Paire dentale d—t,

Paire palatale g (g dur)—k.

Ici finit le système d’opposition polaire, car nos trois nasales m, n et gn (digne, seigneur), et nos deux vibrantes r et l sont, comme partout, forcément neutres et en dehors de tout contraste sexuel.

Tel est le tableau systématique de nos dix-sept consonnes.

Nous en avons bien deux autres, mais elles ne sont pas officiellement reconnues. Cette pensée, un peu outrecuidante en apparence, demande une explication. Prononcez toi, moi, roi, loi, et, outre le bruit de la consonne et le son de la voyelle (= a), vous entendrez un bel et bon w anglais, la demi-consonne fille de u (ou) dont nous parlions plus haut. Soyez attentif et vous sentirez que, pour représenter exactement ce que vous articulez, il faudrait écrire twa, mwa, rwa, lwa. Impossible de nier l’existence, dans notre langue, de la consonne liquide labiale ou demi-consonne des lèvres.

Ce n’est pas tout. Après avoir reconnu la demi-consonne du palais, Y, dans yeux, prononcez liard, tien, pion et vous remarquerez que, dans les pseudo-diphthongues ia, ien, ion, le son i disparaît entièrement, remplacé qu’il est par la sifflante y. Comme le signe i chez les Romains, notre caractère graphique y représente tantôt le son i (y pensez-vous ?), tantôt le bruit y devant une voyelle (les yeux).

Eh bien, si à ce w(a) et à ce y(a) vous ajoutez la sifflante dentale s, vous aurez les trois seules sibilantes de l’aryaque, lequel ne connut jamais ni v, ni f, ni j, ni ch, ni z.

En revanche, il a non-seulement nos six explosives (b-p, d-t, g — k), il possède encore trois consonnes aspirées tenant le milieu de l’axe entre b et p, entre d et t, entre g et k, je veux parler de bh, dh et gh.

À ces douze consonnes ajoutez encore la naso-labiale m, la naso-dentale n, la vibrante r et vous aurez les quinze consonnes de la langue aryaque.

C’est encore à la phonologie indo-européenne qu’il appartient de nous apprendre ce que ces consonnes du parler commun sont devenues dans la succession des âges chez les Hindous, chez les Perses, chez les Hellènes, chez les Latins et les chez autres Italiotes, chez les Gaëls et chez les Kimris, etc., etc.

Pour donner à ceux de nos lecteurs qui ne sont pas linguistes de profession une idée de la différence des lois qui régissent le devenir des consonnes dans les diverses familles de langues aryennes, il est bon, ce me semble, de résumer ici quelques articles du code phonologique aryo-latin et de les comparer aux lois fondamentales de la phonologie aryo-germanique. Que deviennent, par exemple, dans ces deux parlers européens, les trois explosives fortes de l’aryaque ?

Dans le latin, elles restent telles quelles, admirablement conservées : p = p[11], t = t, k = k, c, q.

Et que deviennent-elles dans le germanique commun[12] dont le gothique est bien le plus fidèle représentant ? Là, leur explosion brusque, leur fonction d’un instant est remplacée par un sifflement prolongeable exécuté par les mêmes organes qui, dans les trois positions (lèvres, dents, palais), devaient produire la détonation : P se siffle en f ; t en th (th dur anglais) ; K en h fortement articulé.

Ainsi l’aryaque patis, maître, sansk. patis, devient faths en gothique et potis en latin , où l’on trouve aussi com-pos, com-pot-is, im-pos, im-pot-is, pot-eram (j’étais maître de, je pouvais).

Ainsi l’aryaque patar, père, sansk. pitar, subit deux sifflements et devient fathar en germanique commun, angl. father, goth. fadar[13] ; mais il se soutient ferme dans le latin pater.

Ainsi paku, bête de somme, sansk. paçus (masc.) devient en gothique faihu (neutre), allem. vieh ; tandis que le latin garde les deux explosives originelles dans pecus.

Ainsi encore tu, tu, toi, sansk. tv-am, siffle son t (toujours avec la pointe de la langue sous l’arcade dentaire supérieure) dans le gothique thu, angl. thou ; mais il se garde pur de toute atteinte dans le latin tu.

Ce que je recommande surtout au lecteur français placé devant cette équation : le germanique h = K aryaque, c’est d’oublier ce signe d’hiatus qu’on appelle notre h aspirée, et de produire avec énergie la rude sifflante du fond de la bouche en forçant la colonne d’air, violemment expulsée des poumons, à traverser, en la râclant, la mince ouverture pratiquée entre la base de la langue et le voile du palais. Après cette préparation, qu’il prononce hairto, angl. heart et cor(d), cor, cordis cœur ; hvata, angl. what pour hwat, et quod, quoi, quel ; haurn, angl. horn, et cornu, corne ; taihun et decem, dix ; veihs et vicus, demeure, village ; svaihra et socer, beau-père.

On le voit, on le sent, le f, le th, le h du germanisme remplaçant les p, t, k de l’aryaque ; c’est le coup d’archet râcleur de la colonne d’air substitué au pizzicato des anciennes ténues explosives.

Dans un article spécial qu’on trouvera plus loin, nos lecteurs remarqueront comment ce système de renforcement est appliqué à b, d, g devenant p, t, k et à bh, dh, gh devenant b, d, g.

Par cela même qu’elle est l’instrument de toute comparaison scientifique entre les vocables, la phonologie est peut-être la branche la plus avancée de la linguistique comparative indo-européenne. Et pourtant le code des lois positives des variations phoniques présente encore çà et là quelques lacunes. Ainsi la loi de polarité ou d’échange par appel du son contrasté (f remplaçant v, z prenant la place de s, etc.), loi d’une application de tous les instants dans les idiomes germaniques, n’a pas même été soupçonnée par les Allemands. Ainsi encore la loi du passage de y (j allemand) initial à g (pron. gue) devant les voyelles, dans un grand nombre de mots germaniques (YAbh devenant gab, geb et gib ; YUt devenant guth et goth ; YAs devenant gas, ges et gos, etc.). C’est à combler ces lacunes que la Revue mettra d’abord tous ses soins.

Mais ce qui restera longtemps encore un vaste et intéressant sujet d’étude pour la phonologie indo-européenne, c’est la recherche des causes physiologiques et psychologiques dont les lois de variation phonique ne sont que les modes d’action déterminés et constants.

Nous avons vu plus haut ce qu’il faut entendre par morphologie. Cette branche curieuse de l’anatomie du langage rend surtout de grands services lorsqu’on se propose de comparer entre eux les monosyllabes premiers ou irréductibles de chaque système de langues. Le corps du mot sémitique, par exemple, ne naît pas et ne se développe pas de la même manière que le corps du vocable aryaque, et la forme chinoise, pour prendre un autre exemple, diffère autant de la forme syro-arabe que de la forme indo-européenne. Dès l’année 1855, dans Moïse et les langues, j’essayai démontrer de quelle haute valeur scientifique peut être la morphologie comparative ; et c’est avec une véritable satisfaction que je vis, quelques années plus tard, M. Schleicher s’emparer de la question morphologique et la traiter avec sa vigueur habituelle. Au point de vue anthropologique, rien ne saurait offrir un plus vif intérêt que l’écho constant et caractéristique d’un mode particulier de sentir, reflété dans une forme propre à telle ou à telle variété primitive de notre espèce.

II


lexiologie


La lexiologie est la science des mots considérés en dehors des modifications accidentelles qu’ils peuvent supporter dans le discours.

Elle étudie d’abord les lois qui ont présidé à la formation et au devenir des vocables.

Elle classe ensuite sous chaque mot simple, et dans l’ordre de leurs engendrements successifs, tous les produits de ce mot racine.

Enfin, tenant compte des analogies de sens et des analogies de son, elle groupe les familles de vocables en tribus, en ordres et en classes, sériation naturelle dont le but suprême n’est rien moins que la création de l’ordre dans l’esprit de chaque race.

La lexiologie indo-européenne est, jusqu’ici, celle qui a le mieux rempli ces trois conditions de la méthode intégrale en matière de sciences naturelles. Elle a surtout beaucoup fait pour la connaissance des lois de la dérivation et de la composition des mots aryaques. C’est même à la possession des plus importantes de ces lois qu’elle a dû la démonstration du monosyllabisme des verbes premiers et des pronoms simples, les deux seules espèces de mots du parler indo-européen primordial.

Oui, en dehors des cris interjectifs constituant une sorte de langage à part[14],la langue aryaque n’offre, en dernière analyse, que des monosyllabes-verbes et des monosyllabes pronominaux.

J’appelle monosyllabe-verbe ou verbe simple toute syllabe qui rappelle une action par une imitation orale, soit du bruit qui trahit cette action, soit de l’effort qui la produit.

Mais qu’est-ce qu’une action ? J’entends par action un mouvement perçu par les sens et conçu dans sa cause par l’esprit. Point de langage sans l’esprit métaphysique, et l’homme ne parle que parce qu’il voit quelque chose à travers le voile transparent des phénomènes.

La syllabe indicative comme ta, sa, ce, ceci, lui ; I, A, celui-ci, celui-là, est un geste oral démonstratif de l’être individuel. C’est le pronom simple. Le geste visible de la main, de la tête et des yeux semble avoir dû être son accompagnement naturel, inséparable, surtout chez les premiers hommes. C’est de ces indications syllabiques de l’individu, conçu dans la notion générale de substance, que sont sortis les articles, les prépositions, les adverbes et les conjonctions.

Par son union avec les syllabes pronominales, le verbe engendre, outre le verbe conjugué, trois autres parties du discours : le participe, l’adjectif et le nom.

Qu’un pronom simple se développe par l’addition d’un autre pronom simple ou qu’un monosyllabe verbal se développe par l’addition d’un monosyllabe pronominal, c’est toujours l’application de la loi d’individualisation progressive, c’est-à-dire de la loi générale du développement de tous les organismes. Ainsi le nom est en germe dans le verbe monosyllabique, il y est contenu, et la race chinoise, par exemple, ne l’en a jamais extrait que par la seule pensée… Et, en effet, toute opération d’analyse transcendentale à part, l’idée couler entraîne avec soi l’idée d’une substance liquide ou coulante. Voilà pourquoi, selon la place qu’il lui donne dans la phrase, l’habitant de l’Empire du Milieu représente, par le même monosyllabe, tantôt le fleuve, tantôt l’action de couler. L’Aryen, lui, bien qu’il ait gardé quelques noms à la chinoise (monosyllabes verbaux à deux fonctions), a créé le nom par l’absorption, dans une forme nouvelle et supérieure, d’un pronom (ta, sa, a, i, na, ka, etc.) représentatif de l’être individuel et d’un verbe rappelant l’action caractéristique faite ou subie par cet être. De là trois éléments dans le substantif aussi bien que dans ses frères le participe et l’adjectif : 1o un verbe, 2o un pronom, 3o un signe du rapport que le pronom soutient avec le verbe.

Ce n’est pas le lieu de dire en quelles graves erreurs est tombée l’école allemande de linguistique pour n’avoir pas aperçu cette loi fondamentale de la dérivation. Nous ferons plus tard l’étude critique de la Wortbildung d’après les maîtres d’outre-Rhin. Pour le moment, je tiens à montrer comment est rendu sensible dans la forme extérieure du mot le rapport d’objectivité et de subjectivité que l’esprit perçoit entre le verbe et le pronom, c’est-à-dire entre l’action et l’être individuel qui reçoit ou exécute cette action.

Si cet être est l’objet de l’action, s’il est inactif devant elle ; s’il la reçoit, en un mot, le pronom, signe de l’être, reste tel quel dans sa terminaison et le nom passif est créé. Ainsi de DA, donner, sanskr. , et des pronoms démonstratifs TA et NA, l’aryaque fait aussi bien DAta, le donné, ce qui est donné, donné (lat. DAtus, data, datum), que DAna, le donné, la chose donnée, le don (Donum, sanskr. dânam).

Mais s’il veut indiquer le rapport de subjectivité de TA, celui-ci, devant DA, donner, du pronom par rapport au verbe, de l’être par rapport à l’action, il modifie ce même TA (ou SA, ou NA, ou KA, ou quelque autre pronom), soit en retranchant la voyelle finale, comme dans DAt, le donnant (TA faisant le DA), lat. dant- , soit en convertissant la voyelle moyenne du pronom en une voyelle extrême, I, U, comme dans DAsi, gr. δοσις, l’action de donner, soit, enfin, en lui attachant un R la plus vivante de toutes les consonnes, comme dans DAtar, sanskr. datr, lat. dator, gr. δοτηρ. De là, dans le système indo-européen, les séries contrastées de terminaisons objectives et de terminaisons subjectives (actives) ; le latin, pour son compte, reproduit les premières dans —tus, —ta, —tum ; —sus, —sa, —sum ; —nus, —na, —num, etc., tandis qu’il a conservé les dernières dans —tor, —trix, —sor, —ter et —turus, —tura, —turum, —t, —nt, —n, etc.

Ces terminaisons à base pronominale n’excluent pas certaines terminaisons à base verbale, terminaisons diminutives provenant d’un verbe au sens de luire, paraître, ressembler (BHA, sanskr. bhâ, luire, paraître ; DṚK, sanskr, dṛç, luire, se montrer) ; terminaisons intensitives nées d’un verte au sens de produire, créer, ou de poser, constituer, faire (GA, sanskr. et jan, produire, engendrer ; DA ou DHA, sanskr. dhâ, poser, constituer, établir, angl. to do), etc., etc., terminaisons dont les formes latines les plus obvies sont —licus, —lix, —lis, —bus, —bilis, —ficus, —genus, —gnus.

Or, toutes ces désinences significatives, à base pronominale ou à base verbale, peuvent s’enter l’une sur l’autre et amener les différents degrés de dérivation. Ainsi, sur le terrain de la langue latine, le nom aryaque DAna. la chose donnée, sanskr. dânam, DOnu-m (m étant ici le signe du neutre) le DOn, s’adjoint la terminaison objective (passive) —tus, —ta, —tum, à base de pronom démonstratif TA, pour former le dérivé du second degré Dona-tu-s (s étant ici le signe du nominatif masculin singulier), celui à qui l’on fait don, le gratifié, d’où le dérivé de troisième degré dona-ti-on, l’action de faire un gratifié ou un donatum.

Ce qu’on appelle conjugaison, verbe conjugué n’est encore qu’une manière de dérivation. Ainsi l’aryaque PA, garder, sustenter, nourrir, uni au pronom de la première personne, MA, moi, a donné PAmi, sanskr. pâmi, je garde, et PAmasi, sanskr. pâmas, nous gardons. Le même verbe PA dans sa conjugaison avec le pronom de la troisième personne TA, celui-ci, ceci, il, a donné PAti, il garde, sanskr. pâti, et PAnti, ils gardent, sanskr. pânti. Des syllabes accessoires, certaines variations des pronoms-désinences et de la voyelle radicale, sont chargées de représenter les différences de nombre, de mode et de temps.

Dans la langue aryaque, les dérivés dissyllabiques, ou de premier degré, sont de beaucoup les plus répandus. Viennent ensuite les dérivés trisyllabiques ou de second degré. Rares sont les tétrasyllabes.

Ainsi que nous le disions plus haut, ce procédé d’individualisation progressive (j’allais dire resserrement gradué d’une idée première) fut également appliqué aux racines pronominales, aux monosyllabes-pronoms. Les pronoms personnels ma, moi, tu, toi, etc., eurent leurs formes dérivées ; mais les dérivations pronominales les plus importantes ont pour sources les pronoms indicatifs ta ou sa, i ou a, ya (relatif) et ka (tantôt interrogatif, tantôt indéfini).

En déclinant ta, dont sa n’est que le substitut, l’aryaque et le sanskrit prononcent à l’accusatif tam pour le masculin, tâm pour le féminin et tat ou tad pour le neutre, trois formes représentées en grec par τον, την, το(τ), et en latin par —tum, -tam, -tud. Le nominatif, en sanskrit est sas (ṣah) ou sa, fém. , neut. tad ou tat ; gr. ὁ (ho) pour σο (avec h pour s comme souvent), fem. ἡ ou ἁ ( ou ), neut. το pour τοτ . Le zend a pour avec h pour s comme le grec. Le gothique dit sa, le lithuanien tas, et l’ancien slavon . Le dérivé Sya, celle-ci, elle, est reproduit par le sanskrit syâ, par l’allemand sie, par l’anglais she, etc.

Ce pronom, comme plusieurs autres, perdit çà et là devant les noms une de ses deux significations natives, — qui sont la démonstration de la substance et de la position d’icelle, — pour ne plus signifier que cette dernière, c’est-à-dire la place occupée par l’objet dont il s’agit. Ce dérivé par soustraction reçoit le nom d’article. L’article n’est donc qu’un demi-pronom, un pronom dépossédé de la moitié de sa valeur logique, une individualisation de son idée première, enfin. Le latin, le vrai latin, le latin des beaux siècles ne vit pas s’opérer en son organisme cet étrange dédoublement du pronom : il n’eut pas ce monstrueux parasite si familier aux Grecs. Mais toutes les formes du latin vieillissant et se gâtant, c’est-à-dire l’espagnol, l’italien, le portugais, le français, le provençal et les autres patois romans se taillèrent un article dans l’étoffe du pronom dérivé ille, illa, illum, illam, illi, illæ, illos, illas et de là leur il et leur el, leur lo ou la et leur le, leur li ou gli et leur los, leur le et leur las, etc. Diminutif de Inus, le représentant perdu du pronom Anas, cfr. skr. êna, celui-là, ille est pour inle contracté de inule, comme ullus, quelqu’un, est pour unlus, contracté de unulus, diminutif de unus, un, quelqu’un.

Dans les langues germaniques, c’est Tya, sansk. tyam, tyâm, tyad (accusatifs), dérivé de TA, qui a donné l’article thie(s), thët, angl. the, bas-allem. de, allem. der, die, das, le, la, le.

La langue aryaque possède deux pronoms déterminatifs riches tous deux en dérivés : I que tous les lecteurs reconnaîtront dans le latin Is, Ea pour Æa autrefois AIa, Id et A dont le neutre Ad ou At, devenant préfixe et préposition, marque un point déterminé dans l’espace ou parfois la tendance vers ce point. Toutes les prépositions aryaques sont ainsi des demi-pronoms, des formes pronominales individualisées et abstraites marquant un lieu (il n’est pas question de substance ou d’individu), une position relative dans l’espace et, par suite, une direction particulière du mouvement inhérent à l’idée verbale ou à l’idée d’action. N’oublions point que c’est ce même pronom simple A qui a donné le pronom dérivé Ana, celui-là, avec son comparatif Anya, sanskr. anyas, lat. alius pour anius, etc.

L’interrogatif indo-européen est KA, KI, KU et, avec renforcement par le W intercalaire, KWA ou KWI, lat. quis, quæ, quid, notre qui, quoi ; sanskr. kas, kâ, kim, accus., kam, kâm, kim. Les langues germaniques, sifflant le K en H selon leur vieille habitude (elles sifflent bien le T en TH et le P en F), ont fait de ce pronom commun KWAs et KWAd, qui et quoi, hwas, hwes, hwer et hwat. Malheureusement pour l’intégrité organique des mots d’outre-Rhin, le h tomba toujours devant l, n, r et w, si bien que nos Allemands d’aujourd’hui prononcent et écrivent wer qui ; was, quoi ; wo, où ; warum, pourquoi, etc., au lieu des anciens hwer (pour kwes = kwas), hwas, hwo, hwarumbi, etc., de leurs pères. L’Anglais a été plus heureux, car il a conservé le h = k organique ; mais il écrit wh pour hw. Cette faute d’orthographe, généralement acceptée depuis longtemps, n’a jamais eu la moindre influence sur la prononciation correcte du pronom : nos voisins d’outre-mer écrivent what, quoi, mais ils prononcent hwat (houot) en dépit du lapsus calami. Il y a plus de correction chez les Slaves.

Au nominatif, les Russes et les Polonais ajoutent le démonstratif TA à l’interrogatif KA dans leur kto, qui, czto, quoi. Les premiers disent encore koi, koia, koe, quel, quelle ? Les Lithuaniens, comme toujours, sont plus purs c’est-à-dire plus primitifs, car ils disent kas, ka.

En grec, l’interrogatif KA est représenté par ϰο, mais seulement dans des dérivés, encore ce ϰο se change-t-il souvent en πο (l’explosive forte des lèvres, π, remplaçant l’explosive forte du palais, ϰ) comme dans ϰως et πως, ϰοτε, et ποτε, ϰοτερος et ποτερος. Kl est représentée dans la même langue par τι pour ϰι dans τις, τι, cfr. πενΤε et πεμΠε pour l’organique πεγΚε.

Le pronom relatif ou conjonctif de la langue aryenne primordiale fut YA, yas, yâ, yat, — gr., ὁς, ,ἡ, ,ὁ (y remplacé par h, comme fréquemment), — slav., je, — goth., ja, dans des adverbes conjonctifs. D’après un procédé logique dont j’ai expliqué ailleurs l’origine (Lexiologie indo-européenne, p. 58-59), les Romains ont remplacé YA, lequel, par une variété du pronom interrogatif qui, quæ, quod. De leur côté, les langues germaniques substituent au YA conjonctif, tantôt un dérivé du démonstratif TA ; allem. der, die, das ; angl. that, etc., tantôt un dérivé de l’interrogatif KA ou KWA, allem. (h)welcher, welche, welches ; angl. which pour hwich remplacé au masculin et au féminin par le simple who, whom pour hwo (kwo = kwa) et hwom (kwom = kwam, lat. quem).

MA, moi, — Tu, toi, — SWA, soi, même, — TA ou SA, celui-ci, ceci, I ou A, lui, — KA ou KI qui ? quoi ? — YA, lequel, — tels sont les pronoms simples par excellence du parler aryaque ou indo-européen primordial. Ces neuf ou dix monosyllabes constituent la base incommutable, inaliénable, invariable du système pronominal des langues de l’Inde et de l’Europe, et ce système pronominal embrasse, outre les adjectifs possessifs, les adverbes de lieu et de temps, les conjonctions et les prépositions, c’est-à-dire tous les mots qui, peignant des rapports stables, constituent les os et les ligaments d’un organisme spécial de la parole. Cela est si vrai que vous ne sauriez enlever du langage indo-européen primordial (aryaque) un seul des pronoms essentiels sans en arracher à la fois une foule d’organes, pronoms dérivés, articles, prépositions, adverbes et conjonctions contenus d’abord en germe dans chacun de ces mots simples et progressivement développés en diverses séries de vocables nouveaux à l’aide du procédé d’individualisation successive (dérivation). Car tout se tient dans cet ensemble harmonique et vivant qu’on nomme une langue. Seulement, tous les organes n’y sont pas aussi nécessaires à la conservation de la vie. C’est ainsi que vous pourriez retrancher de l’organisme aryaque cent verbes et trois mille noms sans nuire à sa constitution le moins du monde.

À part ses découvertes en histoire naturelle des préfixes (prépositions adhérentes au verbe), la linguistique comparative a ajouté peu de chose aux notions fort exactes que l’on possédait déjà sur la composition. Tout le monde sait depuis longtemps que, si la dérivation traduit les diverses formes d’une même idée au moyen de désinences caractéristiques, la composition s’attaque au fond même de l’idée et la transfigure parfois du tout au tout. Voyez ce que deviennent ire, aller, dans adire et abire ; cedere, marcher, dans procedere et recedere, etc.

Nous devons à la science moderne l’explication de l’origine des particules privatives qui, en composition, jouent un rôle de tous les instants. Ce qu’on appelle A privatif en grec et en sanskrit, aryaque et sanskr. ana ou anâ, gr. ανα ou ανη, — ar. et sanskr. an, gr. αν, lat. in, allem. un, angl. un, etc., — ne sont que des dérivés adverbiaux du pronom ana que nous avons vu plus haut (p. 28) avec le sens de celui-là, l’autre, celui qui est plus loin et, par suite, celui qui est absent. Digne de remarque est aussi l’histoire des deux préfixes qualificatifs WASU, sanskr. su, gr. ϝευ, ευ, richement, fortement, bien, et DUS, sanskr. dus, gr. δυς, péniblement, désagréablement, mal. Quant à la composition des noms, nous renverrons le lecteur à l’excellent ouvrage publié il y a six ans par M. Ferdinand Justi[15].

On le voit par cette trop rapide esquisse, la physiologie des mots indo-européens étudiés dans l’unité de l’aryaque, n’est plus seulement une science en voie de formation. Il a suffi de cinquante ans à la méthode historico-comparative pour en tracer toutes les grandes lignes. Mais beaucoup moins avancée est la reconstitution des familles naturelles des vocables et la classification physiologique de leurs racines ou chefs de famille. La cause en est, si je ne me trompe, dans l’absence complète, chez les fondateurs de la science nouvelle, de toute idéologie positive. Préoccupés surtout de l’organisme du mot et des lois phoniques qui régissent ses transformations, ils ont négligé les lois qui président au devenir des idées ou des images incarnées dans ces corps syllabiques. Ils n’ont pas créé l’histoire de la pensée en tant qu’elle constitue le fond substantiel du langage. Et pourtant, — nous le démontrerons, — en partant de l’observation attentive des faits, cette idéologie positive nous apparaît dans des lois non moins sûres que toutes les autres lois naturelles. Le mot étant à la fois corps et âme, syllabe et idée, on verra comment une classification scientifique de tous les monosyllabes-verbes devient non-seulement possible, mais encore relativement facile et riche en rapprochements lumineux.

III


grammaire et syntaxe


Les mots, reconstitués à l’état de thèmes par la lexiologie, peuvent remplir dans la phrase des fonctions diverses. Ainsi, tel nom considéré par rapport à tel verbe, peut être successivement sujet (nominatif), objet (accusatif), but (datif), moyen (instrumental), point de départ (ablatif), etc., de l’action représentée par ce même verbe. De son côté, le verbe peut soutenir un certain nombre d’idées accessoires de temps, de mode, de voix, de personne et de nombre. Tout le monde connaît le double système de flexions (déclinaison et conjugaison) chargé de représenter ces deux ordres de modifications transitoires. Tout le monde sait aussi de quel profond mystère a été enveloppée durant tant de siècles l’origine de ces désinences significatives qui parfois embrassent dans leur unité complexe de si nombreux rapports.

Eh bien ! grâce au parallèle de toutes les déclinaisons et de toutes les conjugaisons indo-européennes, la science est parvenue à reconstituer l’immense majorité des formes organiques premières de chaque cas dans chacun des trois nombres (singulier, duel, pluriel) et dans chacun des trois genres, de chaque terminaison verbale caractéristique dans les divers modes des temps principaux et des temps secondaires.

Elle serait bien longue la liste de tous les travaux fragmentaires qui ont amené de proche en proche la vaste synthèse dont le Compendium de M. Schleicher est aujourd’hui l’expression la plus complète et la plus claire. Ne leur déplaise, cette dernière qualité est surtout bonne à louer lorsqu’on parle des écrivains de la docte Allemagne, fussent-ils des meilleurs.

Ce vaste classement de terminaisons organiques est dominé par une seule loi, qui pourrait, ce me semble, être formulée ainsi :

Toute désinence appartenant, soit à la déclinaison, soit à la conjugaison aryaque, est constituée par un ou plusieurs mots ayant vécu d’une vie propre avant de devenir l’organe ou les organes d’une fonction grammaticale quelconque.

Toujours l’absorption de deux ou plusieurs formes relativement simples, par une forme supérieure ou plus complexe qui les embrasse dans son unité. On le voit, c’est comme dans la dérivation, comme dans la formation de tous les organismes, l’éternelle règle de l’individualisation progressive. Ici, comme chez les plantes, comme chez les animaux, l’unité croît avec la complexité, et le vocable est d’autant plus un que sa forme intellectuelle créatrice s’est soumis un plus grand nombre d’éléments lexiques divers.

Ce serait ici le lieu d’indiquer quelques-unes des plus intéressantes découvertes de la linguistique indo-européenne sur le domaine des flexions grammaticales, et je le ferais volontiers, si le lecteur ne devait trouver plus loin, dans ce même numéro de la Revue, un premier article de M. de Caix de Saint-Aymour sur l’histoire naturelle de la déclinaison.

Quelque parfaite que soit la grammaire d’une langue, elle n’est et ne saurait être que la très humble servante de la syntaxe. L’arrangement des mots dans la proposition et l’arrangement des propositions elles-mêmes dans l’unité de la phrase qui contient plusieurs jugements exprimés présenteront toujours le plus vif intérêt, surtout lorsqu’on étudiera l’influence que les formes habituelles de la phrase peuvent exercer sur l’activité de la pensée. Il y aura là bien des esclavages traditionnels à signaler, même sans sortir des variétés de la syntaxe indo-européenne. Mais cette vaste syntaxe comparative des idiomes aryens aux différentes époques de leur vie, soit commune, soit individuelle, est encore un de ces monuments que l’avenir érigera. S’il me fallait donner ici un modèle du travail à exécuter dans chaque chantier spécial pour la préparation des matériaux à fournir à l’architecte d’un tel monument, je citerais la syntaxe comparée des langues romanes par Frédéric Diez. En parcourant les 465 pages de ce volume[16], où le goût de l’artiste s’unit si bien à la scrupuleuse exactitude de l’érudit et aux aperceptions synthétiques du vrai savant, on se sent tout pénétré de l’esprit novo-latin, on sent, on comprend et on aime toutes ces formes si originales et si pittoresques de ce que j’appellerai le style commun des nations romanes. Puis, comme toutes les nuances qui séparent, par exemple, la syntaxe espagnole de la syntaxe italienne ou de la syntaxe française sont heureusement accusées par l’habile rapprochement de textes empruntés aux meilleures sources, toujours indiquées d’ailleurs ! Et maintenant, supposez un travail analogue exécuté avec le même talent pour les langues germaniques, pour les langues slavonnes, etc., etc., et, — croyez-en la loi divine du progrès, — le Bopp de la syntaxe indo-européenne comparée ne se fera pas longtemps attendre.

Je m’arrête, car j’ai dit l’état présent de la science positive des langues indo-européennes sans négliger l’indication des perfectionnements ou des compléments qu’il est permis d’espérer dans un avenir plus ou moins rapproché. Si, dès aujourd’hui, j’avais voulu montrer ce que projettera de lumière féconde sur l’étude du génie aryaque le parallèle de la parole sémitique et du parler tatare ou du parler chinois, on m’eût peut-être accusé de dépasser de beaucoup les limites d’un article d’initiation fait pour ouvrir le premier fascicule d’un recueil spécial. Aussi bien ai-je préféré ne pas sortir de l’ensemble de la phonologie, de la lexiologie et de la grammaire des langues de l’Europe et de l’Inde.

H. Chavée.
  1. À côté de la traduction, voici l’original : « Als westlicher Vorposten der Indogermanen hat sich das Celtische muthmasslich am ersten von dem gemeinsamen indo-germanischen Muttervolke losgetrennt und seine weite Wanderung angetreten. Daher hal auch diese Sprache unter allen am meisten eigenthuemliche Wege eingeschlagen waehrend wir bisher nur bei einzelnen Gliedern dieser und jener Familie einer vom gemeinsamen Typus mehr oder minder abweichenden Form begegneten. »
  2. H. Chavée, Lexiologie indo-européenne, p. 40.
  3. Les cris ou interjections constituent un langage à part, inférieur et peut-être antérieur au langage analytique, né du perpétuel contraste des idées de substance et d’action.
  4. Prononcez toujours ou quand il ne s’agit pas du français.
  5. Deutsche Grammatik, 4 parties, 1819-1837. La 3e édition est de 1840.
  6. Etymologische Forschungen, etc., 1833 et 1830. La première partie de la 2e édition parut en 1859.
  7. Griechisches Wurzellexikon, 1839 et 1842. — Kurse Sanskrit-Grammatik, 1855. Voir aussi, outre sa grande grammaire sanskrite, le glossaire de son édition du Sâma-Véda, sa revue trimestrielle intitulée Orient und Occident, etc.
  8. C’est dans la Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, etc., de M. Kuhn, 1851-1867, c’est dans les Beitraege zur vergleichenden Sprachforschung, etc., de MM. Kuhn et Schleicher, 1856-1867, qu’on peut le plus aisément suivre les évolutions successives de la phonologie indo-européenne.
  9. Compendium der vergleichenden Grammatik der indo-germanischen Sprachen, 1861-1862. Une seconde édition de cet ouvrage a paru en 1866.
  10. Prolongez durant quelques secondes l’émission du bourdonnement et du sifflement contrastés
  11. Les lettres majuscules représentent ici les consonnes aryaques.
  12. M. Schleicher l’appelle « Deutsche Grundsprache. »
  13. Bien que le gothique soit la forme la plus ancienne et la mieux conservée du parler germanique, il ne faudrait pas, comme on l’a fait trop longtemps en Allemagne, le considérer comme le père de l’ancien-haut-allemand, du Saxon, etc.
  14. Écho des émotions profondes de l’âme, l’interjection traduit l’affection du moment, de la minute, plus fidèlement que toutes les descriptions ne pourraient le faire. Par son intonation propre, par ses modulations (elle en a souvent), mais surtout par son timbre, chaque voix interjective vraie envahit subitement l’âme de l’auditeur pour la mettre à l’unisson de souffrance ou de joie, d’horreur ou d’admiration. Les mille nuances du timbre vocal propres aux divers états passionnels du cœur humain ne sauraient être figurées aux yeux, et l’écriture nous livre les formes interjectives dépouillées de ce qui en fait l’irrésistible puissance.
  15. Ueber die Zusammensetzung der Nomina in den Indo-germanischen Sprachen. Goettingen. Dieterisch. 1861, 1 vol. in-8o.
  16. C’est le tome III de la Grammaire des langues romanes.