La Rose de Saint-Flour
| PIERRETTE, | Mlle Schneider. |
| MARCACHU, | MM. Pradeau. |
| CHAPAILLOUX, | Ch. Petit. |
Scène PREMIÈRE.
C’est-il un guignon !… j’ai cassé ma marmite, fichtra !… Comment, à présent, que j’vas faire ma choupe ?… Aujourd’hui dimanche, les marchands de faïence sont fermés… faudra que j’imprunte une marmite dans le village, en allant chercher mes choux ; sans ça, môchieu Marcachu l’ chaudronnier et môchieu Chapailloux l’ cordonnier, mes deux pensionnaires qui viennent dîner tous les jours à midi, n’auraient pas leur pâtée… Pricheti !… faut pas les fâcher, ces hommes ; ils m’aiment tous les deux, et ils sont d’un jaloux !… mais ils sont bien galants ; en voilà des hommes galants, et qui se sont donné plus d’une fois des coups de poing pour moi.
- Entre les deux mon cœur balanche,
- Je ne sais lequel épouja !…
- Pour chelui-ci quand mon cœur penche,
- Il penche aussi pour celui-là !…
- Ah ! ah !
- Qu’est-che qui me dira,
- Fichtra !
- Chelui que j’époujera !
- M’sieu Marcachu fait l’agréable ;
- Il a l’dos large et les poings lourds !
- Mais Chapailloux est plus aimable,
- Il s’ débarbouille tous les huit jours !…
- Ah ! ah !
- Qu’est-che qui me dira,
- Fichtra !
- Chelui que j’époujera !
Je suis bien sûre qu’ils vont m’apporter tous les deux quelqu’ chose aujourd’hui : c’est la Saint-Pierre, ma fête et celle du pays… on danchera ce soir… Ah ! si seulement j’avais des chouliers pour danser la bourrée, et une marmite pour faire ma choupe !… des beaux chouliers avec des paillettes, et une belle marmite en fer, qui ne se casserait plus : voilà l’ rêve de ma vie. Mais faut penser à la choupe ; allons chercher mes choux et emprunter une marmite, (Elle prend un panier,) et puis faire une visite au potager. (Elle sort par la droite)
Scène II.
Elle n’est pas là !… Ah ! chacrelotte de chacrelotte !… oùch’ qu’elle peut être allée ?… Le serpent de la jalousie me ronge l’eschtomach ; le Chapailloux m’aurait-il devancé ?… Je le casserais en miettes, nom d’un chaudron !… J’ai du bichèps, moi ; mais ch’est pas possible ! mam’jelle Pierrette ne peut pas préférer un cordonnier à un chaudronnier !… Elle n’époujera jamais un muscadin qui se lave les mains… et avec du chavon encore. Elle a trop bon goût pour cha !… À la bonne heure, moi !… v’là des mains qui sont faites pour l’amour… ça ne se lave jamais !… aussi c’est d’un dur !… ça frapperait sur une enclume comme un marteau de cinq cents !… cré nom !… Mais voyons, pendant que mam’jelle Pierrette est sortie, déposons ochetenchiblement la marmite dont je lui fais hommage, et que j’ai faite pour sa fête, avec des choupirs !… ça la flattera !
- Chette marmite neuve,
- Mam’jelle, est une preuve
- De mon amour pour vous !
- Elle est cholide et bonne,
- Ch’est moi qui vous la donne
- Pour faire la choupe aux choux !
(Il accroche la marmite à la crémaillère.)
- À votre crémaillère
- Je la pends de ma main ;
- Pour fêter la Chaint Pierre
- Je n’attends point demain ;
- Chi vous en êt’s bien aije,
- À moi penchez un peu,
- Mon cœur est sur la braije
- Comme elle chur le feu !…
- Cette marmite neuve,
- Mam’jelle, est une preuve, etc., etc.
Maintenant, mettons-y ochtenchiblement ce bouquet qu’elle y trouvera. C’est délicat (Il met dans la marmite un bouquet qu’il tire de sa poche.) À présent, je file pour revenir tout à l’heure savourer sa surprise !… ô ma marmite, ma petite marmite ! sois-moi propice !… Passons par là pour ne pas la rencontrer !… (Il sort par la droite.)
Scène III.
- Ah ! que chette maijon est triste et cholitaire,
- Chelle qui l’embellit est abchent’ pour l’instant !…
- En entrant dans che chanctuaire
- Je me chens à la fois malade et bien portant !
(Ritournelle sentimentale pendant laquelle il arpente la scène à grands pas.)
- Ch’est ici que reschpire
- La roje de Chaint-Flour !
- Chelle pour qui mon cœur choupire,
- Chelle pour qui je meurs d’amour !…
(Tirant une paire de souliers de sa poche.)
- Pour les p’tits pieds
- De chelle que j’aime,
- V’là des chouliers
- Qu’ j’ai faits moi-même !
- L’ cuir est bon,
- J’en répond ;
- Ils dur’ront
- Aussi long-
- Temps que mon
- Aussi longtemps que mon amour pour vous !
- Foi d’ Chapailloux !
- En soufflant d’ssus,
- Ça les fait r’luire ;
- N’en faut pas plus
- Pour la chéduire !
- L’ cuir est bon,
- J’en répond ;
- Ils dur’ront
- Aussi long-
- Temps que mon
- Aussi longtemps que mon amour pour vous !
- Foi de Chapailloux !
J’espère que le Marcachu ne m’aura pas devancé ce matin. Offrons à l’objet de ma flamme cette paire de souliers neufs pour sa fête… et déposons-les ochtenchiblement à ses regards. (Il met le paquet enveloppé sur une table.) Elle saura bien de qui ça vient… Ô chaint Crépin, sois-moi propiche !… Je me dérobe mychetérieusement, et je reviens chubreptichement pour jouir de sa churprije !… Pachons cette porte dérobée !… (Il sort par la droite.)
Scène IV.
Pas de marmite !… tout le village est à la fête… v’là des choux, des navets, des carottes, mais pas la plus petite marmite… comment que je vas faire ?… (Elle voit la marmite pendue à la crémaillère.) Ah ! qu’est ce que je vois !… une marmite toute neuve ?… une belle marmite en fer !… ah !… Il y a du Marcachu là-dessous !…
Présent le Marcachu !
Ah ! mossieu Marcachu, comme c’est galant de m’avoir apporté une marmite…
C’est l’image de mon cœur et de mes chentiments… bien étamée… fichtra !… que je vous prie d’acchepter accompagnée de plusieurs autres !…
Vous faites des folies, mossieu Marcachu !…
J’aime les folies, mam’jelle Pierrette, et je voudrais bien que nous en fichions ensemble !…
Dame !… faudra voir… plus tard…
Je ne dis pas ça !…
Qu’est-che qui me manque ?… j’ai du bichèps, touchez-moi cha !…
Ch’est cholide !
Que je vous ai encore, avant-hier, cassé la mâchoire au gros Patout, et qu’il ne lui reste plus que trois quenottes…
Oh ! vous êtes fort ! on le sait.
Et que je vous ai aussi cassé trois côtes au grand Michelu, et que je les démolis tous dans le pays !… qu’est-che qui vous faut de pluche ?…
Ch’est bien séduisant, mais faut s’aimer.
On s’aimera, et que si vous vouliez tant seulement me donner un baiser, mam’jelle Pierrette !… (Il lui prend la taille.)
- Eh ! farceur !
- Eh ! la p’tite mère !
- Che va-t-il finir, cha ?
- Ah ! qu’ ch’est bon, ma commère !
- Si cha vous va, cha m’ va aussi !
- Holà !… j’en ai achez !… merchi !
- Quand je cogn’ ch’est pour de bon !
- Pan, pan, comm’ le forgeron
- Quand il tap’ sur son enclume !
- Pan, pan, pan, ch’est ma coutume ;
- Quand je cogn’ ch’est pour de bon !
- Quand ell’ cogn’ ch’est pour de bon !
- Pan, pan, comm’ le forgeron
- Quand il tap’ sur son enclume ;
- Pan, pan, ch’est sa coutume,
- Quand ell’ cogne ch’est pour de bon.
- Pour peu que l’amus’ment vous plaise,
- Vous pouvez m’ cogner à votre aise ;
- Si c’est l’ moyen de vous charmer,
- J’ vous donn’ l’ droit d’ m’assommer.
- Oh ! oh ! oh ! qué bonn’ pât’ d’homme
- C’est lui qui demand’ qu’on l’assomme ;
- Qué plaisir d’ bourrer d’ coups d’poing,
- Quelqu’un qui n’vous les rend point.
- Quand je cogn’ c’est pour tout bon, etc.
Ah ! sacristi ! en v’là une femme !…
Ah ! faut pas s’y frotter !…
Si vous y toucha, je ne vous verrai plus, vilain jaloux !
Ch’est bon ; on le respectera… mais si jamais y tournouilla autour de vous… chacré nom d’un chacré nom !… (Il fait le geste de donner un coup de poing.)
Allons ! allons ! aidez-moi à faire la soupe, allez me chercher le lard.
Oùche qu’il est le lard ?…
Dans le grand bahut, dans la pièce à côté.
J’y vas. (En sortant.) Elle m’a tout d’ même défoncé une côte dans l’eschtomac !… à gauche.
Mettons de l’eau dans la marmite. (Elle y verse de l’eau.) Ce mochieu Marcachu me fait peur pour ce pauvre Chapailloux… s’il lui cassait quéque chose, ça m’embêterait pour l’épouja.
V’là le lard. (Il apporte un paquet enveloppé dans du papier.)
Faites-le-moi passer !… Qu’est ce que ch’est que vous m’apportez ?… ch’est pas du lard ça ?… ch’est des chandelles.
Ah bien !… je me sera trompé ; mais ch’est bon tout de même la chandelle… ça sera plus délicat !
Scène V.
Je crois que je chuis le préféré !… elle m’a lancé un regard ! (Voyant le paquet déposé par Chapailloux sur la table.) Mais qu’est-che que ch’est que cha ?… un paquet ?… (Il l’ouvre.) Nom d’une casserole !… ch’est des chouliers !… (Il en prend un qu’il examine.) des escarpins de femme !… dernier genre !… (Montrant les clous.) avec des paillettes !… Le Chapailloux est venu, et il a apporté ça pour mam’jelle Pierrette !… Oh ! la colère ! ch’est pour qu’elle dansa avec lui qu’il lui a apporté ça !… Si je chippais les chouliers et que je les emporta… non, je passerais pour un voleur… et pourtant fouchtra !… je ne veux pas qu’elle ait ces chouliers-là… (Il cache derrière lui le soulier qu’il tient à la main.)
Voilà le lard ?
Si elle voit le choulier, je chuis perdu !… (Il le fourre au fond du panier de légumes qui est sur la table.)
Voyons, faut travailler, monssieu Marcachu, mettez le lard dans la marmite ; moi je vas éplucher les légumes. (Elle prend le panier.)
Oui, mam’jelle Pierrette. (À part.) Pourvu qu’elle ne voite pas le choulier ! (Dans son trouble, il se trompe, et au lieu du lard, il met les chandelles dans la marmite.)
Elle va voir le choulier !… (Haut.) Pourquoi que vous épluchez tout ça, mam’zelle Pierrette ?… vous ôtez le plus bon.
C’est bien possible ça !…
Et puis ça fait qu’il y en aura moins.
Au fait, vous avez raison… (Elle cesse d’éplucher et remet tout dans le panier.)
Elle n’a pas va le choulier !
Ah ça ! vous n’avez donc pas mis le lard dans la marmite ?
Mais si !…
Puisque le v’là ?…
Fichtra !… j’ai mis les chandelles !… Bah ! ça n’en chera que, plus bon… (Haut.) Je vas mettre le lard. (Il le jette dans la marmite.)
Et puis les légumes aussi… (Elle jette dans la marmite tout le contenu du panier.) Ça fera une fameuse choupe, ça !… Il n’y manquera rien !
Scène VI.
Jouissons de sa churprise… (Haut.) Bonjour, mam’jelle Pierrette…
Ah ! c’est vous, monsieur Chapailloux ?…
Fichtrrr !… mon rival !
Bigrr !… le Marcachu…
Est-ce que vous venez déjà pour manger la frigouche, monsieur Chapailloux ?…
Non, je viens pour autre chose. (À part.) Elle n’a pas l’air surprise du tout.
Pourquoi donc c’est que, vous venez ?…
C’est pour avoir des nouvelles de mes chouliers, comment que vous les avez trouva ?
Quels chouliers ?
Eh ben ! ceux que j’ai apportés pour votre fête pour aller dancher ce choir à la fête…
Je n’ai pas vu de souliers du tout !…
Oh ! elle est bien faite !… Les beaux chouliers… il y a des petites paillettes partout !…
Je ne les ai pas ménagea !
Ch’est drôle, comme elle danchera !… (Il tape sur la marmite avec la cuillère.)
Tiens ! je ne trouve plus le second choulier.
C’est que vous n’en aurez apporté qu’un.
J’en ai apporté deux, puischeque j’en ai fait deux !…
C’est drôle, ça ! — Où c’ que l’autre a-t-il pu passer ?
C’est qu’il aura fait deux fois le même choulier — ça fait qu’il n’y en a qu’un.
Deux fois le même choulier ! —
C’est bien possible, ça ! —
Il dormait pendant qu’il travailla — et il se sera trompa.
Dam ! faut bien le croire…
Eh bien, eh bien !… l’autre se retrouvera… faut pas se fâcher, et nous danserons ensemble ce soir une bourrée.
Ch’est avec moi qu’elle danchera !…
Ch’est avec moi !…
Ch’est avec moi !…
Je te défends de dancher avec elle.
Je te le défends auchi. (Ils la tirent chacun d’un côté.)
Fichtrrr !
Bigrr !…
Mais finissez donc, vous me dicheloquez…
Dites chelui que vous préferez.
C’est celui qui danchera le mieux.
Ch’est moi !…
Ch’est moi !…
Nous allons voir ça tout de chuite !…
- “Celui que je préfère
- “Il le saura ce soir…
Scène VII.
Ça ne peut pas me satisfaire cha !
Ni moi non plus.
Eh bien chortons, pour aller nous donner un coup de torchon dans la rue comme il convient à deux gentilshommes !…
Bigre !… il est bien fort ! c’est égal !… (Haut.) Sortons !
- Monsieur de Marcachu !…
- Monsieur de Chapailloux !…
- Savez-vous que je chuis un homme ?
- Chavez-vous,
- Que j’en suis un aussi… le chavez-vous ?…
- Peut-être.
- À quatre pas d’ici, je te le fais chavoir,
- Mes pareils, à deux fois, ne che font pas connaître !
- Toi ?
- Moi !
- Nous allons voir ! CHAPAILLOUX, à part
- Je tremble !
- Je tremble !
- Nous allons voir !
- Il tremble !
- Il me semble !
- Ah ! chaperlotte, ah ! chacrebleu !
- Je chens que j’ai la tête en feu !
- En vingt morcheaux il faut que je te hache !
- En vingt morcheaux j’ai bien peur qu’il me hache !…
L’un de nous deux va rechter sur la plache !
- Ah ! chaperlotte ! ah ! chacrebleu !
- Je chens que j’ai la tête en feu !
(Ils se prennent à bras-le-corps et cherchent à se renverser. Marcachu enlève deux ou trois fois Chapailloux de terre.)
Scène VIII.
Ah ! mon Dieu ! les malheureux !… ils vont s’écharper !… voulez-vous bien finir ! (Elle les sépare.)
Eh bien ! qu’il me chède la plache !
Qu’il me la chède aussi !… Je ne veux pas vous partagea.
Encore une fois, je vous défends de vous démolir ici !… Je connais rien de plus malpropre que deux Auvergnats qui se fichent une trempée chez une cabaretière. (Elle va à la cheminée.)
Au fait, elle a raison ; c’est pas bon genre… nous remettrons cha !…
La choupe est prête… faut la manger. (Elle met les assiettes.)
Ch’est cha !… commenchons par manger la choupe… nous se redirons deux mots au dessert !…
Allons, à table !…
À table !… (Ils s’attablent. Pierrette apporte la marmite et s’assied entre Marcachu et Chapailloux.)
Mangez cha ; ch’est nourrissant !…
Oh ! la jolie choupe ! la cuiller che tient debout dans l’achiette !…
C’est comme du machetic !…
Cha vous fera un velours sur l’estomach !
Qu’est-ce qu’elle chent donc la choupe ?… Elle chent le rance !… on dirait comme un petit goût de cuir brûlé…
Je chais ce que ch’est ; ch’est le beurre.
Ch’est bien bon.
Il n’y a que vous, mam’jelle Pierrette, pour chavoir faire la choupe !…
Le fait est que ch’est chavoureux… (Il trouve des mèches dans son assiette.) Tiens !… qu’est-ce que ch’est aussi que cha ?
Ah ! je chais ce que ch’est.
Ch’est des mèches de chandelles !
Comment, monsieur Marcachu, vous avez mis des chandelles dans la marmite ? ch’est du luxe !…
Ah bah !… le jour de votre fête, mam’jelle Pierrette, on peut bien fair un petit extra.
Cha donne un bien bon goût !… (Il trouve encore un bouquet dans la marmite.) Ah cha !… v’là un bouquet à present !… Il y a donc de tout dans cette choupe !… cha fait une fameuse julienne !
Ch’est un potage printannier ; mais comment ce bouquet se trouve-t-il là ?…
Je chais encore ce que ch’est ; ch’est mon bouquet que j’ai apporté pour votre fête, et que j’ai caché ochtenchiblement dans la marmite.
- Cha va !… En avant la chansonnette !…
- Ah ! comme nous nous amujâmes
- L’aut’ jour chez l’ pèr’ Cochignats !
- Nous n’étions ni hommes ni femmes,
- Nous étions tous Auvergnats !
- Nous n’étions ni hommes ni femmes !
- Nous étions tous Auvergnats.
- Ch’était la noche de Thomas
- Avec la mère Tomache,
- Thomas était gros et gras,
- Thomache était groche et grache.
- Ah ! comme nous nous amujâmes, etc.
- Nous n’étions ni hommes ni femmes, etc.
- On a mangé trois dindons
- Et deux chacs de pomm’ de terre,
- Le chidr’ coulait à plein verre
- Pour fair’ passer les marrons !
- Ah ! comm’ nous nous amujâmes
- L’aut’ jour chez l’ pèr’ Cochignats, etc.
- Nous n’étions ni hommes ni femmes, etc.
- Y en a qu’en avaient tant pris,
- Qu’ils en chont morts chous la table…
- L’histoir’ m’ paraît agréable,
- Et v’là plus d’huit jours qu’ j’en ris !
- Ah ! comm’ nous nous amujâmes, etc.
- Nous n’étions ni homm’ ni femmes, etc. MARCACHU.
- Nous n’étions ni homm’ ni femmes, etc.
Oh ! que ch’est bien chanté, mam’jelle Pierrette ; vous me faites l’effet de l’orgue de Barbarie de la foire !
Taisez-vous, flatteur !…
Est-il galant !… est-il galant ! (Il met avec colère sa cuiller dans la marmite.) Encore une tournée de choupe ?…
Cha va !
Après avoir chanté cha nous rafraîchira.
Qu’est-ce que ch’est encore que cha ?…
Ah ! fouchtrr !… (Haut.) Je sais ce que ch’est…
Ch’est un choulier !…
Mon choulier !… je le reconnais !… qu’est-che qui l’a mis dans la marmite ?…
Qui ? qui ?… je ne sais pas moi.
Ah ! monsieur Marcachu, mais ch’est très-chale cha !
Cha n’est pas que ch’est chale… mais cha tient de la plache !
Ch’est lui qui l’a caché dans la choupe !…
Eh bien ! oui, là !… ch’est moi !… pour que vous n’alliez pas danser avec ce gouja !… à qui je cacherai la margoulette.
Bigre !
Silence !… Est-ce qu’on va encore se battre ?… Après che qui arrive, mon choix est fait ; je n’épouserai jamais un homme qui a l’indélicateche de mettre des chouliers dans la choupe, et qui me fera aller danser avec des sabots.
Le fait est que ch’est ignoble !…
Ah ! ch’est comme cha !… Eh bien ! nous j’allons rire !…
Ah mon Dieu !… il casse mon ménage !…
Et la vaichelle aussi !… v’lan… (Il prend les assiettes et les jette une à une par la fenêtre ; on les entend se briser.) V’li ! v’lan ! tout y pachera !
Mais ch’est une horreur !…
Et puis le saladier que j’oublais !… v’lan !… (Il prend un saladier et le jette par la fenêtre.)
Quelle fureur !
Scène IX.
Il remporte aussi cha marmite avec la choupe ? Et vous avez laissé faire, monsieur Chapailloux ?
J’allais l’assomma, fouchtrra ! mais il ne m’en a pas donné le temps.
Après tout, j’aime mieux cha ; il vous aurait cassé aussi ; maintenant qu’il n’est plus là, donnez-moi la main ; je vous épouse… et voici mon gage ! (Elle lui tend la joue.)
- Je vous épouse et je vous tends la main ;
- Sur tous mes amoureux, j’ vous donn’ la préférence !…
- Merchi ! cent fois merchi. J’ai peur que le gredin
- Ne revienne… et j’en tremble d’avanche !
- Qu’avez-vous donc ?… vous hésitez !…
- Moi ? par exemple !…
- Et l’on dirait que vous tremblez !…
- Il n’est plus là ?… C’est le plaisir qui me suffoque !
- Et du Marcachu je me moque !…
- Le bonheur nous attend,
- Rechevez mon cherment,
- Voici ma main !
(Chapailloux va pour donner sa main à Pierrette, lorsque Marcachu paraît au fond ; Chapailloux retire vivement sa main, et s’éloigne avec inquiétude. Musique à l’orchestre. Marcachu apporte une chaise neuve et une pile de vaisselle ; il s’avance silencieusement, dépose sa chaise par terre, pose sa vaisselle sur la table, puis il s’en va au fond prendre la marmite qu’il a déposée sur le seuil et revient la mettre aux pieds de Pierrette. À ce moment on entend, dans la coulisse la ritournelle d’une bourrée.)
- Voilà la fête qui commenche,
- Allons tous à la danche !
- Ah ! cette fois, voichi ma main.
À part.)
- Il n’est pas si méchant… qu’il était che matin !
- Pardonnez-moi, et donnons-nous la main,
- Je s’rai votre témoin et j’ garde l’espéranche,
- Si l’ciel vous donne un moutard l’an prochain,
- Qu’à Marcachu comm’ dans la Dame blanche
- Vous permettrez d’en être le parrain ! (bis.)
- À Marcachu, comm’ dans la Dame blanche,
- Nous permettrons d’en être le parrain.
- Ah ! comm’ nous nous amujâmes
- L’autr’ jour che le pèr Cochignats !
- Nous n’étions ni homm’s ni femmes
- Nous étions tous Auvergnats !