La Religion chrétienne (Catherine Bernard)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 42-47).




CATHERINE BERNARD.

LA RELIGION CHRÉTIENNE.

ODE.


La nuit cesse ; les saints Oracles
Ouvrent leurs plus sombres replis.
Que de jours féconds en miracles !
Que de Mystères éclaircis !
Dans leurs antres sourds, les Sybilles
N’ont plus que des fureurs stériles,
La Guerre a fui dans les Enfers.
Réjouis-toi, Sion captive ;
Le temps promis enfin arrive ;
Ton Dieu naît pour briser tes fers.

De la puissance qu’il déploye,
Voi déjà le fruit précieux.
L’enfer abandonne sa proye.
Les Aveugles ouvrent leurs yeux.

Ses bienfaits sur tous se répandent ;
Avec les Sourds qui les entendent,
Par lui discourent les Muets.
De la Nature Roi suprême,
Il parle : à l’instant la Mort même
Suspend ses homicides traits.

Mais quoi ? malgré tant de miracles,
Les Juifs conspirent son trépas :
Il meurt. Quels horribles spectacles
Font déplorer leurs attentats !
Le Soleil pâlit et s’égare ;
La nuit de l’Univers s’empare ;
Le Ciel perd son éclat serein ;
La Mer s’émeut, s’enfle, écumante,
Et la Terre vomit, tremblante,
Les Morts que recèle son sein.

Victime d’une Ville ingrate.
Tout manifeste ta Grandeur :
Que ta puissance encore éclate ;
Du trépas montre-toi vainqueur.
Triomphe des Juifs infidèles,
De leurs dociles Sentinelles

Je vois ton Sépulchre couvert.
C’en est fait ; tu viens de paroître :
La Mort a reconnu son Maître ;
Et le Tombeau s’est entr’ouvert.

Frémis, Sion ; de ton audace
N’espère pas l’impunité :
Crains la prophétique menace
D’un Dieu justement irrité.
Déjà les Légions Romaines
Bordent tes murailles hautaines ;
Sur toi leurs corps sont réunis.
Ah ! Sion, qu’es-tu devenue ?
De ta puissance disparue
En vain l’on cherche les débris.

Allez, restes d’un Peuple impie ;
Allez errer dans cent climats :
Qu’à jamais votre race expie
Vos sacrilèges attentats.
Votre aveuglement volontaire
A de la divine colère
Attiré sur vous tous les traits :
A des Nations moins traîtresses

Dieu va prodiguer ses largesses
Dont vous ont privé vos forfaits.

Dans quels ténébreux précipices
Les Hommes sont-ils engloutis ?
Hélas ! les plus infâmes vices
Sont ou consacrés, ou permis.
L’Adultère, l’affreux Inceste,
Ont leurs Temples et leurs Autels.
De cette nuit déplorable,
Quelle lumière secourable
Pourra retirer les Mortels ?

Montrez-vous, Enfans du Tonnerre ;
Et tels que le Soleil vainqueur,
Vous chasserez loin de la Terre
Tous les nuages de l’Erreur.
Vous paroissez : le crime expire ;
Déjà tout reconnoît l’Empire
Du seul vrai Dieu, Dieu des Vertus
Les Idoles sont renversées ;
Je les vois tomber fracassées,
Et leurs vains autels abattus....


Mais quelles tempêtes s’élèvent !
Chrétiens, hélas ! je crains pour vous.
Les Enfers irrités soulèvent,
Arment mille tyrans jaloux.
Leur fureur sur vous se déchaîne.
Je frémis : quelle horreur soudaine
Frappe mes esprits égarés ?
Partout la Terre ensanglantée,
Offre à la vue épouvantée
Des membres épars, déchirés.

Cédez, Martyrs. Non, de la rage
Vous rendez l’effort impuissant :
Vous expirez avec courage ;
Vous triomphez en expirant.
De votre sang, source féconde,
Je vois pour le bonheur du Monde,
Sortir un peuple de Chrétiens.
La Croix par tout est arborée ;
Votre mémoire est consacrée
Et vos tyrans sont nos soutiens.

Règne, Religion Chrétienne :
La dignité de ton Auteur,

Ton progrès, ta Morale saine,
Tout nous annonce ta Grandeur.
Seule digne de nos hommages,
Oui, l’Univers dans tous les âges,
Suivra ta sainte et douce Loi.
Sur le penchant de ta ruine,
Tu verras une main divine
S’armer et combattre pour toi.