La Revanche du prolétariat/Le Rossignol et la Bergère
LE ROSSIGNOL ET LA BERGÈRE
Victimes que la gloire
Doit coucher au cercueil,
Prolétaires en deuil,
Méditez cette histoire.
I
Au sein du vert feuillage,
Arrêté dans son vol,
Le tendre rossignol
Modulait son ramage.
Au bord d’une fontaine,
Sous les bosquets en fleurs,
Lise versait des pleurs :
Profonde était sa peine.
« Ah ! faut-il que la guerre,
Ce fléau d’ici-bas,
Vint jadis de mes bras
Arracher mon Valère !
Près de cette onde pure,
Au bon temps, chaque jour,
Nous nous parlions d’amour,
Sous l’œil de la Nature.
Combien sous la feuillée
Étaient doux nos transports !
Que de fois sur ces bords
Je m’endormis charmée ! »
L’oiseau dans la charmille,
Seul par son chant divin
Répondait au chagrin
De la sensible fille.
II
Laboureur, bergerette
Croyaient en l’avenir :
Valère dut partir
Au son de la trompette,
Voulant grandir leur taille,
Les empereurs bandits
Souvent jouent leur pays
Au jeu de la mitraille.
Fidèle à son amie,
Méprisant les tyrans,
Il combattit longtemps
Pour ce vain mot : Patrie !
Un jour, la France en larmes
Plia sous les revers :
Pour lui donner des fers,
Son chef vendit ses armes.
Mais pour la République
Et pour l’Humanité,
Paris, noble cité,
Redevint héroïque.
III
Trahi par la Fortune,
Sous le Mont-Valérien,
Valère, en citoyen,
Tomba pour la Commune.
Il respirait encore,
Dans l’ombre et sans secours :
Galiffet le Pandour
L’acheva dès l’aurore.
Et dans son gai langage,
Le doux chantre des bois
Semblait encor parfois
Dire à Lise : « Courage !
« De l’humble prolétaire,
Maudit soit l’égorgeur,
Maudit soit l’Empereur,
Maudite soit la guerre ! »
CONCLUSION
Pour qu’auprès des bergères
Restent les laboureurs,
Chassons les fusilleurs,
Effaçons les frontières[1] !
- ↑ La musique est en vente, au prix de 0 fr. 25, à la Librairie socialiste internationale.