<La Pucelle d’Orléans

La Pucelle d’Orléans
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 9 (p. 75-92).

CHANT IV


Argument.- Jeanne et Dunois combattent les Anglais. Ce qui leur arrive dans le château d’Hermaphrodix.



Si j’étais roi, je voudrais être juste,
Dans le repos maintenir mes sujets,
Et tous les jours de mon empire auguste
Seraient marqués par de nouveaux bienfaits.
Que si j’étais contrôleur des finances,
Je donnerais à quelques beaux esprits,
Par-ci, par-là, de bonnes ordonnances :
Car, après tout, leur travail vaut son prix.
Que si j’étais archevêque à Paris,
Je tâcherais avec le moliniste
D’apprivoiser le rude janséniste.
Mais si j’aimais une jeune beauté,
Je ne voudrais m’éloigner d’auprès d’elle,
Et chaque jour une fête nouvelle,
Chassant l’ennui de l’uniformité,
Tiendrait son cœur en mes fers arrêté.
Heureux amants, que l’absence est cruelle !
Que de danger on essuie en amour !
On risque, hélas ! dès qu’on quitte sa belle,
D’être cocu deux ou trois fois par jour.



Le preux Chandos à peine avait la joie
De s’ébaudir sur sa nouvelle proie,
Que tout à coup Jeanne de rang en rang
Porte la mort, et fait couler le sang.
De Débora la redoutable lance
Perce Dildo si fatal à la France,
Lui qui pilla les trésors de Clairvaux,
Et viola les sœurs de Fontevraux.

D’un coup nouveau les deux yeux elle crève
A Fonkinar, digne d’aller en Grève.
Cet impudent, né dans les durs climats
De l’Hibernie, au milieu des frimas,
Depuis trois ans faisait l’amour en France,
Comme un enfant de Rome ou de Florence.
Elle terrasse et milord Halifax,
Et son cousin l’impertinent Borax,
Et Midarblou qui renia son père,
Et Bartonay qui fit cocu son frère.
A son exemple on ne voit chevalier,
Il n’est gendarme, il n’est bon écuyer,
Qui dix Anglais n’enfile de sa lance.
La mort les suit, la terreur les devance :
On croyait voir en ce moment affreux
Un dieu puissant qui combat avec eux.



Parmi le bruit de l’horrible tempête,
Frère Lourdis criait à pleine tête :
" Elle est pucelle, Anglais, frémissez tous ;
C’est saint Denys qui l’arme contre vous ;
Elle est pucelle, elle a fait des miracles ;
Contre son bras vous n’avez point d’obstacles ;
Vite à genoux, excréments d’Albion,
Demandez-lui sa bénédiction. "
Le fier Talbot, écumant de colère,
Incontinent fait empoigner le frère ;
On vous le lie, et le moine content,
Sans s’émouvoir, continuait criant :
" Je suis martyr ; Anglais, il faut me croire ;
Elle est pucelle ; elle aura la victoire. "



L’homme est crédule, et dans son faible cœur
Tout est reçu ; c’est une molle argile.
Mais que surtout il paraît bien facile
De nous surprendre et de nous faire peur !
Du bon Lourdis le discours extatique
Fit plus d’effet sur le cœur des soldats
Que l’amazone et sa troupe héroïque
N’en avaient fait par l’effort de leurs bras.
Ce vieil instinct qui fait croire aux prodiges,
L’esprit d’erreur, le trouble, les vertiges,
La froide crainte et les illusions,
On fait tourner la tête des Bretons.

De ces Bretons la nation hardie
Avait alors peu de philosophie ;
Maints chevaliers étaient des esprits lourds :
Les beaux esprits ne sont que de nos jours.



Le preux Chandos, toujours plein d’assurance,
Criait aux siens : " Conquérants de la France,
Marchez à droite. " Il dit, et dans l’instant
On tourne à gauche, et l’on fuit en jurant.
Ainsi jadis dans ces plaines fécondes
Que de l’Euphrate environnent les ondes,
Quand des humains l’orgueil capricieux
Voulut bâtir près des voûtes des cieux[1],
Dieu, ne voulant d’un pareil voisinage,
En cent jargons transmua leur langage.
Sitôt qu’un d’eux à boire demandait,
Plâtre ou mortier d’abord on lui donnait ;
Et cette gent, de qui Dieu se moquait,
Se sépara, laissant là son ouvrage.



On sait bientôt aux remparts d’Orléans
Ce grand combat contre les assiégeants :
La renommée y vole à tire-d’aile,
Et va prônant le nom de la Pucelle.
Vous connaissez l’impétueuse ardeur
De nos Français ; ces fous sont pleins d’honneur :

Ainsi qu’au bal ils vont tous aux batailles.
Déjà Dunois la gloire des bâtards,
Dunois qu’en Grèce on aurait pris pour Mars,
Et La Trimouille, et La Hire, et Saintrailles,
Et Richemont, sont sortis des murailles,
Croyant déjà chasser les ennemis,
Et criant tous : " Où sont-ils ? où sont-ils ? "



Ils n’étaient pas bien loin : car près des portes
Sire Talbot, homme de très-grand sens,
Pour s’opposer à l’ardeur de nos gens,
En embuscade avait mis dix cohortes.



Sire Talbot a depuis plus d’un jour
Juré tout haut par saint George et l’Amour
Qu’il entrerait dans la ville assiégée.
Son âme était vivement partagée :
Du gros Louvet la superbe moitié
Avait pour lui plus que de l’amitié ;
Et ce héros, qu’un noble espoir enflamme,
Veut conquérir et la ville et sa dame.



Nos chevaliers à peine ont fait cent pas,
Que ce Talbot leur tombe sur les bras ;
Mais nos Français ne s’étonnèrent pas.
Champs d’Orléans, noble et petit théâtre
De ce combat terrible, opiniâtre,
Le sang humain dont vous fûtes couverts
Vous engraissa pour plus de cent hivers.
Jamais les champs de Zama, de Pharsale[2],

De Malplaquet la campagne fatale[3],
Célères lieux, couverts de tant de morts
N’ont vu tenter de plus hardis efforts.
Vous eussiez vu les lances hérissées,
L’une sur l’autre en cent tronçons cassées ;
Les écuyers, les chevaux renversés,
Dessus leurs pieds dans l’instant redressés ;
Le feu jaillir des coups de cimeterre,
Et du soleil redoubler la lumière ;
De tous côtés voler, tomber à bas,
Épaules, nez, mentons, pieds, jambes, bras.



Du haut des cieux les anges de la guerre,
Le fier Michel, et l’exterminateur,
Et des Persans le grand flagellateur[4],
Avaient les yeux attachés sur la terre,
Et regardaient ce combat plein d’horreur.



Michel alors prit la vaste balance[5]
Où dans le ciel on pèse les humains ;
D’une main sûre il pesa les destins
Et les héros d’Angleterre et de France.

Nos chevaliers, pesés exactement,
Légers de poids par malheur se trouvèrent :
Du grand Talbot les destins l’emportèrent :
C’était du ciel un secret jugement.
Le Richemont se voit incontinent
Percé d’un trait de la hanche à la fesse ;
Le vieux Saintraille, au dessus du genou ;
Le beau La Hire, ah ! je n’ose dire où ;
Mais que je plains sa gentille maîtresse !
Dans un marais La Trimouille enfoncé
Ne put sortir qu’avec un bras cassé :
Donc à la ville il fallut qu’ils revinssent
Tout éclopés, et qu’au lit ils se tinssent.
Voilà comment ils furent bien punis,
Car ils s’étaient moqués de saint Denys.



Comme il lui plaît, Dieu fait justice ou grâce ;
Quesnel[6] l’a dit, nul ne peut en douter :
Or il lui plut le bâtard excepter
Des étourdis dont il punit l’audace.
Un chacun d’eux, laidement ajusté,
S’en retournait sur un brancard porté,
En maugréant et Jeanne et la fortune.
Dunois, n’ayant égratignure aucune,
Pousse aux Anglais, plus prompt que les éclairs :
Il fend leurs rangs, se fait jour à travers,
Passe, et se trouve aux lieux où la Pucelle
Fait tout tomber, où tout fuit devant elle.
Quand deux torrents, l’effroi des laboureurs,
Précipités du sommet des montagnes,
Mêlent leurs flots, assemblent leurs fureurs,
Ils vont noyer l’espoir de nos campagnes :
Plus dangereux étaient Jeanne et Dunois,
Unis ensemble, et frappant à la fois.



Dans leur ardeur si bien ils s’emportèrent,
Si rudement les Anglais ils chassèrent,
Que de leurs gens bientôt ils s’écartèrent.
La nuit survint ; Jeanne et l’autre héros,
N’entendant plus ni Français ni Chandos,
Font tous deux halte en criant : " Vive France ! "

Au coin d’un bois où régnait le silence.
Au clair de lune ils cherchent le chemin.
Ils viennent, vont, tournent, le tout en vain ;
Enfin rendus, ainsi que leur monture,
Mourants de faim, et lassés de chercher,
Ils maudissaient la fatale aventure
D’avoir vaincu sans savoir où coucher.
Tel un vaisseau sans voile, sans boussole,
Tournoie au gré de Neptune et d’Éole.



Un certain chien, qui passa tout auprès,
Pour les sauver sembla venir exprès ;
Le chien approche, il jappe, il leur fait fête ;
Virant sa queue, et portant haut sa tête,
Devant eux marche ; et se tournant cent fois,
Il paraissait leur dire en son patois :
" Venez par-là, messieurs, suivez-moi vite ;
Venez, vous dis-je, et vous aurez bon gîte. "
Nos deux héros entendirent fort bien,
Par ces façons ce que voulait ce chien ;
Ils suivent donc, guidés par l’espérance,
Et priant Dieu pour le bien de la France,
Et se faisant tous deux de temps en temps
Sur leur exploits, de très-beaux compliments.
Du coin lascif d’une vive prunelle,
Dunois lorgnait malgré lui la Pucelle ;
Mais il savait qu’à son bijou caché
De tout l’État le sort est attaché,
Et qu’à jamais la France est ruinée,
Si cette fleur se cueille avant l’année.
Il étouffait noblement ses désirs,
Et préférait l’État à ses plaisirs.
Et cependant, quand la rouet mal sûre
De l’âne saint faisait clocher l’allure,
Dunois ardent, Dunois officieux
De son bras droit retenait la guerrière,
Et Jeanne d’Arc, en clignotant des yeux
De son bras gauche étendu par derrière
Serrait aussi ce héros vertueux :
Dont il advint, tandis qu’ils chevauchèrent,
Que très-souvent leurs bouches se touchèrent,
Pour se parler tous les deux de plus près
De la patrie et de ses intérêts.

On m’a conté, ma belle Konismare[7],
Que Charles douze, en son humeur bizarre,
Vainqueur des rois et vainqueur de l’amour,
N’osa t’admettre à sa brutale cour :
Charles craignit de te rendre les armes ;
Il se sentit, il évita tes charmes.
Mais tenir Jeanne et ne point y toucher,
Se mettre à table, avoir faim sans manger,
Cette victoire était cent fois plus belle.
Dunois ressemble à Robert d’Arbrisselle[8],
A ce grand saint qui se plus à coucher
Entre les bras de deux nonnes fessues,
A caresser quatre cuisses dodues,
Quatre tetons, et le tout sans pécher.



Au point du jour apparut à leur vue
Un beau palais d’une vaste étendue :
De marbre blanc était bâti le mur ;
Une dorique et longue colonnade
Porte un balcon formé de jaspe pur ;
De porcelaine était la balustrade.
Nos paladins, enchantés, éblouis,
Crurent entrer tout droit en paradis.
Le chien aboie : aussitôt vingt trompettes
Se font entendre, et quarante estafiers,
A pourpoints d’or, à brillantes braguettes,
Viennent s’offrir à nos deux chevaliers.
Très-galamment deux jeunes écuyers
Dans le palais par la main les conduisent ;
Dans des bains d’or filles les introduisent
Honnêtement ; puis lavés, essuyés,
D’un déjeuner amplement festoyés,
Dans de beaux lits brodés ils se couchèrent,

Et jusqu’au soir en héros ils ronflèrent.



Il faut savoir que le maître et seigneur
De ce logis, digne d’un empereur,
Était le fils de l’un de ces génies,
Des vastes cieux habitants éternels,
De qui souvent les grandeurs infinies
S’humanisaient chez les faibles mortels.
Or cet esprit, mêlant sa chair divine
Avec la chair d’une bénédictine,
En avait eu le seigneur Hermaphrodix,
Grand nécromant, et le très-digne fils
De cet incube et de la mère Alix.
Le jour qu’il eut quatorze ans accomplis,
Son géniteur, descendant de sa sphère,
Lui dit : " Enfant, tu me dois la lumière ;
Je viens te voir, tu peux former des vœux ;
Souhaite, parle, et je te rends heureux. "
Hermaphrodix, né très-voluptueux,
Et digne en tout de sa noble origine,
Dit : " Je me sens de race bien divine,
Car je rassemble en moi tous les désirs,
Et je voudrais avoir tous les plaisirs.
De voluptés rassasiez mon âme ;
Je veux aimer comme homme et comme femme,
Être la nuit du sexe féminin,
Et tout le jour du sexe masculin. "
L’incube dit : " Tel sera ton destin ; "
Et dès ce jour la ribaude figure
Jouit des droits de sa double nature :
Ainsi Platon, le confident des dieux[9],
A prétendu que nos premiers aïeux,
D’un pur limon pétri des mains divines
Nés tous parfaits et nommés androgynes,
Également des deux sexes pourvus,
Se suffisaient par leurs propres vertus.



Hermaphrodix était bien au-dessus :
Car se donner du plaisir à soi-même,
Ce n’est pas là le sort le plus divin ;

Il est plus beau d’en donner au prochain,
Et deux à deux est le bonheur suprême.
Ses courtisans disaient que tout à tour
C’était Vénus, c’était le tendre Amour :
De tous côtés ils luis cherchaient des filles,
Des bacheliers ou des veuves gentilles.



Hermaphrodix avait oublié net
De demander un don plus nécessaire,
Un don sans quoi nul plaisir n’est parfait,
Un don charmant ; eh quoi ? celui de plaire.
Dieu, pour punir cet effréné paillard,
Le fit plus laid que Samuel Bernard ;
Jamais ses yeux ne firent de conquêtes ;
C’est vainement qu’il prodiguait les fêtes,
Les longs repas, les danses, les concerts ;
Quelquefois même il composait des vers.
Mais quand un jour il tenait une belle,
Et quand la nuit sa vanité femelle
Se soumettait à quelque audacieux,
Le ciel alors trahissait tous ses vœux ;
Il recevait pour toutes embrassades,
Mépris, dégoûts, injures, rebuffades :
Le juste ciel lui faisait bien sentir
Que les grandeurs ne sont pas du plaisir.
" Quoi ! disait-il, la moindre chambrière
Tient son galant étendu sur son sein ;
Un lieutenant trouve une conseillère ;
Dans un moutier un moine a sa nonnain :
Et moi, génie, et riche, et souverain,
Je suis le seul dans la machine ronde
Privé d’un bien dont jouit tout le monde ! "
Lors il jura, par les quatre éléments,
Qu’il punirait les garçons et les belles
Qui n’auraient pas pour lui des sentiments,
Et qu’il ferait des exemples sanglants
Des cœurs ingrats, et surtout des cruelles.



Il recevait en roi les survenants ;
Et de Saba la reine basanée[10],

Et Thalestris dans la Perse amenée,
Avaient reçu des moins riches présents
Des deux grands rois qui brûlèrent pour elles,
Qu’il n’en faisait aux chevaliers errants,
Aux bacheliers, aux gentes demoiselles.
Mais si quelqu’un d’un esprit trop rétif
Manquait pour lui d’un peu de complaisance,
S’il lui faisait la moindre résistance,
Il était sûr d’être empalé tout vif.



Le soir venu, monseigneur étant femme,
Quatre huissiers de la part de madame,
Viennent prier notre aimable bâtard
De vouloir bien descendre sur le tard
Dans l’entre-sol, tandis qu’en compagnie
Jeanne soupait avec cérémonie.
Le beau Dunois tout parfumé descend
Au cabinet où le souper l’attend.
Tel que jadis la sœur de Ptolémée[11],
De tout plaisir noblement affamée,
Sut en donner à ces Romains fameux,
A ces héros fiers et voluptueux,
Au grand César, au brave ivrogne Antoine ;
Tel que moi-même en ai fait chez un moine,
Vainqueur heureux de ses pesants rivaux,
Quand on l’élut roi tondu de Clairvaux ;
Ou tel encore, aux voûtes éternelles,
Si l’on en croit frère Orphée et Nason,
Et frère Homère, Hésiode, Platon,
Le dieu des dieux, patron des infidèles,
Loin de Junon soupe avec Sémélé,
Avec Isis, Europe, ou Danaé ;
Les plats sont mis sur la table divine
Des belles mains de la tendre Euphrosine,
Et de Thalie, et de la jeune Églé,
Qui, comme on sait, sont là-haut les trois Grâces,
Dont nos pédants suivent si peu les traces ;
Le doux nectar est servi par Hébé,
Et par l’enfant du fondateur du Troie[12],
Qui dans Ida par un aigle enlevé

De son seigneur en secret fait la joie :
Ainsi soupa madame Hermaphrodix
Avec Dunois, juste entre neuf et dix.



Madame avait prodigué la parure :
Les diamants surchargeaient sa coiffure ;
Son gros cou jaune, et ses deux bras carrés,
Sont de rubis, de perles entourés ;
Elle en était encor plus effroyable.
Elle le presse au sortir de la table :
Dunois trembla pour la première fois.
Des chevaliers c’était le plus courtois :
Il eût voulu de quelque politesse
Payer au moins les soins de son hôtesse ;
Et du tendron contemplant la laideur,
Il se disait : " J’en aurai plus d’honneur[13]. "
Il n’en eut point : le plus brillant courage
Peut quelquefois essuyer cet outrage.
Hermaphrodix, en son affliction,
Eut pour Dunois quelque compassion ;
Car en secret son âme était flattée
De grands efforts du triste champion.
Sa probité, sa bonne intention
Fut cette fois pour le fait réputée.
" Demain, dit-elle, on pourra vous offrir
Votre revanche. Allez, faites en sorte
Que votre amour sur vos respects l’emporte,
Et soyez prêt, seigneur, à mieux servir. "



Déjà du jour la belle avant-courrière
De l’orient entr’ouvrait la barrière :
Or vous savez que cet instant préfix
En cavalier changeait Hermaphrodix.
Alors brûlant d’une flamme nouvelle

Il s’en va droit au lit de la Pucelle,
Les rideaux tire, et lui fourrant au sein
Sans compliment son impudente main,
Et lui donnant un baiser immodeste,
Attente en maître à sa pudeur céleste :
Plus il s’agite, et plus il devint laid.
Jeanne, qu’anime une chrétienne rage,
D’un bras nerveux lui détache un soufflet
A poing fermé sur son vilain visage.
Ainsi j’ai vu, dans mes fertiles champs,
Sur un pré vert, une de mes cavales,
Au poil de tigre, aux taches inégales,
Aux pieds légers, aux jarrets bondissants,
Réprimander d’une fière ruade

Un bourriquet de sa croupe amoureux,
Qui dans sa lourde et grossière embrassade
Dressait l’oreille, et se croyait heureux.
Jeanne en cela fit sans doute une faute ;
Elle devait des égards à son hôte.
De la pudeur je prends les intérêts ;
Cette vertu n’est point chez moi bannie :
Mais quand un prince, et surtout un génie,
De vous baiser a quelque douce envie,
Il ne faut pas lui donner des soufflets.
Le fils d’Alix, quoiqu’il fût des plus laids,
N’avait point vu de femme assez hardie
Pour l’oser battre en son propre palais.

Il crie, on vient ; ses pages, ses valets,
Gardes, lutins, à ses ordres sont prêts :
L’un d’eux lui dit que la fière Pucelle
Envers Dunois n’était pas si cruelle.
O calomnie ! affreux poison des cours,
Discours malins, faux rapports, médisance,
Serpents maudits, sifflerez-vous toujours
Chez les amants comme à la cour de France ?



Notre tyran, doublement outragé,
Sans nul délai voulut être vengé.
Il prononça la sentence fatale :
" Allez, dit-il, amis, qu’on les empale. "
On obéit ; on fit incontinent
Tous les apprêts de ce grand châtiment.
Jeanne et Dunois, l’honneur de la patrie,

S’en vont mourir au printemps de leur vie.
Le beau bâtard est garrotté tout nu,
Pour être assis sur un bâton pointu.
Au même instant, une troupe profane
Mène au poteau la belle et fière Jeanne ;
Et ses soufflets, ainsi que ses appas,
Seront punis par un affreux trépas.
De sa chemise aussitôt dépouillée,
De coups de fouet en passant flagellée,
Elle est livrée aux cruels empaleurs.
Le beau Dunois, soumis à leurs fureurs,
N’attendant plus que son heure dernière,
Faisait à Dieu sa dévote prière ;
Mais une œillade impérieuse et fière
De temps en temps étonnait les bourreaux,
Et ses regards disaient : " C’est un héros. "
Mais quand Dunois eut vu son héroïne,
Des fleurs de lis vengeresse divine,
Prête à subir cette effroyable mort,
Il déplora l’inconstance du sort :
De la Pucelle il parcourait les charmes ;
Et regardant les funestes apprêts
De ce trépas, il répandit des larmes,
Que pour lui-même il ne versa jamais.



Non moins superbe et non moins charitable,
Jeanne, aux frayeurs toujours impénétrable,
Languissamment le beau bâtard lorgnait,
Et pour lui seul son grand cœur gémissait.
Leur nudité, leur beauté, leur jeunesse,
En dépit d’eux réveillaient leur tendresse.
Ce feu si doux, si discret, et si beau,
Ne s’échappait qu’au bord de leur tombeau ;
Et cependant l’animal amphibie,
A son dépit joignant la jalousie,
Faisait aux siens l’effroyable signal
Qu’on empalât le couple déloyal.



Dans ce moment, une voix de tonnerre,
Qui fit trembler et les airs et la terre,
Crie : " Arrêtez, gardez-vous d’empaler,
N’empalez pas. " Ces mots font reculer
Les fiers licteurs. On regarde, on avise
Sous le portail un grand homme d’Église,

Coiffé d’un froc, les reins ceints d’un cordon :
On reconnut le père Grisbourdon.
Ainsi qu’un chien dans la forêt voisine,
Ayant senti d’une adroite narine
Le doux fumet, et tous ces petits corps
Sortant au loin de quelque cerf dix-corps,
Il le poursuit d’une course légère,
Et sans le voir, par l’odorat mené,
Franchit fossés, se glisse en la bruyère,
Par d’autres cerfs il n’est point détourné :
Ainsi le fils de saint François d’Assise,
Porté toujours par son lourd muletier,
De la Pucelle a suivi le sentier,
Courant sans cesse, et ne lâchant point prise.



En arrivant, il cria : " Fils d’Alix,
Au nom du diable, et par les eaux du Styx,
Par le démon, qui fut ton digne père,
Par le psautier de sœur Alix ta mère,
Sauve le jour à l’objet de mes vœux ;
Regarde-moi, je viens payer pour deux.
Si ce guerrier et si cette pucelle
Ont mérité ton indignation,
Je tiendrai lieu de ce couple rebelle ;
Tu sais quelle est ma réputation.
Tu vois de plus cet animal insigne,
Ce mien mulet, de me porter si digne ;
Je t’en fais don, c’est pour toi qu’il est fait ;
Et tu diras : " Tel moine, tel mulet. "
Laissons aller ce gendarme profane ;
Qu’on le délie, et qu’on nous laisse Jeanne ;
Nous demandons tous deux pour digne prix
Cette beauté dont nos cœurs sont épris. "



Jeanne écoutait cet horrible langage
En frémissant : sa foi, son pucelage,
Ses sentiments d’amour et de grandeur,
Plus que la vie étaient chers à son cœur.
La grâce encor, du ciel ce don suprême,
Dans son esprit combattait Dunois même.
Elle pleurait, elle implorait les cieux,
Et, rougissant d’être ainsi toute nue,
De temps en temps fermant ses tristes yeux,
Ne voyant point, croyait n’être point vue.

Le bon Dunois était désespéré ;
" Quoi ! disait-il, ce pendard décloîtré
Aura ma Jeanne, et perdra ma patrie !
Tout va céder à ce sorcier impie !
Tandis que moi, discret jusqu’à ce jour,
Modestement, je cachais mon amour ! "



Et cependant l’offre honnête et polie
De Grisbourdon fit un très-bon effet
Sur les cinq sens, sur l’âme du génie.
Il s’adoucit, il parut satisfait.
" Ce soir, dit-il, vous et votre mulet
Tenez-vous prêts : je cède, je pardonne
A ces Français ; je vous les abandonne. "



Le moine gris possédait le bâton
Du bon Jacob[14], l’anneau de Salomon,
Sa clavicule, et la verge enchantée
Des conseillers-sorciers de Pharaon,
Et le balais sur qui parut montée
Du preux Saül la sorcière édentée,
Quand dans Endor à ce prince imprudent
Elle fit voir l’âme d’un revenant.
Le cordelier en savait tout autant ;
Il fit un cercle, et prit de la poussière,
Que sur la bête il jeta par derrière,
En lui disant ces mots toujours puissants
Que Zoroastre enseignait aux Persans[15].
A ces grands mots dits en langue du diable,
O grand pouvoir ! ô merveille ineffable !
Notre mulet sur deux pieds se dressa,
Sa tête oblongue en ronde se changea,
Ses longs crins noirs petits cheveux devinrent,
Sous son bonnet ses oreilles se tinrent.
Ainsi jadis ce sublime empereur[16]

Dont Dieu punit le cœur dur et superbe,
Devenu bœuf, et sept ans nourri d’herbe,
Redevint homme, et n’en fut pas meilleur.



Du cintre bleu de la céleste sphère,
Denys voyait avec des yeux de père
De Jeanne d’Arc le déplorable cas ;
Il eût voulu s’élancer ici-bas,
Mais il était lui-même en embarras.
Denys s’était attiré sur les bras
Par son voyage une fâcheuse affaire.
Saint George était le patron d’Angleterre[17] ;
Il se plaignit que monsieur saint Denys,
Sans aucun ordre et sans aucun avis,
A ses Bretons eût fait ainsi la guerre.

George et Denys, de propos en propos,
Piqués au vif, en vinrent aux gros mots.
Les saints anglais ont dans leur caractère
Je ne sais quoi de dur et d’insulaire :
On tient toujours un peu de son pays.
En vain notre âme est dans le paradis ;
Tout n’est pas pur, et l’accent de province
Ne se perd point, même à la cour du prince.



Mais il est temps, lecteur, de m’arrêter ;
Il faut fournir une longue carrière ;
J’ai peu d’haleine, et je dois vous conter
L’événement de tout ce grand mystère ;
Dire comment ce nœud se débrouilla,
Ce que fit Jeanne, et ce qui se passa
Dans les enfers, au ciel, et sur la terre.

  1. La tour de Babel fut élevée, comme on sait, cent vingt ans après le déluge universel. Flavius—Josèphe croit qu'elle fut initie par Nemrod ou Nembrod; le judicieux dom Galmet a donné le prof‍il de cette tour élevée jusqu‘à onze étages, et il a orné son Dictionnaire de tailles douces dans ce goût, d’après les monuments; le livre du savant Juif Jaleus donne à la tour de Bubel vingt—sept mille pas de hauteur, ce qui est bien vraisemblable: plusieurs voyageurs ont vu les restes de, cette tour.

    Le saint patriarche Alexandre Eutychius assure, dans ses Annales, que soixante et douze hommes bâtiment cette tour. Ce fut, comme on le sait, l'époque de la confusion des langues : le fameux Becan prouve admirablement que la langue f‍lamande fut celle qui retint le plus de l’hebraique. (Note de Voltaire, 1762.) — Dans l'article BABEL du Dictionnaire philosophique, section première, Voltaire cite Paul Lucas, qu'il se borne à désigner ici, connue ayant vu les restes de la tour. La Biographie universelle convient que le nom de ce voyageur est devenu à peu près synonyme de menteur.

    Eutychius fut éleevé, en 933, à la dignité de patriarche d‘Alexandrie, et c'est peut-être la consonnance du nom de cette ville avec celui d'Alexandre qui a induit Voltaire à donner à ce patriarche le prénom d’Alexandre.

    Jean Bécan, dans ses Indo-Scythica, qui font partie des Origines Antwerpianœ (Anvers, 1569, in—folio), prétend que la langue f‍lamande était celle que parlait Adam. (R.)
  2. Remarquez qu‘à la bataille de Zama, entre Publius Scipion et Annibal, il y avait des Français qui servaient dans l’armée carthaginoise, selon Polybe. Ce Polybe, contemporain et ami de Scipion. dit que le nombre était égal de part et d’autre; le chevalier de Folard n’en convient pas : il prétend que Scipion attaqua en colonnes. Cependant il parait que la chose n'est pas possible, puisque Polybe dit: que les troupes combattaient toutes de main à main : c'est sur quoi nous nous en rapportons aux doctes. (Note de Voltaire. 1762.) — Voyez Polybe. liv. XV, chap. i. Dans les Observations sur la bataille de Zuma, Folard dit effectivement que Polybe se trompe sur le nombre. (R.)

    Nota bene qu'à Pharsale Pompée avait cinquante-cinq mille hommes, et César vingt—deux mille. Le carnage fut grand : les vingt-deux mille césariens, après un combat opiniâtre, vainquirent les cinquante-cinq mille pompéiens. Cette bataille décida du sort de la république, et mit sous la puissance du mignon de Nicomède la Grèce, l‘Asie Mineure, l‘Italie, les Gaules, l‘Espagne, etc., etc.

    Cette bataille eut plus de suites que le petit combat de Jeanne; mais enf‍in c‘est Jeanne, c’est notre Pucelle : sachons gré à notre cher compatriote d'avoir comparé les exploits de cette chère fille à ceux de César. qui n'ai-ait pas son pucelage. Les révérends pères jésuites n‘ont—ils pas comparé saint Ignace à César, et saint François-Xavier à Alexandre? Ils leur ressemblaient comme les Vingt—quatre vieillards de Pascal ressemblent aux vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse. On compare tous les jours le premier roi venu à César; pardonnons donc an grave chantre du notre héroïne d‘avoir comparé un petit choc de bibus aux batailles de Zama et de Pharsale. (Suite de la note de Voltaire, 1762.) — Voltaire s’est égayé aux dépens du P. Bouhours sur ses comparaisons d'Ignace et de François-Xavier à César et Alexandre dans le Catalogue des écrivains français qui précède le Siècle de Louis XIV. La comparaison des vingt-quatre jésuites aux vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse est due au révérend père Escobar, de la Société de Jésus. Voyez Pascal, Lettres provinciales, cinquième lettre, Du jeûne. (R.)
  3. Il y eut à cette bataille vingt-huit mille sept cents hommes couchés, non pas sur le carreau, comme le dit un historien, mais dans la boue et dans le sang; ils furent comptés par le marquis de Crèvecœur, aide de camp du maréchal de Villars, chargé de fnlre enterrer les morts. Voyez le Siècle de Louis XIV [chap. xxi.] année 1709. (Note de Voltaire, 1762.)
  4. Apparemment que notre profond auteur donne le nom de Persans aux soldats de Sennacherib, qui étaient Assyriens, parce que les Persans furent longtemps
    dominateurs en Assyrie; mais il est constant que l’ange du Seigneur tua tout seul cent quatre-vingt-cinq mille soldats de l'armée de Sennacherib, qui avait l’insolence de marcher contre Jérusalem; et quand Sennacherib vit tous ces corps morts, il s'en retourna. Ceci arriva l’an du monde 3293, comme on dit; cependant plusieurs doctes prétendent que cette aventure toute simple est de l'an 3295: nous la croyons de 3296, comme nous le prouverons ci—dessous. (Id., 1762.)
  5. Cet endroit parait imité d’Homère. Milton fait peser les destins des hommes dans le signe de la balance.(Id., 1762.) — Homère, Iliade, VIII, 69-72; Milton, Paradise last, IV, 996-1004.
  6. Allusion aux sentiments répandus dans les livres de Quesnel, prêtre de l’Oratoire. (Note de Voltaire, 1762.)
  7. Aurore Konismare, maîtresse du rni de Pologue Auguste 1er, et mère du célèbre comte de Saxe. (Note de Voltaire, 1773.) — Voltaire a, dans son Histoire
    de Charles XII, liv. II, donné, les plus grands éloges à la mère, du maréchal de Saxe. Il cite d’elle quelques vers français qui prouvent que son esprit égalait sa beauté. Sou nom est Koenigsmark. (R.)
  8. Robert d‘Arbrissel, fondateur du bel ordre de Fontevrauld : il convertit, en 1100, d'un coup de f‍ilet, par un seul sermon, toutes les filles de joie de la ville du Rouen. Il s‘imposa un nouveau genre de martyre : ce fut de coucher toutes les nuits entre deux jeunes religieuses pour tromper le diable, qui apparemment le lui rendit bien. Il n’aimait pas la loi salique, car il fit une femme abbé général des moines et moinesses de son ordre. (Note de Voltaire, 1773.)
  9. Selon Platon, l'homme fut formé avec les deux sexes. Adam apparut tel à la dévote Bourignon et à son directeur Abbadie. (Note de Voltaire, 1762.) — Voyez la note g de l’article Adam du Dictionnaire historique de Bayle. (R.)
  10. La reine de Saba vint Voir Salomon, dont elle eut un fils qui est certainement la tige des rois d‘Ethiopie, comme cela est prouvé. Ou ne sait pas ce que devint la race d'Alexandre et de Thalestris. (Note de Voltaire, 1762.)
  11. Cléopâtre. (Note de Voltaire, 1762.°
  12. Ganimède. (Id. 1762.)
  13. La position critique du brave Dunois et son intention de sortir avec honneur de ce pas difficile, rappellent, ainsi que l’a remarqué M. Louis du Bois, un tableau du même genre tracé par la même main. Dans le conte, intitulé Ce qui plaît aux dames, Robert, sommé par la vieille fée dont il est devenu l‘époux de remplir le devoir conjugal, s’y résout enf‍in par point d‘honneur :

    Le chevalier, amoureux de la gloire,
    Voulut enfin tenter celle victoire;
    Il obéit, et, se piquant d'honneur,
    N'écoutant plus que sa rare valeur,
    Aidé du ciel, trouvant dans sa jeunesse
    Ce qui tient lieu de beauté, de tendresse,
    Fermant les yeux se mit à son devoir. (R.)
  14. Les charlatans ont le bâton de Jacob; les magiciens, les livres de Salomon intitulés l'Anneau et la Clavicule. Les conseillers du roi, sorciers à la cour de Pharaon, qui firent les mêmes prodiges que Moïse,s'appelaient Janès et (?)ambrès. On ne sait pas le nom de la pythonisse d'Endor qui évoqua l'ombre de Samuel ; mais tout le monde sait ce que c’est qu'une ombre, et que cette femme avait un esprit Python ou de Python. (Note de Voltaire, 1762.)
  15. Zoroastre, dont le nom propre est Zerdust, était un grand magicien, ainsi qu'Albert le Grand, Roger Bacon, et le révérend père Grisbourdon. (Id. 1762)
  16. Nébucadnetzar, Nabuchedonosor, f‍ils de Nabo-Polassar roi des Chaldéens assiégea Jérusalem, la prit, et lit charger de fers Joachim, roi de Juda, qu’il envoya prisonnier à Babylone, l’an du monde 3429. Nébucadnetzar f‍it un songe, et l'oublia; les magiciens, les astrologues ni les sages ne purent le deviner; en conséquence, Arioc, officier de sa maison, eut ordre de les faire mourir : le jeune Daniel devine le songe, et l‘explique; ce songe était une belle statue, etc. A quelque temps de là, Nébueadnetzar f‍it élever un colosse d’or pur, baut de soixante coudées, et large de six; il obligea tout son peuple assemblé d’adurer ce colosse au son du cor, du clairon, de la harpe, de la saquebute, et du psaltérion: et sur le refus qu‘en firent Sidrac, Misac, et Habed-nego, jeunes Hébreux, compagnons de Daniel, le roi les fit jeter dans une fournaise, qu'on chauffa cette fois-là sept fois plus qu'à l‘ordinaire; et ils en sortirent sains et saufs. Nébucadnetzar songes encore: il vit un arbre grand et fort; le sommet touchait les cieux, et les oiseaux habitaient dans ses branches. Un saint alors descendit, et cria : « Coupez l’arbre, et l’ébranchez, etc.» Daniel expliqua encore ce songe; il prédit au roi qu'il serait chassé d‘entre les hommes; que pendant sept ans son habitation serait avec des bêtes, qu’il paitrait l’herbe comme les bœufs, jusqu’à que son poil crut comme celui de l‘aigle, et ses ongles comme ceux des oiseaux; ce qui arriva. Tertullien et saint Augustin disent que Nabucodonosor s‘imagina être bœuf, par l'effet d‘une maladie qu'on nomme lycanthropie. Au bout de sept ans, ce prince recouvra sa raison, et remonta sur le trône : il ne vécut qu‘un an depuis son rétablissement, mais il l'employa si bien que saint Augustin, saint Jérôme, saint Épiphane, Theodoret, etc., cités par Pérérius comptent sur son salut. (Note de Voltaire, 1762.) — Voltaire fait ici, assez malencontreusement, parade de son érudition théologique. Un passage de la Bible de dom Calmet, qu‘il n'a pas lu assez attentivement, l‘a induit en erreur. C’est dom Calmet, et non le jésuite Pérérius, qui cite tous les personnages nommés dans la note de Voltaire. (R.)
  17. Il ne faut pas confondre George, patron d’Angleterre et de l’ordre de la Jarretières avec saint George le moine, tué pour avoir soulevé le peuple contre l‘empereur Zénon. Notre saint George est le Cappadocien, colonel au service de Dioclétien, martyrisé, dit-on, en Perse, dans une ville nommée Diospole. Mais comme les Persans n’avait point de ville de ce nom, on a placé depuis son martyre en Arménie, à Mitylène. Il n’y a pas plus de Mitylène en Arménie que de Diospole en Perse. Mais ce qui est constant, c'est que George était colonel de cavalerie, puisqu’il a encore son cheval en paradis. (Note de Voltaire, 1762.)