La Question Anglaise/Appel du Parti communiste français aux Travailleurs anglais

Librairie de l’Humanité (Cahier N°6p. 22-25).

Appel du Parti communiste français
aux Travailleurs anglais




Les travailleurs français suivent avec un grand intérêt les luttes poursuivies et les progrès réalisés par les travailleurs anglais pour l’amélioration de leur sort.

Nous savons que les trade-unions représentent une force ouvrière qui a déjà fait trembler plus d’une fois la bourgeoisie. Nous savons aussi que le jour où ces puissantes trade-unions seront gagnées à la lutte de classe, les jours de la bourgeoisie seront comptés.

Les illusions des ouvriers anglais
sur le Labour Party

Malheureusement, nos camarades anglais, en grosse majorité, font encore confiance aux « travaillistes » du Labour Party.

Quand, il y a dix mois, les « travaillistes », avec Mac Donald à leur tête, furent portés au pouvoir, par le jeu de la constitution parlementaire, nos camarades anglais eurent de grandes illusions, ils fondèrent de grands espoirs et pensèrent — comme les travailleurs français à l’avènement du Bloc des Gauches — que vraiment une « ère nouvelle » commençait.

Ils crurent que le gouvernement travailliste, qui prenait le pouvoir par le moyen parlementaire, allait réaliser le programme socialiste de la IIe Internationale, et accomplir ainsi la Révolution, sans heurt, sans violence et sans dictature.

Mais voilà que le même « jeu du hasard » parlementaire qui avait porté Mac Donald au pouvoir l’en a chassé, et les travailleurs peuvent maintenant dresser le bilan de l’expérience travailliste.

Les mines n’ont pas été nationalisées, le problème du chômage n’a pas été solutionné, le salaire national minimum est resté en suspens. Les grandes grèves ont été sabotées et brisées par les mouchards et la police du gouvernement travailliste.

Résultats de l’expérience travailliste

La politique coloniale d’exploitation et d’oppression a été continuée et renforcée en Egypte, aux Indes, en Afrique, en Mésopotamie, etc… On a refusé le droit d’organisation aux travailleurs des Indes et de l’Egypte.

L’Irlande est encore terrorisée par l’impérialisme anglais et des ouvriers qui ont lutté pour son indépendance, « au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », sont maintenant en prison.

Sous le couvert d’un pacifisme tapageur, la construction de cuirassés, d’avions et de toutes sortes d’engins de guerre a été poursuivie et accentuée.

Le gouvernement travailliste et le plan Dawes

Le gouvernement travailliste s’est associé aux impérialistes américains et français et aux capitalistes allemands pour l’élaboration et l’exécution du plan Dawes de colonisation de l’Allemagne. Ce plan consacre l’asservissement et l’appauvrissement du prolétariat allemand et ses conséquences seront supportées par le prolétariat mondial qui subira le chômage, la vie chère et les longues journées de travail pour de bas salaires.

Le gouvernement travailliste a accordé quelques améliorations superficielles pour mieux masquer sa politique antiouvrière ; en fait, par l’influence neutralisante qu’il exerçait sur le prolétariat, il a servi et soutenu l’impérialisme anglais mieux qu’auraient pu le faire les libéraux et les conservateurs.

L’opposition dans le Labour Party

Pourtant, nous sommes heureux d’enregistrer qu’un grand nombre de travailleurs des trade-unions, et notamment les mineurs, n’ont pas suivi les « travaillistes » dans leurs multiples trahisons. Maigre l’habileté politique de Mac Donald, malgré les affirmations enthousiastes des chefs social-démocrates de la IIe Internationale qui soutiennent le plan Dawes, une opposition s’est formée qui a dénoncé le plan de la haute finance internationale et a décidé de lutter contre son application.

Au récent Congres de Hull, cette importante fraction a clairement manifesté son désir de s’entendre avec les travailleurs des autres pays pour poursuivre la lutte contre le plan Dawes. Elle a acclamé les propositions de front unique faites par la Fédération unitaire des Mineurs et par la Confédération Générale du Travail Unitaire française. Elle a fortement manifesté son désir de voir se reconstituer l’unité syndicale dans tous les pays par un Congrès de fusion des deux Internationales de Moscou et d’Amsterdam.

Au moment où l’impérialisme poursuit dans tous les pays une lutte sans merci contre les travailleurs, ceux-ci doivent s’unir de plus en plus étroitement internationalement, s’ils veulent lutter à armes égales et abattre le capitalisme.

Dans cette offensive du capital, les travailleurs anglais seront les premiers à subir les conséquences du plan Dawes qui, en augmentant la production minière et métallurgique, provoquera un chômage plus grand dans toutes les industries et aggravera encore la misère du prolétariat.

La IIe Internationale au service des Impérialistes

Le capitalisme anglais et international avait besoin d’un agent pour faire accepter son programme.

Ce qui n’aurait pu être présente directement, il l’a fait présenter par les leaders de la IIe Internationale. Par tous les moyens, il lui fallait lutter contre la classe ouvrière, il devait faire accepter le plan Dawes, il avait besoin d’un briseur de grèves, au nom de l’intérêt général, au nom du relèvement économique : il se servit des représentants de gauche de la bourgeoisie, en l’occurrence les chefs du Labour Party.

Le capitalisme anglais avait besoin de faire accepter à la classe ouvrière, sous le couvert de la lutte contre la guerre, la S. D. N. Il a trouvé dans Mac Donald et les dirigeants du Labour Party les meilleurs auxiliaires. La S. D. N., antichambre de la diplomatie capitaliste et des guerres impérialistes, couvre sans protestation les massacres coloniaux et la tentative contre-révolutionnaire de Géorgie. Ainsi, le capitalisme anglais se sert de la IIe Internationale, de l’Internationale d’Amsterdam, de toutes les illusions démocratiques créées par les organisations réformistes pour battre le mouvement ouvrier.

Après cette mauvaise expérience du « gouvernement travailliste-providence », les ouvriers anglais doivent, à côté de l’action parlementaire, mener une action directe de classe au sein des trade-unions. Si le travaillisme a pu si facilement trahir ses engagements, s’il a soutenu les intérêts de la bourgeoisie au lieu de soutenir les intérêts du prolétariat, c’est que la grande masse des ouvriers lui a fait aveuglement confiance et qu’elle a accepté la collaboration des classes.

Les politiciens capitalistes, libéraux et conservateurs, en utilisant les travaillistes et en s’unissant ensuite pour les chasser du pouvoir au moment où Mac Donald devenait inutile et encombrant, ont démontré qu’ils savaient employer les méthodes de lutte de classe. Que cet exemple serve aux travailleurs anglais non seulement pour se débarrasser des politiciens travaillistes au moment où ils trahissent, mais aussi pour mener la lutte contre leurs impérialistes.

La lutte internationale contre le plan Dawes

Au moment où l’impérialisme mondial, sous les auspices de la haute finance, veut imposer à l’Europe son plan d’esclavage du prolétariat, celui-ci doit faire front et se dresser internationalement pour combattre ce plan.

La récente Conférence Internationale de Cologne a invité les travailleurs de tous les pays à s’unir plus étroitement au sein d’une Internationale syndicale unique. Elle a demandé aux travailleurs de France, d’Angleterre, de Belgique, d’Allemagne, etc…, de former immédiatement leur front unique de classe pour défendre les salaires, les huit heures, lutter contre le chômage, la vie chère, etc., conséquences de l’application du plan Dawes.

Nous renouvelons aux travailleurs anglais ces appels au front unique immédiat et à la réalisation rapide de l’unité syndicale internationale.

Tout en applaudissant la manifestation d’unité syndicale qui s’est affirmée au Congrès de Hull, nous demandons aux travailleurs groupés dans les trade-unions de se dresser contre la politique de scission qui est actuellement poursuivie par certains « chefs travaillistes ». Nous leur demandons de faire une pression continue sur leurs militants et sur ceux de l’Internationale d’Amsterdam pour que l’unité syndicale internationale se réalise au plus tôt afin de décupler la force de l’offensive prolétarienne contre la bourgeoisie du monde entier.

La constitution d’un bloc puissant du prolétariat groupé sous le drapeau de la lutte de classe est indispensable pour défendre la Russie des Soviets de plus en plus menacée par l’impérialisme mondial. C’est avec elle que les travailleurs abattront le capitalisme affameur et fauteur de guerres.

Les tâches présentes des ouvriers anglais

En résumé, la tâche présente des ouvriers anglais est d’exiger du Labour Party la rupture complète avec les partis bourgeois. D’une façon claire, ils doivent obliger les dirigeants du Labour Party à montrer quelle politique ils mènent.

Continueront-ils à pratiquer la coalition voilée ou non avec la bourgeoisie ? Continueront-ils la politique impérialiste des Churchill et Curzon dans les colonies et accepteront-ils l’appauvrissement des masses ouvrières au nom de l’intérêt général et de l’application du plan Dawes ? Poseront-ils la question de la nationalisation sans compensation alors que le chômage s’accentue ? Continueront-ils la politique des armements ? Seront-ils les saboteurs du front unique et se refuseront-ils à appliquer le programme minimum de Hull ? Faire cela serait pour les dirigeants du Labour Party faire œuvre anti-ouvrière, accentuerait la pression de l’impérialisme sur la Russie des Soviets et aboutirait finalement à renforcer le capitalisme au détriment du prolétariat, la réaction mondiale au détriment de la Révolution.

Les travailleurs anglais doivent soutenir l’action du Parti communiste dans la bataille qui s’engage ; ils demanderont aux chefs du Labour Party des réponses claires.

La question est posée :

Pour le prolétariat ou pour le capitalisme impérialiste ;

Pour l’action des classes révolutionnaires ou pour les manœuvres occultes et l’action voilée avec la bourgeoisie.

Les travailleurs anglais qui ont été les premiers à défendre la première République des Travailleurs, et qui ont obligé leurs gouvernants à la reconnaître, seront au premier rang, aux côtés des travailleurs des autres pays pour la défendre.

Vive l’union intime des travailleurs de France et d’Angleterre !

Vive le front unique international contre le plan Dawes !

Vive l’unité syndicale internationale au sein d’une Internationale unique !