La Revue des Deux Mondes en 1870-71

La Revue des Deux Mondes en 1870-71
Revue des Deux Mondes6e période, tome 33 (p. 39-72).
LA
Revue des Deux Mondes
EN 1870-71

Au début de l’automne 1914, malgré les menaces qui pesaient sur Paris, malgré les questions angoissantes que se posait le Directeur de la Revue des Deux Mondes, celle-ci ne cessa pas de paraître. Elle dut cette continuité de vie à son directeur, le regretté Francis Charmes, à la rapidité de sa décision, à son énergique persévérance : il continuait la tradition de la maison.

En effet, quarante-quatre ans auparavant, lors de l’invasion de 1870-71, le fondateur de cette même Revue se trouva aux prises avec les mêmes difficultés.

Pourtant, et en dépit des événemens chaque jour plus tragiques, nos défaites et l’investissement de Paris, François Buloz lutta avec fermeté pour conserver à sa Revue, au milieu de la tourmente, l’indépendance et la vie. Les volumes de cette époque semblent étroits, comparés à ceux qui les précèdent ; mais à combien de tribulations le directeur eut-il affaire ! Enfermé volontairement dans Paris assiégé, bientôt dans l’impossibilité de correspondre au dehors avec ceux de ses rédacteurs dont le concours aurait pu lui être assuré, en proie à mille ennuis matériels, redoutant chaque jour la déception du lendemain, il fit face à tout.

A peine les angoisses du siège furent-elles terminées, que d’autres épreuves surgirent : la Commune.

C’est le chapitre de ces jours douloureux que je voudrais résumer ici. Ceux qui en furent témoins et les rédacteurs les plus fidèles sont morts aujourd’hui. Mais avec les souvenirs que les miens m’ont laissés j’ai pu recueillir, dans les correspondances de cette époque, bien des témoignages qui font revivre encore l’histoire de ces temps disparus...

En juillet 1870, François Buloz, âgé, usé par un travail incessant de quarante années et des inquiétudes de toutes sortes, récemment accablé par la perte du plus tendrement aimé de ses fils [1], restait d’esprit aussi vigoureux qu’autrefois.

Pourtant, à la fin de sa vie, sa mauvaise vue lui refusant tout service, il se faisait lire les œuvres qu’on lui envoyait ; il suivait cette lecture avec intérêt, ne laissant passer ni une erreur, ni une faute de français, car cet homme, dont la légende a voulu faire un ignorant, avait reçu à Louis-le-Grand une instruction solide, et préparé ensuite Normale. On se souvient qu’il disait à Maxime Du Camp à propos de Mérimée : « Pas un seul d’entre vous ne connaît la grammaire ! » et Maxime Du Camp admettait qu’ « après tout c’était bien possible [2]. »

J’ai pu ajouter à la volumineuse correspondance de la Revue des Deux Mondes, correspondance qui s’étend de 1830 à 1877, maintes lettres de François Buloz, retrouvées ici ou là, au hasard d’une vente, ou communiquées par les enfans ou petits-enfans de ses correspondans d’autrefois. C’est dans ces lettres que se manifeste le mieux son ardeur à combattre et que parait le plus son amour pour la Revue. Écrites hâtivement, sur un coin de bureau, ou de sa maison de Savoie, pour rappeler à l’ordre son fils ou son secrétaire, il est là tout entier. Il les harcèle et les tourmente, déplore leurs lenteurs, blâme leurs négligences, donne des ordres, lance des arrêts. On le sent vibrant, ardent, furieux et... magnifique.

« Je vous prie en grâce, mon cher Radau, de ne vous occuper que du numéro, et de ne pas recevoir les C... V... dont je n’ai rien reçu et à qui je n’ai rien à répondre. Si vous ne leur fermez pas la porte, on vous prendra votre temps et vous ne ferez rien de bon. A la Revue donc, et rien qu’à la Revue ! » Encore : « Pensez à Fromentin ; que devient Saint-René ? Il avait promis... Qu’avez-vous pour le numéro ? — Un tel, un tel, un tel ! ! ! — On ne fait pas un numéro avec cela ! »

D’un de ses rédacteurs il écrit avec impétuosité : « Il cite Michel B… jusque dans sa plus mauvaise langue : Les germes semés ! ! ! J’ai enlevé le passage à cause de ce barbarisme ; on sème des graines, on ne sème pas des germes. Est-il possible que des professeurs au Collège de France ne sachent pas cela ?… »


I

Au début de juillet 1870, après les menaces de guerre qui semblèrent conjurées le 12 par la réception de la dépêche Olozaga, F. Buloz se rendit en Savoie. C’était son habitude, hiver comme été, chaque quinzaine, après le numéro, d’y emporter les épreuves du numéro suivant. Il se reposait ainsi dans son pays d’origine, en travaillant encore, sous le toit de sa maison de Ronjoux qu’il aimait.

Mais deux dépêches vinrent, cette année-là, l’y troubler de nouveau. Il fallait, à ce moment, quinze heures pour se rendre à sa propriété, — un vrai voyage, — et, depuis son départ de Paris, les événemens s’étaient succédé avec rapidité : la demande de garantie réclamée par l’opposition[3] avait été accueillie à Saint-Cloud, transmise à notre ambassadeur Benedetti, qui eut pour mission de la soumettre au roi Guillaume, On sait l’accueil que le Roi fit à notre ambassadeur, accueil suivi de la trop fameuse dépêche d’Ems. La déclaration de guerre éclatant aussitôt après ces événemens, — le 19, — la présence du fondateur devint nécessaire à la Revue ; on lui télégraphia donc, et il se hâta de revenir.

Le 21 juillet, il trouva Paris « ronflant comme un tambour, » et la population électrisée par un vif enthousiasme. À cette époque, About écrivait : « J’ai quitté Paris à regret hier soir ; il était vraiment beau. Jamais le peuple de la grande ville ne m’avait paru si animé, si fier, si content de lui-même, depuis le départ de l’Empereur pour la campagne d’Italie en 1859… »

Faut-il s’en étonner ? F. Buloz ne subit pas le même enthousiasme ; il fut tout de suite accablé de tristesse à la pensée du sang français qui allait couler. Malgré cela, il eut, jusqu’au bout, confiance dans les destinées de sa Patrie, et crut, à chacun de ses revers, qu’elle se relèverait et qu’elle triompherait en dernier ressort.

Ardent patriote, il souffrit cruellement des malheurs successifs oui fondirent sur la France ; il les constatât avec amertume ils l’accablaient, mais il n’aurait pas voulu qu’on s’en lamentât devant lui ; à l’annonce de chacun de nos désastres, il pensait à la victoire prochaine qui l’effacerait, et le pessimisme qu’il rencontrait autour de lui l’exaspérait.

Cependant, le 1er août, il écrivait à George Sand. «... Dans quelles terribles affaires nous entrons avec cette guerre sauvage ! Dieu veuille que notre armée réussisse à châtier tant d’insolentes prétentions et d’ambitions cupides ! Il n’est question à Paris que des mauvais traitemens infligés aux Français attardés au-delà du Rhin ; ici, au contraire, ou accueille comme avant les Prussiens restés en France, et il doit en être ainsi [4]. »

A cette heure, revenu à Paris avec Mme F. Buloz et son fils Charles qui devait, depuis la mort de l’ainé, succéder à son père dans la direction de la Revue, F. Buloz songea d’abord aux difficultés auxquelles il lui faudrait faire face, concernant ses rédacteurs dispersés, car, au début, il ne s’arrêta guère à l’éventualité d’un siège ; il ne pensa qu’à paraître chaque quinzaine, en composant des numéros intéressans. Aussi fit-il appel aux bonnes volontés de ses collaborateurs.

Beaucoup étaient au loin. George Sand à Nohant allait, à la fin de septembre, en être chassée par une épidémie de variole terrible, qui la força d’émigrer dans la Creuse ; Cherbuliez a Genève, Fromentin à la Rochelle, Saint-Marc Girardin a Magnac-Bourg, Michel Chevallier à Asnelles ; quant à Montégut il avait disparu, et ses amis s’inquiétaient, le croyant mort ou fou.

Au commencement de la guerre, et malgré leur éloignement, les rédacteurs pouvaient encore envoyer leurs travaux, mais petit à petit, et à mesure que l’invasion se rapproche, les communications deviennent difficiles, puis impossibles, lorsque le réseau qui se resserrait se referme autour de Paris.

Le 17 août, la France, après les défaites de Wœrth et Frœschwiller, subissait l’invasion ; depuis le 9, le siège était mis devant Strasbourg, nos armées s’étaient battues sans relâche à Borny et à Rezonville-Mars-la-Tour. La nouvelle de cette dernière bataille avait été reçue à Paris avec transport : on en avait fait une victoire [5]. Ce n’était qu’une demi-défaite, et F. Buloz écrit à George Sand : « Les nouvelles sont un peu meilleures, on a réussi à se concentrer en repoussant l’ennemi, et en lui faisant éprouver de lourdes pertes [6]. Cependant, ce sera long si on veut rester sur la défensive pour harasser les Prussiens, et dans tous les cas, Paris ne sera pas un agréable séjour, puisqu’on pense à battre l’ennemi sous ses murs avec une armée par derrière et une armée par devant, » — puis comme le romancier doutait qu’on pût lire ses romans à de pareils instans, il écrit : « On vous lira malgré tout, croyez-moi [7]. »

On le voit, F. Buloz conservait, à travers nos épreuves, un espoir tenace.

Victor Cherbuliez, qui lui était très affectueusement dévoué, voyant la tournure que prenaient les événemens, lui avait offert de le rejoindre à Paris..., de passer avec lui ces heures cruelles, de l’aider dans sa tâche. Mais le directeur de la Revue avait refusé l’offre délicate de son ami. « Cherbuliez était marié, il avait trois enfans, il ne devait pas venir s’exposer ainsi dans la France en guerre [8]. »

Le 19 août, Cherbuliez est à Saint-Cergues avec son père souffrant ; il suit anxieusement la marche des armées, et il écrit à F. Buloz son impression, l’opinion qu’il se fait…, ses espoirs. Hélas ! comme tous, il se leurrait : « Je suis très heureux de voir que vous regardez les événemens d’un œil moins sombre. Quoi qu’en disent les bulletins prussiens, il parait positif que dans cette grosse affaire du 17 [9], le maréchal Bazaine, qui avait en tête deux armées prussiennes, a maintenu ses positions, et que l’ennemi a fait des pertes si considérables qu’il a demandé un armistice. Voilà un événement de bon augure. Comme vous le dites, la crise sera longue ; elle ne sera pas au-dessus des forces et du courage de la France. Mais que dire d’un gouvernement qui a engagé une telle partie sans être prêt, et en faisant croire au pays qu’il l’était ? Il me semble que ce gouvernement s’est rendu impossible, et il suffit de lire la proclamation du général Trochu [10] pour être assuré que la République existe aujourd’hui de fait.

«...Quelles cruelles journées vous avez traversées ! Si, contrairement à mes vœux les plus ardens, la situation s’assombrissait de nouveau, et que la Revue eût besoin de faire appel à ses ouvriers, ils ne lui feraient pas défaut. En ce qui me concerne, je tiens à vous réitérer l’assurance que je vous ai fait donner par ma femme.

« Dans quelle attente fiévreuse nous vivons ! Heureusement, le temps est cette fois-ci un auxiliaire de la France. Il parait que les forces qui se concentrent à Châlons sont considérables. C’est pour cela que les Prussiens avaient si fort à cœur d’écraser l’armée du Rhin sous les murs de Metz. Ce qu’a fait ces jours-ci le maréchal Bazaine encourage les espérances qu’il inspirait. Ce n’est encore qu’un commencement, mais c’est quelque chose que de commencer, quand on prend en main une partie si déplorablement compromise... [11]. »

Les deux amis avaient donc bon espoir ; ils ne se laissaient pas aller au découragement, malgré tant de désastres déjà.

Charles de Mazade qui, à Paris, continua fidèlement sa chronique pendant tout le siège, écrivait alors : « Est-ce qu’on s’énerve dans les découragemens mortels ou dans les effervescences stériles ? Nullement ; il y a une sorte de tranquillité ferme et résolue, on n’entend plus de cris dans nos rues ; dans le pays, il y a de l’émotion sans doute, et point d’hésitation... » Cette opinion de Mazade sur « la confiance nouvelle qui s’est réveillée et se proportionne au péril public, » c’est l’opinion de la Revue.

Chaque jour, comme dans les jours heureux, on se réunit près du vieux fondateur. On vient prendre « l’air de la maison, » connaître les nouvelles, les commenter, discuter à perte de vue sur les événemens, enfin l’aidera composer les numéros, souvent difficiles. Les fidèles sont là : Louis Vitet, Gaston Boissier et Perrot, Ernest Renan et Mézières, Mazade, Mignet, tant d’autres...

Cependant, la situation empirait ; la nouvelle des événemens de Sedan porta un coup mortel aux plus vaillans. F. Buloz accueillit avec satisfaction la République ; il pensait qu’elle sauverait la France, et, quoique ne se dissimulant pas le danger terrible que celle-ci courait dans cette aventure, il se reprenait à espérer.

Voici une lettre de Victor Cherbuliez du 11 septembre ; son opinion sur les Prussiens de 70, leur ambition colossale, leur Dieu, etc., on croirait cette lettre datée d’hier.

« Votre lettre, mon cher ami, m’a fait du bien. Elle me prouve que votre courage ne s’est pas laissé abattre, que vous êtes debout, à l’œuvre, comme la France. Et pourtant, que de coups frappés autour de vous ! Ce pauvre Montégut !

« Il est certain que, dans toute l’Europe, l’opinion se désabuse ou se réveille. En Angleterre, il n’y a qu’un cri pour demander au gouvernement une intervention active. Qui ne se sentirait menacé par cette colossale ambition, si peu soucieuse de dissimuler ses appétits ? Je ne serais pas étonné qu’au quartier général prussien, il n’y eût partage d’opinions et de sérieux dissentimens ; mais le roi Guillaume est ivre de ses succès, et sûr de son Dieu. Quelqu’un qui est souvent bien informé me disait hier que, pour le cas de pression active et menaçante, il ne traitera pas avec la République, ce nom le fait frissonner ; son premier exploit fut d’étouffer à Baden dans le temps l’insurrection républicaine. Selon le quelqu’un que je cite, l’idée du Roi serait d’imposer à la France l’Impératrice récente et Napoléon IV. Ce serait le seul gouvernement qui pourrait lui faire toutes les concessions qu’il désire. Il se plaît à croire que le paysan français mordrait à cet hameçon, qu’il serait facile d’obtenir de lui un nouveau plébiscite à l’aide de quelques désordres sanglans qu’on fomenterait dans une ou deux grandes villes. Voilà le plan que lui attribuerait mon informateur. C’est vraiment supposer qu’il n’y a plus de France ni plus d’Europe. Comme vous, je suis républicain à outrance ; c’est le seul salut possible, et ce sera la vengeance.

« On assure que le général Trochu est loin de désespérer ; vous devez savoir ce qu’il pense de la situation. Patience, espérance, tout est là ; l’horrible cauchemar où nous vivons prendra fin.

« Ma femme vous envoie ses plus cordiales amitiés. A vous plus que jamais [12]. »

Voici la réponse de F. Buloz ; elle est datée du 18 septembre, c’est une des dernières lettres qu’il ait écrites avant l’investissement :


REVUE DES DEUX MONDES
PARIS
17, rue Bonaparte, 17


Paris, le 18 septembre 1870.


« Mon cher ami,

« L’ennemi nous enserre de plus en plus, et nous voici bientôt bloqués. Pourtant, je persiste à dire que Paris fera une très bonne contenance, aura une grande vigueur, et que nous nous relèverons de l’abîme.

« Je voudrais aussi faire bonne contenance et que la Revue maintint sa situation. C’est pourquoi il faut que nos collaborateurs du dehors et des départemens nous prêtent un vif et ardent concours. Vous ne m’avez rien dit à ce sujet dans votre dernière lettre, et pourtant je compte tout à fait sur vous. Rassurez-moi sur l’époque où vous pourrez m’adresser votre manuscrit, qu’il faudrait me faire tenir par la légation suisse [13]. Chose singulière, la Revue va aussi facilement en Allemagne que par le passé ; ce sont les départemens envahis qu’il est difficile de servir.

« Nous avons reçu une lettre de Montégut qui, heureusement, n’est ni mort ni fou ; il s’est tout simplement réfugié à Limoges, dans son pays.

« Tout à vous,

« F. BULOZ. »


Mme F. Buloz ajoutait :

« Vous voyez, mes chers amis, où nous en sommes, Edouard [14], qui descend la garde, dit qu’on va se battre à Châtillon, et que l’ennemi est dans le bois de Verrières. On a beaucoup brûlé ces nuits dernières depuis Meudon jusqu’à Clamart, mais pas assez pourtant. L’esprit est bon à Paris, on veut se défendre. La population entière est sous les armes, depuis les enfans jusqu’aux grands-pères. Que Dieu nous assiste, qu’il nous fasse sortir de l’horrible position où nous sommes !

« Marie [15] est arrivée, je l’espère, à la Rochelle hier, sa dernière lettre, celle de ce matin, est datée d’Angers. La pauvre chère a eu une peine extrême à traverser ce biais si encombré... Mes chers amis, quelle douleur d’être ainsi séparés. Je suis bien accablée. On va se battre vers Châtillon et Verrières, toujours ce bois envahi.

« J’établis une ambulance chez moi au quatrième. Nous allons mettre le drapeau et les brassards de Genève. Me voilà, ainsi que ma bonne voisine, transformée en infirmière ! Hélas ! mes chers amis, à quoi serions-nous bonnes ici, si ce n’était à cela !

« Mon mari me charge de vous rappeler tout ce qu’il attend de vous pour la Revue. Moi, je vous rappelle ce que j’attends de votre dévouement, de votre amitié surnaturelle, si l’Ouest était menacé, si Marie vous appelait à son secours... écrivez-lui, je vous en prie... Maintenant, embrassons-nous, je vous aime de tout mon cœur.

« C. B. [16] »

On le voit, Mme F. Buloz, énergique elle aussi, se multipliait. C’était une femme d’une haute intelligence, douée de l’esprit le plus fin, la digne collaboratrice d’un tel homme. Elle l’avait, à ses pauvres débuts, encouragé et soutenu, et certainement cette charmante présence lui avait maintes fois allégé sa tâche ; elle aimait à rappeler que, dans les temps difficiles, elle avait été seule, dans un moment de crise, avec Sainte-Beuve, à croire aux destinées de la Revue.

Fille du musicien-chroniqueur Castil Blaze, Christine Buloz tint de lui l’amour de la musique et des lettres, elle tint aussi de lui sa vivacité de Provençale, — elle était née à Avignon, — et son esprit. Petite, mince, brune, fluette, sous son apparente fragilité, elle cachait une vive énergie. Romanesque un peu, un brin sentimentale, elle aimait les romans de Mme de Duras, savait André Chénier par cœur, et chantait pour moi, lorsque j’étais enfant, les Noëls et les Reveyés de son pays en provençal... Son mari, qui intimida tant de gens, ne l’intimida jamais ; une seule question les divisa dans leur jeunesse : la religion. On pense que cette Provençale était fort pieuse, et François Buloz, enfant de 48, fort voltairien. Mais leurs discussions religieuses se terminaient invariablement par ces mots de Mme Buloz : « Tu auras beau dire, si tu meurs le premier, je ferai venir un prêtre ! » F. Buloz se dressait alors, terrible : — « Christ ! je te défends !... — Mais elle, secouant ses anglaises, lui répétait : « Tu l’auras, compte sur moi ! » et elle souriait.

En 1869, elle perdit sa gaieté à la mort de son fils. Je n’ai pas connu Louis Buloz, je sais que ce fut un être délicieux, doux, presque féminin, modeste, épris des lettres, ami des lettrés. Autant le père était parfois rude, intransigeant même, autant le fils, à ses côtés, fut affable et conciliant ; l’un taciturne, s’extériorisant peu, l’autre volontiers mondain, et aimant la causerie. Tous deux s’entendaient pourtant ; ce père et ce fils si différens se retrouvaient dans leur commun amour pour la Revue, dans leur goût passionné du travail.

Les collaborateurs de la maison aimaient ce « jeune disciple, » ils considéraient la Revue un peu comme leur maison et Louis, qu’ils avaient vu tout jeune, un peu comme leur enfant... Louis Buloz mourut à vingt-sept ans, après une longue maladie. Sa mère, qui l’avait emmené quelques mois avant dans le Midi, puis en Savoie, où il voulut mourir, le ramena à Paris dans son cercueil.

Elle fut terrassée. Mais, lorsqu’un an après, l’orage éclata, elle se ressaisit et fit de son mieux pour contribuer au sauvetage de la Revue.

En vérité, elle avait plus d’une tâche à remplir, dont la moindre n’était pas d’affecter la confiance et l’espoir, alors qu’elle pleurait son enfant. Cependant, à George Sand, de temps à autre, elle confiait discrètement sa peine ; celle-ci aussi était mère, elle savait comprendre la douleur des autres mères, et la pieuse Mme F. Buloz eut toute sa vie pour George Sand une fervente affection... Lélia l’aimait. Autrefois, dans leur jeunesse, les différends entre le directeur de la Revue et le romancier furent fréquens, vifs souvent. Mme Buloz les apaisait, et George Sand l’appelait : « le petit ange de paix. »

Donc, auprès d’elle, Mme F. Buloz pleurait son fils, « la joie de ma vie et de mon cœur, la sécurité de l’avenir, la protection, le guide de sa sœur et de son frère, l’aide, l’ami de ce pauvre vieil homme qui se reposait avec tant de confiance sur l’intelligence, la douceur, la bonne grâce de ce cher disciple... Vous comprenez cela, n’est-ce pas ? Il suffit d’être mère, il suffit d’avoir connu l’enfant que nous pleurons [17]. »

Mais ces abandons étaient rares ; d’ailleurs sa vaillance lui devint nécessaire ; pour les sacrifices, elle était prête à les supporter : elle avait consenti le plus douloureux.

En septembre 1870, sa sœur, Mme Rosalie Combe, qui habitait la Provence, s’inquiétait de la situation ou Mme Buloz allait incessamment être acculée, enfermée dans Paris. Mais l’assiégée la rassure avec sérénité ; pour un peu même, elle reprocherait à sa sœur de ne pas considérer les événemens avec suffisamment de sang-froid.

« Ma bonne et chère sœur, lui écrit-elle, calme-toi, je t’en supplie. Nous allons subir une crise, mais Dieu permettra qu’elle ne nous accable pas. » D’ailleurs, elle compte sur la défense qui « va être héroïque ; Paris est plein de soldats bien déterminés, les fortifications sont solides, les forts armés et défendus par les marins, les meilleurs artilleurs du monde, » puis elle termine crânement par ces mots : « Je vous écrirai jusqu’à ce qu’on nous enferme [18]. »


II

Ils furent enfermés le 19.

François Buloz se débattit un instant entre ces deux alternatives : sortir de Paris et se réfugier à Ronjoux, si la Revue ne pouvait plus continuer de paraître, ou, si elle avait une seule chance de durée, rester à son poste de travail coûte que coûte.

Or, après avoir compté son monde, il conclut que, les ressources matérielles ne manquant pas, avec les rédacteurs présens on pourrait faire les numéros, chacun s’y mettant et apportant son aide à l’œuvre commune... l’avenir était bien noir, mais le fondateur aurait considéré le départ, dans ces conditions, comme une défection : il fallait durer, alors il resta, et dura.

Avec un personnel de plus en plus restreint, le plus souvent sans l’aide de son fils appelé au dehors par le service, il fit, je l’ai dit, face à tout. On a affirmé que la guerre l’avait miné, qu’il était mort de la guerre, c’est possible, et ceux qui ont fait cette remarque l’ont suivi de près et connurent son intimité ; d’ailleurs il a dit lui-même que ces mois de siège comptèrent double dans sa vie. Il donna là un gros effort de travail, mais un effort moral plus douloureux encore : ce vieux combattant tint à prêcher d’exemple et, avec sa Revue, voulut relever l’énergie de ceux qui la liraient, exalter leur patriotisme, réveiller leur foi. Il travailla jusqu’à tomber de fatigue, il passa souvent ses nuits ; il ne fut pas malade, il ne fut malade qu’après, alors il se sentit, comme on dit, « touché. » Mais tant qu’il se vit utile, il voulut continuer : il y mettait son point d’honneur.

Cependant, il craignit de manquer de copie. On a vu qu’il en demandait à Victor Cherbuliez au moment où Paris allait être isolé du reste de la France, il en demanda à George Sand, qui put lui faire parvenir les derniers feuillets de Césarine Diétrich avant l’investissement, puis pendant l’armistice, le Journal d’un voyageur pendant la guerre, et Francia. Il fit appel à A. Mézières, E. Caro, M. Du Camp, Renan, Saint-Marc Girardin, tourmenta Sandeau en vain, obtint d’Auguste Barbier Les fils des Huns, de Sully Prudhomme les Stances sur le siège et la charmante Mare d’Auteuil


Où mille insectes fins viennent mirer leur aile...


publia des nouvelles d’Erckmann-Chatrian, d’Albane [19], d’Amédée Achard ; des articles de Quatrefages, Blanchard, Fustel de Coulanges, Georges Perrot, Gaston Boissier, Paul Leroy-Beaulieu, Michel Chevalier, A. Calmon, Louis Reybaud, Augustin Cochin, et fit débuter, dans un travail intitulé : Le champ de bataille de Sedan, un jeune auteur qui lui sembla avoir la plume facile : M. Jules Claretie.

Mais tous ceux qui ont travaillé à la Revue pendant le siège ont-ils signé leurs travaux ? J’ai sous les yeux le procès-verbal de la première réunion d’actionnaires qui eut lieu après tous ces événemens, le 30 octobre 1871, et je relève ceci... « La Revue n’a pas cessé de paraître, seule de tous les recueils périodiques, grâce à l’activité de la direction, grâce à l’honorable président du Conseil, qui non seulement relevait les courages, mais prêtait encore l’appui de sa plume éminente, etc. » L’honorable président du Conseil de surveillance était alors Mignet : son nom ne paraît sur aucun sommaire.

A George Sand, au fond de son Berri, F. Buloz continuait d’envoyer les épreuves de Césarine Diétrich. Avant que Paris ne fût fermé, il lui avait écrit :

« Je vous envoie l’épreuve de votre quatrième partie ; je vous serais obligé de me la rendre le plus tôt que vous pourrez, car je crains de voir Paris bientôt complètement fermé. Je ne sais trop ce que j’y ferai pendant cette terrible crise, mais il faut que je m’efforce de continuer notre publication à tout prix, dussé-je y périr.

« Cela me coûte pourtant, et j’ai un moment pensé à vous aller voir pour me rendre à Ronjoux, car il n’y a plus d’autre chemin, et je ne sais pas si je ne serai pas contraint de le faire, lorsque les articles et les papiers me manqueront. Ce serait pourtant un déshonneur autant pour moi que pour les écrivains qui manquent à mon appel.

« Beaucoup ont fui. Il n’y a guère de vaillans comme vous, et je vous remercie de n’avoir pas manqué à ce moment suprême...

« Il n’y a plus que la République pour sauver la France, et je m’y rallie à tout jamais. Je voudrais la voir faire le tour de l’Europe et porter notre vengeance au delà du Rhin.

« L’Empire nous a trompés de la façon la plus odieuse, et nous a lâchement livrés à l’étranger. Il faut que la France se lève tout entière contre l’envahisseur ; j’espère qu’elle le fera, je le dis tous les jours autour de moi, surtout aux miens, et mon dernier fils va tous les jours aux fortifications, bien décidé à faire son devoir.

« Cela me rend ma tâche plus difficile avec ma mauvaise vue. Dans ces circonstances, aidez-moi de toutes vos forces, et dites-moi si Maurice ne pourrait pas prendre la place que vous allez laisser libre.

« Tout à vous cordialement.

« F. B.

«. Donnez-moi du courage pour continuer ma tâche, « jusqu’à toute extrémité, » comme dit ce pauvre général Uhrich. Dieu veuille que Paris nous relève ! Pour moi, je suis plein de confiance de ce côté. La seule chose qui l’ébranle quelquefois, c’est l’audace de M. de Bismarck et de ce vieux Roi... Comme ils marchent sur le cœur de la France [20] ! »

Mais George Sand craint de voir Paris fermé avant que les épreuves ne parviennent à la Revue. « La ligne est coupée, écrit-elle à son ami, et je ne reçois votre lettre et les épreuves qu’aujourd’hui 19. Je vous réponds et vous envoie lesdites épreuves par le courrier de ce soir. Les recevrez-vous ? Je l’ignore. Si vous receviez la lettre sans les épreuves, passez outre en les revoyant avec soin. Nous sommes au milieu de la variole, qui sévit, dans nos petites maisons de paysans, autour de nous, avec une violence effrayante.

« Nous avons envoyé Lina et les enfans dans la Creuse. Nous restons au poste, Maurice et moi : mais nous n’osons vous engager à venir ici, car un de nos domestiques est déjà malade, et nous y passerons peut-être tous, — tous les fléaux à la fois !

« Je vous enverrai de la copie, s’il m’est possible. Maurice n’a rien. Soyez sûr que, jusqu’à mon dernier souffle, je ferai de mon mieux.

« A vous de cœur.

« G. S. [21].

« Mes vœux pour vous autres. »


Ainsi, le directeur et le collaborateur, à quelques heures l’un de l’autre, allaient être plus éloignés que s’ils avaient habite les deux bouts de l’Europe. L’isolement se faisait autour de Paris, le silence dans la province. « On nous dit qu’il y a de bonnes et grandes nouvelles, écrit George Sand le 26 septembre, nous n’y croyons pas. Paris investi, les lignes télégraphiques coupées ; nous sommes plus loin de l’activité que l’Amérique. » Les nouvelles qui lui parviennent sont décourageantes : « On dit que tout trahit, même Bazaine ; » ou surprenantes : « Des personnes qui connaissent Gambetta nous disent qu’il va tout sauver ! »

On accueillait tous les espoirs, on croyait aussi, et ceux qui avaient le plus combattu le fameux « caporalisme » y croyaient le mieux, à cette armée que le gouvernement de la Défense, « en frappant du pied, » faisait « sortir de terre. Même devant l’exemple qu’avait donné l’armée ennemie, entraînée, assouplie, exercée par une longue préparation, on supposait que celle qui « sortait de terre » pourrait lui résister, en triompher même, cette armée, que le comte de Bismarck appelait, dédaigneux, un « rassemblement de gens en armes, non une armée. »

Sa résistance, certes, elle fut héroïque ; on pouvait tout attendre de son esprit ; mais, hélas ! il fallut bien en convenir, « le plus clair, c’est qu’une armée sans armes, sans pain, sans chaussures, sans vêtemens et sans abri, ne peut pas résister à une armée pourvue de tout et bien commandée [22]. »


III

On sait que Paris, après l’entrevue de Verrières, fut indigné des prétentions arrogantes de l’ennemi ; plutôt que d’y accéder, « Paris, exaspéré, s’ensevelirait sous ses murailles [23], » s’écriait le gouvernement, et « la population tout entière se trouva réunie comme par enchantement dans une commune résolution de tenir bon jusqu’à la mort [24]. »

Cette résolution fut la même partout, et F. Buloz l’adopta avec passion ; on le verra dans sa ligne de conduite, on le verra dans les lettres à Ernest Renan, qui vont suivre. Ceci ne l’empêcha pas d’être sensible aux mille soucis de chaque jour, aux inquiétudes, au manque de nouvelles, et ce manque de nouvelles fut, pendant le siège, un de ses plus cruels tourmens, — elles arrivaient peu et mal, on en était réduit aux vagues conjectures ; même celles concernant les opérations qui se faisaient autour de Paris étaient inexactes, souvent démenties, et... que devenait l’armée de la Loire ? Que devenait la France ? « On ne peut évidemment douter qu’elle ne soit avec Paris, d’âme et de résolution, écrivait Mazade... Qu’a-t-elle pu faire depuis un mois ? Dans quelle mesure a-t-elle organisé ses forces ? » — C’était la nuit.

La crainte de ne pouvoir « durer, » pour la Revue, harcelait aussi F. Buloz ; il redoutait les obstacles matériels, ceux contre lesquels on ne peut pas lutter : le manque de papier, par exemple, ceci était sa hantise. Le directeur, alors, se voyait forcé de limiter le nombre de pages des numéros, de refuser les longs articles.

« Ce n’est pas le moment de perdre courage, quand l’espoir commence à renaître, lui écrivait Louis Vitet le 8 octobre, en le quittant. Dites franchement votre embarras à vos abonnés. C’est une des nécessités du Siège, un cas de force majeure s’il en fut. Au lieu de onze feuilles, n’en donnez que huit, ou même six. Mais paraissez, et annoncez que vous continuerez à paraître. Je vous promets de me mettre à l’ouvrage... » Je ferai tous mes efforts pour vous venir en aide ; mais, encore une fois, ne jetez pas le manche après la cognée, et soyez persuadé que le public vous saura gré des efforts que vous aurez faits [25]. »

Je ne sais si F. Buloz eut jamais l’idée de « jeter le manche après la cognée, » comme le craint ici Louis Vitet, peut-être en avait-il menacé ses amis ? Peut-être le directeur, ce soir-là, avait-il eu à se plaindre de quelque défection, ou était-il agité par des craintes nouvelles ? Dans ces occasions, il n’épargnait personne, et ses boutades étaient vives... Plus simplement, je pense qu’il avait dû peindre la situation de la Revue, — difficile en vérité, — sous un jour plus sombre, résumer ses maux, et cela le soulageait.

Sous l’Empire, alors que la Revue, à deux reprises différentes, reçut les avertissemens d’usage, François Buloz, qu’à ces momens-là le sommeil ne visitait guère, n’allait-il pas volontiers s’assurer, — vers deux heures du matin, — que sa famille reposait ? — « Sur un volcan ! » s’écriait-il, avec véhémence, « à la veille d’être supprimés ! » Demain, peut-être serait-on sur la route de Bruxelles ! il appelait cela « envisager la situation ! « D’ailleurs, il ne se décourageait pas pour si peu, et faisait d’avance son plan d’exil ; mais il éprouvait le besoin qu’éprouvent ceux que la souffrance ou la crainte font veiller, de communiquer aux siens cette crainte ou cette souffrance.

Très peu de temps après la lettre qu’on vient de lire, — le 15 octobre 1870, — Vitet commença d’écrire au directeur de la Revue ses Lettres sur la situation, lettres pleines de foi, qui « respiraient, au dire d’un contemporain, le patriotisme le plus ardent et le plus éclairé ; reproduites par tous les journaux, elles faisaient dans le public une sensation profonde. »

Pour en revenir à l’idée de résistance à outrance, ce fut toujours celle de F. Buloz ; il pensait qu’après Sedan, la résistance désespérée de la France était son rachat, et, à ce propos, il eut, avec Ernest Renan, maintes discussions.

La déclaration de guerre avait surpris Renan en Norvège ; il a écrit : « J’étais à Tromsoë où le plus splendide paysage des mers polaires me faisait rêver à l’île des morts de nos ancêtres celtes et germains, quand j’appris l’horrible nouvelle. » Il revint à Paris où il passa le temps du Siège et de la Commune, dans son appartement de la rue Vaneau.

F. Buloz, qui sollicita alors maintes fois sa collaboration, n’obtint de lui qu’un article sur la guerre en septembre 1870. Quoique Ernest Renan vînt souvent le voir et causer avec lui, il résistait à ces idées de lutte à outrance, et sur ce terrain, les deux hommes engagèrent de fréquentes, et du côté de F. Buloz de véhémentes polémiques.

Idéaliste de génie, Ernest Renan, qui avait, comme presque toute sa génération cru à l’Allemagne avant 70, fut violemment désillusionné par les épreuves cruelles qui atteignirent alors tous les Français. Découragé, il tomba dans le pessimisme le plus noir, il jugea la partie perdue, voulut se retirer de toute lutte. « Profondément convaincu, a-t-il dit, de ce principe qu’une force organisée et disciplinée l’emporte toujours sur une force non organisée et indisciplinée, je n’ai jamais eu d’espoir dans les efforts tentés pour continuer la lutte après le 4 septembre. »

François Buloz, au contraire, étant homme d’action, s’irritait de voir les esprits supérieurs renoncer à toute espérance, — il voulait que tout le monde fût debout et ces derniers en tête. N’ayant jamais cru foncièrement à l’idéalisme de l’esprit allemand, ni au désintéressement de ceux qui représentaient l’élite de l’intellectualité chez nos ennemis, il n’eut pas comme Renan de désillusion amère devant la révélation de cette barbarie, de ces mensonges, de cette outrecuidance, mais une violente indignation, et il reprocha souvent aux philosophes et aux représentans de la science française d’avoir placé trop haut certaines grandes figures prussiennes, Mommsen entre autres, qui se montrait, à l’heure de nos revers, et après avoir été si bien accueilli chez nous, le plus rude et le plus implacable de nos adversaires.

Ces quelques lignes m’ont paru nécessaires pour expliquer les lettres de F. Buloz qui vont suivre, lettres auxquelles, malheureusement, je ne puis joindre les réponses de Renan : je ne les ai pas retrouvées. D’ailleurs, je ne sais si Renan répondait par lettre aux argumens de F. Buloz. Les discussions des deux hommes avaient lieu le soir, et F. Buloz, avec sa nature belliqueuse, lorsque Renan l’avait quitté, le poursuivait encore d’un argument plus fort ou d’une preuve plus éclatante. Je pense qu’Ernest Renan, qui écrivait peu, se retranchait dans sa dialectique séduisante et subtile.

A la vérité, il nous est bien difficile de juger, avec notre esprit actuel, les intellectuels de 70.

La génération née après 70, sans avoir vu les désastres, a souffert des désastres, a été élevée dans la haine de l’Allemagne, et l’horreur de ses crimes. Celle qui est venue dix-huit ou vingt ans après, issue de la première, a épousé les mêmes querelles et adopté les mêmes tendances. La France ensuite, s’étant ressaisie et relevée, aux idées cette génération a joint le désir de l’action : nos enfans ont eu tout petits la passion de la Revanche, ce furent de petits nationalistes qui écrivirent « Vive Déroulède ! » sur les murs du lycée, dès qu’ils surent écrire, et qui fleurirent les statues de Jeanne d’Arc canonisée. Ce sont aujourd’hui, au rebours des générations d’idéologues qui les avaient précédés, de jeunes hommes d’action. Il est clair qu’ils ne peuvent comprendre les philosophes de 70, qui, à cette époque, conservaient, malgré tout, de grandes et belles espérances de paix future et de réconciliation universelle ! » « Utopies ! » s’écriait F. Buloz, qui ne partageait pas, lui non plus, ces rêves.

« Notre conversation d’hier, écrit-il à Ernest Renan le 22 octobre, m’a rempli d’humeur noire et de sombres pressentimens. Non, vous ne pouvez vous réserver pour des jours plus néfastes encore, et tous, nous devons d’abord tout faire pour prévenir et empêcher absolument ces jours funestes qui revenaient trop dans notre conversation d’hier. Ils ne viendront pas, ces jours plus néfastes encore, et nous vaincrons cet impitoyable ennemi qui nous cerne. Songez à ce jour-là, et non à d’autres. La France ne s’est-elle jamais relevée d’aussi bas ? A quoi sert d’ailleurs de songer à un désastre suprême, si ce n’est pour le détruire en animant tous les courages ? Vous prendrez certainement votre part dans cette lâche commune, et vous ne pouvez vous retirer de nous à l’heure où tant d’autres sont loin de Paris, et travaillent sans doute au salut public. Si la politique vous répugne, il y a d’autres manières de concourir au but que nous devons tous nous proposer, et certainement vous ne garderez pas le silence dans ce temps de malheur où tous les hommes de talent doivent faire entendre leur voix [26]. »

Après les nouvelles de la prise et du sac de Châteaudun, il lui écrit encore le 25 :

« Vous voyez l’horrible conduite de l’Allemagne en France et ce qu’elle vient de faire de cette petite ville de Châteaudun, qui a voulu défendre ses foyers. Il n’y a plus d’illusion possible, et ses savans, ses écrivains, Mommsen en tête, poussent avec furie au démembrement de notre pays. Il n’y a plus d’hésitations, si vous voulez garder l’Alsace et la Lorraine, qui ne veulent pas des Allemands. Lisez les manifestes de Mommsen dans la Perseveranza de la fin d’août, vous me direz ce qu’il faut attendre des sentimens de ces sauvages civilisés, comment aussi ils devaient recevoir vos appels à la conciliation des deux pays. Nous avons été dupes et il ne faut pas continuer ce rôle naïf, car ils y ajouteront l’offense.

« Tout à vous.

« F. BULOZ. »

Ainsi ce sont les historiens reçus en France par ce triste Empereur, introduits par lui dans nos archives, celles des Affaires étrangères notamment (à l’exclusion des écrivains français) comme Sybel et Mommsen [27], qui sont à la tête de la croisade contre la France ! Me dira-t-on ce que nous avons fait à ces charmans hôtes de ces dernières années [28] ? »

Il est de fait que la colère de F. Buloz contre Mommsen s’expliquait. Le 10 août, par l’organe de la Perseveranza, puis le 20, par celui d’Il Secolo, Mommsen, dans plusieurs lettres haineuses, cherchait à éloigner de nous les sympathies, et peut-être le secours de l’Italie.

« Ce n’est pas nous, disait-il, qui avons introduit chez un peuple d’une ancienne et charmante culture cette littérature aussi sale que les eaux de la Seine à Paris, qui gâte les cœurs de la jeunesse et corrompt les classes aisées de la nation. Ce ne sont pas les Allemands qui pourront jamais, ni ne voudront s’emparer de ce qui vous appartient justement, tandis que le berceau de vos rois est devenu un département français... si, comme le malheureux délivré des mains d’un voleur par un chevalier d’industrie, vous avez dû payer votre rançon à ceux-là mêmes qui s’introduisaient chez vous en se disant vos libérateurs, si votre liberté est incomplète et précaire, n’est-ce pas la main de la France que vous sentez sur vous ? Une seconde journée de Sadowa sur les bords du Rhin vous donnera la liberté complète et durable... » Il nous accusait aussi d’avoir préparé cette guerre pendant trente ans, etc.

Le 22 novembre, F. Buloz revint à la charge auprès d’Ernest Renan à propos de la circulaire de Jules Favre. Cette circulaire répondait à celle du comte de Bismarck parue quelques jours auparavant. La circulaire de Bismarck expliquait la rupture des pourparlers du chancelier avec M. Thiers, en accusant les membres de notre gouvernement d’avoir rendu l’armistice impossible par leurs exigences, d’ailleurs, « de n’avoir pas voulu sérieusement laisser l’opinion du peuple français s’exprimer par la libre élection d’une représentation nationale. » Jules Favre au contraire affirmait que le gouvernement français était prêt à convoquer cette assemblée, « si l’armistice avec ravitaillement le lui permettait ; » il ajoutait : « Je laisse à la conscience publique le soin de juger de quels côtés ont été les obstacles [29]. »

— « Lisez la circulaire de M. Jules Favre, mon cher monsieur, écrivait F. Buloz, et votre loyauté, votre sincérité ne pourront se refuser à voir où est la vraie ruse, le mensonge même. Vous ne pourrez non plus continuer d’accuser le gouvernement de repousser l’Assemblée nationale. Seulement, il la veut dans des conditions libres et rassurantes. Ceux qui la veulent autrement, veulent poursuivre des projets conçus dans je ne sais quelles intentions fâcheuses. Or, vous n’êtes pas de ces hommes-là.

………………………….

« Nous voulons nous faire estimer par une résistance honorable... Les ramollis sont ceux qui cèdent Sedan et Metz avec une armée de 100 000 hommes, non ceux qui préfèrent les dangers de la lutte, en un mot ceux qui la craignent [30]. »

En ce qui concerne l’Assemblée nationale, il faut rappeler ici qu’Ernest Renan publia dans les Débats de novembre 1870 trois articles relatifs aux élections... il en était très partisan, il estimait qu’il fallait y aviser immédiatement, se hâter de constituer une assemblée régulière élus par la nation, qui put traiter de la paix. L’armistice, qui devait permettre « d’assurer la liberté des élections, » n’ayant pas été conclu au début de novembre, et la question ayant été remise, Renan le déplorait ; il aurait voulu qu’on passât outre. « Il n’est pas admissible, disait-il, que la France se prive d’une fonction essentielle de sa vie nationale, parce qu’elle ne peut l’accomplir avec tout l’appareil ordinaire, et d’une manière uniforme dans toutes les parties de son territoire. »

Cependant, il est permis de se demander quelles auraient été de telles élections, sans armistice, pendant l’occupation allemande ; dans les départemens envahis par exemple ? Le résultat obtenu n’aurait-il pas été douteux, malgré l’assurance qu’avait donnée le comte de Bismarck à M. Thiers en lui déclarant que « même si le gouvernement voulait faire des élections sans armistice, le gouvernement allemand lui donnerait toutes facilités ! »

Enfin, le jeudi 1er décembre, les Débats publiaient le rapport de M. Thiers concernant son entrevue avec le comte de Bismarck.

La lecture de ce rapport émut vivement François Buloz. Thiers était son ami, il admirait en lui l’infatigable travailleur, il admirait surtout l’homme qui se consacrait si passionnément au sauvetage de son pays : il écrivit tout de suite à Renan dans l’idée de le convaincre, toujours, et cette fois l’argument lui paraissait sans réplique.

« Rien ne me lassera, bien que vous ne me répondiez pas, pour vous faire revenir à une plus juste appréciation de l’atroce politique de la Prusse. Etes-vous convaincu, maintenant, après le rapport de M. Thiers, que le roi de Prusse et le parti militaire prussien, non M. de Bismarck, n’ont jamais voulu traiter sans Paris, et sans l’Alsace et la Lorraine ? Il faut donc nous revenir, vous ne pouvez persister dans vos premiers sentimens. Un homme de votre talent doit être avec nous, sur des questions fondamentales, pour notre pays [31].

De fait, le rapport de Thiers, très sobrement écrit, donne une impression frappante de grande vérité ; on y voit clairement notre bonne foi, et la fourberie de nos ennemis. On se souvient que le chancelier de la Confédération du Nord, « très courtois, » semble d’abord tout admettre et tout accorder, puis il feint de se montrer hésitant, gagne du temps [32], bref sur la question du ravitaillement de Paris, aborde, lui, la question des « équivalens militaires. » Thiers lui demande ce qu’il entendait par là ? »

— « C’était, dit-il, une position militaire sous Paris, » et comme j’insistais davantage, « Un fort, dit-il... peut-être plus d’un, peut-être... » — « J’arrêtai immédiatement le chancelier de la Confédération du Nord.

— « C’est Paris, lui dis-je, que vous me demandez. » Les négociations furent rompues, on le sait, sur ces paroles, et Paris continua d’être enfermé, puis fut bombardé.

J’ignore ce que répondit Ernest Renan aux sollicitations de F. Buloz. « Vous ne pouvez vous réserver pour des jours plus néfastes encore... il faut nous revenir, » etc. Mais l’auteur de la Vie de Jésus se tint à l’écart : il préparait alors La Réforme intellectuelle.

En 1871 seulement, il revint à la Revue avec un article de politique contemporaine, et F. Buloz lui écrivait le 3 août :

« Votre travail, tout remarquable qu’il est, a deux inconvéniens pour nous, mais que vous pouvez faire disparaître, si vous le voulez. Il nous répète en quelques points relativement à nos désastres. Il répète un peu même votre article d’histoire philosophique sur la Société contemporaine, et il nous met hors de notre ligne en bien des points, ce qui est fort embarrassant. En outre, vous rabaissez tellement notre pauvre France qu’il n’y a plus qu’à l’enterrer ; est-ce ainsi qu’on peut la relever ? Vous n’êtes pas toujours juste non plus avec quelques-uns de nos amis, M. Thiers notamment, et ce pauvre Alfred de Musset, qui n’a pas réclamé le Rhin, mais qui s’est borné à répondre à une provocation du poète allemand.

« Je vous serais obligé de voir ce qui est possible dans votre révision de manuscrit, de causer avec mon fils et ces messieurs [33] des moyens de faire passer votre article sans trop nous mettre hors de nos voies. Voyez aussi, après l’article de M. de Laveleye [34], si nous pouvons nous jeter dans des aspirations monarchiques, au fond, l’auteur est pour la monarchie constitutionnelle, et cependant il ne repousse pas, tant s’en faut, la tentative qui se fait. Le pays est bien malade et il faut le traiter comme tel, le ménager, le traiter plus doucement... Tâchez de venir à ces accommodemens [35]. »

Renan demeurait donc découragé ; la Commune après le siège, l’occupation ennemie, les assemblées bruyantes, les soulèvemens populaires, autant d’amers souvenirs dans le passé, autant de motifs d’inquiétude pour l’avenir ; puis « il craignait, » a écrit M. de Laveleye, « comme Tocqueville, Quinet, Passy, que nous n’aboutissions en fin de compte au despotisme démocratique, » — autre danger, — et s’adressant à Marcellin Berthelot, il disait : « Verrons-nous enfin de meilleurs jours, et notre vieillesse sera-t-elle comme l’arrière-saison du poète hébreu, qui récolta dans la joie la moisson qu’il avait semée dans les larmes ? Vous l’espérez, et puissiez-vous avoir raison ! Tant de fautes ont été commises, qu’il en est beaucoup qu’on ne peut plus commettre [36] ! »


IV

Cependant, rue Bonaparte, à la Revue, la vie se poursuivait dans ces temps de siège, pleine d’angoisse : triste fin d’année ! Dès octobre on attendait le bombardement, de jour en jour ; des affiches et les journaux prescrivaient aux Parisiens de prendre des mesures contre les obus, « de garder chez eux des tonneaux remplis d’eau, de dépaver les cours, de descendre aux caves tout approvisionnement de charbon, bois, houille, de tenir les puits en bon état de fonctionnement, etc. » Mais l’ennemi comptant sur les soulèvemens populaires, et son grand auxiliaire, la faim, attendait.

L’échec du Bourget à la fin d’octobre venait frapper les Parisiens après la terrible nouvelle de la reddition de Metz... La reddition de Metz amena la journée du 31 octobre, car « toutes les précautions prises pour contenir les révoltes des exaltés furent inutiles... » et pourtant, ces mêmes Parisiens exaltés espérèrent de nouveau en apprenant qu’Aurelle de Paladines était victorieux quelques jours après à Coulmiers, et qu’Orléans était repris. Mais bientôt ce furent d’autres désastres : Beaune-la-Rolande, et la seconde journée de Champigny, si cruelle pour les assiégés qui en attendaient presque la délivrance. Il vint un jour où ils apprirent la dislocation de la première armée de la Loire ; glorieuse armée de la Loire, sans cesse défaite et toujours renaissante, n’a-t-elle pas donné la mesure du courage et de l’esprit français ?

A Paris comme partout, cette année-là, le froid fut terrible. En novembre le bois commença de manquer. F. Buloz, alors, emporta les bûches destinées à chauffer son appartement, pour en bourrer le poêle de l’imprimerie. Le 28 décembre, l’ennemi bombarda le plateau d’Avron ; Paris, le 5 janvier, reçut son premier obus, et le directeur de la Revue corrigea, a dit Henri Blaze, « les épreuves du numéro jusque sous le canon des Allemands. »

Quant à Mme F. Buloz, sans nouvelles de sa fille ni de sa sœur depuis quatre mois, elle écrivait à Mme Combe le 6 janvier ; elle lui parlait des soucis dont elle était accablée, « soucis cruels. » « Sans nouvelles, et vivant au milieu des angoisses d’un siège, Charles et Edouard faisant le métier de soldat, et enfin ce terrible fléau qui nous frappe, l’ennemi partout, dévorant, dévastant, l’avenir de tous et de tout ébranlé dans ses fondemens les plus profonds ; malgré cela cependant, l’espérance ne nous abandonne pas, chacun se dit : C’est l’heure, la Providence va faire quelque chose pour Paris, tenons-nous ferme, donnons un grand exemple, soyons toujours la tête, ne nous laissons ni affaiblir, ni entamer... Oui, certes, la misère est grande, mais jamais la charité n’a été plus prévoyante, tout le monde donne sans compter, on habille, on nourrit, on visite tous les pauvres, on soigne les malades ; les cantines pour les bien portans, les ambulances pour les blessés, se rencontrent à chaque pas. Cette ville est admirable d’élan patriotique et charitable.

« Je crains que l’annonce de ce bombardement ne te trouble pour notre sûreté ; il ne faut pas t’en effrayer, les projectiles ne peuvent arriver jusqu’ici que par accident. Nos forts ne sont pas seulement ébréchés par cet pluie de fer qu’on leur envoie. Aujourd’hui on tire moins qu’hier, mais c’est un vacarme. »

Chaque matin, Mme Buloz, à l’ambulance de l’Ecole des Beaux-Arts, assistait à la visite du chirurgien, voyait les pansemens, se rendait utile, était infatigable. « L’ennemi nous croit en famine, écrit-elle, ce n’est pas vrai, nous avons de quoi vivre pour deux mois encore. Nos cartes de boucheries sont marquées jusqu’au 15 mars, » et puis elle donne ce détail : « On tue les éléphans parce qu’ils dévorent trop de fourrage, on vend leur chair 25 francs la livre. »

Quoi que Mme Buloz en ait dit, les obus tombaient de préférence sur la rive gauche, qui fut fort éprouvée. J’ai vu longtemps chez elle, enfermé pieusement dans un charmant secrétaire en bois de rose, deux souvenirs du siège de 70-71, deux objets aussi durs, aussi noirs l’un que l’autre. C’étaient un fragment d’obus tombé dans la cour de la rue Bonaparte, et 300 grammes de pain noir, ration d’une journée de Siège...

Malgré son courage, Paris s’épuisait. A la fin de décembre et jusqu’au 8 janvier, il fut privé de nouvelles. Mais le moral était encore bon. On trouvait moyen de plaisanter ; on raillait le bombardement qui n’excitait pas de crainte, mais une vive curiosité. Parfois cependant, on s’indignait quand ces obus « inoffensifs » faisaient des victimes enfantines, comme à Saint-Nicolas, ou tombaient sur des blessés, comme au Val-de-Grâce. Le 8 janvier, les pigeons, que le froid terrible avait arrêtés, arrivèrent. On apprit la bataille de Bapaume, et, encore une fois, on se reprit à espérer.

Enfin, ce furent les luttes suprêmes de Chanzy, la retraite de Bourbaki ; à Paris, Buzenval, et les morts, les morts nombreux que chaque jour faisait la misère. « On ne voyait que corbillards qui s’acheminaient seuls vers le cimetière. » A la fin de janvier, tout est fini.

Au moment de la capitulation, à la Revue, « on avait atteint l’extrême limite des ressources, il ne restait plus rien, ni papier, ni moyen d’alimenter d’imprimerie. »

François Buloz écrivait à George Sand le 3 février :

« Dans quel abîme sommes-nous tombés, mon cher George ! et comment notre pauvre pays se relèvera-t-il de là ? Espérons cependant que l’énergie, le travail, et le malheur nous retremperont. Nous avons supporté un blocus, un bombardement très douloureux, et pour moi personnellement, j’ai souffert tout ce qu’on peut souffrir pour faire la Revue, me couchant chaque jour à une heure et deux heures du matin, et toujours travaillant avec Charles, quand il n’était pas de service. Ces cinq mois, et nous ne sommes pas au bout, comptent double et triple dans ma vie. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour réveiller, pour exciter le patriotisme... Dire qu’une chose pareille n’a pas fait surgir un homme pour prendre la direction du mouvement, qui, après tout, était vraiment beau ! La France, notre pauvre France, n’aurait-elle plus de ces hommes dévoués et grands, qui s’oublient eux-mêmes pour ne plus voir que leur pays aux abois ?

« C’est là ce qui m’attriste et m’inquiète. Espérons cependant encore que la terrible crise, qui va suivre celle de nos désastres, produira quelques hommes nouveaux pour refaire la France, et reprendre vigoureusement l’œuvre de salut.

« Je vous écris aujourd’hui cette lettre que je prie mon gendre de mettre à la poste à Châteauroux, car celle de Paris ne va pas encore, et Pailleron, allant rejoindre sa femme à la Rochelle, est une voie plus sûre que la poste allemande, qui nous inflige l’humiliation de ne recevoir nos lettres que décachetées.

« J’ai eu de vos nouvelles par M. Plauchut et vous avez bien fait de rester à Nohant, car vous auriez été dans la nécessité de déménager pour éviter les obus, comme nous avons été sur le point de le faire [37].

« Ma foi ! nous avons bravement persisté, ma femme et moi ; mais dans notre maison, beaucoup se sont éloignés. Maintenant, à part les obus, la situation n’est guère plus facile pour la Revue, qu’il faut cependant continuer pour ne pas rendre les armes aussi aux Prussiens, car la moitié de nos collaborateurs sont loin de Paris, et si vous le pouviez, si la tristesse des temps ne vous a pas fait tomber la plume des mains, venez le plus tôt possible à notre secours...

« Vous verrez, quand je pourrai vous envoyer ces cinq mois de siège (car cela ne m’est pas permis encore), que nous avons combattu autant que nous le pouvions. Mais cela n’a servi de rien. Hélas !

« Si j’étais moins vieux, c’est maintenant que la Revue aurait une belle et utile campagne à faire pour tout reformer dans ce cher pays, si mal conduit, et si énervé aussi. Je l’essaierai si les jeunes esprits, môles à de pures intelligences, veulent mettre leurs forces à cette œuvre nouvelle, qui pourrait faire une nouvelle France, si on s’y mettait de tous côtés [38]. »

George Sand répondit aux sollicitations de son directeur en lui envoyant le Journal d’un voyageur pendant la guerre, livre précieux et émouvant toujours ; de telles œuvres, d’ailleurs, ne se démodent pas, elles ressemblent à ces beaux rosiers vigoureux et vermeils qui fleurissent en toute saison.

Les angoisses du siège avaient été cruelles et sanglantes, celles qui suivirent furent terribles au cœur de tous les vrais Français. A la fin de février, avant la signature de la paix, Mme Buloz écrivait à son amie : « Nous attendons la paix, quelle paix, chère amie ! Ils salissent jusqu’à ce nom ! C’est l’égarement de notre pays qu’il faut dire ; et Mme Buloz trouvait « Paris, à ces heures d’attente, plus triste qu’aux plus cruels jours de la défense. — Alors « les rues étaient vides, on entendait le canon, et parfois un obus venait s’écraser à notre porte, mais on avait le sentiment de l’action. A cette heure, tout est mort, espoir et défense... de grandes bandes de soldats désarmés, inoccupés, se traînent le long des quais et des boulevards, ne sachant que faire de leur temps... Comment ne trouve-t-on pas moyen d’employer tous ces bras vigoureux, quand ce ne serait qu’à déblayer les routes, et à faire l’exercice... Cette incurie nous a perdus, et nous perdra encore, je le crains bien [39]. »

Pendant ces heures-là, on négociait : « Ces négociations ont été horribles, jamais vaincus n’ont été ainsi écrasés, humiliés, outragés dans leur impuissance, écrivait Jules Favre... Quand il fallut mettre le sceau à cette exécution, j’ai cru que j’allais mourir...Les Allemands étaient rayonnans, je souffrais tant, que leur joie avait cessé d’être une insulte. » Et encore : « M. Thiers a supporté cette épreuve héroïquement, mais, quand nous sommes remontés en voiture, il a fondu en larmes. Nous sommes venus ainsi jusqu’à Paris, lui pleurant toujours, moi étouffant et foudroyé... J’aurais voulu être au cercueil [40]. » Ces lignes sont du 27 février 1871 : les lire une fois, c’est ne les oublier jamais.

Deux jours après, le 29, Mme F. Buloz écrivait à Nohant encore : « Ma chère amie, les articles de la paix sont arrêtés, vous les trouverez d’une abominable rigueur. Cependant, sans l’intrépide persévérance de M. Thiers à défendre pied à pied chaque lambeau qu’on voulait nous arracher, nous aurions été bien autrement et radicalement dévorés.

« La question de la limitation du contingent a manqué faire rompre la discussion. M. Thiers a menacé de se retirer si aucun des articles permettait une ingérence quelconque dans nos affaires de la part de la Prusse, — 1807 était toujours là à propos, pour soutenir une prétention. Enfin, ma chère amie, buvons ce calice rempli de tant d’amertume...

« Le 1er mars, nous subirons l’ennemi à Paris, cette entrée ; le séjour quelque court qu’il soit, est plein de périls.

« Cette nuit, une partie de cette Garde nationale, celle qui est si peu sortie à l’heure où il fallait sortir, est allée attendre en armes les Prussiens, qu’on disait devoir entrer avant le lever du jour. Un conflit terrible est à craindre. Conflit dont nous aurons à supporter les résultats, qui nous vaudra peut-être le pillage et l’incendie, qui sera peut-être aussi le signal d’une lutte où nous aurons la douleur et la honte de voir les Prussiens assister comme témoins ! Que Dieu veuille éviter de nouvelles misères à ce cher pays, qui en a vu et en a supporté de si grandes déjà ! J’ai pourtant la ferme conviction que, quel que soit notre état de détresse, la France a en elle-même des forces vives pour aider à sa régénération. On peut lui ôter son argent et ses forteresses, elle a son génie national qui est hors d’atteinte. »

………………………….

« J’ai été bien émue, je vous assure, en lisant avec Charles ce Journal d’un voyageur, où, sans emphase, les sentimens les plus élevés sur les choses présentes sont joints aux impressions de grand’mère... Mon mari, qui ne pouvait lire, suivait ma lecture, il a rectifié deux assertions à propos de M. Jules Favre. M. Favre n’a jamais vu le roi Guillaume ; à part cela, qui regarde l’histoire, tout allait à merveille... »

Le 13 mars, Mme Buloz assurait : « Nous aussi, nous acceptons de préférence à tout cette république de tout le monde, et non celle d’un parti violent, impossible, comme vous le démontrez vous-même. M. Thiers le veut aussi bien que les autres dans ces conditions-là...

« Fasse le ciel qu’on le croie, et qu’on apprécie ses efforts. C’est le tort des républicains, qui n’ont ni l’expérience ni la pratique des affaires, de ne se fier qu’à leurs utopies, et vous montrez admirablement où elles nous ont menés. Dites donc, et redites tout ce que vous avez dans le cœur et la conscience, l’immense autorité de votre parole doit avoir un effet bien salutaire sur l’esprit de ceux qui sont attardés.

« Je vous embrasse ainsi que Mme Lina et les belles petites Aurore et Gabrielle.

« C. BULOZ [41]. »

Voici encore une lettre de Mme F. Buloz, datée du 2 mars, et concernant l’entrée des Prussiens à Paris : le coup de grâce pour ces assiégés qui avaient enduré tant de souffrances.

« Le traité est ratifié [42]. Cette armée de voleurs a tenu, au prix d’une forteresse, à venir camper dans Paris, qu’ils n’ont pas pu prendre [43]. Hier matin, trente mille hommes sont entrés. On avait établi un vrai parc à moutons sur la rive droite, des Ternes, jusqu’à la place de la Concorde ; le faubourg Saint-Honoré servait de limite d’un côté, la Seine de l’autre. Ce n’était pas sans grand souci que nous avions vu cette clause acceptée. La population était exaspérée, on voulait tirer sur les troupes, se faire tuer, et nous faire bombarder encore une fois, et de plus près ; amener le sac de la ville, l’incendie et enfin toutes les épouvantes. — Ces furies se sont apaisées, l’attitude a été bonne. Depuis hier, Paris a arrêté sa vie. Les maisons sont closes du haut en bas, les boutiques fermées. Le vide s’est fait aux environs du lieu désigné. La satisfaction puérile que les Bismarck se sont donnée tournera à leur honte. C’est un dernier outrage qu’ils ont voulu nous infliger, ce sera le complément, improductif cette fois, des infamies de cette guerre [44]. »


V

Tout était donc fini. Les amis de F. Buloz, sa femme, le pressèrent, dès que les communications furent à peu près rétablies, d’aller prendre un peu de repos ; il se rendit alors dans sa chère Savoie. Mais à peine y était-il arrivé, qu’il apprit que Paris, bouleversé, hélas ! était en proie à une convulsion nouvelle, le gouvernement à Versailles, des barricades à Montmartre, et, dans l’Hôtel de Ville, un gouvernement improvisé : la Commune.

Le 20, la garde nationale et les soldats de l’armée régulière « lâchent pied et laissent faire ; » le 21, « les barricades se multiplient et le désordre est parfait [45]. »

Lorsqu’il apprit ces événemens, F. Buloz, déjà très éprouvé par les luttes passées, fut profondément et douloureusement atteint ; il voulut revenir, mais ses amis l’en empêchèrent : « Tout allait bien à la Revue, qu’il ne s’inquiétât de rien... » Voici d’ailleurs le télégramme, daté de Versailles, qu’il recevait, le 27 mars, en Savoie :

« Numéro en bonne voie. Sand arrivé. Soignez-vous. Gardez compagnon [46]. Veillons à tout.

Signé : Ch. Buloz, Boissier, duc de Broglie. »


A Versailles, devenue capitale provisoire, autour de Thiers, s’étaient groupés Barthélémy Saint-Hilaire, Saint-Marc Girardin, de Rémusat, Louis Vitet... d’autres encore, et presque tous rédacteurs de la Revue. Une fois de plus, Mme F. Buloz donna la mesure de son dévouement : très courageusement, elle se rendit de Paris à Versailles, à travers les lignes, pour demander leur aide à ces collaborateurs ; elle appelait cela « approvisionner la Revue. » Pendant deux mois que dura la Commune, elle fît le voyage neuf fois, et bien difficilement, car les communications étaient peu sûres, les moyens de locomotion des moyens de fortune, et la voyageuse fut souvent obligée de faire une partie de la route à pied. Aussi, ces fatigues, à la fin de la Commune, l’avaient-elles littéralement épuisée.

A son amie George Sand, elle confie :


« Je mène une rude vie depuis ces événemens exécrables, ma qualité de neutre [47] me permet d’aller chercher à Versailles, où tout rayonne, le ravitaillement nécessaire pour entretenir notre Revue. Je fais le métier de courrier et ce n’est pas sans fatigue et sans péril quelquefois... Mais, chère amie, je suis si lasse, si triste, si accablée de toutes nos misères, que j’accepte de bon cœur tout surcroit qui me tire de mon accablement. Que je voudrais être loin, ma chère amie, sous le premier arbre venu [48] !... »

Dans le procès-verbal de la séance du 31 octobre 1871, que j’ai déjà mentionné, je note ce passage attestant que la Revue, dans ces temps d’épreuve, a pu continuer de paraître... « grâce aussi au concours d’une femme dévouée que le rapport s’abstient de désigner, mais que savent nommer les membres de l’assemblée, qui témoignent le désir que leurs sentimens de gratitude soient exprimés à Mme F. Buloz. »

Pourtant, le rapport ne mentionne pas le fait suivant : craignant un moment que la Revue ne fût visitée par les émeutiers, Mme F. Buloz prit toutes les sommes qui se trouvaient dans la caisse, — environ 200 000 francs, — les cacha dans la doublure de son jupon, et passa ainsi tranquillement à travers les lignes ennemies, et jusqu’à Versailles, où elle put mettre la caisse de la Revue en sûreté.... Thiers apprit par Rémusat cet exploit, dont il se plut à féliciter la vaillante femme.

Pendant ce temps-là, la Commune faisait rage, et prodiguait avec abondance ses décrets : « Thiers et les ministres accusés, leurs biens séquestrés, le budget des cultes supprimé, les biens des corporations religieuses confisqués, » dit Taine, et aussi : « leurs journaux, notamment la Montagne, demandant la guillotine. » On se battait au début d’avril, et le Mont-Valérien bombardait les insurgés ; à F. Buloz qui voulait reprendre sa place rue Bonaparte, Barthélémy Saint-Hilaire télégraphiait le 3 de Versailles :

« On ne peut plus rentrer à Paris, ni surtout en sortir. Hier et aujourd’hui on s’est battu autour du Mont-Valérien, nous avons eu le dessus, mais ce n’est pas fini. »

Le 24, il lui écrivait :

« Monsieur et cher camarade, car nous avons été ensemble à Louis-le-Grand,

« J’ai lu votre lettre à M. Thiers, qui se prêtera à tout ce que vous désirez, et je vais arranger les choses entre lui et M. Saint-Marc et Vitet... Nos affaires vont beaucoup mieux. La Commune se désorganise à Paris, et Versailles se fortifie de jour en jour. J’espère que nos préparatifs touchent à leur terme, et on va agir avec la dernière rigueur très prochainement. Je crois qu’on peut compter sur le succès, et l’on peut même s’attendre à ce qu’il sera acheté sans trop de sang ; cette semaine ne se passera pas sans une solution au moins partielle.

« M. Thiers va très bien, et je vous souhaiterais une santé comme la sienne [49]. »

Mais M. Barthélémy Saint-Hilaire se leurrait ; la lutte fut plus longue qu’il ne l’avait imaginée, — elle devait durer plus d’un mois encore.

« Je pense que la soumission de Paris n’est plus qu’une affaire de temps, écrivait Taine à sa femme, le 9 avril, les troupes sont pleines d’entrain. » Et le 20 : « L’insurrection ne sera pas de sitôt vaincue. »

Cependant, à ces derniers momens, la Commune donnait, par ses manifestations violentes, des signes infaillibles de son impuissance croissante. Déjà, en avril, les Débats étaient, par elle, supprimés, et Mme Buloz s’attendait de jour en jour à voir la Revue subir le même sort.

Elle le subit, en effet. Un article de M. Beaussire sur le Procès entre Paris et la Province, paru le 1er mai 1871, fut le prétexte de cette exécution. L’auteur avait écrit : « Il s’en faut de beaucoup que Paris soit représenté par sa prétendue Commune ; il ne l’est pas davantage par l’armée cosmopolite qui combat pour elle... »

M. Beaussire fut « brusquement emprisonné... » et la Revue reçut un bref avis d’avoir à cesser de paraître, — ceci le 19 mai. Quelques jours après, le 28 mai, la Commune était vaincue. La Revue parut donc le 1er juin, comme d’habitude.

Voici l’arrêt de mort lancé contre elle, au nom du citoyen Le Moussu, glorieux inconnu, qui, s’il n’a pas fait autre chose pendant son règne éphémère, a du moins inspiré l’intéressante pièce qu’on va lire :


COMMUNE DE PARIS
CABINET DU COMMISSAIRE DE POLICE


Paris, le 19 mai 1871.

« Nous, commissaire, délégué au Comité du Salut public, conformément au décret de ce jour, notifions aux imprimeurs et rédacteurs du journal la Revue des Deux Mondes, la suppression de ladite feuille, ainsi que l’article 2 dudit décret, défendant la création de tout nouveau journal.

« Pour le citoyen Le Moussu,
« Le Secrétaire,
« LAUEFER [50]. »

Mme F. Buloz, écrivant à sa sœur, deux jours après la réception de cet avis, n’en paraît pas autrement émue ; elle ne semble émue que de la bataille qui se livre dans Paris. « On se bat d’une façon terrible de Montmartre à la Porte Maillot. Le canon n’arrête ni jour ni nuit. Nous avons bondi, l’autre jour, sous la commotion de Grenelle [51], toutes nos fenêtres se sont ouvertes brusquement. » Et puis : « Tu sais, ma chérie, que la Commune nous a supprimés ? Nous n’avons eu jusqu’à présent aucun ennui [52]. »

Malgré la belle sérénité de Mme F. Buloz, il était temps que le second siège prît fin : tout le monde était à bout. Tels sont les jours cruels qu’a traversés cette Revue. Entourée de soins comme une fille tendrement aimée, sa vie, grâce à eux, ne fut pas interrompue.

Quant à son vieux fondateur, il servit avec elle son pays, car il demeura convaincu que toutes les énergies françaises devaient se consacrer à la grandeur, puis au relèvement de la Patrie. C’est pourquoi, pendant la lutte, il encouragea à la résistance suprême, qu’il considérait comme le suprême rachat, et, après la lutte, il fit entendre obstinément, dans la France dévastée et vaincue, des paroles d’espoir, de concorde et de résurrection.


MARIE-LOUISE PAILLERON.

  1. Louis Buloz, mort à Ronjoux, en juillet 1869, à vingt-sept ans.
  2. Maxime Du Camp : Souvenirs littéraires.
  3. « M. Clément Duvernois demande à interpeller le Cabinet sur les garanties qu’il a stipulées ou qu’il doit stipuler pour éviter le retour des complications successives avec la Prusse. Le Cabinet répondra à l’interpellation le jour qui lui conviendra le mieux. (Silence général.) » — (Compte rendu de la séance de Ia Chambre, 12 juillet 1870.)
  4. Inédite. (Collection S. de Lovenjoul. F. 227. F. Buloz à G. Sand. 1er août 1870.)
  5. « Mais dit l’Impératrice, il y a une dépêche que vous ne connaissez pas… Le maréchal est victorieux à Rezonville. » L’Empire libéral, tome XVI, p.. 276. E. Ollivier.
  6. 16 000 Allemands avaient été blessés ou tués (A. Malet, XIXe siècle)
  7. Collection S. de Lovenjoul. F. Buloz à G. Sand, 17 août 1870, F. 230. Inédite.
  8. On sait que Cherbuliez, dont la famille française originaire du Jura avait émigré au moment de l’Edit de Nantes, avait gardé à la France un attachement profond. Après nos revers, il le lui manifesta de la façon la plus touchante en demandant sa naturalisation.
  9. Il doit être question ici encore de Rezonville : le 16 août, car le 17 les armées se concentraient pour la lutte du lendemain, Gravelotte-Saint-Privat.
  10. Trochu venait d’être nommé gouverneur de Paris, 18 août.
  11. Inédite.
  12. Inédite.
  13. Ce manuscrit, qui était celui de la Revanche de Joseph Noirel, ne put être envoyé à ce moment. Le roman ne parut qu’en 1871, le 15 juillet, etc.
  14. Edouard Pailleron son gendre.
  15. Sa fille, Mme Edouard Pailleron.
  16. Inédite
  17. Collection S. de Lovenjoul : Mme F. Buloz à G. Sand. 5 août 1870. Inédite.
  18. Mme F. Buloz à Mme R. Combe, 10 septembre 1870, inédite.
  19. Pauline Caro.
  20. Collection S. de Lovenjoul : F. Buloz à George Sand, 17 septembre 1870 F. 232. Inédite.
  21. Inédite.
  22. Journal d’un voyageur pendant la guerre, par George Sand.
  23. 28 septembre 1810.
  24. F. Sarcey.
  25. Inédite.
  26. Inédite. Les lettres de F. Buloz à Renan m’ont été communiquées par Mme N. Renan.
  27. Il est intéressant de rapprocher cette lettre de l’article de Fustel de Coulanges paru dans la Revue du 1er septembre 1870, sur le livre de J. Zeller : Origines de l’Allemagne et de l’Empire germanique. Il semble que le directeur l’ait véritablement inspiré. Quoi qu’il en soit, il est à remarquer que Fustel de Coulanges fut à peu près le seul, parmi les intellectuels de son temps, à juger avec clairvoyance la duplicité et les ambitions allemandes.
  28. Inédites.
  29. Les Parisiens connurent donc la circulaire du comte de Bismarck et celle de Jules Favre concernant l’entrevue de Versailles, avant de lire le rapport de M. Thiers rapportant cette entrevue. Celui-ci ne parut dans les Débats que le 1er décembre d’après la publication du Times.
  30. Inédite.
  31. Inédite, 1er décembre 1870.
  32. Le soulèvement du 31 octobre servit de prétexte à ses hésitations apparentes.
  33. F. Buloz était en Savoie au début d’août lorsqu’il écrivit cette lettre à E. Renan.
  34. Les Formes du gouvernement dans la Société moderne, par E. de Laveleye, 1er et 15 août, 1er novembre 1871.
  35. Cet article que la Revue ne publia pas, parce qu’il la mettait « hors de ses voies, » était un fragment détaché de la Réforme intellectuelle concernant la Monarchie constitutionnelle,
  36. E. Renan, Dialogues et fragmens philosophiques.
  37. George Sand à Paris avait un appartement rue Gay-Lussac.
  38. Collection S. de Lovenjoul. — F. Buloz à George Sand, F. 234. Inédite.
  39. Collection S. de Lovenjoul. Mme F. Buloz à George Sand, F. 240. Inédite.
  40. Lettre de Jules Favre à Jules Simon, 27 février 1871.
  41. Collection S. de Lovenjoul. Mme F. Buloz à George Sand, F. 242. Inédite.
  42. Par l’Assemblée Nationale le 1er mars 1871.
  43. « Nous avons arraché Belfort qu’on ne voulait pas nous rendre, mais en revanche on nous impose l’humiliation de l’entrée dans Paris. » (Jules Favre.)
  44. Mme F. Buloz à Mme R. Combe. Inédite.
  45. Taine, Correspondance.
  46. Son secrétaire.
  47. Mme Buloz veut dire que comme femme on lui accordait le laissez-passer nécessaire.
  48. Collection S. de Lovenjoul. —Mme F. Buloz à G. Sand, mars 1871, F. 252.
  49. Inédite.
  50. Cette pièce porte également, à gauche, un timbre circulaire rouge, contenant ces mots : « Commune de Paris. Commissaire des Délégations. Parquet. »
  51. L’explosion de la poudrière, avenue Rapp.
  52. Inédite, 21 mai 1871.